Marc 9, 42

« Celui qui est un scandale, une occasion de chute, pour un seul de ces petits qui croient en moi, mieux vaudrait pour lui qu’on lui attache au cou une de ces meules que tournent les ânes, et qu’on le jette à la mer.

« Celui qui est un scandale, une occasion de chute, pour un seul de ces petits qui croient en moi, mieux vaudrait pour lui qu’on lui attache au cou une de ces meules que tournent les ânes, et qu’on le jette à la mer.
Saint Jean Chrysostome
Ce n'était ni par un zèle exagéré, ni par un sentiment d'envie que Jean voulait interdire à cet homme le pouvoir de chasser les démons; sa pensée était que tous ceux qui invoquaient le nom du Seigneur devaient suivre Jésus-Christ et faire partie du nombre de ses disciples. Mais le Seigneur voulait se servir de ceux qui font des miracles, malgré leur indignité, pour amener les autres à la foi et les exciter eux-mêmes par cette grâce ineffable à une vie plus sainte: «Jésus lui répondit: Ne l'en empêchez pas», etc.

Ou bien ces paroles du Sauveur s'appliquent à ceux qui croient en lui; mais qui ne peuvent le suivre, parce qu'ils mènent une vie relâchée. Les autres paroles doivent s'entendre des démons, dont les efforts tendent à nous séparer tous de Dieu et à dissiper son Eglise.

Il explique pourquoi il n'est pas convenable de faire cette défense à cet homme: «Il n'est personne qui ayant fait un miracle en mon nom puisse aussitôt dire du mal de moi». Il parle ici de ceux qui devaient tomber dans l'hérésie, comme Simon, Ménandre et Cerinthe, qui ne faisaient point de vrais miracles au nom de Jésus-Christ, mais qui trompaient les fidèles par de faux prodiges. Ceux-ci, au contraire, bien qu'ils ne soient point avec nous, ne pourront jamais se déclarer contre moi dans leurs discours, puisqu'ils honorent mon nom en recourant à lui pour opérer des prodiges.

«Quiconque vous aura donné à boire un verre d'eau froide», etc.

Afin que personne ne puisse prétexter sa pauvreté, Jésus-Christ accorde cette récompense à ce qui est à la disposition de tous: donner un verre d'eau froide. Ce qui à ses yeux rend une oeuvre digne de récompense, ce n'est point l'importance de l'objet donné, mais la dignité de celui à qui on l'offre, et l'affection de celui qui le donne. Pour nous encourager à recevoir ses disciples, il ne se borne pas à nous montrer en perspective la récompense éternelle, il nous montre aussi la rigueur du châtiment: «Si quelqu'un scandalise un de ces petits», etc., c'est-à-dire de même que ceux qui vous honorent en mon nom seront récompensés, ainsi ceux qui vous scandaliseront, c'est-à-dire qui ne vous donneront aucun témoignage d'honneur, seront rigoureusement châtiés. Et il emprunte aux choses bien connues les comparaisons qui font ressortir toute la rigueur de ce châtiment; il ne s'agit de rien moins que d'être précipités dans la mer, une meule au cou. Et remarquez qu'il ne dit pas: Qu'on lui attachera une meule de moulin, mais: «Il serait avantageux pour lui qu'un lui infligeât ce châtiment», ce qui signifie qu'il doit s'attendre à un supplice plus rigoureux encore. Sous le nom de petits, le Sauveur désigne ceux qui croient en lui et ceux qui invoquent son nom, sans pourtant s'attachera sa personne; ceux mêmes qui se contentent de donner un verre d'eau froide, sans faire d'oeuvres plus importantes; il ne veut pas qu'un seul d'entre eux soit scandalisé ou exclu; car ce serait là empêcher l'invocation de son nom.
Saint Augustin
Mais cette maxime du Seigneur n'est-elle pas en opposition avec cette autre: «Celui qui n'est pas avec moi, est contre moi ?» Dira-t-on que ces deux maximes diffèrent, en ce que d'un côté Jésus parle de ses disciples: «Celui qui n'est pas c ontre vous est pour vous», tandis que de l'autre, il parle de lui-même: «Celui qui n'est pas avec moi est contre moi». Mais n'est-il pas évident qu'on est nécessairement avec Jésus-Christ, lorsqu'on ne fait qu'un corps avec ses disciples qui sont ses membres? Où serait alors la vérité de ces paroles: «Qui vous reçoit me reçoit ?» ( Mt 10) Par la même raison, n'est-on pas contre lui, quand on est contre ses disciples? Comment aurait-il pu dire: «Celui qui vous méprise me méprise ?» Voici donc dans quel sens le Sauveur veut que nous entendions ces deux maximes. On n'est pas avec lui en tant qu'on est contre lui; on est avec lui dans les actions où on agit de concert avec lui. Prenons pour exemple cet homme qui faisait des miracles au nom de Jésus-Christ, sans faire partie du nombre des Apôtres; il n'était pas contre eux, il était même avec eux en tant qu'il faisait des miracles au nom de Jésus; mais en tant qu'il n'appartenait pas à leur société, il n'était pas avec eux, il était contre eux. Or, les Apôtres voulaient lui interdire de faire ce en quoi il était d'accord avec eux, et c'est pour cela que Jésus leur dit: «Ne l'empêchez pas»; ce à quoi ils devaient se borner, c'était de lui défendre d'agir en dehors de leur société, c'était de lui conseiller de rentrer dans l'unité de l'Eglise. Ils devaient le laisser libre dans ce qu'il avait de commun avec eux, l'invocation du nom de leur Maître, de leur Seigneur pour chasser les démons. Telle est justement la conduite de l'Eglise catholique, ce qu'elle condamne chez les hérétiques, ce ne sont pas les sacrements qui leur sont communs avec nous, mais leur séparation d'avec nous, mais les doctrines opposées à la vérité et à la paix, car sous ce rapport, ils sont contre nous.

Nous voyons par là que cet homme dont Jean vient de parler n'était pas séparé de la société des disciples au point de la condamner, comme ferait un hérétique. Sa conduite était celle de ces hommes qui n'ayant pas encore le courage de recevoir les sacrements de Jésus-Christ, se montrent pourtant pleins de bienveillance pour le nom chrétien, traitent affectueusement les chrétiens dans le seul but d'honorer en eux le nom de chrétiens. C'est d'eux que le Sauveur dit qu'ils ne perdront point leur récompense. Ce n'est pas que leurs bons sentiments à l'égard des chrétiens puissent leur donner une complète assurance, une pleine sécurité quant à leur salut éternel, sans que leur âme ait été purifiée dans les eaux du baptême, sans être membres du corps de l'Eglise; mais la miséricorde de Dieu sera leur guide pour les faire parvenir à cette grâce si importante, et leur donner de sortir de ce monde avec une juste confiance dans l'avenir.
Saint Grégoire le Grand
Remarquons cependant que si dans nos bonnes oeuvres nous devons éviter toute occasion de scandaliser le prochain; nous devons aussi quelquefois n'en tenir aucun compte. Tant que nous le pouvons faire sans péché, nous devons éviter de scandaliser le prochain; mais si c'est la vérité elle-même qui est un objet de scandale, il vaut mieux le laisser se produire, que de sacrifier la vérité.

Dans le sens mystique, cette meule qu'un âne fait tourner, c'est la fatigue de la vie mondaine et du cercle dans lequel elle tourne sans cesse sur elle-même; la profondeur de la mer, c'est la damnation éternelle. Si donc celui dont la vie présente les caractères extérieurs de la sainteté en détourne les autres par ses paroles ou par ses exemples, il eût assurément mieux valu pour lui que sa conduite terrestre le conduisît à la mort sous les dehors d'une vie ordinaire, que de donner aux autres, dans une dignité aussi sainte, l'exemple d'une conduite vicieuse et criminelle; car s'il tombait seul, le supplice que l'enfer lui réserve serait beaucoup moins rigoureux.
Saint Bède le Vénérable
Jean, que distinguait entre tous les autres un ardent amour pour Jésus-Christ, croyait que celui qui ne s'acquittait pas exactement de son office devait être privé des grâces qui lui étaient attachées: «Jean, prenant la parole, lui dit: Maître, nous avons vu», etc. - S. Chrys. Un grand nombre de ceux qui croyaient en Jésus-Christ avaient reçu de lui des dons, des pouvoirs particuliers, sans être cependant avec le Sauveur; tel était celui que nous voyons ici chasser les démons. Tous, en effet, ne réunissaient pas toutes les conditions d'une vie sainte; les uns avaient une vie pure, mais leur foi était encore imparfaite; chez d'autres, c'était le contraire.

Le Sauveur nous apprend ainsi à ne pas retirer à quelqu'un le bien qu'il possède à un degré médiocre, mais à lui inspirer le désir d'une vertu plus parfaite.

C'est à juste titre qu'il donne le nom de petit à celui qui peut être scandalisé; car celui qui est grand ne se laisse pas ébranler dans sa foi par les épreuves quelles qu'elles soient, au lieu que les esprits petits et étroits semblent chercher partout des occasions de scandale et de chute. Aussi devons-nous nous observer beaucoup à l'égard des petits et des faibles, afin de n'être pas pour eux une occ asion de scandale et de chute dans la foi, et par suite de damnation éternelle.
Saint Théophylacte d'Ohrid
Ou bien encore, quelques incrédules, témoins des prodiges opérés par le nom de Jésus, prononçaient eux-mêmes ce nom divin et opéraient ainsi des miracles, tout indignes qu'ils fussent de la grâce de Dieu, car Dieu voulait se servir même des indignes pour répandre la connaissance de son nom.

Comment, en effet, celui qui doit à mon nom la gloire qu'il s'attire, et qui opère des miracles en l'invoquant, pourrait-il parler mal de moi ?

Notre-Seigneur semble dire: Non-seulement je ne m'oppose pas à celui qui fait des miracles par l'invocation de mon nom; mais je vous déclare que celui qui vous aura fait la moindre chose, et vous aura reçu à cause de moi, et non par un motif d'intérêt ou de vaine gloire, ne perdra pas sa récompense.