Matthieu 11, 24

Aussi, je vous le déclare : au jour du Jugement, le pays de Sodome sera traité moins sévèrement que toi. »

Aussi, je vous le déclare : au jour du Jugement, le pays de Sodome sera traité moins sévèrement que toi. »
Saint Jean Chrysostome
C'est pour vous apprendre que les habitants de ces villes n'étaient pas mauvais par leur nature qu'il nomme la ville de Bethsaïde, qui avait donné le jour à plusieurs d'entre les Apôtres. En effet, Philippe, et les deux principaux couples du collège apostolique, Pierre et André, Jacques et Jean, étaient de Bethsaïde.

C'est ce qui rend leur accusation plus rigoureuse, car la plus forte preuve de méchanceté, c'est d'être plus mauvais non-seulement que les méchants qui existent, mais que ceux qui ont jamais existé.
Saint Jérôme
Ce chapitre s'ouvre par les reproches qu'il fait aux villes de Bethsaïde et de Capharnaüm, de ce qu'après tant de prodiges et de miracles opérés au milieu d'elles, elles n'ont pas fait pénitence. " Malheur à vous, Corozaïm ! malheur à vous, Bethsaïde ! "

Cette expression, " malheur, " nous montre que le Sauveur déplore le triste sort de ces villes, de ce qu'après tant de miracles et de prodiges opérés sous leurs yeux, elles n'ont pas fait pénitence.

Le Sauveur leur préfère Tyr et Sidon, villes adonnées à l'idolâtrie et à tous les vices. " Car, ajoute-t-il, si les merveilles qui ont été opérées au milieu de vous avaient été faites au milieu de Tyr et de Sidon, il y a longtemps qu'eues auraient fait pénitence dans la cendre et le cilice. "

Où donc voyons-nous que le Sauveur ait fait des miracles dans Corozaïm et dans Bethsaïde ? Nous lisons dans un des chapitres précédents : " Il parcourait toutes les villes et les villages, guérissant toutes les maladies, " etc. Il est donc à croire que Corozaïm et Bethsaïde étaient du nombre de ces villes et bourgades dans lesquelles le Sauveur avait opéré des miracles.

Et la raison, c'est que Tyr et Sidon ont foulé aux pieds la loi naturelle seule, tandis que ces villes, à la transgression de la loi écrite, ont joint le mépris des miracles qui ont été faits au milieu d'elles.

On peut entendre ces paroles de deux manières : ou bien tu descendras jusqu'aux enfers, parce que tu as résisté avec orgueil à mes prédications ; ou bien, parce que élevée jusqu'au ciel par le séjour que j'ai daigné faire au milieu de toi, aussi bien que par les prodiges et par les merveilles que j'ai opérés dans ton sein, tu seras condamnée à de plus grands supplices pour avoir abusé de grâces si privilégiées, en refusant de croire en moi.

Dans la ville de Capharnaüm, qui veut dire très belle maison de plaisance,se trouve condamnée Jérusalem, à qui Ézéchiel a dit : Sodome a été trouvée juste auprès de toi.

Un lecteur attentif me dira peut-être : Si les villes de Tyr, de Sidon et de Sodome auraient pu faire pénitence en entendant les prédications du Seigneur et devant l'éclat de ses miracles, elles ne sont pas coupables de n'avoir pas cru, mais la faute doit être imputée au silence de celui qui n'a pas voulu leur prêcher dans le temps où elles étaient disposées à faire pénitence. La réponse à cette difficulté est facile et claire : c'est que nous ignorons les jugements de Dieu, et les mystérieuses dispositions de sa providence. Notre-Seigneur s'était proposé de ne point sortir des frontières de la Judée, ne voulant pas fournir aux pharisiens et aux prêtres un motif ou un prétexte pour le persécuter. C'est pour cela qu'il fait cette recommandation aux Apôtres : " Vous n'irez pas dans le chemin des nations. " Or, Corozaïm et Bethsaïde sont condamnées, parce qu'elles ont refusé de croire à la parole du Seigneur lui-même présent au milieu d'elles ; Tyr et Sidon sont justifiées pour avoir cru à la parole de ses Apôtres. Pourquoi faire ici une question de temps alors que vous voyez que ceux qui croient sont sauvés ?
Saint Augustin
Il n'est donc pas vrai de dire que l'Évangile n'ait pas été prêché dans les temps et dans les lieux où le Seigneur prévoyait l'inutilité de ses prédications pour tous ceux qui l'entendraient, aussi bien que pour un grand nombre de ceux qui n'ont pas voulu croire en lui, même après qu'ils l'eurent vu ressusciter des morts ; car voici le Seigneur qui nous assure que les habitants de Tyr et de Sidon eussent fait une pénitence pleine d'humilité, s'ils avaient été témoins des miracles de la puissance divine. Or, si les morts sont jugés sur ce qu'ils auraient fait s'ils avaient vécu, comme les habitants de ces villes se seraient convertis à la foi si l'Évangile leur eût été annoncé et confirmé par tant de miracles éclatants, il faudrait en conclure qu'ils seront exempts de tout châtiment ; et cependant ils seront punis au jour du jugement, d'après les paroles qui suivent : " Néanmoins je vous le dis, Tyr et Sidon seront traitées moins rigoureusement que vous. " La peine des derniers sera donc plus légère, et le châtiment des autres plus rigoureux.

Un controversiste catholique qui n'est pas à dédaigner explique ce passage de l'Évangile en disant que le Seigneur avait prévu que les Tyriens et les Sidoniens devaient plus tard abandonner la foi qu'ils auraient embrassée sur l'autorité des miracles opérés sous leurs yeux ; et c'est par miséricorde qu'il n'a point voulu faire de miracles au milieu d'eux, parce que en abandonnant la foi qu'ils avaient professée, ils se seraient rendus dignes de châtiments plus rigoureux que s'ils ne l'avaient jamais reçue.

Saint Luc rapporte ces mêmes paroles, en les donnant comme la suite d'un discours du Seigneur. Cet Évangéliste paraît avoir suivi dans sa narration l'ordre dans lequel ces paroles ont été dites, tandis que saint Matthieu ne suit d'autre ordre que celui de ses souvenirs. Ou bien, la manière dont saint Matthieu s'exprime : " Alors il commença à faire des reproches, " etc., devrait être entendue en ce sens que le mot " alors " indiquerait le moment précis du temps où ces paroles ont été prononcées, et non l'espace de temps plus long dans lequel on pourrait placer un grand nombre d'autres actions, ou d'autres discours du Sauveur. En admettant cette opinion, il faut admettre que ces paroles ont été dites deux fois ; car, puisque dans un seul et même Évangile on trouve répétées comme dites dans deux circonstances différentes les mêmes paroles du Seigneur, par exemple, la recommandation qu'il fait de ne pas porter de sac en voyage (Lc 9 et 10), qu'y a-t-il d'étonnant que des paroles dites deux fois par le Sauveur soient rapportées par deux Évangélistes dans l'ordre où elles ont été prononcées ? Et la raison pour laquelle cet ordre est différent, c'est justement parce que chacun d'eux rattache ces paroles au temps où elles ont été dites. 

On peut dire encore que le Seigneur prévoit avec certitude les grâces auxquelles il a daigné attacher notre délivrance : c'est la prédestination des saints, c'est-à-dire la prescience et la préparation des grâces qui doivent infailliblement sauver ceux qui doivent l'être ; les autres, par un juste jugement de Dieu, sont laissés dans la masse de perdition, comme les habitants de Tyr et de Sidon qui auraient pu croire également s'ils avaient été témoins des nombreux miracles de Jésus-Christ ; mais comme le don de la foi ne leur a pas été accordé, les moyens de croire leur ont été refusés. On peut conclure de là qu'il y a des hommes qui ont naturellement dans leur esprit un don particulier d'intelligence qui les porterait vers la foi, s'ils voyaient des miracles ou s'ils entendaient des paroles conformes aux dispositions de leur âme ; et cependant si, par un profond jugement de Dieu, ils ne sont pas séparés de la masse de perdition par la grâce de la prédestination, ils n'entendront jamais ces paroles divines, ils ne verront jamais ces faits miraculeux qui deviendraient pour eux, s'ils en étaient témoins, des moyens assurés de parvenir à la foi. C'est dans cette masse de perdition que furent laissés les Juifs eux-mêmes qui ne purent croire aux miracles si éclatants qui furent opérés sous leurs yeux, et l'Évangile ne nous a pas caché la raison pour laquelle ils n'ont pu croire : " Bien que le Sauveur eût opéré sous leurs yeux d'aussi grands miracles, ils ne pouvaient pas croire, selon ce qu'Isaïe a dit : " Il a aveuglé leurs yeux (Is 6, 9 ; Ac 28, 18), et il a endurci leurs coeurs. " (Jn 12.) Les yeux des Tyriens et des Sidoniens n'étaient donc pas aveuglés de manière à ne pouvoir croire, s'ils avaient vu de semblables miracles ; mais comme ils n'étaient pas prédestinés, il ne leur servit de rien d'avoir pu croire, de même que ce n'eût pas été pour eux un obstacle de ne pouvoir croire si Dieu les eût prédestinés à recevoir la lumière de la loi malgré leur aveuglement, et s'il avait voulu leur ôter leur coeur le pierre, cause de leur endurcissement.
Saint Rémi
Capharnaüm était la métropole de la Galilée, et la ville la plus célèbre de cette province ; c'est pour cela que le Seigneur en fait une mention spéciale : " Et toi Capharnaüm, t'élèveras-tu jusqu'au ciel ? tu seras abaissée jusqu'aux enfers. "

Ce ne sont pas seulement les péchés de Tyr et de Sidon, mais les crimes de Sodome et de Gomorrhe qui sont légers en comparaison. Car, ajoute-t-il, si les merveilles qui ont été opérées au milieu de toi eussent été faites dans Sodome, peut-être cette ville existerait encore.

Le Seigneur qui connaît toutes choses, s'est servi ici du mot dubitatif peut-être, pour montrer que les hommes ont reçu de lui le don du libre arbitre. Il ajoute : " C'est pourquoi je vous déclare qu'au jour du jugement le pays de Sodome sera traité moins rigoureusement que vous. " Il faut se rappeler que sous le nom d'une ville ou d'une contrée, les reproches du Seigneur s'adressent non pas aux édifices ou aux murailles des maisons, mais aux hommes qui les habitent, d'après la figure appelée métonymie, qui exprime le contenu pour le contenant. Les paroles suivantes : " La peine sera plus légère au jour du jugement, " démontrent jusqu'à l'évidence qu'il y a dans l'enfer divers degrés de peines, de même qu'il y a divers degrés de gloire dans le royaume des cieux.

Voici une autre solution de cette difficulté : dans Corozaïm, il y en avait probablement plusieurs qui devaient croire, de même que dans Tyr et dans Sidon il en était plusieurs qui devaient rester dans l'incrédulité, et qui, par conséquent, n'étaient pas dignes de 1'Évangile. Notre-Seigneur a donc évangélisé les habitants de Corozaïm et de Bethsaïde, afin que ceux qui devaient croire pussent embrasser la foi ; et il ne voulut point porter la prédication de l'Évangile aux habitants de Tyr et de Sidon, dans la crainte que ceux qui refuseraient de croire, devenus plus coupables par le mépris de l'Évangile, ne fussent aussi plus rigoureusement punis.
Saint Grégoire le Grand
Le cilice signifie la componction et l'austérité de la pénitence ; la cendre, la poussière des morts. Tous deux sont mis en usage dans la pénitence, afin que les pointes du cilice nous rappellent ce que nous avons fait en péchant, et que la cendre nous fasse réfléchir sur ce que nous sommes devenus par le jugement de Dieu.
Rabanus Maurus
Corozaïm qui veut dire mon mystère, et Bethsaïde, la maison des fruits ou la maison des chasseurs, sont des villes de Galilée assises sur les bords de la mer de Galilée. Le Seigneur déplore le triste sort de ces villes, à qui le mystère de Dieu a été révélé, qui auraient dû produire des fruits de vertu, et dans lesquelles il avait envoyé des chasseurs spirituels.

Tyr et Sidon sont des villes de Phénicie. Tyr veut dire angoisse, et Sidon, chasse ; elles représentent les nations que le démon a prises comme un chasseur dans les détroits resserrés du péché, mais que le Sauveur Jésus a délivrées par son Évangile.

Nous sommes aujourd'hui témoins de l'accomplissement des paroles du Sauveur : Corozaïm et Bethsaïde ne voulurent pas croire en lui lorsqu'il les honorait de sa présence, tandis que Tyr et Sidon crurent plus tard à la prédication des Apôtres.
La Glose
Jusqu'ici les reproches du Sauveur s'étaient adressés indistinctement à tous les Juifs, maintenant il les fait tomber en particulier sur quelques villes qu'il avait évangélisées d'une manière plus spéciale, et qui, cependant, n'avaient pas voulu se convertir. " Alors, dit l'Évangéliste, il commença à faire des reproches aux villes, " etc.
Saint Thomas d'Aquin
1353. EN VÉRITÉ, JE VOUS LE DIS : au jour du jugement, ton châtiment sera plus grand que celui de la terre qui a été bouleversée. Ou bien on peut l’entendre des habitants. Lc 12, 47 : Le serviteur qui connaît la volonté du maître et ne la fait pas sera durement châtié.
Louis-Claude Fillion
Vous… toi : Changement de nombre dont il est aisé de deviner le sens. - Le pays de Sodome. Ce rapprochement est encore plus honteux pour Capharnaüm que n’avait été pour Corozaïn et Bethsaïda celui de Tyr et de Sidon. Sodome, la ville immonde par antonomase, si sévèrement punie, la ville superbe anéantie par le feu du ciel ! La reine du lac de Tibériade deviendra donc semblable à l’ancienne reine des rives de la mer Morte ou plutôt elle doit s’attendre à une sentence plus terrible encore ! « Et en effet, dit Stanley, Sinaï and Palestine, ch. 10, en un sens le jour du jugement terrestre a été plus tolérable pour le pays de Sodome que pour Capharnaüm ; car on retrouve sur les bords de la mer Morte le nom et peut-être même les restes de Sodome, tandis qu’auprès du lac de Gennésareth le nom et les restes de Capharnaüm ont depuis longtemps disparu ». Que sera-ce donc du jugement céleste, et avec quelle juste sévérité l’indifférence des villes du lac ne sera-t-elle pas condamnée au dernier jour ?