Matthieu 10, 15
Amen, je vous le dis : au jour du Jugement, le pays de Sodome et de Gomorrhe sera traité moins sévèrement que cette ville.
Amen, je vous le dis : au jour du Jugement, le pays de Sodome et de Gomorrhe sera traité moins sévèrement que cette ville.
Les Apôtres saluent donc la maison avec un vif désir de paix, mais leurs paroles expriment plutôt la paix qu'ils ne la donnent. Quant à la paix proprement dite, qui sort des entrailles de la miséricorde, elle ne peut descendre sur cette maison qu'autant qu'elle la mérite ; si elle n'en est pas trouvée digne, le mystère de cette paix toute divine doit rester renfermé dans la conscience des Apôtres. Et ceux qui ont rejeté les préceptes du royaume des cieux n'ont plus à attendre que la malédiction éternelle que leur prédisent les apôtres en les quittant, et en secouant la poussière de leurs pieds. " Lorsque quelqu'un ne voudra point vous recevoir, ni écouter vos paroles, en sortant de cette maison ou de cette ville secouez la poussière de vos pieds. " Car lorsqu'on habite un endroit, il semble qu'on est en rapport, en communion avec lui. Mais en secouant la terre de ses pieds, on se sépare complètement du péché de cette maison, qui ne retire aucun avantage pour sa guérison des traces qu'y ont imprimées les pieds des Apôtres.
Dans le sens mystique, le Seigneur nous enseigne à ne pas fréquenter les maisons, et à ne pas cultiver l'amitié des personnes qui se déclarent ennemis de Jésus-Christ ou qui ne le connaissent pas. Dans chaque ville, il nous faut donc demander qui est digne de nous recevoir, c'est-à-dire demander si l'Église est quelque part, et si Jésus-Christ a lui-même une habitation ; et une fois entrés, n'allons pas ailleurs, car cette maison et celui qui l'habite sont dignes que nous nous y arrêtions. Il devait s'en rencontrer beaucoup parmi les Juifs, dont l'attachement pour la loi serait si grand que tout en croyant en Jésus-Christ dont ils avaient vu et admiré les prodiges, ils ne pourraient cependant sortir des oeuvres de la loi. D'autres, curieux d'examiner la liberté dont Jésus-Christ est l'auteur, devaient user de feinte, en quittant la loi pour l'Évangile. Plusieurs autres enfin devaient être entraînés dans l'hérésie par la dépravation de leur intelligence, et comme tous prétendent, mais bien à tort, qu'ils sont en possession de la vérité catholique, il ne faut entrer qu'avec précaution dans cette maison qui se dit l'Église catholique.
Ce n'est donc pas sans motif qu'il ordonne aux Apôtres de choisir la maison où ils devront demeurer, c'est afin de ne pas avoir ensuite de raison d'en changer ; mais les mêmes précautions ne sont pas recommandées à celui qui les reçoit, car en voulant y mettre trop de discernement, son hospitalité pourrait perdre de son prix.
Le Seigneur venait de dire : " L'ouvrier est digne de son salaire ; mais son intention n'est point d'ouvrir indifféremment par ces paroles toutes les portes à ses disciples : aussi leur recommande-t-il d'user de la plus grande prudence dans le choix de ceux dont ils recevront l'hospitalité : " Dans quelque ville, leur dit-il, ou dans quelque bourg que vous entriez, demandez qui est digne de vous recevoir. "
Pourquoi donc alors le Sauveur s'est-il assis lui-même à la table d'un publicain (Lc 1, 27.28.29) ? C'est que ce publicain s'en était rendu digne par sa conversion. Or, cette manière d'agir ne devait pas seulement tourner à la gloire des Apôtres, mais encore leur procurer les choses nécessaires à la vie ; car si leur hôte était vraiment digne de leur choix, il devait fournir amplement à tous leurs besoins, alors surtout qu'on ne lui demanderait que le nécessaire. Remarquez comment en même temps qu'il les dépouille de tout, il leur donne tout en abondance, en leur permettant de demeurer dans la maison de ceux qu'ils évangélisaient. Car ils étaient ainsi délivrés de toute sollicitude ; et comme ils ne portaient rien avec eux, qu'ils ne demandaient que le nécessaire, et n'entraient pas indistinctement chez tout le monde, ils persuadaient plus facilement aux autres qu'ils n'étaient venus que pour les sauver. Le Seigneur voulait que ses Apôtres brillassent plus encore par leur vertu que par leurs miracles, et une marque des moins équivoques de la vertu, c'est de renoncer aux choses superflues.
Remarquez que Notre-Seigneur ne leur accorde pas encore toute faveur, ainsi il ne leur donne pas de savoir qui est digne, et il leur commande de s'en informer. A cet ordre, il ajoute celui de ne pas aller de maison en maison : " Demeurez-y, dit-il, jusqu'à ce que vous vous en alliez ; " et cela pour ne pas contrister celui qui les a reçus, et ne pas encourir le reproche de légèreté ou de sensualité.
Le Seigneur recommande aux Apôtres de ne pas attendre que les autres les saluent, parce qu'ils sont eux-mêmes leurs docteurs, mais de les saluer les premiers et de les prévenir par ce témoignage d'honneur. En ajoutant : " Mais si cette maison n'est pas digne, " il leur fait voir qu'il s'agit non pas d'une simple salutation, mais d'une véritable bénédiction.
Si la ville de Sodome est traitée moins rigoureusement que cette cité qui n'a pas reçu l'Évangile, il y a donc divers degrés dans les supplices des pécheurs.
Ils secouent la poussière de leurs pieds, en témoignage de leurs travaux, et pour attester qu'ils sont entrés dans cette ville, et que la prédication évangélique est parvenue jusqu'à ses habitants. Ou bien cette poussière secouée, signifie qu'ils ne doivent rien recevoir, pas même le nécessaire, de ceux qui rejettent l'Évangile.
Car la prédication ne s'est pas fait entendre à Sodome et à Gomorrhe, tandis que cette ville l'a entendue et n'a pas voulu la recevoir.
Les Apôtres, en entrant dans une ville nouvelle pour eux, ne pouvaient connaître celui qui se trouvait dans ces conditions. Leur choix devait donc se guider sur l'opinion générale et sur le jugement des voisins, afin que la dignité de l'Apôtre ne fût pas compromise par la mauvaise réputation de celui qui le recevrait.
Celui que les Apôtres choisissent pour lui demander l'hospitalité ne fait pas une grâce à celui qui demeure chez lui, mais au contraire il en reçoit une faveur ; et Jésus exige qu'il soit digne, pour lui faire comprendre qu'il reçoit plutôt qu'il ne donne.
Ces paroles renferment implicitement le salut ordinaire des langues hébraïque et syriaque, car le mot à la fois hébraïque et syriaque salemalach ou salamalach répond au ?????des Grecs et à l'ave des Latins, et veut dire : " La paix soit avec vous. " Or voici le sens de cette recommandation : en entrant dans une maison, demandez la paix pour celui qui l'habite, et autant que vous le pourrez, apaisez les discordes qui la troublent. Si on s'obstine à vouloir la dissension, vous recevrez votre récompense pour la paix que vous aurez offerte, et ceux qui l'ont rejetée auront la guerre en partage, comme l'indique le texte sacré : " Si cette maison en est digne, votre paix viendra sur elle ; si elle n'en est pas digne, votre paix reviendra sur vous. "
Ou bien c'est parce que les habitants de Sodome et de Gomorrhe, au milieu des désordres où ils vivaient, exerçaient volontiers l'hospitalité, bien que ceux qu'ils ont reçus ne fussent pas des apôtres.
Ou bien il y aura dans cette maison un prédestiné à la vie, et il mettra en pratique la parole divine qu'il a entendue, ou s'il n'y a personne qui veuille l'entendre, le prédicateur ne demeurera pas sans fruit pour cela, car la paix lui revient, lorsqu'il reçoit du Seigneur la récompense de son travail et de son zèle.
Le Seigneur veut donc que ses disciples offrent la paix en entrant dans une maison, afin que ce salut de paix les aide à reconnaître la maison ou l'hôte qui sont dignes de les recevoir. Il semble leur dire ouvertement : Offrez la paix à tous ; s'ils la reçoivent, ils prouveront qu'ils en sont dignes, s'ils la rejettent, ils s'en déclareront indignes. Quoique l'opinion générale ait dû les guider dans le choix de celui qui était digne de les recevoir, ils doivent cependant lui adresser ce salut, car il faut bien plutôt qu'on appelle les prédicateurs à cause de leur dignité, que de les voir s'introduire d'eux-mêmes sans être appelés. Or ce salut de paix renfermé dans ce peu de mots peut servir à reconnaître parfaitement si une maison ou celui qui l'habite sont dignes de leur donner l'hospitalité.
Notre-Seigneur choisit ici pour exemple les villes de Sodome et de Gomorrhe, pour montrer que Dieu a surtout en horreur les péchés contre nature, péchés qui ont attiré sur le monde les eaux dans lesquelles il a été enseveli, qui ont amené la destruction de quatre villes entières, et qui tous les jours sont cause des maux incalculables qui viennent frapper les hommes.
Ou bien les pieds des Apôtres figurent l'oeuvre même, la marche et le progrès de la prédication apostolique. Cette poussière dont ils sont couverts est la figure de la légèreté des pensées de la terre. Les docteurs les plus éminents ne peuvent entièrement s'en garantir, lorsqu'ils se livrent avec sollicitude aux oeuvres de zèle que réclame l'utilité de ceux qu'ils enseignent ; et en traversant les routes du monde, la poussière de la terre s'attache nécessairement à leurs pieds. Pour ceux donc qui méprisent leur doctrine, les travaux, les dangers, les ennuis, les inquiétudes des docteurs de l'Évangile deviennent un sujet de condamnation. Ceux au contraire qui reçoivent leur parole savent trouver une leçon d'humilité dans les soucis et les peines que supportent pour eux ceux qui les évangélisent. Et pour faire voir que ce n'est pas une faute légère de ne pas recevoir les Apôtres, le Sauveur ajoute : " Je vous le dis en vérité, au jour du jugement, Sodome et Gomorrhe seront traitées moins rigoureusement que cette ville. "
La Glose
C'est-à-dire, demandez la paix pour celui qui vous reçoit, afin d'assoupir en lui toute résistance contre la vérité.
1219. Mais qu’est-ce que cela ? N’auront-ils pas un sort pire ? Effectivement : JE VOUS LE DIS : LE SORT DE SODOME ET DE GOMORRHE SERA PLUS SUPPORTABLE AU JOUR DU JUGEMENT QUE CELUI DE CETTE VILLE. Car, comme on le lit en Jn 15, 22 : Si je n’étais pas venu et ne leur avais pas parlé, il n’y aurait pas de péché en eux. En effet, ceux qui entendent et n’accomplissent pas pèchent davantage que ceux qui n’ont jamais entendu. Ainsi, peut-être parce que les gens de Sodome n’avaient pas entendu, leur sort sera-t-il plus supportable. De même, ceux-ci, bien qu’impurs, avaient cependant pratiqué l’hospitalité. Pour cette raison, leur sort sera plus tolérable. Mais on trouve le contraire dans Gn 19, à savoir que, parmi les péchés de la chair, celui-ci était le plus grave. Mais [le péché] qui est directement contre Dieu, comme l’idolâtrie, est plus grave que ce dernier. Ou bien il faut dire qu’il ne compare pas un péché à l’autre, mais au contexte ; car ceux-ci, à qui la prédication avait été adressée, avaient péché, ce qui n’était pas le cas des autres. De même, il réfute certains hérétiques qui disaient que tous les péchés étaient égaux, ainsi que toutes les peines, tous les mérites et toutes les récompenses. Il écarte donc cela lorsqu’il dit : SERA PLUS SUPPORTABLE, etc., car [le sort] de certains pécheurs sera pire.
En sa qualité de Juge souverain, Jésus prédit en
termes graves et solennels le sort terrible qu’il réserve aux Israélites qui oseraient se montrer rebelles à la
prédication de l’Évangile. - Sodome et Gomorrhe. Les villes de Sodome et de Gomorrhe sont à chaque
instant mentionnées dans la Bible et dans le Talmud comme un symbole de grandes iniquités et de grands
châtiments divins. Et cependant Jésus-Christ ne craint pas d’affirmer que le sort éternel de leurs habitants
sera moins dur, il y aura moins de rigueur, que celui des hommes qui auront refusé de recevoir les Apôtres et
leur enseignement. Rien n’est plus juste que cette sentence ; le plus noir de tous les crimes n’est-il pas de
rejeter l’Évangile, surtout lorsqu’il est appuyé sur des motifs de crédibilité qui rendent l’erreur tout à fait
impossible, par exemple les miracles opérés par les Apôtres ? Cf. v. 8. Ce crime, ni Sodome, ni Gomorrhe ne
l’avaient commis, Cf. 9, 23. 24. - Au jour du jugement : au jour du jugement final et général qui mettra fin au
monde présent. S. Jérôme infère à bon droit de ce passage qu’il y aura dans l’enfer des tourments plus ou
moins rigoureux pour les damnés, selon qu’ils auront été plus ou moins coupables ici-bas. - On ne peut
s’empêcher d’admirer, dans cette première partie du discours, le ton d’assurance avec lequel Jésus parle aux
Apôtres, les sentiments de confiance qu’il cherche à faire passer dans leurs cœurs. Quoique novices dans le
ministère qu’il leur confie, ils devront se présenter partout sans crainte, v. 11 ; ils parleront avec autorité en
vertu de la puissance qu’il leur a transmise, v. 12 ; ils agiront comme des chefs suprêmes qui ont le droit de
récompenser ou de punir, v. 14.
Sodome avait été détruite, de même que Gomorrhe, à cause de ses crimes, par la vengeance divine (voir Genèse, 19, 24), qui fit pleuvoir sur elles une pluie de soufre et de feu.