Marc 8, 9
Or, ils étaient environ quatre mille. Puis Jésus les renvoya.
Or, ils étaient environ quatre mille. Puis Jésus les renvoya.
Le Seigneur, plein de bonté, demande le zèle, mais il donne la force nécessaire, il ne veut pas les renvoyer sans nourriture, de peur qu'ils ne succombent en chemin, c'est-à-dire, ou dans le cours de cette vie, ou avant d'arriver au terme de leur course, c'est-à-dire, au Père, et de comprendre que c'est du Père qu'est sorti le Christ, car il est à craindre qu'en croyant qu'il est né de la Vierge, ils ne reconnaissent en lui que la puissance de l'homme, et non la toute puissance de Dieu. Notre-Seigneur Jésus-Christ partage donc la nourriture, il veut la distribuer à tous sans exception, il en est le dispensateur universel; mais lorsqu'il rompt les pains et les donne à ses disciples, si vous n'étendez pas les mains pour recevoi r votre nourriture, les forces vous manqueront en chemin, et vous ne pourrez en accuser celui qui, dans un sentiment de compassion, vous avait préparé le pain qui devait vous soutenir.
Ou bien les sept pains représentent les dons de l'Esprit saint, et les morceaux qui restent sont les significations mystiques de ces sept dons du Saint-Esprit.
Les poissons qu'il bénit sont les livres du Nouveau Testament, parce que Notre-Seigneur, après sa résurrection, demande une partie du poisson que ses disciples avaient fait rôtir ( Lc 24, 42), ou bien encore, les poissons figurent les saints dont la foi, la vie et les souffrances sont contenues dans les écrits du Nouveau Testament, et qui, retirés des flots tumultueux du siècle, donnent à notre âme par leurs exemples la nourriture intérieure qui lui convient.
Les sept corbeilles sont les sept Eglises ( Jn 1, 4); les quatre mille personnes représentent l'année du Nouveau Testament partagée en quatre saisons. C'est par un dessein particulier que cette multitude est composée de quatre mille personnes, car ce nombre seul indique qu'ils étaient nourris de la doctrine des Évangiles.
S'il les interroge, ce n'est pas qu'il ignorât lui-même ce qu'ils avaient de pains, mais il voulait que leur réponse, en constatant le petit nombre de pains qu'ils avaient, rendit le miracle plus digne de foi et plus éclatant: «Et il commanda à la multitude de s'asseoir sur la terre». Lors de la première multiplication des pains, il la fit asseoir sur le gazon ( Mt 14, 18; Lc 9, 13; Jn 6), ici il la fait asseoir sur la terre: «Et prenant sept pains, il les rompit en rendant grâces», etc. En rendant ainsi grâces, il nous apprend par son exemple à toujours rendre grâces à Dieu de toutes les faveurs que nous en recevons. Remarquons encore que ce n'est pas entre les mains de la foule, mais dans celles des disciples que Notre-Seigneur remet les pains, afin qu'ils les distribuent à la multitude: «Il les rompit et les donna à ses disciples, et les disciples les distribuèrent au peuple. Ce ne sont pas seulement les pains, mais les poissons qu'il leur ordonne de distribuer après les avoir bénis: «Ils avaient en outre quelques petits poissons», etc.
Il ne veut point renvoyer cette multitude sans qu'elle ait mangé de peur que plusieurs ne succombent en route: Il faut en effet que l'homme reçoive par la prédication la parole de la consolation, ou alors n'étant plus soutenu par la nourriture de la vérité, il est exposé à succomber sous le poids des fatigues de cette vie.
Saint Matthieu nous donne plus clairement la raison pour laquelle ils étaient venus de si loin, et restaient depuis trois jours près du Sauveur: «Et étant monté sur la montagne, nous dit-il, il s'y assit, et une grande multitude s'approcha de lui, ayant avec elle des muets, des aveugles, des boiteux, des infirmes, et beaucoup d'autres malades; et on les mit à ses pieds et il les guérit».
Le récit de ce miracle nous donne lieu de constater les opérations distinctes de la divinité et de l'humanité dans la seule et même personne de notre Rédempteur, et par conséquent, de rejeter bien loin du symbole des chrétiens et du sein même du christianisme, l'erreur d'Eutichès, qui osait avancer qu'il n'y avait en Jésus-Christ qu'une seule opération. Qui ne voit en effet que le sentiment de pitié que Notre-Seigneur éprouve pour cette multitude, est un sentiment de compassion propre à la nature humaine? Mais qui ne voit en même temps que rassas ier quatre mille hommes avec sept pains et quelques poissons, est une oeuvre de la puissance divine ?
«Et de ce qui restaient de morceaux, ils remportèrent sept corbeilles». Cette multitude qui vient de manger et de se rassasier n'emporte pas avec elles les restes des pains, mais elle les laisse recueillir par les disciples dans des corbeilles, comme précédemment, et cette circonstance expliquée dans le sens littéral, nous apprend à être contents du nécessaire, et à ne jamais rechercher rien au delà. L'Évangéliste nous fait ensuite connaître le nombre de ceux qui ont été rassasiés: «Or ceux qui mangeaient étaient environ quatre mille, et il les renvoya». Considérons ici que Notre-Seigneur Jésus-Christ ne veut renvoyer personne à jeun, car il veut au contraire donner à tous les hommes la nourriture de sa grâce.
Dans le sens figuré, il y a cette différence entre ce second miracle et la première multiplication des cinq pains et des deux poissons, que la première figure la lettre de l'Ancien Testament qui était comme pleine de la grâce spirituelle du nouveau, tandis que la seconde représentait la vérité et la grâce du Nouveau Testament abondamment communiquées aux fidèles. La multitude qui, au témoignage de saint Matthieu, attend trois jours la guérison de ses malades ( Mt 15) représente les élus dans la foi de la sainte Trinité qui implorent le pardon de leurs péchés par une prière persévérante, ou ceux qui se convertissent au Seigneur par leurs pensées, leurs paroles et leurs actions.
Ceux qui après les crimes de chair, après les vols, les violences et les homicides, reviennent à Dieu par la pénitence, viennent de loin trouver le Seigneur; car plus ils se sont égarés dans la voie du vice, plus ils se sont éloignés du Dieu tout-puissant. Ceux qui parmi les gentils ont embrassé la foi, sont venus de loin à Jésus-Christ, tandis que les Juifs, à qui la loi et les prophètes avaient donné la connaissance du Christ, sont venus de près. Lors de la multiplication des cinq pains, la multitude s'assied sur le gazon, ici elle s'assied sur la terre; cela signifie au figuré, que la loi commandait de comprimer les désirs de la chair, mais dans le Nouveau Testament, nous devons y ajouter le mépris de la terre et des biens temporels.
Notre-Seigneur rompt les pains en figure des mystères qu'il devait révéler. Il rend grâces, pour nous montrer combien le salut du genre humain lui cause de joie; il donne les pains à ses disciples pour qu'ils les distribuent au peuple, parce qu'en effet, c'est aux apôtres qu'il a fait part des dons spirituels de la science sacrée, et c'est par leur ministère qu'il a voulu distribuer à son Eglise la nourriture de vie.
Lorsque la foule est rassasiée, les Apôtres rec ueillent les morceaux qui restent; c'est qu'en effet, les préceptes de perfection éminente que la foule ne peut atteindre, s'adressent à ceux qui s'élèvent au-dessus de la vie ordinaire du peuple, de Dieu. Cependant l'Évangéliste fait remarquer que le peuple était rassasié, car bien qu'il ne puisse abandonner ce qu'il possède, et pratiquer la perfection qui est propre aux vierges, cependant il parvient à la vie éternelle par l'accomplissement des commandements de Dieu.
Après le premier miracle de la multiplication des pains, Notre-Seigneur profite d'une occasion convenable pour faire un miracle semblable: «En ce jour-là, comme la multitude était grande», etc. L'objet de ses miracles n'était pas toujours de procurer de la nourriture au peuple qui l'aurait alors suivi pour un motif trop intéressé. Et dans cette circonstance même, il n'eut pas fait ce miracle, s'il n'eût pas vu ce peuple en danger: «Et si je les renvoie sans leur donner de nourriture, ils tomberont de défaillance en chemin; car plusieurs d'entre eux sont venus de loin».
Ses disciples ne comprenaient pas encore, et malgré les premiers miracles, ils ne croyaient pas encore à sa puissance divine: «Et ses disciples lui répondirent: Comment pourrait-on les rassasier de pain dans le désert ?»Toutefois, le Sauveur ne leur fait point de reproche, et il nous apprend à ne pas nous laisser aller à l'indignation et à la colère contre les ignorants et ceux qui n'ont point d'intelligence, mais plutôt à compatir à leur ignorance: «Et il les interrogea: Combien avez-vous de pains? Ils répondirent, sept».
Ou bien encore, ce peuple qui attend trois jours, figure ceux qui ont reçu le baptême, car le baptême est appelé illumination, et on l'administre par une triple immersion.
Les sept pains sont tous les discours qui viennent de l'Esprit saint, car le nombre sept qui partage toute notre vie en périodes égales et parfaites, est le symbole de l'Esprit saint qui est le principe de toute perfection.
Ou bien encore, ces quatre mille personnes figurent ceux qui sont parfaits dans les quatre vertus, et qui, mangeant en proportion de leur force, laissent peu de la nourriture qui leur est servie. Dans ce second miracle, les Apôtres remportent sept corbeilles des morceaux qui restèrent; dans le premier où Notre-Seigneur multiplia miraculeusement cinq pains, ils en remportèrent douze corbeilles, parce que la foule était composée de cinq mille personnes qui figuraient ceux qui sont esclaves de leurs sens, et c'est pour cela qu'ils mangèrent beaucoup moins, et qu'il resta une si grande quantité de morceaux.
Détails qui servent à montrer la grandeur du prodige. — Sept corbeilles. S. Marc, comme S.
Matthieu, donne ici aux corbeilles (sporta) le nom de σπύριδες. Lors de la première multiplication des pains,
il les avait désignées par celui de κόφινοι. Voyez l’Évangile selon S. Matthieu, Matth. 15, 37. A. Rich donne
un spécimen de la « sporta » [357]. — Il les renvoya. Les pasteurs des âmes, ainsi que le font observer ici les
moralistes, ne doivent renvoyer leurs peuples qu’après leur avoir fourni, à l’exemple de Jésus, une nourriture
substantielle et abondante. Autrement, combien seraient saisis de défaillance sur le long et pénible chemin de
la vie, et ne pourraient parvenir au salut ! — D’après saint Augustin [358], et saint Hilaire [359], les convives
du premier de ces festins miraculeux représenteraient les Juifs, tandis que ceux du second seraient la figure
des Gentils. « Comme la première foule qu’il a nourrie correspondait à celle des croyants Juifs, celle-ci se
rapporte au peuple des Gentils ». Ce sont les mots venus de loin, Marc 8, 3, qui ont suggéré cette ingénieuse
distinction, les païens, pour venir à Jésus, ayant besoin de faire au moral une route plus longue que les Juifs.