Marc 8, 29

Et lui les interrogeait : « Et vous, que dites-vous ? Pour vous, qui suis-je ? » Pierre, prenant la parole, lui dit : « Tu es le Christ. »

Et lui les interrogeait : « Et vous, que dites-vous ? Pour vous, qui suis-je ? » Pierre, prenant la parole, lui dit : « Tu es le Christ. »
Louis-Claude Fillion
Il leur dit, ou mieux peut-être, d’après les manuscrits B, C, L, Δ, et la version copte, « il les interrogeait ». — Mais vous. Il interroge, lui qui sait toutes choses ; mais ne fallait-il pas que ses disciples les plus intimes expriment sur lui de meilleures idées que la foule [381] ? C’est leur sentiment personnel qu’il désire leur entendre formuler maintenant d’une manière explicite. — Pierre, répondant. « Jésus interroge les disciples… Comment donc Pierre est-il la bouche des apôtres ? Ils avaient tous été interpellés, puisque tous avaient été interrogés. Mais c’est lui seul qui a répondu » [382]. Hâtons-nous d’ajouter que cet empressement du prince des Apôtres n’avait alors rien de naturel : il provenait de sa foi, de son amour, et de l’inspiration divine. Cf. Matth. 16, 17. — Vous êtes le Christ. Voilà la glorieuse « confession » de saint Pierre : elle est prompte, précise, vigoureuse. Vous êtes le Christ, le Messie promis à nos pères, ὁ Χριστός, « ille Christus » par excellence. Et pourtant, il y manque quelque chose, du moins dans les rédactions de S. Marc et de S. Luc : ce sont les paroles si importantes par lesquelles le fils de Jona compléta sa profession de foi : le Fils du Dieu vivant. Voyez l’Évangile selon S. Matthieu, Matth. 16, 16. Mais nous avons à signaler ici une omission autrement étonnante de la part de S. Marc. Comment se fait-il que Marc, l’« interpres Petri » (rapporteur des paroles de Pierre), ait totalement passé sous silence la promesse solennelle par laquelle Jésus, répondant à son apôtre, récompensa sa foi en lui conférant la plus haute dignité qui ait jamais existé, en l’établissant Chef visible de l’Église ? Cf. Matth. 16, 18, 19. Cette étrange réserve de notre Évangéliste avait déjà frappé les Pères et les exégètes des premiers siècles. Ils ont aussi trouvé la vraie réponse : « Quand Marc arriva à ce moment historique où Jésus a interrogé ses disciples sur ce que disaient les hommes de lui et sur l’opinion que ses disciples avaient de lui, et quand il ajouta que Pierre avait dit qu’il était le Christ, il ne rapporta pas les paroles que lui avait dites Jésus… Car il n’était pas présent à cet entretien ; et Pierre ne jugea pas équitable de confirmer par son propre témoignage les paroles que Jésus lui avait alors adressées. C’est avec raison que Pierre a considéré devoir taire ce que même Marc a laissé de côté » [383]. « Matthieu rapporte cet épisode avec plus d’exactitude. Car Marc, pour ne pas sembler parler en faveur de son maître Pierre, s’est satisfait d’un exposé succinct, et a omis un compte rendu plus détaillé de l’événement », Victor d’Antioche. Ou encore : « Ce que le Seigneur répondit à la confession de Pierre, et la manière dont il le proclama bienheureux, toutes ces choses sont omises par S. Marc, qui ne voulait point paraître les dire par complaisance pour saint Pierre, son maître » [384]. Les protestants eux-mêmes admettent généralement ces raisons. Aussi n’est-ce pas sans surprise que nous avons trouvé dans le commentaire sur S. Marc publié récemment par M. Cook cette singulière réflexion : « Il est remarquable que l’Évangile… qui met le moins en relief la confession de saint Pierre est celui qui fut écrit à Rome, pour des lecteurs romains » [385]. Nous répondrons au chanoine anglican par les paroles suivantes du pieux et savant Docteur Reischl : « Que saint Pierre ait pu se passer d’un témoignage écrit, favorable à sa primauté, et cela précisément dans son Évangile et auprès de lecteurs romains, c’est un fait qui prouve combien grande et puissante était la réalité de cette primauté, et avec quelle solidité elle s’était établie dans la conscience de l’Église » [386].
Pape Saint Jean-Paul II
En ce qui concerne les différences d'accent dans le précepte, Marc présente la mission comme proclamation ou kérygme: «Proclamez l'Evangile» (Mc 16, 15). Le but de l'évangéliste est de conduire les lecteurs à redire la profession de foi de Pierre: «Tu es le Christ» (Mc 8, 29) et à dire, comme le centurion romain devant Jésus mort sur la Croix: «Vraiment cet homme était Fils de Dieu» (Mc 15, 39). En Matthieu, l'accent missionnaire est mis sur la fondation de l'Eglise et sur son enseignement (cf. Mt 28, 19-20; 16, 18): chez lui donc, cet envoi en mission fait ressortir que la proclamation de l'Evangile doit être complétée par une catéchèse d'ordre ecclésial et sacramentel. En Luc, la mission est présentée comme un témoignage (cf. Lc 24, 48; Ac 1, 8) qui porte surtout sur la Résurrection (cf. Ac 1, 22). Le missionnaire est invité à croire à la puissance transformante de l'Evangile et à annoncer ce que Luc montre bien, c'est-à-dire la conversion à l'amour et à la miséricorde de Dieu, l'expérience d'une libération intégrale de tout mal jusqu'à sa racine, le péché.