Marc 7, 30
Elle rentra à la maison, et elle trouva l’enfant étendue sur le lit : le démon était sorti d’elle.
Elle rentra à la maison, et elle trouva l’enfant étendue sur le lit : le démon était sorti d’elle.
Tyr et Sidon étaient des villes habitées par des Chananéens. Le Seigneur vient donc les trouver, non comme des alliés, mais comme des gens qui n'avaient rien de commun avec les patriarches auxquels les promesses avaient été faites. Aussi en arrivant au milieu d'eux, il fait en sorte que les Tyriens et les Sidoniens ne connussent pas son arrivée: «Et étant entré dans une maison, il voulut que personne ne le sût». En effet, l e temps n'était pas encore venu où il devait habiter ouvertement au milieu des Gentils, et leur apporter la foi, ce temps ne devait arriver qu'après sa mort sur la croix et sa résurrection.
Le Sauveur enseignait à ses disciples, dans sa conduite à l'égard de cette femme, qu'il ouvrait aux païens eux-mêmes la porte du salut. C'est pour cela que l'Évangéliste prend soin de faire connaître le peuple auquel elle appartenait: «C'était une femme païenne syrophénicienne de nation; elle le priait de chasser le démon hors de sa fille», etc.
Ce refus n'est pas un aveu de l'impuissance où il était de répandre ses faveurs sur tous les hommes, mais il craignait qu'en distribuant également ses bienfaits aux Juifs et aux Gentils qui n'avaient entre eux aucun rapport, il n'augmentât la rivalité qui les séparait.
Il voulait encore montrer aux Juifs qu'il ne traitait pas les étrangers comme eux dans la distribution de ses grâces, et rendre plus visible l'incrédulité des Juifs en l'opposant à la foi de cette femme. En effet, elle ne s'offensa pas de la réflexion du Sauveur, mais elle la reçut avec un profond respect: «Elle répondit, et lui dit: Il est vrai, Seigneur, cependant les petits chiens m angent sous la table les miettes des enfants».
C'est par un sentiment de respect qu'elle consent à descendre au rang des chiens, et elle semble dire: Je regarde comme une faveur d'être du nombre des chiens et de manger les restes non d'une table étrangère, mais de la table de mon maître.
Dans le sens allégorique, cette femme païenne qui vient prier le Sauveur pour sa fille; c'est notre mère l'Eglise romaine; sa fille, qui est sous l'empire du démon, ce sont les peuples barbares de l'Occident, dont la foi a fait des brebis, de chiens qu'ils étaient; ce qu'ils désirent pour leur nourriture, c'est non pas les morceaux de pain que la lettre pourrait leur rompre, mais les miettes de l'interprétation spirituelle.
S'il ne l'a pu, et cependant qu'il l'ait voulu, sa volonté a donc été impuissante. Mais il est impossible que la volonté du Sauveur n'ait pas son effet, et il ne peut d'ailleurs vouloir que ce qui doit se faire; il faut donc admettre qu'il a voulu tout ce qui s'est fait. Il faut remarquer que cette action se passa sur les confins de la Gentilité, à laquelle l'Évangile ne devait pas encore être prêché; cependant on ne pouvait, sans être accusé de jalousie, ne pas accueillir ceux qui venaient spontanément pour embrasser la foi. Voilà pourquoi ce ne furent pas les disciples qui firent connaître la venue du Sauveur; mais ceux qui le virent entrer dans la maison et qui répandirent le bruit de son arrivée. Il ne voulait pas que ses disciples le fissent connaître, mais il voulait être recherché, et c'est ce qui eut lieu en effet.
Aussitôt que cette femme connut son arrivée, elle s'empressa de venir le trouver, et certainement elle n'eût pas obtenu cette grâce, si elle ne se fût auparavant soumise par la foi au Dieu des Juifs: «Cette femme, aussitôt qu'elle eut appris», etc.
Il semble qu'il y ait une espèce de contradiction entre saint Marc, qui rapporte que cette femme vint trouver le Seigneur dans la maison pour le prier; et saint Matthieu, dans lequel nous lisons que les disciples disaient à Jésus: «Renvoyez-la, parce qu'elle crie derrière nous» ( Mt 15). Or, saint Matthieu ne veut dire ici qu'une chose: c'est que cette femme suivait le Sauveur en lui adressant ses supplications. Mais comment saint Marc remarque-t-il de son côté que c'était dans la maison? Le voici: Saint Marc rapporte que cette femme entra dans la maison où était Jésus, parce qu'il venait de dire que Jésus s'y trouvait; mais saint Matthieu, en faisant remarquer que le Sauveur ne lui répondit pas un seul mot, nous donne à entendre que Jésus sortit de la maison sans lui avoir répondu, et c'est ainsi qu'on peut lier au récit de saint Marc celui de saint Matthieu, qui ne présente plus l'ombre même de contradiction.
Lorsqu'il fut entré dans cette maison, il défendit à ses disciples de dire à aucun habitant de ce pays inconnu qui il était. Il voulait ainsi leur apprendre, en leur donnant le pouvoir de guérir les malades, à fuir autant qu'ils le pourraient la gloire humaine dans les miracles qu'ils pourraient faire, et cependant à ne point refuser le pieux exercice de leur puissance, lorsqu'il serait justement réclamé par la foi des âmes justes, ou que l'infidélité des méchants les forcerait d'en faire usage. C'est ainsi qu'il fit connaître son arrivée dans ce pays à cette femme et à tous ceux qu'il en avait jugé dignes.
«Jésus lui dit: Laissez d'abord rassasier les enfants». C'est-à-dire: Un jour viendra ou vous aurez part aussi vous-mêmes au salut; mais il faut d'abord rassasier du pain céleste les Juifs qui, par suite du choix ancien que Dieu a fait de leurs pères, sont appelés les enfants de Dieu, et ce n'est qu'ensuite que la nourriture de la vie sera distribuée aux Gentils: «Car il n'est pas bon de prendre le pain des enfants et de le jeter aux chiens», etc.
C'est le langage plein d'humilité et de foi de la mère qui fit sortir le démon du corps de sa fille: exemple qui confirme l'usage de catéchiser et de baptiser les enfants qui dans le baptême sont délivrés de la puissance du démon par la foi et la vie chrétienne de leur s parents dans un âge où ils sont incapables par eux-mêmes de connaître ou de faire le bien ou le mal.
Après les enseignements que Notre-Seigneur vient de donner aux Juifs sur les aliments, la vue de leur incrédulité lui fait franchir les confins des pays idolâtres, et puisqu'ils persévèrent dans leur infidélité, le salut va trouver les Gentils: «Et partant ensuite de là, il s'en alla sur les confins de Tyr et de Sidon».
Ou bien il vient secrètement dans ce pays pour ne point donner lieu aux Juifs de l'accuser d'être entré en relation avec des peuples qu'ils considéraient comme immondes.
Il donne le nom de chiens aux Gentils, que les Juifs regardaient comme coupables de tous les crimes, et le pain dont il parle, ce sont les grâces que le Seigneur a promises aux enfants, c'est-à-dire aux Juifs. Le véritable sens de ces paroles, c'est donc qu'il ne convenait pas de donner d'abord aux Gentils ce qui avait été promis surtout aux Juifs. Notre-Seigneur n'exauce pas aussitôt la prière de cette femme; il diffère de lui accorder la grâce qu'elle sollicite. Il veut ainsi faire éclater la persévérance de sa foi et nous apprendre à ne pas nous décourager quand nous prions, et à persévérer jusqu'à ce que nous soyons exaucés.
C'est-à-dire: Les Juifs possèdent tout entier le pain qui est descendu du ciel et la plénitude de vos grâces; moi, je ne demande que les miettes de ce pain, c'est-à-dire la plus petite partie de vos bienfaits.
Cette réponse pleine de sagesse lui mérite la grâce qu'elle demandait: «Et il lui dit: A cause de cette parole, allez, le démon est sorti de votre fille». Il ne lui dit pas: C'est ma puissance qui vous a sauvée; mais: «A cause de ces paroles (c'est-à-dire pour récompenser votre foi qui vous a inspiré ce langage), allez, le démon est sorti de votre fille».
Cette femme représente encore l'âme de chacun de nous lorsqu'elle vient à pécher; sa fille malade, ce sont les actions coupables, et cette fille est possédée du démon, parce que les actions vicieuses appartiennent au démon. Les pécheurs sont comparés à des chiens couverts de souillures; et c'est ce qui nous rend indignes de recevoir le pain de Dieu et de participer aux mystères si purs de la religion immaculée. Mais si nous reconnaissons humblement que nous méritons d'être comparés à des chiens, et que nous confessions sincèrement nos péchés, alors notre fille, c'est-à-dire nos oeuvres mauvaises seront guéries.
À cause de cette réflexion pleine de foi, d’humilité et de sagesse, Jésus consentit à franchir les
limites qu’il s’était prescrites relativement aux païens, et il accorda aussitôt à la suppliante le miracle qu’elle
implorait de sa Bonté. « Il lui avait montré pendant quelques instants, comme autrefois Joseph à ses frères,
un visage sévère ; mais, comme Joseph, il ne put garder longtemps cet aspect » [346]. Quelle joie dans le
cœur de cette mère affligée, quand elle entendit la promesse du Sauveur : Le démon a quitté ta fille ! Quelle
joie plus grande encore quand elle trouva la malade guérie ! La description de S. Marc, la jeune fille couchée
sur le lit, est toute graphique : la jeune fille qui, auparavant, était sans cesse en proie à des convulsions
produites par l’esprit mauvais, est à présent tranquillement étendue sur son lit, et jouit d’un repos bienfaisant.
— C’était la troisième des guérisons opérées à distance par Notre-Seigneur : les deux autres avaient été
accomplies en faveur du fils d’un intendant royal, Jean 4, 45, et du serviteur d’un centurion, Luc 7, 6. — Le
démon était sorti. Il y a une inversion dans la Recepta, mais les manuscrits B. D. Sin. et les versions copte et
syriaque ont la même leçon que la Vulgate. Ici, la description représente les choses telles que la mère les trouva à son retour ; là, elle suit l’ordre réel des faits. — Voyez, dans les Homélies Clémentines, 2, 19,
diverses légendes relatives à la vie subséquente de la Chananéenne.