Matthieu 10, 18

Vous serez conduits devant des gouverneurs et des rois à cause de moi : il y aura là un témoignage pour eux et pour les païens.

Vous serez conduits devant des gouverneurs et des rois à cause de moi : il y aura là un témoignage pour eux et pour les païens.
Saint Hilaire de Poitiers
Ce sont eux qui s'efforcent d'arracher un aveu à votre silence ou votre consentement à leurs projets.

Ces loups figurent aussi ceux qui dans leur fureur insensée devaient se déchaîner contre les Apôtres.

La prudence leur fera éviter les embûches, la simplicité les garantira du mal. Notre-Seigneur leur donne pour exemple la finesse du serpent, parce qu'il cache sa tête dans les replis de son corps afin de mettre à couvert le siége de sa vie. Ainsi devons-nous sauver au péril de tout notre corps notre tête, qui est Jésus-Christ, c'est-à-dire nous appliquer à conserver notre foi dans toute sa pureté (Ep 3, 17 ; 4, 15), dans toute son intégrité.

Le démon s'est d'abord attaqué à l'âme du sexe le plus faible, et l'a séduite par l'espérance, en lui promettant la participation à l'immortalité ; ainsi devons-nous choisir nous-mêmes l'occasion favorable (eu égard à la nature et aux dispositions d'un chacun) pour parler avec prudence, révéler l'espérance des biens éternels et prédire en toute vérité, en nous fondant sur la promesse de Dieu lui-même, ce que le démon n'a promis que par un mensonge, c'est-à-dire que ceux qui croient deviendront semblables aux anges. (Mt 22.)

Ce témoignage non-seulement enlève aux persécuteurs toute excuse, mais encore ouvre aux nations le chemin de la foi en Jésus-Christ, qui leur fut prêchée jusqu'au milieu des tourments par la voix ferme et constante des confesseurs ; et c'est pour cela qu'il ajoute : " Et aux nations. " 
Saint Jean Chrysostome
Après avoir banni toute sollicitude du coeur de ses disciples et les avoir armés de la puissance de faire des miracles éclatants, il leur prédit les dangers qu'ils devaient courir. Il le fait, premièrement pour les convaincre de sa divine prescience ; secondement, pour éloigner de leur esprit le soupçon que ces épreuves leur arrivent à cause de la faiblesse de leur Maître ; troisièmement, pour prévenir l'étonnement mêlé de frayeur que ces maux leur causeraient, s'ils venaient fondre sur eux à l'improviste et contre toute espérance ; quatrièmement, afin qu'étant ainsi prévenus, le spectacle de la croix ne les jetât pas dans le trouble. Comme il veut ensuite leur apprendre les lois nouvelles de ce combat, il les envoie dépouillés de tout et il veut qu'ils soient nourris par ceux qui les recevront. Il ne s'arrête pas là, mais il leur donne une nouvelle idée de sa puissance, en ajoutant : " Voici que je vous envoie comme des brebis au milieu des loups. " Remarquez que ce n'est pas seulement vers les loups qu'il les envoie, mais au milieu des loups, afin que sa puissance se manifeste avec plus d'éclat, lorsqu'on verra les brebis triompher des loups, tout en vivant au milieu d'eux, et qu'au lieu de périr sous leurs morsures répétées, elles parviendront à les changer et à les convertir. Or c'est une oeuvre bien plus grande et plus admirable de changer leurs âmes que de les mettre à mort. En s'exprimant de la sorte, il leur apprend à montrer la douceur des brebis au milieu des loups.

Ils avaient une consolation dans leurs maux, c'était la puissance de Celui qui les envoyait : aussi le Sauveur cherche-t-il à les bien convaincre avant tout de cette puissance, lorsqu'il leur dit : " Voici que je vous envoie, " c'est-à-dire : Ne soyez pas effrayés d'être envoyés au milieu des loups, car j'ai assez de puissance pour vous préserver entièrement du mal qu'ils pourraient vous faire, non-seulement en vous arrachant à leur dent meurtrière, mais en vous rendant terribles aux lions eux-mêmes. Cependant il faut que vous passiez par ces épreuves, pour faire briller dans tout son éclat votre gloire et ma puissance. Toutefois, pour que les Apôtres puissent contribuer eux-mêmes à cette gloire et qu'on ne croie pas qu'ils ont été couronnés sans mérite, il ajoute : Soyez donc prudents comme des serpents et simples comme des colombes. "

De même que nous devons avoir la prudence du serpent pour éviter d'être blessés dans ce que nous avons de plus cher, ainsi devons-nous avoir la simplicité de la colombe pour ne pas opposer la vengeance à l'injustice qui nous est faite, et ne pas dresser aux autres de pernicieuses embûches.

Quoi de plus dur en apparence que de semblables commandements ? Non-seulement il faut souffrir le mal, il n'est pas même permis de s'en troubler, ce qui est le propre de la colombe ; car la colère n'apaise pas la colère, mais la douceur seule peut l'éteindre.

Il est vraiment surprenant qu'en parlant de la sorte le Sauveur n'ait pas vu s'éloigner aussitôt de lui ces hommes qui n'avaient jamais quitté les bords du lac dans lequel ils jetaient leurs filets. C'est là une preuve non-seulement de leur vertu, mais de la sagesse du docteur qui les enseignait ; car à chacun des maux qu'il leur prédisait il prenait soin de joindre un adoucissement. C'est pour cela qu'il ajoute : " A cause de moi. " C'est en effet une bien grande consolation de souffrir pour Jésus-Christ. Les Apôtres n'étaient pas persécutés comme des méchants et des scélérats ; Notre-Seigneur en donne la raison : " Pour leur servir de témoignage. "

Ce qui les consolait dans ces paroles, ce n'est pas le désir de voir la ruine de leurs ennemis, mais la vive confiance qu'ils avaient que le Sauveur était toujours avec eux et prévoyait tout ce qui devait leur arriver.
Saint Jérôme
Il donne le nom de loups aux Scribes et aux Pharisiens qui étaient comme les clercs de la religion juive.

La simplicité des colombes nous est révélée dans la forme sous laquelle l'Esprit saint a voulu paraître, et c'est en faisant allusion à cette vertu que l'Apôtre a dit : " Soyez petits en malice. "
Saint Rémi
Le Sauveur donne ici une belle leçon aux prédicateurs, en leur recommandant d'avoir la prudence du serpent ; car c'est par le serpent que le premier homme fut trompé, et il semble leur dire : Le serpent a été prudent et rusé pour tromper ; soyez prudents vous mêmes pour sauver ; il a fait l'éloge de l'arbre de la science ; exaltez vous-mêmes la puissance de la croix.

Le Sauveur réunit ces deux vertus, car la simplicité sans la prudence peut être facilement trompée, et la prudence a ses dangers lorsqu'elle n'est pas tempérée par la simplicité.
Saint Grégoire le Grand
Celui qui se charge du ministère de la prédication, ne doit causer aucun mal, mais supporter celui qu'on veut lui faire. C'est par cette douceur qu'il adoucira la fureur de ceux qui se déchaînent contre lui, et que ressentant lui-même le contrecoup des afflictions des autres, il pourra guérir les blessures des pécheurs. Si quelquefois le zèle de la justice lui commande de sévir contre ceux qui lui sont soumis, il faut que l'amour et non pas la dureté soit le principe de sa colère, et que tout en maintenant au dehors les droits de la discipline outragée, il aime d'un amour paternel ceux qu'il est obligé de châtier extérieurement. Il en est beaucoup, au contraire, qui à peine revêtus de l'autorité du commandement, se montrent ardents à tourmenter leurs inférieurs, veulent imprimer la terreur du pouvoir, et paraître dominateurs ; ils oublient tout à fait qu'ils sont pères, et cette place qui leur fait un devoir de l'humilité, devient pour eux un sujet d'orgueil et de domination. Parfois peut-être ils vous flattent au dehors, mais ils exercent intérieurement leur fureur contre vous, et c'est d'eux qu'il a été dit : " Ils viennent à vous avec des vêtements de brebis, mais au dedans ce sont des loups ravissants. " Remarquons ici que nous sommes envoyés comme des brebis au milieu des loups, parce que Dieu veut que nous conservions la pureté de l'innocence, sans jamais nous rendre coupables des morsures de la méchanceté.

C'est-à-dire à ceux qui leur ont donné la mort en les persécutant ou qui n'ont pas changé eux-mêmes de vie ; car la mort des saints est un puissant secours pour les bons comme elle est un témoignage contre les méchants qui périssent sans excuse là où les élus trouvent de salutaires exemples qui les conduisent à la vie.
Rabanus Maurus
Le serpent a coutume aussi de se frayer un passage dans des ouvertures étroites, pour y laisser en passant son ancienne peau. C'est ainsi que le prédicateur, en traversant la voie étroite, doit se dépouiller entièrement du vieil homme.

Ces loups dont il vient de parler, ce sont les hommes, comme le prouvent les paroles suivantes : " Gardez-vous des hommes. "
La Glose
Il est donc nécessaire que vous soyez comme des serpents, c'est-à-dire pleins de finesse, car tout d'abord, suivant leur coutume, ils vous traduiront devant leurs tribunaux, et vous défendront de prêcher en mon nom ; et si vous n'obéissez, ils vous feront fouetter de verges et vous conduiront enfin devant les gouverneurs et devant les rois.
Saint Thomas d'Aquin
1231. ET VOUS SEREZ TRADUITS DEVANT DES GOUVERNEURS ET DES ROIS, comme devant Hérode et plusieurs autres. Mais vous devez recevoir une grande consolation, car ce sera À CAUSE DE MOI, que vous aimez. Augustin [écrit] : «L’amour rend tout négligeable et irréel.» De même : Bienheureux ceux qui seront persécutés pour la justice, etc., Mt 5, 10. Et qu’en découlera-t-il ? Cela LEUR [SERA] UN TÉMOIGNAGE, à savoir, contre eux, les Juifs et les païens. En effet, parce qu’ils vous auront livrés à leurs conseils, cela sera un témoignage contre eux. De même, parce qu’ils [l’auront fait] devant des rois et des gouverneurs, cela se retournera aussi contre eux. Ainsi, plus loin, 23, 34 : Voici que je vous envoie des sages et des scribes, et vous les tuerez et les flagellerez dans vos synagogues, etc. Ou bien, [autre interprétation] : UN TÉMOIGNAGE CONTRE CEUX-LÀ, à savoir les Juifs, ET CONTRE LES PAÏENS, car je vous envoie vers eux comme des témoins de la foi en moi. Ainsi, «martyr» veut dire la même chose que «témoin», car, par votre passion, vous serez les témoins de ma passion, Ac 1, 8.
Louis-Claude Fillion
Les disciples n’auront pas moins à souffrir des païens que des Juifs : Devant les gouverneurs et devant les rois. La persécution s’accentue de plus en plus : après les tribunaux communs des Juifs, après la flagellation dans les synagogues, viendront les jugements solennels, effrayants, rendus par les plus grands personnages de l’empire. Le titre de « gouverneurs » désigne en général tous les hauts dignitaires romains qui gouvernaient les provinces au nom de l’empereur, par exemple les proconsuls, comme Félix et Festus, Cf. Act. 24, 1, 27, les propréteurs, les procureurs comme Pilate. « Rois » doit se prendre à la lettre. « Dans cet oracle repose sa foi, dont témoignèrent Pierre devant Néron, Jean devant Domitius, et d’autres devant les rois des Parthes, des Scythes et des Indes », Rosenmüller. - A cause de moi ; ce n’est point pour des fautes personnelles que les Apôtres seront poursuivis et maltraités, mais à cause de Jésus-Christ, parce qu’ils croiront en lui et prêcheront sa doctrine. - Pour servir de témoignage à eux et aux nations. Ces mots expriment le but que Dieu aura en vue lorsqu’il permettra que les missionnaires soient ignominieusement conduits de tribunal en tribunal, et en même temps le résultat consolant de la persécution. Les Apôtres en devenant martyrs seront par là-même des témoins : les mauvais traitements qu’on leur infligera serviront la cause de la vérité, en répandant partout la lumière du Christianisme et en dirigeant tous les regards sur elle. C’est en ce sens qu’ils rendront témoignage à Jésus, et devant les Juifs (« à eux ») et devant les Gentils. On voit par cette interprétation que nous regardons les expressions « à eux, aux nations » comme des datifs non pas « de préjudice », mais « de témoignage ». S. Jean Chrysostôme, Théophylacte, Euthymius et d’autres à leur suite traduisent cependant comme s’il y avait « contre eux », en sorte que le témoignage serait rendu directement contre les persécuteurs juifs et gentils. Nous n’oserions pas dire que ce sens soit inexact, mais nous lui préférons la première interprétation. Fritzsche est certainement dans le faux lorsqu’il suppose que la persécution attestera simplement le courage des Apôtres. « Témoignage de liberté des apôtres et d’un esprit impavide ».
Fulcran Vigouroux
En témoignage pour eux et pour les nations ; c’est-à-dire pour servir de témoignage et de preuve irrécusable du soin que Dieu a pris de leur faire annoncer la doctrine du salut, et de l’opiniâtreté avec laquelle ils l’ont refusée.