Matthieu 10, 36

on aura pour ennemis les gens de sa propre maison.

on aura pour ennemis les gens de sa propre maison.
Saint Hilaire de Poitiers
Dans le sens mystique, le glaive, qui est l'arme la plus aiguisée, est l'emblème de la souveraineté et du pouvoir judiciaire, de la sévérité et du droit de punir les coupables. Rappelons-nous donc que ce glaive figure la parole de Dieu ; il a été apporté sur la terre, c'est-à-dire que la prédication l'a fait pénétrer dans le coeur des hommes. Ce glaive a donc divisé entre eux les cinq habitants d'une même maison, trois contre deux et deux contre trois. Ces trois habitants nous les trouvons dans l'homme : c'est son corps, son âme et sa volonté. Car de même que l'âme a été unie et donnée au corps, ainsi le pouvoir d'user de l'un et de l'autre à son gré à été donné à l'homme, et c'est pour cela que Dieu a imposé des lois à la volonté, comme nous le voyons dans ceux qui sont sortis les premiers de sa main. Mais par suite du péché et de la désobéissance de notre premier père, le péché devint pour les générations suivantes le père de notre corps, l'infidélité la mère de notre âme, et la volonté adhère à l'un et à l'autre ; c'est ainsi que l'on trouve cinq habitants dans la même maison. Mais lorsque nous sommes renouvelés dans les eaux du baptême, la puissance de la parole nous sépare des péchés de notre origine, et ces retranchements qu'opère le glaive de Dieu rompent tous les liens d'affection qui nous attachaient à notre père et à notre mère. C'est ainsi qu'on voit éclater dans une même maison de sérieuses divisions ; l'homme régénéré trouve des ennemis dans ce qu'il y a de plus intime en lui, car il met toute sa joie dans la sainte nouveauté de son esprit, tandis que les restes de son ancienne origine veulent conserver ce qui faisait l'objet de leur bonheur.
Saint Jean Chrysostome
Comment donc leur a-t-il ordonné de souhaiter la paix dans chaque maison où ils entreraient ? Comment les anges eux-mêmes ont-ils pu chanter cet hymne : " Gloire à Dieu dans les hauteurs des cieux, et paix aux hommes sur là terre ? " C'est que la paix consiste surtout à retrancher ce qui est malade, à séparer ce qui est une source de division ; c'est alors seulement qu'il sera possible d'unir le ciel avec la terre. Le médecin ne coupe-t-il pas ainsi le membre qui est incurable pour sauver le reste du corps ? C'est ce qui est arrivé à la tour de Babel, où une heureuse division vint mettre fin à une paix qui était mauvaise. (Gn 11.) C'est ainsi que saint Paul divisa ceux qui s'étaient déclarés contre lui. (Ac 23.) L'accord et la paix ne sont pas toujours une bonne chose, car on les voit régner même parmi les voleurs. Or cette guerre, ce n'est pas Jésus-Christ qui la rend nécessaire, mais bien la volonté de ses ennemis.

En parlant de la sorte il veut consoler ses disciples, et il semble leur dire : " Ne vous troublez pas comme si ces événements devaient vous surprendre et tromper votre attente, car je suis venu pour apporter la guerre. " Et ce n'est pas seulement " la guerre, " mais ce qui est plus effrayant, " le glaive. " Il a voulu par la dureté même de son langage exciter leur attention, les empêcher de faiblir au milieu du danger, et prévenir ce qu'on aurait pu croire et dire que sous des expressions pleines de douceur, il avait caché les plus grandes difficultés ; car il vaut mieux éprouver la douceur dans les choses que dans les paroles. Il ne s'arrête pas à cette déclaration, il explique la nature de cette guerre et fait voir qu'elle est plus terrible même que la guerre civile : " Je suis venu séparer l'homme d'avec son père, la fille d'avec sa mère, et la belle-fille d'avec sa belle-mère. " Ainsi ce n'est pas seulement entre les amis que cet état de guerre existera, c'est entre ceux qui sont unis par les affections les plus vives et par les liens les plus étroits. Une des preuves les plus évidentes de la puissance du Christ, c'est que les Apôtres écoutèrent ces dures leçons et qu'ils les firent à leur tour recevoir et mettre en pratique.

Ce n'est pas Jésus-Christ lui-même qui opérait cette séparation, mais la malice des hommes. Cependant il s'en déclare l'auteur, d'après la manière de s'exprimer de l'Écriture, par exemple dans ce passage : " Dieu leur a donné des yeux pour ne point voir. " (Is 6 ; Rm 11.) Nous avons ici une preuve du rapport intime qui existe entre l'Ancien et le Nouveau-Testament. C'est ainsi que nous voyons les Juifs se déclarer contre leurs frères et les mettre à mort lorsqu'ils eurent fabriqué le veau d'or (Ex 32,) et lorsqu'ils eurent immolé des victimes à Beelphegor. (Nb 25.) Or pour montrer que c'est toujours le même Dieu qui sous la loi nouvelle comme sous la loi ancienne a pour agréables ces mêmes sentiments, Notre-Seigneur cite un passage de la prophétie de Michée : " L'homme aura pour ennemis ceux de sa propre maison. (Mi 7.) La société juive présentait un spectacle semblable, il y avait de vrais et de faux prophètes, et le peuple était divisé, et les familles étaient partagées ; les uns croyaient aux premiers, les autres suivaient les seconds.
Saint Jérôme
Notre-Seigneur avait dit plus haut : " Ce que je vous dis dans les ténèbres, dites-le en plein jour ; " il apprend ici à ses Apôtres quels seront les effets de leur prédication : " Ne pensez pas que je sois venu apporter la paix.

En effet, à peine la foi en Jésus-Christ fut-elle annoncée, que tout l'univers s'est trouvé divisé. Dans chaque maison on trouva des croyants et des infidèles, et cette division fut la cause d'une guerre heureuse qui fit cesser une paix pernicieuse dans ses résultats.

Ce passage se trouve presque mot pour mot dans le prophète Michée. Il faut observer du reste que toutes les fois que le Sauveur emprunte un témoignage à l'Ancien Testament, il importe peu s'il donne seulement le sens de ce passage, ou s'il rapporte textuellement les paroles.
Saint Augustin
Ou bien dans un autre sens : " Je suis venu séparer l'homme d'avec son père parce qu'il renonce au démon dont il était le fils, et " la fille d'avec sa mère, " c'est-à-dire le peuple de Dieu d'avec la cité du monde, qui n'est autre que la société corrompue du genre humain, représentée dans l'Écriture tantôt par Babylone, tantôt par Sodome, tantôt par l'Égypte et sous plusieurs autres dénominations. (Ap 11, 8 ; 14, 8) " La belle-fille d'avec sa belle-mère, " c'est l'Église opposée à la synagogue qui a enfanté selon la chair le Christ, époux de l'Église. Tous sont divisés par le glaive de l'Esprit, qui est le Verbe de Dieu, " et les ennemis de l'homme sont ceux de sa maison avec lesquels il était lié par une intimité des plus étroites.
Saint Grégoire le Grand
Lorsque l'ennemi du salut, plein de ruse et de finesse, se voit chassé des coeurs vertueux, il s'adresse à ceux pour lesquels ils ont une vive affection, et leur met sur les lèvres un langage d'autant plus insinuant qu'ils sont aimés plus tendrement, et c'est ainsi qu'en même temps que la force de l'amitié pénètre au plus intime du coeur, le glaive de la persuasion franchit les retranchements de la droiture intérieure. 
Rabanus Maurus
On est incapable de respecter aucun droit lorsqu'on est divisé sur le point de la foi.
La Glose
Ou bien ces paroles sont la suite de ce qui précède, c'est-à-dire qu'ils doivent être inaccessibles aux affections charnelles comme à la crainte de la mort.

On peut encore interpréter ces paroles dans ce sens : Je ne suis pas venu parmi les hommes pour donner une nouvelle force aux affections de la chair, mais pour séparer par un glaive tout spirituel ceux qu'elles retiennent étroitement unis ; c'est pour cela qu'il ajoute : " Et l'homme aura pour ennemi ceux de sa propre maison. "
Saint Thomas d'Aquin
1276. De même, il aborde ce qui concerne les liens familiaux, là où il dit : ET ON AURA POUR ENNEMIS LES GENS DE SA FAMILLE, etc. Et on trouve en Jr 20, 10 : Et j’ai entendu les outrages d’un grand nombre, et les menaces de mon entourage : «Persécutez ! Persécutons-le !», de la part de ceux qui étaient en paix avec moi. Et voyez comment tout cela se trouve en Mi 7, 6 : Le fils outrage le père, et le fils s’élève contre sa mère, la bru contre sa belle-mère, et chacun a pour ennemis les membres de sa maison.
Louis-Claude Fillion
Dans ces deux versets Jésus-Christ développe d’une manière concrète, au moyen de quelques exemples, la grave prophétie que nous venons d’entendre. La paix de la famille est la plus douce, la plus nécessaire de toutes les paix : c’est elle qui sera tout d’abord troublée par l’Évangile. Cf. v. 21. Le glaive lancé par le Christ, tombant au sein d’une famille, y opère de terribles séparations. « Car la parole de Dieu est vivante et efficace, plus coupante qu’aucun glaive à deux tranchants. Elle pénètre jusqu’au point de division de l’âme et de l’esprit, des articulations et des moelles ; elle juge des intentions et des pensées du coeur », Hebr. 4, 12. - Séparer l'homme d'avec son père... Les liens de l’amour et du sang n’existent plus. Même la jeune épouse qui n’habite que depuis peu de jours avec les parents de son mari, est déjà en guerre ouverte avec sa belle-mère ! - Notre-Seigneur récapitule cette triste description par un trait général emprunté, comme les précédents, au livre du prophète Michée, 7, 6 : « le fils insulte son père, la fille se dresse contre sa mère, la belle-fille contre sa belle-mère, chacun a pour ennemis les gens de sa maison ». Les plus intimes, les plus familiers, deviennent les adversaires les plus acharnés. Les protestants et les juifs qui se convertissent chaque jour au catholicisme en font souvent la cruelle expérience.
Pape Francois
Cependant, quand nous réfléchissons sur le pardon, la paix et la concorde sociale, nous nous trouvons face à une affirmation de Jésus-Christ qui nous surprend : « N’allez pas croire que je sois venu apporter la paix sur la terre ; je ne suis pas venu apporter la paix, mais le glaive. Car je suis venu opposer l’homme à son père, la fille à sa mère et la bru à sa belle-mère : on aura pour ennemis les gens de sa famille » (Mt 10, 34-36). Il est important de situer cette affirmation dans le contexte du chapitre où elle se trouve. De toute évidence, le thème qui y est abordé est celui de la fidélité à un choix, sans honte, même si cela comporte des contrariétés, et même si des proches s’opposent au choix en question. Par conséquent, cette affirmation n’invite pas à rechercher les conflits, mais simplement à supporter le conflit inéluctable, pour que le respect humain ne conduise pas à s’écarter de la fidélité en vue d’une supposée paix familiale ou sociale. Saint Jean-Paul II a déclaré que l’Église « n’entend pas condamner tout conflit social sous quelque forme que ce soit : l’Église sait bien que les conflits d'intérêts entre divers groupes sociaux surgissent inévitablement dans l'histoire et que le chrétien doit souvent prendre position à leur sujet avec décision et cohérence ».