Matthieu 1, 22
Tout cela est arrivé pour que soit accomplie la parole du Seigneur prononcée par le prophète :
Tout cela est arrivé pour que soit accomplie la parole du Seigneur prononcée par le prophète :
Ou bien encore l'ange, considérant l'abîme le la divine miséricorde, le renversement des lois de la nature, celui qui était élevé au dessus de tous les êtres créés descendu jusqu'à l'homme, la dernière des créatures intelligentes, exprime toutes ces choses par ces seuls mots : " Tout cela a été accompli, " comme s'il disait : Ne pensez pas que toutes ces choses soient récentes dans le bon vouloir de Dieu, il y a longtemps qu'il les avait décrétées, et l'ange rappelle plus à propos cette prophétie à Joseph qu'à Marie, car il était versé dans la connaissance et la méditation des prophètes. Il avait d'abord appelé la Vierge son épouse, maintenant il lui donne le nom de Vierge avec le prophète, afin qu'ils apprissent de la bouche du prophète lui-même que ce mystère était depuis longtemps dans les desseins de Dieu. Aussi ce n'est pas Isaïe, mais Dieu lui-même qu'il appelle en témoignage de la vérité de ce qu'il annonce, car il ne dit pas : " Pour accomplir ce qui a été dit par Isaïe, " mais ce que le Seigneur a dit par Isaïe.
C'est la coutume de l'Écriture de présenter les événements sous l'emblème des noms. Ces paroles : " Ils l'appelleront du nom d'Emmanuel " signifient donc : " Ils verront Dieu avec les hommes. " C'est pour cela que l'ange ne dit pas : Vous l'appellerez, mais ils l'appelleront.
Le prophète dit : " Elle recevra dans son sein, " tandis que l'Évangéliste saint Matthieu porte : " Elle aura dans son sein ; " mais l'Évangéliste, qui racontait l'histoire de ce qui était passé et non de ce qui devait arriver, a substitué au mot elle recevra le verbe elle aura, car celui qui a n'a plus besoin de recevoir.
Le prophète fait précéder sa prédiction de cet exorde : " Dieu lui-même vous donnera un signe ; " il s'agit donc de quelque chose de nouveau et de merveilleux. Mais s'il n'est question que d'une jeune fille ou d'une jeune femme qui doit enfanter, et non d'une vierge, où est le miracle ? puisque ce nom n'indique plus que l'âge et non la virginité. Il est vrai qu'en hébreu c'est le mot Bethula qui signifie vierge, mot qui ne se trouve pas dans cette prophétie ; il est remplacé par le mot halma, que tous les interprètes, à l'exception des Septante, ont traduit par jeune fille. – Or, le mot halma en hébreu a un double sens, car il signifie jeune fille, et qui est cachée. Ainsi il désigne non seulement une jeune fille ou une vierge, mais une vierge cachée qui n'a jamais paru aux regards des hommes, et sur laquelle ses parents veillent avec le plues grand soin. La langue phénicienne, qui tire son origine de l'hébreu, donne aussi au mot halmale sens de vierge ; dans la nôtre, halma signifie sainte. Les Hébreux se servent de mots que l'on retrouve dans presque toutes les langues, et autant que je puis consulter mes souvenirs, je ne me rappelle pas que le mot halma ait été employé une seule fois pour exprimer une femme mariée ; il sert toujours à désigner une vierge, et non pas une vierge quelconque, mais une vierge encore jeune, car il en est d'un âge avancé. Or, celle-ci était encore dans l'âge de l'adolescence, ou bien elle était vierge, tout en ayant dépassé cet âge où l'on n'est pas en état d'être marié.
Les Septante et trois autres interprètes ont traduit : " Vous l'appellerez, " pour " ils l'appelleront, " qui n'est pas dans l'hébreu, car le mot vekarat, qu'ils ont tous traduit par vous l'appellerez, peut signifier aussi : elle l'appellera, c'est-à-dire que la vierge qui concevra et enfantera le Christ l'appellera elle-même Emmanuel ou Dieu avec nous.
Rappelons ici que les Juifs prétendent que cette prophétie a pour objet Ezéchias, fils d'Achaz, sous le règne duquel fut prise la ville de Samarie, ce font ils ne peuvent donner aucune preuve. En effet, Achaz, fils de Ioathan, régna sur Jérusalem et sur Juda seize ans ; son fils Ezéchias lui succéda à l'âge de vingt-trois ans et régna sur Juda et sur Jérusalem vingt-neuf ans. Comment donc peut-on dire que la prophétie qui fut faite la première année du règne d'Achaz eut pour objet la conception et la naissance d'Ezéchias, qui avait neuf ans lorsque son père monta sur le trône ? Dira-t-on que la sixième année du règne d'Ezéchias, époque où fut prise la ville de Samarie signifie le temps de l'enfance, sinon de son âge, du moins de son règne ? c'est là une supposition violente et forcée, même pour les moins intelligents. Un des nôtres, qui aime à judaïser, prétend que le prophète Isaïe a eu deux fils, Joseph et Emmanuel, et qu'Emmanuel était né de la prophétesse son épouse, comme figure du Seigneur-Sauveur, mais cela n'est qu'une fable.
Voici donc le sens de cette prophétie : cet enfant, qui naîtra d'une vierge, maison de David, doit être appelé dès maintenant Emmanuel, parce que, délivrés bientôt des deux rois ennemis qui vous attaquent, vous éprouverez vous-même que Dieu est présent au milieu de vous. Plus tard il sera appelé Jésus ou Sauveur, parce qu'il sauvera le genre humain tout entier. Ne soyez donc pas surprise, ô maison de David, de cette nouveauté si étrange d'une vierge enfantant un Dieu, revêtu d'une si grande puissance, que tant d'années avant sa naissance, il peut vous délivrer si vous avez recours à lui.
Celui qui a pu en les touchant rétablir dans leur premier état les membres brisés et séparés les uns des autres, combien plus aura-t-il dû respecter en naissant la pureté qu'il a trouvée dans sa mère ? Aussi cette naissance a-t-elle augmenté sa pureté au lieu de la diminuer, et sa virginité, loin d'en être affaiblie, en reçut un nouvel éclat.
Qui serait donc assez insensé pour oser dire avec les Manichéens que c'est le caractère d'une foi faible de ne croire en Jésus-Christ que sur témoignages, alors que l'Apôtre lui-même a dit : " Comment croiront-ils en celui dont ils n'ont point entendu parler, et comment en entendront-ils parler si on ne leur prêche ? " Or afin que la prédication des Apôtres ne fût pas exposée au mépris comme un tissu de fables sans réalité, les prophètes lui donnent l'appui de leurs prédictions. En effet, supposez que la prédication des apôtres ne fût autorisée que par des miracles, on n'aurait pas manqué de les attribuer à des opérations magiques, si cette interprétation n'était renversée par le témoignage immuable des prophètes. Personne sans doute n'osera dire qu'il soit au pouvoir d'un homme, longtemps avant sa naissance, de se donner au moyen d'opérations magiques des prophètes qui l'annoncent. De même encore supposons que nous disions à un païen : Croyez en Jésus-Christ parce qu'il est Dieu, et qu'il nous répondît : Pourquoi donc croirai-je ? et qu'alors nous établissions clairement l'autorité des prophètes, s'il persistait encore dans son incrédulité, nous lui démontrerions alors que les prophètes sont dignes de foi par le seul fait qu'ils ont prédit longtemps d'avance des événements dont l'accomplissement s'opère sous nos yeux, car il ne pourrait ignorer, je pense, quelles persécutions la religion chrétienne a eu à souffrir de la part des rois de la terre. Or, qu'il considère maintenant tous ces rois soumis à l'empire du Christ, toutes les nations qui le reconnaissent pour maître, autant d'événements qui ont été tous prédits par les prophètes. En prenant connaissance de ces prophéties et en les voyant accomplies sur toute la face de la terre, il serait certainement déterminé à embrasser la foi.
L'Évangéliste a coutume d'appuyer ce qu'il avance sur des témoignages de l'Ancien Testament, et il agit ainsi en faveur des Juifs qui avaient cru en Jésus-Christ et qui pouvaient ainsi reconnaître que tout ce qui avait été prédit sous l'ancienne loi était accompli sous la loi de grâce et de l'Évangile. Mais pourquoi cette manière de s'exprimer : " Tout cela s'est fait, etc., puisqu'il n'a été question que de la conception toute seule ? On peut répondre que l'Évangéliste s'est exprimé de la sorte pour nous apprendre que ces événements existaient dans la prescience de Dieu avant qu'ils fussent accomplis aux yeux des hommes ; ou bien, comme l'Évangéliste racontait l'histoire des événements passés, il a pu dire : " Tout cela s'est fait, " parce que ces événements étaient accomplis alors qu'il écrivait son évangile.
A cette question : Qui a donné d'interprétation de ce nom ? est-ce le prophète, est-ce l'Évangéliste ou un traducteur quelconque ? je répondrai d'abord que ce n'est pas le prophète ; ce n'est pas non plus l'Évangéliste, car à quoi bon cette explication, puisqu'il écrivait en hébreu. Peut-être pourrait-on dire que ce nom avait dans l'hébreu une signification obscure, et qu'il avait besoin d'explication. Mais il est plus vraisemblable que cette interprétation a été donnée par quelque traducteur qui aura voulu ainsi faire disparaître ce que ce nom pouvait avoir d'obscur pour les Latins. Or, ce nom exprime parfaitement les deux natures, la nature divine et la nature humaine unies dans la même personne de Notre-Seigneur Jésus-Christ, qui engendré avant tous les siècles d'une manière ineffable par Dieu son père, est devenu à la fin des temps, en naissant d'une vierge, Emmanuel ou Dieu avec nous. Ce nom : Dieu avec nous peut s'entendre en ce sens qu'il est devenu comme un des nôtres, c'est-à-dire passible, mortel, et semblable à nous en toutes choses à l'exception du péché, ou bien encore qu'il a uni à sa nature divine, en unité de personne, notre pauvre nature humaine.
Il a été conçu du Saint-Esprit dans le sein de la vierge, sa mère, qui l'enfanta comme elle l'avait conçu sans que sa virginité en eût souffert la plus légère atteinte.
Ou bien cette expression : " Tout cela a été fait, " veut dire que la Vierge fut fiancée, qu'elle demeura vierge, qu'elle fut trouvée grosse, que ce mystère fut révélé par un ange, afin que ce qui avait été prédit fût accompli. En effet, la prophétie qui prédisait qu'une vierge concevrait et enfanterait n'eût pas été accomplie si elle n'avait été fiancée pour échapper au supplice de la lapidation si l'ange n'avait pas révélé ce secret afin que Joseph pût la recevoir sans crainte et la préserver ainsi du déshonneur d'être renvoyée et du châtiment qui l'attendait. Or, si elle avait été mise à mort avant l'enfantement, que serait devenue cette prophétie : " Elle enfantera un fils ? " Ce sont d'abord les Anges dans leurs chants, ensuite les Apôtres dans leurs prédications, puis les saints martyrs, enfin tous ceux qui croient en lui.
La Glose
Ou bien on peut dire qu'ici la particule afin que n'est pas causative, en ce sens que toutes ces choses auraient été accomplies parce qu'elles avaient été prédites, mais qu'elle exprime la conséquence, comme dans ce passage de la Genèse (Gn 40) : " Il fit attacher le grand pannetier à un gibet, de sorte que l'interprétation du devin fût reconnue vraie, c'est-à-dire que le supplice de cet homme suspendu à un gibet fit ressortir la vérité de l'interprétation. C'est dans ce même seins que nous devons entendre ce passage, c'est-à-dire que la prophétie a été accomplie par le fait qui avait été prédit.
L'Évangéliste combat l'erreur des Manichéens en ajoutant : " Afin que fût accompli ce que le Seigneur avait prédit par le prophète. " Or il y a une prophétie qui a pour cause la prédestination de Dieu, qui doit de toutes manières arriver, dont l'accomplissement est indépendant de notre volonté, comme celle dont il est ici question, et que le prophète commence en disant : " Voici " pour en démontrer la certitude. Il y a une autre sorte de prophétie qui vient également de la prescience de Dieu, mais à laquelle se trouve mêlé notre libre arbitre. D'après cette prophétie, nous obtenons la récompense avec la coopération de la grâce, ou nous sommes soumis au châtiment lorsqu'elle nous abandonne avec justice. Enfin il y a une troisième sorte de prophétie, qui ne vient pas de la prescience de Dieu, mais qui est l'expression d'une menace comme en font les hommes, et telle que celle-ci : " Encore quarante jours et Ninive sera détruite. " Il faut sous-entendre : A moins que Ninive ne se convertisse.
Je ne sache pas qu'aucun homme de ce temps ait porté le nom d'Emmanuel. Les juifs me diront peut-être : Comment admettre que cette prophétie ait eu pour objet le Christ et sa mère, alors que d'Achaz à Marie il s'est écoulé plusieurs centaines d'années ? Pierre Alphonse répond : Quoique le prophète s'adresse à Achaz, la prophétie n'a pas seulement pour objet ce prince ou les choses de son temps, car Isaïe ne lui dit pas : " Écoutez Achaz, " mais " Écoutez maison d'Israël. " Voyez encore la suite : " Le Seigneur vous donnera lui-même un signe. " Il ajoute ce mot " lui-même "comme pour dire : ce ne sera pas un autre, d'où il faut conclure que c'est le Seigneur lui-même qui sera ce signe futur. Remarquez enfin qu'en s'exprimant au pluriel, " il vous donnera, " et non " il te donnera, " le prophète fait entendre que cette prophétie n'est pas pour Achaz ou du moins qu'elle n'est pas pour lui seul.
139. L’évangéliste avait dit plus haut que la mère de Dieu avait été trouvée enceinte de l’Esprit Saint, et il avait prouvé cela par la révélation angélique. Ici, il [le] prouve par l’annonce prophétique. Il dit donc : TOUT CECI ARRIVA AFIN QUE S’ACCOMPLÎT CE QUE DIT LE SEIGNEUR PAR LE PROPHÈTE. Et il faut savoir que cette particule peut être utilisée ici de deux façons. En effet, Chrysostome veut que l’ange ait dit : TOUT CECI, et l’ait introduit par la prophétie. Et la raison en est que, pour que ce qu’il annonçait ne parût pas nouveau, il voulut tout de suite montrer que cela avait été annoncé depuis longtemps, Is 43, 3 : Qui a fait ce qui sera, selon une autre traduction. D’autres disent, et, je crois, à plus juste titre, que «TOUT CECI ARRIVA, etc.» sont les mots de l’évangéliste. Car les paroles de l’ange se terminent à : Et il sauvera son peuple, etc. Et l’évangéliste les introduit pour trois raisons : premièrement, afin de montrer que l’Ancien Testament parle du Christ, Ac 10, 43 : Toutes les prophéties lui rendent témoignage que tous ceux qui croient en lui reçoivent la rémission de leurs péchés en son nom ; deuxièmement, afin qu’ils croient plus facilement au Christ, Jn 5, 46 : Si vous croyez à Moïse, vous croirez aussi en moi : c’est en effet à mon sujet qu’il a écrit ; troisièmement, pour montrer la conformité entre l’Ancien et le Nouveau Testament, Col 2, 17 : Ce qui est l’ombre des choses à venir, le corps du Christ.
Photin ne voit qu'un homme dans celui qui vient au monde, il prétend que ce n'est pas ici la naissance d'un Dieu, il sépare l'homme de Dieu dans celui qui sort du sein de sa mère ; qu'il nous dise donc comment la nature humaine, qui est née du sein d'une vierge, n'a pas brisé le sceau de la virginité. Jamais la mère d'aucun homme n'est restée vierge après son enfantement ; mais ici c'est le Verbe Dieu qui a daigné naître dans une chair mortelle, et il a montré qu'il était le Verbe tout-puissant en sauvegardant la virginité de sa mère. Notre verbe, à nous, notre parole ne corrompt point notre âme qui l'enfante ; ainsi le Verbe Dieu par cette naissance n'a point porté atteinte à la virginité de celle qu'il avait choisie pour mère.