Matthieu 11, 22

Aussi, je vous le déclare : au jour du Jugement, Tyr et Sidon seront traitées moins sévèrement que vous.

Aussi, je vous le déclare : au jour du Jugement, Tyr et Sidon seront traitées moins sévèrement que vous.
Saint Thomas d'Aquin
1345. EN VÉRITÉ, JE VOUS LE DIS, POUR TYR ET SIDON, IL Y AURA PLUS D’INDULGENCE AU JOUR DU JUGEMENT QUE POUR VOUS. Ici, [le Seigneur] compare une peine à l’autre, car, si on les trouve plus chargés de fautes, ce sera pire pour eux, parce qu’ils n’ont pas fait ce qu’ils ont entendu. Ainsi, ce sera plus lourd, selon ce qui est dit en Jn 15, 22 : Si je n’étais pas venu et si je ne leur avais pas parlé, ils ne seraient pas en faute.

1346. Il faut remarquer que, par ces paroles, il écarte trois erreurs. Certains disaient que tous les péchés étaient égaux et qu’il en était de même des châtiments. [Le Seigneur] écarte ceci lorsqu’il dit que ce sera pire pour eux que pour Tyr et Sidon. De même, certains ont dit que n’étaient sauvés que ceux que [le Seigneur] avait prédestinés, car, si on leur avait prêché, ils se seraient convertis. Il écarte cela lorsqu’il dit que Tyr et Sidon seront mises à mal, mais que ce sera pire pour ceux à qui le royaume de Dieu a été annoncé. Aussi Augustin dit-il, dans le Livre sur la persévérance : «Le Seigneur ne récompense pas pour ce qu’il aurait fait, mais pour ce qu’il fait.» De même, [le Seigneur] repousse une troisième erreur, car certains disaient que le Seigneur a envoyé des prophètes et des prédicateurs aux Juifs, et non pas aux autres, parce qu’Il savait que les autres ne [les] accueilleraient pas. Mais il écarte cela, car s’il leur avait été prêché, ils se seraient convertis.

1347. Mais il reste alors une question : si les Juifs ne croyaient pas, il semblerait que le Seigneur n’aurait pas bien agi en ne leur envoyant pas [des prophètes et des prédicateurs], puisqu’ils auraient cru. Grégoire dit qu’«il n’appartient pas à l’homme de connaître les secrets de Dieu ; toutefois, selon ce qui apparaît, parce qu’une promesse avait été faite aux pères, [le Seigneur] prêcha d’abord aux Juifs pour confirmer les promesses faites aux pères». Cela [se produisit] aussi afin que soit montré que leur condamnation était plus juste. Il leur prêcha donc et, par la suite, il envoya ses disciples aux autres. Rémi donne cette solution : bien que, à Tyr et à Sidon, plusieurs aient cru au sein d’une multitude plus grande, il y avait cependant parmi eux certains qui étaient pervers et qui n’étaient pas encore prêts à croire. C’est pourquoi il n’envoya pas d’abord vers eux [ses disciples]. Augustin propose une troisième interprétation : le Seigneur savait que, «s’ils avaient cru, ils n’auraient pas persévéré au moment de la passion. » C’est pourquoi Il n’a pas envoyé [ses disciples] vers eux. Augustin donne aussi une autre interpétation : «La prédestination est la connaissance anticipée des bienfaits de Dieu.» Ainsi, tout ce qui se rapporte au salut est l’effet de la prédestination chez les prédestinés. Le Seigneur a ainsi distribué différemment ses dons, car il donne à certains un cœur docile et un penchant à bien agir ; mais cela ne suffit pas s’Il n’est pas le maître. De même, Il est parfois le maître, mais le cœur est dur ; de même que la facilité à croire ne leur suffit pas, de même le cœur endurci leur nuit. De sorte que chercher à savoir pourquoi Il a choisi l’un et non pas l’autre est sans objet. Augustin dit ainsi : «Pourquoi Il attire l’un et non pas l’autre, n’en juge pas si tu ne veux pas te tromper.» Il est donc mieux que tout se déroule selon ce que Dieu a disposé que selon les mérites humains.
Louis-Claude Fillion
C'est pourquoi je vous le dis. Jésus annonce ainsi d’une manière emphatique la sentence terrible qu’il va porter contre les bourgades ingrates qui sont demeurées insensibles aux manifestations éclatantes de sa divine mission. - Tyr et Sidon seront traitées... Tyr et Sidon ont été moins coupables ; elles seront donc moins sévèrement punies, Cf. 10, 15. Nous avons dans ces paroles un nouvel exemple de ce que S. Augustin appelait mittissima damnatio (peine très adoucie), c’est-à-dire la distribution inégale des peines aux damnés selon le degré de leur culpabilité. Il n’y aura pas de rémission ni d’adoucissement pour Corozaïn et Bethsaïda, dont le crime n’est diminué par aucune circonstance atténuante ; tout l’aggrave au contraire et le rend complètement inexcusable. Même en ce monde, suivant une belle pensée de Rhaban Maur, Tyr et Sidon ont eu un sort « plus tolérable » que les deux cités juives, car Tyr et Sidon reçurent plus tard avec empressement la prédication de l’Évangile, et devinrent de brillantes chrétientés, gouvernées par des archevêques et des évêques, tandis que Bethsaïda et Corozaïn disparurent ignominieusement. Toutefois, ce n’était pas un châtiment temporel, mais une damnation éternelle que le divin Maître annonçait ; il le dit formellement quand il ajoute : au jour du jugement.