Matthieu 1, 3
Juda, de son union avec Thamar, engendra Pharès et Zara, Pharès engendra Esrom, Esrom engendra Aram,
Juda, de son union avec Thamar, engendra Pharès et Zara, Pharès engendra Esrom, Esrom engendra Aram,
Remarquez que ce n'est pas sans raison que saint Matthieu nomme ces deux frères, bien qu'il ne fût nécessaire que de faire mention de Pharès. La vie de chacun d'eux renferme un mystère, et ces deux frères jumeaux représentent la double vie des peuples, l'une selon la loi, l'autre selon la foi.
S. Luc les a omises [les femmes pécheresses] pour montrer dans toute sa pureté la généalogie sacerdotale du Sauveur. Et toutefois, le dessein de saint Matthieu n'a rien qui blesse la raison ou la justice. Il se proposait en effet d'exposer la génération selon la chair de celui qui venait se charger de nos péchés, se soumettre à tous les outrages, s'assujettir à toutes les souffrances, et il n'a pas cru qu'il fût indigne de cette bonté, de faire connaître qu'il n'avait pas voulu se soustraire à l'humiliation d'une origine qui n'était pas exempte de tache. L'Église en voyant le Seigneur compter des pécheurs parmi ses ancêtres apprenait aussi à ne point rougir de se voir elle-même composée de pécheurs. Enfin le Sauveur faisait ainsi remonter jusqu'à ses ancêtres le bienfait de sa rédemption, nous apprenait qu'une tache dans la naissance n'était pas un obstacle à la vertu, et anéantissait l'arrogance de ceux qui se vantent de la noblesse de leur origine.
Le dessein de l'Évangéliste est de nous montrer que tous ont été coupables de péché. C'est Thamar accusant Juda de fornication ; c'est David devenant le père de Salomon par suite d'un adultère. Or, si la loi était violée par les personnes les plus marquantes du peuple de Dieu, elle l'était de même par tous les autres ; ainsi tous avaient péché, et la venue du Christ était indispensablement nécessaire.
Zara représente le peuple juif qui apparut le premier à la lumière de la foi, sortant pour ainsi dire du sein ténébreux du monde, c'est pour cela qu'il fut marqué par le ruban d'écarlate de la circoncision, l'opinion générale étant que le peuple circoncis devait être plus tard le peuple de Dieu. Mais la loi fut placée devant lui comme une haie ou comme une muraille, et devint pour ce peuple un empêchement. Lorsque le Christ fut venu, la muraille de la loi qui séparait les Juifs des Gentils fut renversée selon ces paroles de l'Apôtre : " Détruisant la muraille de séparation (Ep 2, 14). " Et il arriva que le peuple des Gentils signifié par Pharês, entra le premier dans le chemin de la foi, après que la loi eut été renversée par les commandements du Christ, tandis que le peuple juif ne vint qu'à sa suite (cf. Gn 28, 27-30).
Il est à remarquer que dans la généalogie du Sauveur l'Évangéliste ne nomme aucune des saintes femmes de l'ancienne loi, mais uniquement celles dont l'Écriture blâme la conduite. En voulant naître ainsi de femmes pécheresses, celui qui était venu pour les pécheurs veut nous apprendre qu'il venait effacer les péchés de tous les hommes, c'est pour cette raison que nous trouvons dans les versets suivants Ruth la Moabite.
Juda n'était pas l'aîné. Ces deux enfants jumeaux n'étaient pas non plus ses premiers-nés, car il en avait eu trois autres avant eux. L'écrivain sacré les place dans la série des générations, pour arriver par eux jusqu'à David, et de là au but qu'il se propose.
La Glose
L'Évangéliste laissant de côte les autres enfants de Jacob, poursuit la descendance de Juda en ces termes " Juda engendra Phares et Zara. "
34. Ici on se demande, puisque le Seigneur n’est pas né de Zara mais de Pharès, pourquoi on le mentionne. De même, pourquoi est-il nommément désigné ? En effet, il avait dit auparavant : et ses frères. Pourquoi donc [Matthieu] a-t-il mentionné le nom de Zara ? Selon Ambroise, il faut répondre que cela a été fait en mystère. Pour le montrer, remarquez l’histoire qui se trouve en Gn 38, 27s, à savoir que, lors de l’accouchement de Thamar, Zara se présenta le premier, et l’accoucheuse lui attacha un fil écarlate en disant : «Celui-ci est sorti le premier», et elle lui donna ainsi le nom de Zara. Par la suite, comme celui-ci avait retiré sa main, l’autre est sorti, et l’accoucheuse dit : «Pourquoi as-tu ouvert le mur ?» Or, Zara, qui était apparu le premier, signifie «peuple des Juifs», à la main de qui l’accoucheuse a attaché un fil écarlate, c’est-à-dire la circoncision, qui se réalisait par effusion de sang. Mais comme celui-ci avait retiré sa main, etc., l’autre est sorti ; car une partie d’Israël a été frappée de cécité [Rm 11, 25]. En effet, c’est ainsi que le peuple païen écarté a eu accès à la lumière de la foi, en sortant du sein de l’ignorance et de l’infidélité.
35. En second lieu, il faut remarquer que, par les pères mentionnés dans la génération du Christ, le Christ est désigné en raison du nom, de la réalité ou de quelque chose d’autre, comme il est de soi évident. En effet, Abraham signifie «père d’une multitude de nations», et signifie le Christ, dont il est dit en He 2, 10 : …qui a conduit de nombreux fils à la gloire. De même, Abraham quitta son pays sur ordre du Seigneur, Gn 12, 4, et il s’agit du Christ qui disait en Jr 12, 17 : J’ai quitté ma demeure, j’ai abandonné mon héritage, etc. De même, Abraham, qui rit en disant : Maintenant, le Seigneur m’a fait rire, Gn 21, 6, et il s’agit du Christ, à la naissance de qui la joie a été annoncée non seulement à une seule personne, mais au monde entier, Lc 1, 10 : Voici que je vous annonce une grande joie, qui sera celle de tout le peuple, car il vous est né aujourd’hui un sauveur, qui est le Christ Seigneur. De même, [le Christ est-il désigné] par Jacob, en raison de l’interprétation comme en raison de la réalité, comme il apparaît par le fait qu’il plaça une pierre, à savoir, la dureté de la croix, sous sa tête. De même [le Christ est-il indiqué] par Juda et Pharès, qui signifie «séparation»: en effet, c’est lui qui séparera les brebis des boucs, plus loin, 25, 32.
36. Selon le sens moral, l’état de notre justification est désigné par ces générations eu égard aux six éléments nécessaires à la justification. La foi, par Abraham justifié par la justice de la foi ; en effet, ailleurs, il est lui-même appelé l’origine de la foi, Rm 4, 11 : Afin qu’il soit le père de tous les croyants par le prépuce. L’espérance, en Isaac, parce qu’il signifie «rire», Rm 12, 12 : [Nous] réjouissant dans l’espérance. La charité, en Jacob, qui eut deux épouses : Lia, qui signifie «celle qui travaille», et Rachel ; ce sont les deux vies qui existent dans la charité selon les deux préceptes de celle-ci : en effet, la vie contemplative se complaît en Dieu ; mais la vie active est celle par laquelle on vient au secours du prochain. La confession, en Juda, qui existe sous deux formes : celle de la foi, Rm 10, 10 : C’est par le cœur qu’on croit en vue de la justice, et par la bouche qu’on confesse en vue du salut ; et celle des péchés : Confessez vos péchés les uns aux autres, Jc 5, 16. Or, de cela découle un double effet, à savoir, la destruction des vices, qui est désignée par Pharès, et la source des vertus, qui est signifiée par Zara. Et cela vient de Thamar, qui signifie «amertume», Is 38, 15 : Je placerai sous ton regard toutes mes années dans l’amertume de mon âme.
37. PHARÈS ENGENDRA ESRON. Ici est présentée la suite de la généalogie des pères qui sont nés en Égypte ou lors de la sortie [d’Égypte]. En effet, de même que par Pharès, qui signifie «séparation», le Christ est signifié, plus loin, 25, 32 : Il séparera les agneaux des boucs, de même par Esron, qui signifie «flèche» ou «salle». En effet, il est appelé «flèche» en raison de l’efficacité de la prédication, par laquelle il a pénétré le cœur de ceux qui écoutaient, Ps 44[45], 6 : Tes flèches sont aiguisées, les peuples se soumettront à toi ; les ennemis du roi [perdent] cœur. Mais [il est appelé] «salle» en raison de l’étendue de la charité, car celle-ci aime non seulement les amis, mais aussi les ennemis, Rm 5, 10 : Alors que nous étions ennemis, nous avons été réconciliés avec Dieu par la mort de son Fils ; Is 53, 12 : Lui-même a prié pour les ennemis ; et de même Lc 23, 34 : Père, pardonnez-leur, car ils ne savent pas ce qu’ils font.
38. ESRON ENGENDRA ARAM. Aram signifie «élu» ou «très grand», Is 42, 1 : Voici mon fils, et il est exalté au-dessus de tous ; Ep 1, 21 : Il l’a placé au-dessus de toute principauté.
35. En second lieu, il faut remarquer que, par les pères mentionnés dans la génération du Christ, le Christ est désigné en raison du nom, de la réalité ou de quelque chose d’autre, comme il est de soi évident. En effet, Abraham signifie «père d’une multitude de nations», et signifie le Christ, dont il est dit en He 2, 10 : …qui a conduit de nombreux fils à la gloire. De même, Abraham quitta son pays sur ordre du Seigneur, Gn 12, 4, et il s’agit du Christ qui disait en Jr 12, 17 : J’ai quitté ma demeure, j’ai abandonné mon héritage, etc. De même, Abraham, qui rit en disant : Maintenant, le Seigneur m’a fait rire, Gn 21, 6, et il s’agit du Christ, à la naissance de qui la joie a été annoncée non seulement à une seule personne, mais au monde entier, Lc 1, 10 : Voici que je vous annonce une grande joie, qui sera celle de tout le peuple, car il vous est né aujourd’hui un sauveur, qui est le Christ Seigneur. De même, [le Christ est-il désigné] par Jacob, en raison de l’interprétation comme en raison de la réalité, comme il apparaît par le fait qu’il plaça une pierre, à savoir, la dureté de la croix, sous sa tête. De même [le Christ est-il indiqué] par Juda et Pharès, qui signifie «séparation»: en effet, c’est lui qui séparera les brebis des boucs, plus loin, 25, 32.
36. Selon le sens moral, l’état de notre justification est désigné par ces générations eu égard aux six éléments nécessaires à la justification. La foi, par Abraham justifié par la justice de la foi ; en effet, ailleurs, il est lui-même appelé l’origine de la foi, Rm 4, 11 : Afin qu’il soit le père de tous les croyants par le prépuce. L’espérance, en Isaac, parce qu’il signifie «rire», Rm 12, 12 : [Nous] réjouissant dans l’espérance. La charité, en Jacob, qui eut deux épouses : Lia, qui signifie «celle qui travaille», et Rachel ; ce sont les deux vies qui existent dans la charité selon les deux préceptes de celle-ci : en effet, la vie contemplative se complaît en Dieu ; mais la vie active est celle par laquelle on vient au secours du prochain. La confession, en Juda, qui existe sous deux formes : celle de la foi, Rm 10, 10 : C’est par le cœur qu’on croit en vue de la justice, et par la bouche qu’on confesse en vue du salut ; et celle des péchés : Confessez vos péchés les uns aux autres, Jc 5, 16. Or, de cela découle un double effet, à savoir, la destruction des vices, qui est désignée par Pharès, et la source des vertus, qui est signifiée par Zara. Et cela vient de Thamar, qui signifie «amertume», Is 38, 15 : Je placerai sous ton regard toutes mes années dans l’amertume de mon âme.
37. PHARÈS ENGENDRA ESRON. Ici est présentée la suite de la généalogie des pères qui sont nés en Égypte ou lors de la sortie [d’Égypte]. En effet, de même que par Pharès, qui signifie «séparation», le Christ est signifié, plus loin, 25, 32 : Il séparera les agneaux des boucs, de même par Esron, qui signifie «flèche» ou «salle». En effet, il est appelé «flèche» en raison de l’efficacité de la prédication, par laquelle il a pénétré le cœur de ceux qui écoutaient, Ps 44[45], 6 : Tes flèches sont aiguisées, les peuples se soumettront à toi ; les ennemis du roi [perdent] cœur. Mais [il est appelé] «salle» en raison de l’étendue de la charité, car celle-ci aime non seulement les amis, mais aussi les ennemis, Rm 5, 10 : Alors que nous étions ennemis, nous avons été réconciliés avec Dieu par la mort de son Fils ; Is 53, 12 : Lui-même a prié pour les ennemis ; et de même Lc 23, 34 : Père, pardonnez-leur, car ils ne savent pas ce qu’ils font.
38. ESRON ENGENDRA ARAM. Aram signifie «élu» ou «très grand», Is 42, 1 : Voici mon fils, et il est exalté au-dessus de tous ; Ep 1, 21 : Il l’a placé au-dessus de toute principauté.
Pharès et Zaram : c’étaient deux jumeaux, comme Jacob et Esaü. On s’est demandé pourquoi il est fait mention de Zara, puisqu’il ne compte point parmi les aïeux du Christ. Maldonat répond, avec plusieurs interprètes, par une réflexion empruntée aux circonstances qui accompagnèrent la naissance des deux frères (Cf. Gen. 38, 29) : « Ces jumeaux semblaient lutter dans le sein de leur mère à qui serait le premier-né et l’ancêtre du Christ, de façon à mettre en doute quel serait celui qui naîtrait le premier. [Zaram ayant sorti la main le premier, bien que Phares soit né le premier]. Voilà pourquoi l’évangéliste a voulu leur répartir un honneur égal ». – De Thamar. L’apparition de Thamar surprend doublement le lecteur, d’abord parce que les Juifs n’avaient pas coutume de mentionner les femmes dans leurs listes généalogiques, en second lieu parce que, si l’une des aïeules du Messie devait être tenue dans l’oubli, c’était assurément Thamar, Cf. Gen. ch. 38. Du reste, on a remarqué depuis bien longtemps que, parmi les cinq noms de femmes signalés dans la généalogie de S. Matthieu, un seul est immaculé, celui de la Vierge Marie ; tous les autres sont entachés de quelque façon. Après l’incestueuse Thamar, il y a Rahab, v. 5, “Rahab la débauchée” comme l’appelle la Bible, Jos 2, 1 ; Hebr. 11, 31 ; il y a Ruth, la Moabite, v. 5, d’origine païenne par conséquent ; il y a la femme d’Urie, ou Bethsabé, v. 6. Pourquoi n’avoir pas cité de préférence Sara, Rébecca ou Lia ? D’après plusieurs Pères, ce serait un fait providentiel destiné à relever les humiliations volontaires de Jésus-Christ, dans son Incarnation. « Il est à remarquer que dans la généalogie du Seigneur l’Évangéliste ne nomme aucune des saintes femmes de l’ancienne loi, mais uniquement celles dont l’Écriture blâme la conduite. En voulant naître ainsi de femmes pécheresses, celui qui était venu pour les pécheurs veut nous apprendre qu’il venait effacer les péchés de tous les hommes, c’est pour cette raison que nous trouvons dans les versets suivants Ruth la Moabite », S Jérôme in h. l. On admet généralement que ces personnes ont obtenu une mention particulière, parce qu’elles sont devenues les parentes du Messie par des voies extraordinaires et tout-à-fait remarquables. Suivant quelques auteurs, S. Matthieu aurait tout simplement admis leurs noms dans sa table généalogique, parce qu’il les aurait trouvés déjà dans les documents écrits qui lui servirent de source pour cet endroit de son Évangile. En outre, il ne faut pas exagérer la culpabilité de ces femmes, ou du moins il est bon de se rappeler les éloges que leur confèrent les Saintes Écritures et les Pères. Juda trouvait Thamar plus juste que lui, Gen. 38, 26, et les saints Pères affirment que sa démarche aussi étrange que coupable auprès de son beau-père eut pour cause un élan de foi enthousiaste : elle voulait à tout prix, disent-ils, devenir la mère de la famille choisie par Dieu. Rahab est louée à deux reprises et par deux apôtres dans le Nouveau-Testament, Heb. 11, 31 et Jac. 2, 25 ; Ruth nous est présentée comme un type admirable de piété filiale, et l’un des livres les plus gracieux de la Bible porte son nom ; enfin Bethsabé partagea la pénitence de David et mérita, comme lui, de rentrer complètement en grâce avec Dieu.