Matthieu 10, 34

Ne pensez pas que je sois venu apporter la paix sur la terre : je ne suis pas venu apporter la paix, mais le glaive.

Ne pensez pas que je sois venu apporter la paix sur la terre : je ne suis pas venu apporter la paix, mais le glaive.
Saint Thomas d'Aquin
1269. NE CROYEZ PAS QUE JE SOIS VENU APPORTER LA PAIX SUR LA TERRE, etc. Plus haut, [le Seigneur] a averti ses disciples de ne renoncer à la prédication de la vérité ni à cause des outrages, ni par crainte de la mort. Maintenant, il les avertit de ne pas y renoncer en raison d’une affection charnelle. En premier lieu, il montre qu’une séparation de l’affection charnelle est sur le point de se produire [10, 34s] ; en second lieu, comment ils doivent se comporter, en cet endroit : CELUI QUI AIME SON PÈRE ET SA MÈRE PLUS QUE MOI N’EST PAS DIGNE DE MOI [10, 37s].

1270. À propos du premier point, il fait trois choses. Premièrement, il écarte une intention qu’on lui attribuerait [10, 34] ; deuxièmement, il met de l’avant son intention ; troisièmement, il l’explique. La deuxième [partie se trouve] en cet endroit : JE NE SUIS PAS VENU APPORTER LA PAIX [10, 34] ; la troisième, en cet endroit : JE SUIS VENU OPPOSER L’HOMME À SON PÈRE, etc. [10, 35-36].

1271. [Le Seigneur] dit donc : «On pourrait se demander pourquoi, Seigneur, tant de choses nous arrivent. Nous croyions que, par ta venue, nous aurions la paix.» C’est pourquoi il dit : NE CROYEZ PAS, etc. Mais que veut-il dire ? Ne trouve-t-on pas en Lc 2, 14 que, après la naissance du Seigneur, les anges annoncèrent : Gloire à Dieu au plus haut des cieux et paix sur la terre aux hommes de bonne volonté ? Et l’évêque lui-même, lorsqu’il se tourne pour la première fois vers le peuple, ne dit-il : «La paix soit avec vous», et, plus haut, le Seigneur n’a-t-il pas annoncé la paix ?

1272. C’est pourquoi il faut dire qu’il existe une double paix, à savoir, une bonne et une mauvaise. Le mot «paix» signifie la concorde. Il est question de la mauvaise paix en Sg 14, 22 : Alors que l’ignorance les fait vivre en pleine guerre, ils donnent à de tels maux le nom de paix. Cette paix est celle des affections charnelles. «Je ne suis pas venu établir celle-ci.» Ainsi, en Ap 6, 14 : Il lui a été donné d’enlever la paix de la terre. Mais il y a une bonne paix, dont il est question en Ep 2, 14 : Celui-là est notre paix qui des deux n’a fait qu’un. Et c’est pourquoi les anges ont annoncé, Lc 2, 14 : …et sur la terre aux hommes de bonne volonté. Ainsi, JE NE SUIS PAS VENU APPORTER LA PAIX, MAIS LE GLAIVE. Il est de la nature du glaive de diviser. Ce glaive est la parole de Dieu, He 4, 12 : La parole de Dieu est vivante et efficace, et plus incisive qu’un glaive à deux tranchants. Et encore : Le glaive de l’Esprit, qui est la parole de Dieu, Ep 6, 17. Ce glaive a été envoyé sur terre. Certains ont cru, d’autres non. C’est pourquoi il y a guerre, comme on trouve en Ga 4, 9 : Comment vous êtes-vous convertis de nouveau aux éléments sans force et sans valeur, auxquels vous voulez de nouveau vous asservir ? Ainsi, [le Seigneur] est venu ouvrir cette division. Il est donc VENU APPORTER LE GLAIVE, etc., à savoir, la parole, mais, pour une part, parce que certains ont cru, et cela est son œuvre, et certains [n’ont pas cru], et cela est le fait de leur malice. Cependant, cela aussi est causé par lui, car il l’a permis, comme on le trouve en Rm 1, 26 : Pour cette raison, Dieu les a abandonnés à leurs passions honteuses.
Louis-Claude Fillion
C’est toujours l’idée de la persécution extérieure et du renoncement intérieur, c’est-à-dire de la persécution personnelle, qui revient sous de nouvelles figures : ce n’est point ici-bas que le chrétien, à plus forte raison l’apôtre, trouvera la paix et la tranquillité. - Ne pensez pas... Ce qui suit, jusqu’au v. 39, forme « un cercle d’idées qui n’étaient jamais sorties de la pensée d’un mortel avant Jésus », Wizenmann. - Que je sois venu apporter la paix : ce n’est pas un rameau d’olivier que Jésus-Christ est venu jeter sur la terre comme un gage de sécurité et de bonheur perpétuels, mais le glaive, le terrible instrument de la guerre. Et cependant, le Messie avait été prédit sous les traits d’un Prince pacifique, Cf. Is. 9, 6 ; au moment de sa naissance, les anges avaient chanté « In terra pax ! » Mais ces choses ne sont nullement contradictoires. Notre-Seigneur lui-même a établi entre ces différentes paroles l’harmonie la plus parfaite lorsqu’il a dit, quelques heures avant sa mort : « Je vous laisse la paix, je vous donne ma paix ; ce n’est pas à la manière du monde que je vous la donne ». Il y a donc plusieurs sortes de paix, la paix du monde et la paix de Jésus ; l’une fausse et mauvaise, qui provient de la liberté laissée aux passions, l’autre réelle et sainte, qui n’existe qu’après que les passions ont été vaincues, extirpées. Au vieux monde corrompu Jésus ne peut offrir le baiser de paix qu’après avoir tranché ses vices avec le glaive. Ainsi donc, « L’envoi d’une guerre est un bien si elle détruit une mauvaise paix”, S. Jérôme. Du reste, si le Sauveur affirme qu’il est venu apporter la guerre et point la paix, ce n’est pas que son avènement ait été une cause directe de luttes et de discordes pour le monde, tant s’en faut ; mais la lutte et la discorde devaient être des conséquences naturelles de l’établissement de son royaume.
Fulcran Vigouroux
L’Evangile est ce glaive qui sépare un fils de son père, quand ce père veut persister dans son infidélité, etc. Et le verset suivant n’est que l’explication de celui-ci.