Matthieu 1, 6
Jessé engendra le roi David. David, de son union avec la femme d’Ourias, engendra Salomon,
Jessé engendra le roi David. David, de son union avec la femme d’Ourias, engendra Salomon,
50. JESSÉ ENGENDRA LE ROI DAVID. David veut dire «bras fort» et «désirable au regard», toutes choses qui conviennent au Christ, comme cela est clair. En effet, celui-là est fort qui l’emporte sur le Diable, Lc 11, 22 : Mais si un plus fort survient et l’emporte sur lui, il lui enlèvera toutes ses armes, dans lesquelles il avait confiance, et distribuera ses dépouilles. De même, il est lui-même plus beau que tous les fils des hommes, Ps 44[45], 3.
51. Mais une question se pose ici : puisque plusieurs autres ont été rois, pourquoi seul [David] est-il appelé roi ? La réponse est que ce premier roi appartenait à la tribu de Juda, dont est issu le Seigneur. Bien que Saül ait été roi, il était toutefois de la tribu de Benjamin. La deuxième raison est que les autres ont régné en raison du mérite de David lui-même, Ps 88[89], 30 : J’établirai pour toujours sa lignée, et son trône comme les jours des cieux. Troisième raison, afin de montrer l’accomplissement de la prophétie, Jr 23, 5 : Je susciterai en David une descendance juste et un roi régnera : il sera sage, il exercera le droit et la justice dans le pays ; Is 9, 7 : Sur le trône de David et sur son royaume, siégera, etc.
52. Selon le sens moral, par cette génération est désigné le fruit des parfaits, comme par les autres, le fruit des débutants et de ceux qui progressent. En effet, ce qui est requis en premier lieu dans l’homme parfait, c’est qu’il soit fort pour s’attaquer à l’adversité, c’est-à-dire qu’il ne ralentisse pas en raison d’une difficulté ; et cela est signifié par Booz, qui veut en effet dire «fort», Is 40, 31 : Ceux qui espèrent dans le Seigneur renouvelleront leur force, ils déploieront leurs ailes comme des aigles, ils courront sans s’épuiser, ils marcheront sans se fatiguer ; dernier chapitre de Pr 9, 10 : Une femme forte, qui la trouvera, etc. ? En second lieu, [est requise] l’humilité du serviteur, de sorte que plus il est grand, plus il s’humilie en toutes choses ; et cela est signifié par Obed, qui veut lui-même dire «esclave» ou «servitude», Lc 22, 26 : Que celui qui est le plus grand parmi vous se fasse serviteur. En troisième lieu, [est requise] la ferveur de la charité signifiée par Jessé, qui veut dire «encens» ou «feu», Ps 140[141], 2 : Que monte ma prière comme l’encens devant ta face, etc. Et par cela, on parvient au royaume et à la gloire, car Jessé a engendré David, 1 P 2, 9 : Vous êtes une race élue, un sacerdoce royal, une nation sainte, un peuple acquis.
53. Une fois présentée la suite de la généalogie des pères qui parcourt les patriarches, [Matthieu] présente ici [1, 6-11] la suite des pères selon la lignée des rois, et elle se divise en deux. D’abord, sont présentés les rois qui sont nés en Israël sans mélange avec une semence étrangère [1, 6-8] ; ensuite, sont présentés les rois qui sont issus de rapports avec des étrangers, à cet endroit : JORAM ENGENDRA OZIAS [1, 8-11].
54. Ici se pose une double question. Luc, en comptant la génération du Christ, remonte en passant par l’intermédiaire de Nathan. Mais Matthieu, en descendant, passe de David au Christ par l’intermédiaire de Salomon. Il semble ainsi y avoir une contradiction. Mais, comme on l’a dit, il faut dire que Luc, dans la généalogie du Christ, présente plusieurs pères qui ne furent pas pères par reproduction selon une origine charnelle, mais selon une adoption légale ; mais Matthieu n’en présente aucun qui ne soit un père charnel. Et il est vrai que, selon la chair, le Seigneur descend de David par l’intermédiaire de Salomon, et non pas de Nathan ; cependant, selon Augustin, ne laisse pas d’être mystérieux le fait que Matthieu descende jusqu’au Christ à partir de David par l’intermédiaire de Salomon, et que Luc remonte depuis le Christ jusqu’à David par l’intermédiaire de Nathan. En effet, Matthieu avait entrepris d’écrire la génération charnelle du Christ selon laquelle le Christ s’abaissa jusqu’à ressembler à la chair de péché [Rm 8, 3] ; c’est donc à juste titre que, dans sa génération, il descend de David par l’intermédiaire de Salomon, avec la mère duquel David lui-même a péché. Mais Luc, qui veut surtout mettre en relief dans le Christ la dignité sacerdotale, par laquelle se réalisa l’expiation des péchés, remonte à juste titre, en passant par Nathan, jusqu’à David, qui fut un homme juste. À noter cependant que, selon le même Augustin, dans le livre des Rétractations, il ne faut pas comprendre que Nathan le prophète, qui fit des reproches [à David], était le même que le fils qu’il engendra : ils ne se ressemblaient que par le nom.
55. En second lieu, on se demande pourquoi Bersabée n’est pas désignée par son nom, comme Thamar, Rahab et Ruth. Et il faut dire que les autres, bien qu’elles aient été pécheresses pendant un certain temps, se convertirent toutefois par la suite et firent pénitence ; mais celle-ci commit d’une manière honteuse le crime d’adultère et consentit à un homicide. C’est pourquoi son nom est passé sous silence par pudeur. À noter cependant que, dans l’Écriture, les péchés des grands sont racontés, comme c’est le cas pour David et pour d’autres, et cela, parce que le Diable n’a pas terrassé que les petits et les inférieurs, mais aussi les grands. Il est en effet notre adversaire. Et c’est par précaution que [les péchés des grands] sont racontés, afin que celui qui est debout prenne garde de tomber [1 Co 10, 12]. Une autre raison est qu’on ne doit pas penser que [les grands] sont plus que des hommes. En effet, si l’on ne voyait en eux que la perfection, on pourrait s’égarer par idolâtrie ; mais lorsqu’on les voit tomber par le péché, on ne croit pas qu’il y a en eux plus que de l’homme. À noter aussi, selon Grégoire, que parfois ce qui est fait au sens littéral est mal et ce qui est signifié est bon ; mais parfois, ce qui est fait est bon et ce qui est signifié est mal. En effet, Urie était un homme bon et juste, et personne dans l’Écriture ne lui fait de reproches ; cependant, il signifie le Diable. Mais Bersabée fut une pécheresse, et cependant elle signifie une réalité bonne, à savoir, l’Église, comme le note la Glose sur 2 R [2 S] 12, et aussi la Glose dont on dit qu’elle explique la figure selon le sens allégorique. En effet, Urie veut dire «Dieu est ma lumière», et signifie le Diable, qui a désiré la lumière de Dieu, Is 14, 14 : Je serai semblable au Très-Haut. Bersabée veut dire «sept puits» ou «puits de la communauté», et elle signifie l’Église des Gentils en raison de la grâce baptismale septiforme. Le Diable l’avait d’abord épousée, mais David, c’est-à-dire le Christ, la lui enleva, s’unit à elle et tua le Diable lui-même. Autre [interprétation] : Bersabée signifie la loi, sur les chemins de laquelle a été entraîné le peuple qui ne veut pas entrer dans la maison par l’intelligence spirituelle ; ainsi, il emporte les lettres qui le condamnent à mort, car la lettre tue, 2 Co 3, 6. Mais David, c’est-à-dire le Christ, enleva la loi aux Juifs, lorsqu’il enseigna qu’elle devait être interprétée spirituellement.
51. Mais une question se pose ici : puisque plusieurs autres ont été rois, pourquoi seul [David] est-il appelé roi ? La réponse est que ce premier roi appartenait à la tribu de Juda, dont est issu le Seigneur. Bien que Saül ait été roi, il était toutefois de la tribu de Benjamin. La deuxième raison est que les autres ont régné en raison du mérite de David lui-même, Ps 88[89], 30 : J’établirai pour toujours sa lignée, et son trône comme les jours des cieux. Troisième raison, afin de montrer l’accomplissement de la prophétie, Jr 23, 5 : Je susciterai en David une descendance juste et un roi régnera : il sera sage, il exercera le droit et la justice dans le pays ; Is 9, 7 : Sur le trône de David et sur son royaume, siégera, etc.
52. Selon le sens moral, par cette génération est désigné le fruit des parfaits, comme par les autres, le fruit des débutants et de ceux qui progressent. En effet, ce qui est requis en premier lieu dans l’homme parfait, c’est qu’il soit fort pour s’attaquer à l’adversité, c’est-à-dire qu’il ne ralentisse pas en raison d’une difficulté ; et cela est signifié par Booz, qui veut en effet dire «fort», Is 40, 31 : Ceux qui espèrent dans le Seigneur renouvelleront leur force, ils déploieront leurs ailes comme des aigles, ils courront sans s’épuiser, ils marcheront sans se fatiguer ; dernier chapitre de Pr 9, 10 : Une femme forte, qui la trouvera, etc. ? En second lieu, [est requise] l’humilité du serviteur, de sorte que plus il est grand, plus il s’humilie en toutes choses ; et cela est signifié par Obed, qui veut lui-même dire «esclave» ou «servitude», Lc 22, 26 : Que celui qui est le plus grand parmi vous se fasse serviteur. En troisième lieu, [est requise] la ferveur de la charité signifiée par Jessé, qui veut dire «encens» ou «feu», Ps 140[141], 2 : Que monte ma prière comme l’encens devant ta face, etc. Et par cela, on parvient au royaume et à la gloire, car Jessé a engendré David, 1 P 2, 9 : Vous êtes une race élue, un sacerdoce royal, une nation sainte, un peuple acquis.
53. Une fois présentée la suite de la généalogie des pères qui parcourt les patriarches, [Matthieu] présente ici [1, 6-11] la suite des pères selon la lignée des rois, et elle se divise en deux. D’abord, sont présentés les rois qui sont nés en Israël sans mélange avec une semence étrangère [1, 6-8] ; ensuite, sont présentés les rois qui sont issus de rapports avec des étrangers, à cet endroit : JORAM ENGENDRA OZIAS [1, 8-11].
54. Ici se pose une double question. Luc, en comptant la génération du Christ, remonte en passant par l’intermédiaire de Nathan. Mais Matthieu, en descendant, passe de David au Christ par l’intermédiaire de Salomon. Il semble ainsi y avoir une contradiction. Mais, comme on l’a dit, il faut dire que Luc, dans la généalogie du Christ, présente plusieurs pères qui ne furent pas pères par reproduction selon une origine charnelle, mais selon une adoption légale ; mais Matthieu n’en présente aucun qui ne soit un père charnel. Et il est vrai que, selon la chair, le Seigneur descend de David par l’intermédiaire de Salomon, et non pas de Nathan ; cependant, selon Augustin, ne laisse pas d’être mystérieux le fait que Matthieu descende jusqu’au Christ à partir de David par l’intermédiaire de Salomon, et que Luc remonte depuis le Christ jusqu’à David par l’intermédiaire de Nathan. En effet, Matthieu avait entrepris d’écrire la génération charnelle du Christ selon laquelle le Christ s’abaissa jusqu’à ressembler à la chair de péché [Rm 8, 3] ; c’est donc à juste titre que, dans sa génération, il descend de David par l’intermédiaire de Salomon, avec la mère duquel David lui-même a péché. Mais Luc, qui veut surtout mettre en relief dans le Christ la dignité sacerdotale, par laquelle se réalisa l’expiation des péchés, remonte à juste titre, en passant par Nathan, jusqu’à David, qui fut un homme juste. À noter cependant que, selon le même Augustin, dans le livre des Rétractations, il ne faut pas comprendre que Nathan le prophète, qui fit des reproches [à David], était le même que le fils qu’il engendra : ils ne se ressemblaient que par le nom.
55. En second lieu, on se demande pourquoi Bersabée n’est pas désignée par son nom, comme Thamar, Rahab et Ruth. Et il faut dire que les autres, bien qu’elles aient été pécheresses pendant un certain temps, se convertirent toutefois par la suite et firent pénitence ; mais celle-ci commit d’une manière honteuse le crime d’adultère et consentit à un homicide. C’est pourquoi son nom est passé sous silence par pudeur. À noter cependant que, dans l’Écriture, les péchés des grands sont racontés, comme c’est le cas pour David et pour d’autres, et cela, parce que le Diable n’a pas terrassé que les petits et les inférieurs, mais aussi les grands. Il est en effet notre adversaire. Et c’est par précaution que [les péchés des grands] sont racontés, afin que celui qui est debout prenne garde de tomber [1 Co 10, 12]. Une autre raison est qu’on ne doit pas penser que [les grands] sont plus que des hommes. En effet, si l’on ne voyait en eux que la perfection, on pourrait s’égarer par idolâtrie ; mais lorsqu’on les voit tomber par le péché, on ne croit pas qu’il y a en eux plus que de l’homme. À noter aussi, selon Grégoire, que parfois ce qui est fait au sens littéral est mal et ce qui est signifié est bon ; mais parfois, ce qui est fait est bon et ce qui est signifié est mal. En effet, Urie était un homme bon et juste, et personne dans l’Écriture ne lui fait de reproches ; cependant, il signifie le Diable. Mais Bersabée fut une pécheresse, et cependant elle signifie une réalité bonne, à savoir, l’Église, comme le note la Glose sur 2 R [2 S] 12, et aussi la Glose dont on dit qu’elle explique la figure selon le sens allégorique. En effet, Urie veut dire «Dieu est ma lumière», et signifie le Diable, qui a désiré la lumière de Dieu, Is 14, 14 : Je serai semblable au Très-Haut. Bersabée veut dire «sept puits» ou «puits de la communauté», et elle signifie l’Église des Gentils en raison de la grâce baptismale septiforme. Le Diable l’avait d’abord épousée, mais David, c’est-à-dire le Christ, la lui enleva, s’unit à elle et tua le Diable lui-même. Autre [interprétation] : Bersabée signifie la loi, sur les chemins de laquelle a été entraîné le peuple qui ne veut pas entrer dans la maison par l’intelligence spirituelle ; ainsi, il emporte les lettres qui le condamnent à mort, car la lettre tue, 2 Co 3, 6. Mais David, c’est-à-dire le Christ, enleva la loi aux Juifs, lorsqu’il enseigna qu’elle devait être interprétée spirituellement.
Ex ea quœ fuit Uriœ ; Il est étonnant, malgré ce que nous avons dit tout-à-l’heure, qu’au lieu de la désigner par son nom propre, on ait choisi un titre qui rappelle plus vivement sa faute.