Matthieu 10, 1

Alors Jésus appela ses douze disciples et leur donna le pouvoir d’expulser les esprits impurs et de guérir toute maladie et toute infirmité.

Alors Jésus appela ses douze disciples et leur donna le pouvoir d’expulser les esprits impurs et de guérir toute maladie et toute infirmité.
Saint Thomas d'Aquin
1181. [Le Seigneur] avait proposé plus haut son enseignement ; ici, il établit [ses] ministres. Et ceux-ci sont décrits par leur nombre, par leur puissance et par l’ordre de leurs noms. Par leur nombre ; il dit ainsi : En AYANT APPELÉ DOUZE [10, 1]. Et pourquoi dit-il DOUZE ? Afin que soit montrée la conformité entre l’Ancien et le Nouveau Testament, car, dans l’Ancien, il y eut douze patriarches ; de même, [les ministres] sont-ils douze. Seconde raison : afin que soit montrée leur puissance et leurs réalisations à venir. En effet, ce nombre est composé de la multiplication de quatre et de trois, quatre fois trois ou trois fois quatre. Par le nombre trois, la Trinité est désignée ; par le nombre quatre, le monde [est désigné]. Ainsi, il est indiqué que leur prédication devait s’étendre dans le monde entier. C’est pourquoi le Seigneur [dit], Mc 16, 15 : Allez dans le monde entier, prêchez l’évangile à toute créature, etc. C’était aussi pour indiquer la perfection, car le nombre douze est composé de deux fois six. En effet, le nombre six est un nombre parfait, puisqu’il est composé de toutes [ses] parties, car il vient d’un, de deux ou de trois, et ces parties, jointes les unes aux autres, donnent six. Ainsi, [le Seigneur] a appelé ce nombre [de disciples] pour indiquer la perfection, ci-haut, 5, 48 : Soyez parfaits comme votre Père est parfait.

1182. Il est ensuite question de leur puissance, car IL LEUR DONNA POUVOIR, etc. [10,1], afin qu’ils fassent ou puissent faire comme lui avait fait. Et non seulement ce qu’il avait fait, mais des choses encore plus grandes, Jn 14, 12. En effet, il n’est pas écrit que des malades étaient guéris par l’ombre du Christ, comme il est écrit que, par l’ombre de Pierre, nombreux étaient ceux qui étaient guéris, Ac 5, 15. DE CHASSER LES ENNEMIS IMPURS [10, 1]. [Le Seigneur] n’a donc pas voulu que ceux-ci [les chassent] comme lui, car lui [les] chassait en son propre [nom], et eux au nom du Christ. Ainsi [est-il écrit] en Mc 16, 17 : En mon nom ils chasseront les démons, etc. Et [il leur donna le pouvoir], non seulement de chasser les démons, mais aussi DE GUÉRIR TOUTE MALADIE [10, 1], comme on le lit en Mc 16, 18 : Ils imposeront les mains aux malades, et ceux-ci se trouveront bien. Mais si tu demandes pourquoi une telle puissance n’a pas été donnée aux prédicateurs, Augustin répond que le plus grand miracle a été manifesté, à savoir que le monde entier a été converti. Ainsi donc, ou bien des miracles se sont produits, et alors j’obtiens ce qui a été dit ; sinon, c’est le plus grand [miracle] que, par douze pêcheurs de la plus basse condition, le monde entier ait été converti.
Louis-Claude Fillion
Jésus convoque donc en assemblée solennelle ses douze principaux disciples, ses Apôtres, ainsi qu’ils sont appelés au verset suivant. Nous voyons par là que le mot disciples est pris, dans l’Évangile, en trois différents sens. D’après sa signification la plus large, il désigne tous ceux qui croyaient en Jésus-Christ et qui recevaient avec docilité la doctrine évangélique ; d’après une signification restreinte, il représente ces hommes plus généreux que le divin Maître avait attachés à sa personne et dont il se faisait accompagner dans ses voyages et dans ses missions, Cf. Matth. 8, 21, etc. ; enfin dans le sens strict il s’applique à l’élite de cette seconde catégorie, aux Douze par excellence, comme les nomme déjà S. Marc, 6, 7. Il s’était ainsi graduellement formé autour du Christ un triple cercle d’amis et de partisans. S. Matthieu, en parlant ici pour la première fois des Apôtres, ne prétend nullement affirmer que leur choix ne remonte pas au-delà de cette époque. Au contraire, l’expression générale « appelés », dont il se sert pour les introduire sur la scène évangélique, suppose que les Douze formaient déjà un nombre à part, une classe distincte de celle des disciples du second rang ; en effet, d’après les deux autres synoptiques, qui s’expriment là-dessus avec toute leur précision accoutumée, la formation du collège apostolique remontait à une date antérieure : elle avait eu lieu, nous disent-ils, peu de temps après l’ouverture de la première mission donnée par Jésus aux Galiléens et quelques instants seulement avant le Discours sur la Montagne ; Luc. 6, 12-20 ; Marc. 3, 13-19. Plus loin, à l’occasion de la circonstance que nous étudions actuellement, ils racontent d’une manière très expresse que Jésus convoqua les douze Apôtres pour leur communiquer ses pouvoirs et pour les associer à ses travaux, Marc. 6, 7 ; Luc. 9, 1 et 2. Le premier évangéliste condense par conséquent les faits selon sa méthode ordinaire, tandis que S. Marc et S. Luc séparent dans leurs récits les choses qui ont été séparées d’après l’ordre des temps. Ce sentiment est, de nos jours, très généralement adopté. - Il leur donna puissance. C’est pour leur conférer des pouvoirs surnaturels semblables aux siens et destinés à corroborer leur prédication, qu’il les a réunis en ce moment autour de lui ; il va pour ainsi dire procéder à leur ordination apostolique, en attendant l’ordination sacerdotale qui aura lieu le soir du Jeudi Saint. De quelle manière leur transmit-il les pouvoirs extraordinaires que l’évangéliste mentionnera bientôt ? Est-ce à l’aide de quelque signe extérieur, comme l’ont pensé divers auteurs ? Ne serait-ce pas plutôt par une simple déclaration verbale ? Peu importe ; les trois récits gardent d’ailleurs sur ce point un silence absolu. - Ces pouvoirs sont de deux sortes : ils consistent 1° à chasser les démons des corps des possédés, les esprits impurs... Cette appellation d’esprits impurs appliquée aux démons vient de leur opposition constante et manifeste à tout ce qui est saint, de leur vive inclination pour tout ce qui est mal, et de l’ardente activité qu’ils déploient pour induire l’homme à toute sorte de péchés, à toute sorte d’impuretés dans le sens large comme dans le sens strict de cette expression. - 2° Et pour guérir... Les pouvoirs communiqués par Jésus à ses Apôtres consistent encore à guérir indistinctement, sans aucune exception, toutes les maladies ou infirmités qui désolent les hommes. Actuellement, la puissance dont il les investit est donc tout à fait extérieure ; plus tard seulement il leur conférera une autorité plus spirituelle et plus relevée, en vertu de laquelle ils pourront administrer les sacrements et faire passer directement la grâce dans les âmes. Du reste ce qu’il leur fallait tout d’abord, c’était le don d’opérer des signes frappants qui attesteraient la vérité de leur prédication. « Ces signes, écrit s. Grégoire le Grand, étaient nécessaires au début de l’Église. Pour que la multitude des croyants croisse dans la foi il était nécessaire de les nourrir de miracles. Il en est ainsi même pour nous. Quand nous plantons des arbustes, nous les arrosons jusqu’à ce que nous voyions qu’ils sont bien implantés. Et dès qu’ils ont pris racine, l’irrigation cesse ».