Matthieu 11, 10

C’est de lui qu’il est écrit : Voici que j’envoie mon messager en avant de toi, pour préparer le chemin devant toi.

C’est de lui qu’il est écrit : Voici que j’envoie mon messager en avant de toi, pour préparer le chemin devant toi.
Saint Hilaire de Poitiers
Afin donc qu'on ne pût appliquer à Jean-Baptiste ce qu'il venait de dire, comme si le saint précurseur eût été scandalisé au sujet de Jésus-Christ, l'Évangéliste ajoute : " Lorsqu'ils s'en furent allés, Jésus commença à parler de Jean aux peuples. "

Dans le sens mystique, le désert est le lieu qui est privé de la présence de l'Esprit saint, et que Dieu n'habite en aucune façon. Le roseau c'est l'homme tout resplendissant de la gloire du monde, c'est-à-dire par la futilité de sa vie, mais qui ne porte en lui-même aucun fruit de vérité ; ses dehors sont agréables, mais il est nul à l'intérieur ; le moindre vent, c'est-à-dire le moindre souffle des esprits immondes l'agite, il n'a aucune consistance, aucune fermeté, aucune force intérieure. Le vêtement représente le corps dont l'âme est revêtue, que le luxe et la volupté amollissent ; les rois sont l'image des anges prévaricateurs, car ils sont les puissants du Siècle et les maîtres du monde. Ceux donc qui sont vêtus avec mollesse habitent dans la maison des rois, c'est-à-dire que ceux dont le corps est amolli et a perdu sa force au sein des voluptés deviennent l'habitation des démons.
Saint Jean Chrysostome
Et voyez comment, sans s'arrêter à justifier Jean-Baptiste de tout autre défaut, il éloigne de lui le reproche de légèreté que le peuple pouvait lui faire intérieurement en leur disant : " Est-ce un roseau agité par le vent ? "

C'en était assez pour les disciples de Jean, et ils se retirèrent convaincus par les miracles opérés sous leurs yeux que Jésus était le Christ ; mais il fallait guérir les esprits de la multitude qui ne connaissait pas l'intention de Jean-Baptiste, et pour qui la question de ses disciples avait soulevé plus d'une difficulté. Car elle pouvait dire : Celui qui a rendu un si glorieux témoignage au Christ a-t-il donc changé de sentiment et doute-t-il aujourd'hui qu'il soit le Messie ? Est-ce par un esprit d'opposition à Jésus qu'il lui fait adresser cette question ? La prison aurait-elle affaibli sa grande âme ? Est-ce que les premiers témoignages n'étaient que de vaines paroles ?

Il attend que les disciples de Jean soient partis, pour qu'on ne l'accuse pas de flatterie à son égard ; il redresse les idées de la multitude sans dévoiler leurs soupçons, et en leur donnant simplement la solution de leurs difficultés, et il fait naître des doutes dans leur âme en leur montrant qu'il connaît les secrets de leur coeur. Cependant il ne leur dit pas comme aux Juifs : " Pourquoi pensez-vous le mal dans vos coeurs ? " Car s'ils pensaient le mal, c'était par ignorance, et non par méchanceté. Aussi ne les reprend-il pas avec sévérité, il se contente de justifier Jean, en leur montrant qu'il n'a point perdu ses droits à la haute opinion qu'ils avaient de lui. C'est ce qu'il fait, et par le témoignage qu'il lui rend et par celui de la multitude elle-même, dont il invoque non-seulement le témoignage verbal, mais le témoignage de la conduite ; c'est pour cela qu'il leur dit : " Qu'avez-vous été voir dans le désert ? " c'est-à-dire : " Pourquoi avez vous abandonné vos cités et vous êtes-vous réunis dans le désert ? " Car une multitude si nombreuse ne se serait pas rendue dans le désert avec un si grand empressement, si elle n'avait cru y rencontrer un personnage important, extraordinaire et plus ferme qu'un rocher. 

Ou bien dans un autre sens, en allant dans le désert, vous avez prouvé par votre empressement que Jean n'était pas semblable à un roseau mobile. Et on ne peut dire que Jean, ferme et inébranlable de sa nature, est devenu inconstant en s'abandonnant à une vie de plaisirs ; car de même qu'un homme est naturellement colère, et qu'un autre le devient par suite de longues souffrances, ainsi il en est qui sont inconstants par nature, et d'autres qui le deviennent en se livrant à leurs passions. Or, Jean-Baptiste n'était pas inconstant par nature, et c'est pour cela que le Sauveur leur fait cette question : " Êtes-vous allés voir un roseau agité par le vent ? Ce n'est pas non plus en devenant l'esclave de la volupté qu'il a perdu cette élévation de caractère : le désert qu'il habitait, la prison où il est renfermé prouvent le contraire. S'il avait voulu se vêtir avec mollesse, il n'eût pas choisi pour habitation le désert, mais les palais des rois, car : " Ceux qui sont vêtus mollement, sont dans la maison des rois. "

Après avoir donné comme preuve de la vertu du saint précurseur, le lieu qu'il habitait, ses vêtements, et le concours du peuple, il le leur présente comme un prophète : " Qu'êtes-vous allés voir ? un prophète ? Oui, je vous le dis, et plus qu'un prophète.

Jésus fait voir ensuite en quoi il est supérieur aux autres, en ajoutant : " C'est de lui qu'il est écrit : Voici que j'envoie mon ange devant votre face. "

Il montre donc en quoi Jean-Baptiste est plus grand que les prophètes, c'est parce qu'il a eu l'honneur d'être près du Christ. Ces paroles : " Devant votre face, " signifient auprès de vous. Car de même que ceux qui marchent auprès du char du roi sont les seigneurs les plus distingués de sa cour, ainsi Jean reçut un nouvel éclat de la présence du Christ.
Saint Jérôme
Avez-vous été dans le désert pour voir un homme semblable à un roseau tour à tour agité par tous les vents, et dont l'esprit léger douterait maintenant de celui auquel il a rendu un éclatant témoignage ? Est-ce que peut-être l'aiguillon de l'envie l'exciterait contre moi, est-ce qu'il poursuivrait la vaine gloire dans ses prédications ? Chercherait-il à en tirer profit ? Pourquoi désirerait-il les richesses ? pour s'asseoir à des tables splendidement servies ? Mais il se nourrit de sauterelles et de miel sauvage ; Est-ce pour se vêtir avec mollesse ? son vêtement est fait avec des poils de chameau ; et c'est pour cela que le Sauveur ajoute : " Mais qu'êtes-vous allés voir ? un homme vêtu mollement ? "

Apprenons ici que la vie austère et la sévérité de la prédication doivent fuir les cours des rois et éviter les palais des hommes livrés à la mollesse.

C'est par là qu'il était plus grand que les autres prophètes, et aussi parce qu'aux privilèges de la dignité de prophète il joignit la gloire de baptiser son Seigneur.

Pour relever le mérite de Jean-Baptiste, il emprunte le témoignage de Malachie qui l'avait annoncé comme un ange. Or, le nom d'ange est donné ici à Jean-Baptiste, non pas qu'il ait eu avec eux une même nature, mais parce qu'il a rempli le même ministère, c'est-à-dire celui de messager, en annonçant le Sauveur qui devait venir.
Saint Augustin
Cependant, ce n'est pas dans l'usage qu'on fait de toutes ces choses, mais dans l'excès et l'attachement immodéré de celui qui en use que se trouve le péché. Par conséquent, si l'on se conduit à cet égard avec plus de parcimonie que ne le comportent les usages des personnes au milieu desquelles on vit, c'est retenue excessive ou crainte superstitieuse ; mais si l'on dépasse en cela les limites posées par la coutume des personnes vertueuses, c'est mauvais signe, c'est dérèglement.
Saint Grégoire le Grand
Ce n'est point ici une affirmation, mais une interrogation ; le roseau, aussitôt qu'il est effleuré par le moindre vent, plie de l'autre côté, image de l'âme charnelle qui plie tour à tour sous le vent de la faveur ou de la contradiction des langues. Jean n'était donc pas un roseau agité par le vent, car aucune vicissitude des choses humaines ne pouvait faire fléchir la droiture de sa conduite. Voici donc le sens de ces paroles du Seigneur

Que personne ne s'imagine que la recherche des vêtements riches et précieux puisse être exempte de pêché ; car s'il en était ainsi, Notre-Seigneur n'aurait point loué Jean-Baptiste de porter un vêtement grossier, et saint Pierre n'aurait pas combattu dans les femmes l'amour des vêtements somptueux par ces paroles : " Ne recherchez pas les habits précieux. "

Le ministère du prophète c'est de prédire les choses à venir, et non de les montrer ; donc Jean-Baptiste est plus qu'un prophète, car il annonçait comme présent, celui qu'il avait prédit en sa qualité de précurseur.

En grec, le mot ange correspond au mot latin messager : c'est donc avec raison que celui qui venait apporter à la terre un message des cieux reçoit le nom d'ange et qu'il porte ce titre glorieux que justifient ses oeuvres.

On peut dire encore que Jean ne fut pas vêtu avec mollesse, parce qu'il n'a point encouragé par un langage flatteur les vices des pécheurs, mais qu'il les a pressés de ses réprimandes énergiques et de ses reproches les plus sévères, jusqu'à les appeler : " Race de vipères. " (Mt 3) 
La Glose
Ce n'est pas qu'ils fussent venus alors dans le désert pour y voir Jean-Baptiste, puisqu'il était en prison ; mais le Sauveur leur rappelle ce qu'ils avaient fait autrefois, lorsqu'ils allaient fréquemment dans le désert pour y voir Jean-Baptiste qui s'y trouvait encore.

Ajoutons enfin que les autres prophètes ont eu pour mission d'annoncer l'avènement du Christ, et Jean-Baptiste de lui préparer les voies, et c'est pour cela qu'il est écrit : " Il vous préparera la voie où vous devez marcher, " c'est-à-dire qu'il vous rendra les coeurs accessibles en leur prêchant la pénitence et en leur donnant le baptême.
Saint Thomas d'Aquin
1311. C’EST DE LUI QU’IL EST ÉCRIT. Ici, le Seigneur démontre l’excellence de Jean : premièrement, par une autorité [11, 10] ; deuxièmement, par ses privilèges spéciaux, en cet endroit : EN VÉRITÉ, JE VOUS LE DIS, etc. [11, 11].

1312. [Le Seigneur] dit donc : «Je vous ai dit qu’il est plus qu’un prophète, ce dont il est question en Ml 3, 1 : Voici que j’envoie mon ange, qui prépara la voie devant toi, etc.» Par cette autorité, est indiquée l’excellence de Jean, car [le Seigneur] l’appelle d’abord un ange. Or, un ange est supérieur à un prophète, car, de même que le prêtre est à mi-chemin entre le prophète et le peuple, de même le prophète l’est entre les anges et les prêtres. Car l’ange se situe entre Dieu et les prophètes. Ainsi Zacharie dit : L’ange qui m’a parlé, Za 1, 9. «Ange» est un nom de fonction, et non de nature. De sorte que Jean est appelé ange en raison de sa fonction. En effet, la différence entre l’ange et le prophète est que les anges voient clairement, car on lit plus loin, 18, 10 : En vérité, je vous le dis, leurs anges voient sans cesse le visage de mon Père qui est dans les cieux. Les anges voient toujours le visage de Dieu, mais non les prophètes. Ainsi, de même que les anges voient toujours le visage du Père, de même Jean voit le Christ d’une manière spéciale. Et à cause de cette manière spéciale, [le Seigneur] dit : MON [PÈRE].

1313. Il dit aussi : DEVANT MON VISAGE. Lorsque le roi se déplace, plusieurs le précèdent, mais les plus familiers précèdent son visage. De même, Jean est d’autant plus digne d’honneur qu’il a été envoyé devant le visage [du Seigneur] : il est d’autant plus digne d’honneur qu’il est plus proche. De même, [Jean] préparait la voie parce qu’il baptisait. [Le Seigneur] dit ainsi : QUI PRÉPARE LA VOIE DEVANT TOI.
Louis-Claude Fillion
Car c'est de lui... Le Sauveur confirme ce qu’il vient de dire par une citation empruntée à la prophétie de Malachie, 3, 1, mais faite plus librement encore que de coutume. Voici, en effet, la traduction littérale de l'hébreu d'après S. Jérôme : « Voici que j’envoie mon ange, et il préparera une voie devant ta face. Et aussitôt viendra dans son temple le Dominateur que vous cherchez ». Néanmoins, le sens est bien le même. Dans le texte primitif, Jéhova s’identifie d’abord au Messie et annonce que son avènement sera préparé par un héraut ; ici, le Seigneur interpellant son Christ, lui promet directement un Précurseur. Ce n’est donc qu’un changement de personnes, et non d’idées. Comme les trois évangélistes rapportent de la même manière le passage extrait de Malachie, il est vraisemblable que Jésus-Christ l’aura réellement cité sous cette forme. Les Juifs appliquaient alors universellement cet oracle au Messie ; si Jean-Baptiste était le héraut dont il fait mention, il devenait évident qu’il dépassait de beaucoup les prophètes. - Mon ange, mon messager, mon héraut. - Qui préparera la voie... Les routes de l’ancien Orient étaient aussi mauvaises et aussi mal entretenues que celles de la Palestine actuelle. On se hâtait de les réparer quand un grand personnage devait y passer et c’est un héraut qui en intimait l’ordre quelque temps auparavant. Jean-Baptiste a été ce héraut pour Jésus, proclamant partout sur son passage qu’il était le Messie, et lui aplanissant le chemin des cœurs. Cf. 3, 3.