Matthieu 10, 28
Ne craignez pas ceux qui tuent le corps sans pouvoir tuer l’âme ; craignez plutôt celui qui peut faire périr dans la géhenne l’âme aussi bien que le corps.
Ne craignez pas ceux qui tuent le corps sans pouvoir tuer l’âme ; craignez plutôt celui qui peut faire périr dans la géhenne l’âme aussi bien que le corps.
Il leur recommande donc de ne craindre ni les menaces, ni les outrages, ni la puissance des persécuteurs, parce que le jour du jugement dévoilera le néant et la faiblesse de leurs entreprises.
Nous ne lisons nulle part que le Seigneur eût pour habitude de discourir pendant la nuit, et d'enseigner sa doctrine dans les ténèbres ; si donc il s'exprime ainsi, c'est que tous ses discours sont ténèbres pour les hommes charnels, et que sa parole est comme la nuit pour les infidèles. Il faut donc prêcher ses divins enseignements avec toute la liberté de la foi et de la prédication.
Il faut donc répandre continuellement la connaissance de Dieu, et révéler par la lumière de la prédication le profond secret de la doctrine évangélique, sans craindre nullement ceux qui n'ont de puissance que sur nos corps, et n'en ont aucune sur nos âmes ; c'est pour cela que le Sauveur ajoute : " Ne craignez pas ceux qui tuent le corps et ne peuvent tuer l'âme.
Ou bien encore, au premier abord, les paroles du Sauveur présentent un sens général ; toutefois, on ne doit les entendre que de ce qui précède, dans ce sens : " S'il vous est pénible d'être en butte aux outrages, pensez que vous ne tarderez pas à être délivrés de cette épreuve. Ils vous prodigueront les noms injurieux de devins, de magiciens et de séducteurs ; mais attendez un peu, et tous vous proclameront à l'envi les sauveurs de l'univers, alors que par vos oeuvres vous en paraîtrez les bienfaiteurs, et les hommes cesseront de s'arrêter à leurs discours pour ne plus s'occuper que de la vérité des faits.
Après les avoir délivrés de toute crainte, et les avoir rendus supérieurs aux opprobres, le moment est venu de leur parler de la liberté de la prédication ; c'est ce qu'il fait, en leur disant " Ce que je vous dis dans les ténèbres, " etc.
Le Sauveur nous montre ici que c'est lui qui opère toutes ces oeuvres par ses Apôtres, et de beaucoup plus grandes qu'il n'en a faites lui-même, comme il le dit ailleurs : " Celui qui croit en moi fera les oeuvres que je fais, et il en fera même de plus grandes, " ce qui revient à dire : J'ai commencé par agir moi-même, mais c'est par vous que je veux accomplir ce qu'il y a de plus grand, paroles qui ne renferment pas seulement un commandement, mais une prédiction de l'avenir, et apprennent aux Apôtres qu'ils triompheront de tous les obstacles.
Voyez comme il les rend supérieurs à tout, en leur persuadant de mépriser non-seulement toute sollicitude, les calomnies, les périls, mais encore ce qu'il y a de plus terrible, la mort elle-même, et de tout sacrifier à la crainte de Dieu. " Craignez plutôt, ajoute-t-il, celui qui peut envoyer votre corps et votre âme dans l'enfer. "
Remarquez encore qu'il ne leur promet pas de les affranchir de la mort, mais qu'il leur conseille de la mépriser, ce qui est bien plus grand que d'en être délivré, et que dans ce même discours il imprime dans leur âme la croyance de l'immortalité.
Comment donc alors les vices d'un si grand nombre demeurent-ils cachés pendant cette vie ? Notre-Seigneur veut parler ici du temps à venir. Lorsque le Seigneur jugera ce qui est caché dans le coeur des hommes (1 Co 4, 5), il portera la lumière dans les retraites les plus ténébreuses, et découvrira les plus secrètes pensées des coeurs. Tel est donc le sens de ces paroles : " Ne craignez ni la cruauté des persécuteurs, ni la rage des blasphémateurs, car viendra le jour du jugement qui mettra en évidence votre vertu et leur malice.
Ou bien encore : " Ce que je vous dis dans les ténèbres, prêchez-le en plein jour, " c'est-à-dire, ce que je vous dis dans le mystère, prêchez-le à découvert ; " et ce que vous entendez à l'oreille, prêchez-le sur les toits, " c'est-à-dire ce que je vous ai enseigné dans un endroit resserré de la Judée, annoncez-le sans crainte à toutes les villes du monde entier.
Le nom de géhenne ne se trouve pas dans les livres de l'ancienne loi, et c'est le Sauveur qui l'a employé le premier ; examinons à quelle occasion. Nous lisons en plusieurs endroits de l'Écriture (2 Par 24 ; 3 R 16) qu'il y avait une idole de Baal près de Jérusalem, au pied du mont Moria, là où coule la fontaine de Siloë. Cette vallée, qui forme une petite plaine, était arrosée de plusieurs ruisseaux, ombragée et pleine de charmes ; elle renfermait un bois consacré à cette idole. Le peuple d'Israël en était venu à cet excès de folie d'abandonner les parvis du temple pour venir immoler des victimes dans cette vallée, oublier au milieu de ses délices la sévérité de la vraie religion, et brûler ses enfants offerts comme victimes au démon. Ce lieu s'appelait Géhennon ou la vallée des fils d'Ennon (4 R 23, 10 ; 2 Par 16, 3 ; Jos 15, 8 ; Jr 7, 31 ; 19, 2.6). Ce nom se trouve souvent répété dans les livres des Rois, dans les Paralipomènes et dans Jérémie. Dieu y menace son peuple de remplir de cadavres ce lieu, qu'on n'appellera plus Tophet et Baal, mais Polyandrium, c'est-à-dire le tombeau des morts. Notre-Seigneur se sert donc de ce nom pour exprimer les supplices et les châtiments éternels qui attendent les pécheurs.
Ces supplices ne commenceront pour le corps et pour l'âme à la fois, que lorsque l'âme sera réunie au corps d'une union qui ne pourra plus être brisée. Et cependant cet état est justement appelé la mort de l'âme, parce qu'alors elle ne vivra plus de la vie de Dieu, et la mort du corps, parce que sous le coup de cette éternelle damnation, bien que l'homme conserve le sentiment, ce sentiment n'étant plus pour son coeur la source d'aucune douceur, d'aucun repos, mais un principe de douleur et de peine, cet état mérite d'être appelé bien plutôt un état de mort qu'un état de vie.
A cette première consolation, le Sauveur en ajoute une autre qui n'est pas moins grande : " Ne les craignez donc pas, " c'est-à-dire les persécuteurs. Et pourquoi ne doivent-ils pas les craindre ? " Parce qu'il n'y a rien de caché qui ne doive être découvert. "
Il en est qui prétendent que Notre-Seigneur promet ici à ses disciples de révéler par eux tous les mystères cachés qui demeuraient voilés sous la lettre de la loi ; ce qui faisait dire à l'Apôtre : " Lorsqu'ils seront convertis à Jésus-Christ, le voile sera levé. " Tel serait donc le sens de ces paroles : " Pourquoi craindriez-vous vos persécuteurs, vous dont la dignité est si grande, puisque Dieu vous a choisis pour dévoiler les mystères de la loi et des prophètes.
Voici donc le sens de ces paroles : " Ce que je vous dis dans les ténèbres, " c'est-à-dire au milieu des Juifs incrédules, " dites-le à la lumière, " c'est-à-dire devant les fidèles ; et " ce que vous entendez à l'oreille, " c'est-à-dire ce que je vous dis en secret, " prêchez-le sur les toits, " c'est-à-dire en public et devant tout le monde. L'expressionparler à l'oreille, dans le langage ordinaire, veut dire parler en secret.
Ces paroles : " Prêchez sur les toits, " sont une allusion à ce qui se fait dans la Palestine, où les toits servent d'habitation, parce qu'ils ne sont point terminés en pointe comme les nôtres, mais présentent une surface plane. Prêcher sur les toits, c'est donc prêcher publiquement, devant un grand nombre d'auditeurs.
La Glose
Ou bien encore : " Ce que je vous dis dans les ténèbres, " c'est-à-dire pendant que vous êtes encore sujets à une crainte toute humaine ; " dites-le en plein jour, " c'est-à-dire avec la confiance que donne la vérité lorsque l'Esprit vous aura inondé de sa lumière ; " et ce que l'on vous dit à l'oreille, " c'est-à-dire ce que vous percevez par l'ouïe seule, " prêchez-le par les oeuvres, tandis que vous habitez sur les toits, " c'est-à-dire dans vos corps qui sont la demeure de vos âmes.
1252. [Le Seigneur] a montré plus haut qu’ils ne devaient pas s’écarter de la confession de la vérité tant par l’exemple qu’en vue de la récompense ; maintenant, il montre qu’ils ne doivent pas s’écarter du jugement divin, car les actes sont soumis à la justice divine.
1253. Ou bien on peut établir la séquence suivante. Il a enseigné comment les persécutions doivent être évitées ; maintenant, il leur enseigne de ne pas s’écarter de l’accomplissement de leur fonction pour une quelconque raison. Car trois choses pouvaient l’empêcher : les outrages, la crainte de la mort et l’affection charnelle. Il a donc enseigné qu’ils ne s’en écartent pas en raison des outrages ; mais, maintenant, [qu’ils ne s’en écartent pas] par crainte de la mort ; ensuite, [qu’ils ne s’en écartent pas] en raison d’une affection charnelle, en cet endroit : NE PENSEZ PAS QUE JE SOIS VENU APPORTER LA PAIX SUR LA TERRE [10, 34].
1254. Dans cette ligne, il enseigne, en premier lieu, QU’IL NE FAUT PAS CRAINDRE CEUX QUI TUENT LE CORPS [10, 28], afin que la prédication de la vérité ne soit pas écartée ; en deuxième lieu, qu’il ne faut pas les craindre, parce qu’ils sont peu de chose, en cet endroit : MAIS ILS NE PEUVENT TUER L’ÂME [10, 28] ; troisièmement, il montre quels sont ceux qui doivent être craints parce qu’ils peuvent beaucoup de choses.
1255. [Le Seigneur] dit donc en premier lieu : NE CRAIGNEZ PAS CEUX QUI TUENT LE CORPS. Et pourquoi ? Parce que le corps possède en lui-même la nécessité de la mort. Il ne fait donc pas en sorte que [celle-ci] ne surviendra pas à l’avenir. Rm 8, 10 : Si le Christ est en vous, le corps est mort au péché. Aussi, parce que la mort donnée au corps en vue de la gloire est souhaitable ; ainsi Rm 7, 24 : Qui me délivrera de ce corps de mort ? De même, parce que [la mort] est brève et momentanée, 2 Co 4, 11 : Nous qui vivons, nous sommes toujours livrés à la mort. C’est pourquoi, NE CRAIGNEZ PAS. Is 51, 12 : Qui es-tu pour craindre un homme mortel et un fils d’homme, qui se dessèche comme l’herbe ?
1256. MAIS ILS NE PEUVENT TUER L’ÂME. Ici, [le Seigneur] indique qu’ils peuvent peu de chose, puisqu’ils ne peuvent tuer l’âme. Ainsi l’esprit est toujours vivant, Si 15, 18 : La vie et la mort sont proposées à l’homme, le bien et le mal : il lui sera donné ce qui lui plaît. En effet, comme le corps vit par l’âme, l’âme vit par Dieu. Ainsi, Dieu est la vie de l’âme.
1257. NE LES CRAIGNEZ DONC PAS, car ils peuvent peu de chose, MAIS CRAIGNEZ PLUTÔT QUI PEUT PERDRE ET LE CORPS ET L’ÂME DANS LA GÉHENNE. Si vous dites qu’il faut craindre ceux qui tuent le corps, à plus forte raison faut-il craindre celui qui peut perdre l’âme. Il faut remarquer que le mot GÉHENNE, comme le dit Jérôme, ne se trouve pas dans l’Écriture ; il est cependant emprunté par le Sauveur à Jr 19, 6 : Voici que viennent des jours où cet endroit ne sera plus appelé la vallée des fils d’Ennon, mais la vallée de la mort. Ainsi, la vallée d’Ennon était au pied de la montagne de Jérusalem, qui était une vallée de grande abondance, et elle était appelée la vallée d’Ennon. Mais il arriva que cet endroit fut consacré à une idole. C’est pourquoi, après qu’ils se furent convertis aux plaisirs, le Seigneur les a menacés de mort et l’endroit ne fut plus appelé Ennon, mais «coriandre», c’est-à-dire «sépulcre des morts». Il appelle donc cet endroit la géhenne. Il dit donc : NE CRAIGNEZ PAS SEULEMENT CEUX QUI TUENT LE CORPS, MAIS PLUTÔT CELUI QUI PEUT PERDRE LE CORPS ET L’ÂME DANS LA GÉHENNE, car on ne peut servir Dieu par crainte de la peine, mais par amour de la justice, comme on le lit en Rm 8, 15 : En effet, vous n’avez pas reçu un Esprit d’esclavage pour [vivre dans la] crainte, mais vous avez reçu l’Esprit d’adoption des fils de Dieu.
1258. Il faut remarquer qu’il écarte ici deux erreurs. En effet, certains disaient que l’âme, une fois le corps mort, mourait. Il détruit cela lorsqu’il dit : CELUI QUI PEUT PERDRE L’ÂME DANS LA GÉHENNE. Il est donc clair que [l’âme] demeure après le corps. Il y avait aussi la position de ceux [qui disaient] qu’il n’y aura pas de résurrection, comme on le trouve en 1 Co 15, 12. Et il écarte cela, car si le corps et l’âme sont envoyés dans la géhenne, il est clair qu’il y aura une résurrection. Et on lit ceci en Ap 20, 10 : Ils seront envoyés lors de la résurrection dans l’étang de feu et de soufre.
1253. Ou bien on peut établir la séquence suivante. Il a enseigné comment les persécutions doivent être évitées ; maintenant, il leur enseigne de ne pas s’écarter de l’accomplissement de leur fonction pour une quelconque raison. Car trois choses pouvaient l’empêcher : les outrages, la crainte de la mort et l’affection charnelle. Il a donc enseigné qu’ils ne s’en écartent pas en raison des outrages ; mais, maintenant, [qu’ils ne s’en écartent pas] par crainte de la mort ; ensuite, [qu’ils ne s’en écartent pas] en raison d’une affection charnelle, en cet endroit : NE PENSEZ PAS QUE JE SOIS VENU APPORTER LA PAIX SUR LA TERRE [10, 34].
1254. Dans cette ligne, il enseigne, en premier lieu, QU’IL NE FAUT PAS CRAINDRE CEUX QUI TUENT LE CORPS [10, 28], afin que la prédication de la vérité ne soit pas écartée ; en deuxième lieu, qu’il ne faut pas les craindre, parce qu’ils sont peu de chose, en cet endroit : MAIS ILS NE PEUVENT TUER L’ÂME [10, 28] ; troisièmement, il montre quels sont ceux qui doivent être craints parce qu’ils peuvent beaucoup de choses.
1255. [Le Seigneur] dit donc en premier lieu : NE CRAIGNEZ PAS CEUX QUI TUENT LE CORPS. Et pourquoi ? Parce que le corps possède en lui-même la nécessité de la mort. Il ne fait donc pas en sorte que [celle-ci] ne surviendra pas à l’avenir. Rm 8, 10 : Si le Christ est en vous, le corps est mort au péché. Aussi, parce que la mort donnée au corps en vue de la gloire est souhaitable ; ainsi Rm 7, 24 : Qui me délivrera de ce corps de mort ? De même, parce que [la mort] est brève et momentanée, 2 Co 4, 11 : Nous qui vivons, nous sommes toujours livrés à la mort. C’est pourquoi, NE CRAIGNEZ PAS. Is 51, 12 : Qui es-tu pour craindre un homme mortel et un fils d’homme, qui se dessèche comme l’herbe ?
1256. MAIS ILS NE PEUVENT TUER L’ÂME. Ici, [le Seigneur] indique qu’ils peuvent peu de chose, puisqu’ils ne peuvent tuer l’âme. Ainsi l’esprit est toujours vivant, Si 15, 18 : La vie et la mort sont proposées à l’homme, le bien et le mal : il lui sera donné ce qui lui plaît. En effet, comme le corps vit par l’âme, l’âme vit par Dieu. Ainsi, Dieu est la vie de l’âme.
1257. NE LES CRAIGNEZ DONC PAS, car ils peuvent peu de chose, MAIS CRAIGNEZ PLUTÔT QUI PEUT PERDRE ET LE CORPS ET L’ÂME DANS LA GÉHENNE. Si vous dites qu’il faut craindre ceux qui tuent le corps, à plus forte raison faut-il craindre celui qui peut perdre l’âme. Il faut remarquer que le mot GÉHENNE, comme le dit Jérôme, ne se trouve pas dans l’Écriture ; il est cependant emprunté par le Sauveur à Jr 19, 6 : Voici que viennent des jours où cet endroit ne sera plus appelé la vallée des fils d’Ennon, mais la vallée de la mort. Ainsi, la vallée d’Ennon était au pied de la montagne de Jérusalem, qui était une vallée de grande abondance, et elle était appelée la vallée d’Ennon. Mais il arriva que cet endroit fut consacré à une idole. C’est pourquoi, après qu’ils se furent convertis aux plaisirs, le Seigneur les a menacés de mort et l’endroit ne fut plus appelé Ennon, mais «coriandre», c’est-à-dire «sépulcre des morts». Il appelle donc cet endroit la géhenne. Il dit donc : NE CRAIGNEZ PAS SEULEMENT CEUX QUI TUENT LE CORPS, MAIS PLUTÔT CELUI QUI PEUT PERDRE LE CORPS ET L’ÂME DANS LA GÉHENNE, car on ne peut servir Dieu par crainte de la peine, mais par amour de la justice, comme on le lit en Rm 8, 15 : En effet, vous n’avez pas reçu un Esprit d’esclavage pour [vivre dans la] crainte, mais vous avez reçu l’Esprit d’adoption des fils de Dieu.
1258. Il faut remarquer qu’il écarte ici deux erreurs. En effet, certains disaient que l’âme, une fois le corps mort, mourait. Il détruit cela lorsqu’il dit : CELUI QUI PEUT PERDRE L’ÂME DANS LA GÉHENNE. Il est donc clair que [l’âme] demeure après le corps. Il y avait aussi la position de ceux [qui disaient] qu’il n’y aura pas de résurrection, comme on le trouve en 1 Co 15, 12. Et il écarte cela, car si le corps et l’âme sont envoyés dans la géhenne, il est clair qu’il y aura une résurrection. Et on lit ceci en Ap 20, 10 : Ils seront envoyés lors de la résurrection dans l’étang de feu et de soufre.
Ne craignez pas...
Jésus a fortifié ses ambassadeurs spirituels contre les injures et les outrages ; il les fortifie maintenant contre
la crainte de la mort. Car on ne se contentera pas de les insulter, on en voudra même à leur vie ; mais
qu’importe ? Sous ce rapport, la puissance de leurs adversaires est limitée. - Ceux qui tuent le corps ; c’est
vrai, ils peuvent enlever la vie matérielle : toutefois, quel est leur pouvoir touchant la partie supérieure,
immortelle, de notre être ? Il est complètement nul. Et même, en privant leurs victimes d’un bien de second
ordre, essentiellement transitoire, ils lui en procurent un autre d’un prix infini, placé en lieu sûr. Cf. v. 39. -
Mais craignez plutôt... A la place d’une vaine frayeur qui tiendrait de la lâcheté dans ses Apôtres,
Jésus-Christ en voudrait mettre une autre qui est aussi utile que légitime. Qui faut-il donc craindre ? Dieu. Et
pourquoi ? Parce que, tandis que les hommes peuvent seulement enlever la vie du corps, il peut, Lui, damner
éternellement le corps et l’âme. - Le mot âme qui représente parfois la vie physique, Cf. v. 29 ; 6, 25, etc.,
désigne ici l’âme par opposition au corps. - « Il semble que c’est à dessein que le Christ, observe Grotius à
propos du verbe perdre, n’ait pas répété le mot tuer, mais ait plutôt employé le mot perdre, mot qui exprime
des tourments ». Les théologiens ont vu justement dans cette parole de Notre-Seigneur Jésus-Christ une
preuve très forte de la résurrection des corps, et de leur participation au bonheur ou au châtiment des âmes
auxquelles ils auront été associés sur cette terre. Le célèbre rabbin Jechiel, qui vivait au treizième siècle, soutenant une conférence publique à Paris, s’écria lorsqu’il fut à bout de raisons : « Notre corps est en votre
pouvoir, mais pas notre âme », Wetstein. - Plusieurs exégètes contemporains, entre autres Stier et J. P. Lange,
appliquent non pas à Dieu, comme nous l’avons fait avec la plupart des écrivains anciens et modernes, mais
à Satan, la seconde moitié de notre verset. C’est lui, disent-ils, qui serait désigné par les mots « celui qui peut
perdre... », lui par conséquent que les députés du Christ doivent craindre par-dessus tout. Pour renverser cette
opinion singulière, il suffit de mentionner le passage parallèle de S. Luc, 12, 5 : « craignez celui qui, après
avoir tué, a le pouvoir d’envoyer dans la géhenne ». Il est bien évident que Dieu seul jouit de ce double
pouvoir, et que Satan ne peut rien de semblable.