Matthieu 10, 16

« Voici que moi, je vous envoie comme des brebis au milieu des loups. Soyez donc prudents comme les serpents, et candides comme les colombes.

« Voici que moi, je vous envoie comme des brebis au milieu des loups. Soyez donc prudents comme les serpents, et candides comme les colombes.
Saint Thomas d'Aquin
1220. Plus haut, le Seigneur a instruit [les apôtres] sur leur fonction et sur ce qui [leur] était nécessaire pour vivre. Maintenant, il les instruit de dangers imminents. À ce sujet, il fait deux choses : premièrement, l’enseignement est présenté sous forme imagée [10, 16] ; deuxièmement, [le Seigneur] explique cette image en cet endroit : MÉFIEZ-VOUS DES HOMMES [10, 17].

1221. À propos du premier point, il annonce d’abord les dangers [10, 16] ; deuxièmement, [il enseigne] comment [les apôtres] doivent se comporter au milieu des dangers, en cet endroit : SOYEZ PRUDENTS COMME DES SERPENTS ET SIMPLES COMME DES COLOMBES [10, 16].

1222. [Le Seigneur] dit donc : VOICI QUE JE VOUS ENVOIE. Parce qu’il avait dit : DANS TOUTES LES VILLES OÙ VOUS ENTREREZ, etc., puis : L’OUVRIER MÉRITE D’ÊTRE NOURRI, on aurait pu croire que tous devaient les accueillir. C’est pourquoi il écarte cela, comme s’il disait : «Il n’en sera pas ainsi. VOICI QUE JE VOUS ENVOIE AU MILIEU DES LOUPS. Je vous envoie donc au-devant de dangers.» Et il dit cela pour deux raisons : afin qu’on n’attribue pas à l’ignorance ou à l’impuissance qu’il ne pouvait pas les protéger. De même, il leur dit [cela] afin qu’ils ne croient pas qu’ils ont été trompés. Et il les compare à des brebis en raison de la douceur ; [il compare] les persécuteurs à des loups en raison de leur rapacité. En effet, le Christ lui-même fut une brebis, dont parle Is 53, 7 : Il sera mené à l’abattoir comme une brebis. Et les disciples sont des brebis, Ps 94[95], 7 : Nous sommes son peuple et les brebis de son bercail. Mais pour que vous ne croyiez pas que cela arrive contre ma volonté, JE VOUS ENVOIE AU MILIEU DES LOUPS. Jn 20, 21 : Comme mon Père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie. Et pourquoi Dieu a-t-il voulu [les] envoyer ainsi au-devant des dangers ? C’était en vue de la manifestation de sa puissance, car s’il les avait envoyés armés, cela aurait été imputé à une violence de sa part, et non à la puissance de Dieu. C’est pourquoi il a envoyé des pauvres. En effet, ce fut une grande chose qu’un si grand nombre ait été converti par des pauvres, des méprisés et des gens sans armes, comme le dit l’Apôtre en 1 Co 1, 26 : Dieu n’a pas choisi des gens très puissants et nobles, mais Dieu a choisi ce qu’il y a de fou dans le monde, etc.

1223. SOYEZ DONC PRUDENTS COMME DES SERPENTS ET SIMPLES COMME DES COLOMBES. Ici, [le Seigneur] montre comment ils doivent se comporter. Et parce que deux maux pouvaient leur advenir – si les apôtres étaient d’accord avec eux, un mal pouvait leur advenir ; s’ils les contredisaient, il en était de même –, il leur donne donc un avertissement sur deux points : la prudence et la simplicité. Sur la prudence, afin qu’ils évitent les maux qui leur seraient faits ; sur la simplicité, afin qu’ils ne fassent pas de mal. Ainsi, parce que je vous envoie, SOYEZ PRUDENTS. [Le Seigneur] veut qu’ils aient la prudence du serpent. La prudence du serpent consiste en ce que le serpent cherche à défendre sa tête. La tête est le Christ, qu’il ordonne de protéger. Ainsi, en 2 Tm 4, 7 : J’ai mené le bon combat, j’ai achevé ma course, j’ai conservé la foi. De même, doivent-ils protéger la tête, 1 Co 11, 3, qui est le principe du tout. Pr 4, 23 : Garde ton cœur avec toute ta vigilance. Il existe aussi une autre prudence du serpent, car lorsqu’il vieillit, il passe par une ouverture étroite et se dépouille de son vêtement ou de sa peau. De même, devons-nous agir dans notre comportement. L’Apôtre dit, Col 3, 9 : Nous dépouillant du vieil homme et de ses actes, etc. De même, devons-nous avoir la prudence du serpent dans la prédication, car, comme on le lit en Gn 3, 1s, le genre humain a été perdu par l’astuce du serpent, qui s’en est pris au sexe faible ; de même, [le serpent] lui montra-t-il un arbre. Ainsi, les prédicateurs doivent-ils convertir les pécheurs par le truchement des plus capables. De même, doivent-ils convaincre du bois de la croix, de sorte que, comme [le serpent] a tiré profit de l’arbre pour le mal, ceux-ci [en] tirent profit pour le bien.

1224. ET SIMPLES COMME DES COLOMBES. [Le Seigneur] les avait comparés à une brebis parce que celle-ci ne proteste pas, et aussi parce qu’elle ne fait pas de mal. Ici, il [les] compare à une colombe parce que celle-ci n’a pas de colère dans son cœur. De même, SOYEZ SIMPLES, par opposition à la tromperie, qui propose une chose dans le cœur et une autre dans la bouche, selon ce que dit Ps 37[38], 3 : Ils parlent de paix avec leur prochain, mais ils ont le mal dans leur cœur. [Le Seigneur leur enseigne] à être patients et simples dans les souffrances. Pr 11, 3 : La simplicité des justes les guidera.
Louis-Claude Fillion
Je vous envoie... C’est donc une nouvelle mission qui commence en cet endroit, la grande mission inaugurée aussitôt après la Pentecôte et qui dura aussi longtemps que la vie des Apôtres eux-mêmes. Les prédicateurs de l’Évangile ne travaillent pas seulement sur le territoire juif ; nous les trouvons en plein pays païen. Au lieu des petits désagréments qu’on leur prédisait tout à l’heure, nous les voyons exposés aux persécutions les plus violentes. Leur manière d’agir est notablement modifiée. Aussi les exégètes ont-ils raison d’admettre qu’il est maintenant question d’une autre ère. - Comme des brebis au milieu des loups. On ne saurait choisir une image plus frappante pour indiquer les périls nombreux de l’apostolat. Quelle situation plus dangereuse en effet que celle de brebis sans défense au milieu de loups dévorants ! C’est le symbole parfait de l’innocence et de la douceur abandonnées à la rage brutale, toute puissante. Les messagers de la paix n’échapperont donc que par miracle à la violence de leurs cruels ennemis, Cf. Eccles. 13, 21. Mais, remarque délicatement S. Jean Chrysostôme, « aussi longtemps que nous avons été des agneaux, nous avons vaincu, même entourés de mille loups. Si nous avions été des loups, nous aurions été vaincus. Car alors l’aide du pasteur nous aurait fait défaut ». Cette prédiction du Sauveur dût surprendre et attrister les Apôtres. Toutefois Jésus, en la leur faisant connaître si longtemps d’avance, avait un dessein bien légitime : il craignait, suivant la pensée du même saint Docteur, « que n’aient été démoralisés ceux qui auraient à souffrir ces choses, si elles étaient arrivées inopinément et sans qu’on s’y attende ». Il les familiarisait ainsi peu à peu avec l’idée de la persécution : de plus, il les rassure contre leurs futurs dangers en leur fournissant un moyen d’y échapper. - Soyez donc... Pour ne pas tomber sous la dent des loups, les brebis doivent se faire tout à la fois colombes et serpents. Quelle page délicieuse du symbolisme de la nature ne recevons-nous pas ici du Créateur lui-même ! Cette conclusion a deux parties : Soyez prudents, soyez simples. - Prudents comme des serpents. Chez les anciens, le serpent avait la réputation d’être le plus prudent et le plus rusé des animaux ; nous le voyons apparaître en cette qualité sans la Bible dès le début de l’histoire du monde, Gen. 3, 1. Nul mieux que lui ne déjoue mille et mille fois les embûches de ses adversaires. Que les missionnaires le prennent donc pour emblème ! Placés au milieu d’un monde plein de méchanceté, ils devront user de la plus grande prudence ; sinon, ils exposeraient très inutilement leurs personnes et, par suite, la prédication de l’Évangile, à une ruine certaine. - Simples comme des colombes : en grec, candides, sans mélange, innocents. L’antiquité profane et sacrée a toujours regardé la colombe comme le type de la candeur et de la simplicité ; de là cette comparaison du Sauveur. « Merveilleuse combinaison ! s’écrie M. Brown, The Portable commentary, in h. l. Seule, la sagesse du serpent n’est que ruse et malice, et l’innocence de la colombe ne vaut guère mieux que la faiblesse ; mais quand ces deux qualités sont réunies, la sagesse du serpent empêche de s’exposer au danger sans nécessité, l’innocence de la colombe d’employer des expédients coupables pour y échapper ». Jésus associe la prudence et la simplicité parce qu’elles ne forment, à elles deux, qu’une seule vertu. « Que l’astuce du serpent augmente la simplicité de la colombe, et que la simplicité de la colombe dirige l’astuce du serpent », S. Greg. M. l. 4, 34 ; ou bien, comme dit un vieil auteur, « Qu’il y ait un œil de serpent dans le cœur de la colombe ». Du reste, ce proverbe n'était pas inconnu des Juifs. On lit en effet dans le Schir ha-Schirim rabba f. 15, 3 : « Dieu a dit des Israélites : Envers moi, ils sont intègres comme des colombes, mais envers les Gentils ils sont astucieux comme des serpents ».
Catéchisme de l'Église catholique
" Ce Royaume brille aux yeux des hommes dans la parole, les œuvres et la présence du Christ " (LG 5). Accueillir la parole de Jésus, c’est " accueillir le Royaume lui-même " (ibid.). Le germe et le commencement du Royaume sont le " petit troupeau " (Lc 12, 32) de ceux que Jésus est venu convoquer autour de lui et dont il est lui-même le pasteur (cf. Mt 10, 16 ; 26, 31 ; Jn 10, 1-21). Ils constituent la vraie famille de Jésus (cf. Mt 12, 49). A ceux qu’il a ainsi rassemblés autour de lui, il a enseigné une " manière d’agir " nouvelle, mais aussi une prière propre (cf. Mt 5-6).