Matthieu 11, 7

Tandis que les envoyés de Jean s’en allaient, Jésus se mit à dire aux foules à propos de Jean : « Qu’êtes-vous allés regarder au désert ? un roseau agité par le vent ?

Tandis que les envoyés de Jean s’en allaient, Jésus se mit à dire aux foules à propos de Jean : « Qu’êtes-vous allés regarder au désert ? un roseau agité par le vent ?
Saint Thomas d'Aquin
1302. TANDIS QUE CEUX-CI S’EN ALLAIENT, etc. Ici, [Jésus] répond au doute des foules. Car les foules avaient entendu le témoignage de Jean au sujet du Christ ; mais maintenant elles semblaient douter. En effet, elles pouvaient avoir trois choses dans le cœur, car quelqu’un change sa parole pour trois raisons : par légèreté d’esprit, pour un profit personnel ou à cause de l’esprit humain, puisque celui-ci [d’abord] ne connaît pas la vérité, puis la connaît. Ps 93, 11 : En effet, Dieu sait que les pensées des hommes sont vaines. C’est pourquoi, il écarte en premier lieu la légèreté ; en second lieu, le désir de son propre profit ; en troisième lieu, il montre que [Jean] possède la vérité prophétique.

1303. [Matthieu] dit donc : TANDIS QUE CEUX-CI S’EN ALLAIENT, etc. Le Seigneur nous enseigne un grand sens des rapports de cour, car il n’a pas voulu louer Jean en présence de ses disciples, ni personne en sa présence, comme on lit en Pr 27, 2 : Que l’étranger te loue, mais non ta propre bouche ; l’étranger, mais non tes propres lèvres. Car si celui qui louange est bon, [celui-là] rougit ; s’il est méchant, il est flatté.

1304. JÉSUS SE MIT À DIRE AUX FOULES : «QU’ÊTES-VOUS ALLÉS VOIR DANS LE DÉSERT ?» Êtes-vous allés voir UN ROSEAU ? Non. Mais vous êtes allés voir un homme fort. Le roseau plie facilement ; ainsi, l’esprit qui change facilement est considéré comme du vent, Ep 4, 14 : Ne soyons pas comme des enfants changeants et ne nous laissons pas ballotter à tout vent.

1305. De même, [Jean] ne fait pas preuve de légèreté pour son propre profit. MAIS QU’ÊTES-VOUS ALLÉS VOIR ? Toutes les richesses se rapportent à une certaine utilité corporelle, que ce soit pour la nourriture ou le vêtement, et il est clair que [Jean] n’a accordé d’importance à aucune de ces choses. Il ne faut donc pas croire qu’il dise cela pour un certain profit. [Jésus] dit donc : QU’ÊTES-VOUS ALLÉS VOIR ? UN HOMME PORTANT DES VÊTEMENTS DÉLICATS ? Et pourquoi ne mentionne-t-il pas la nourriture ? Parce qu’il ne pouvait y avoir aucun doute [à ce sujet], car [Jean] était vêtu de poils de chameau. Ainsi, CEUX QUI PORTENT DES VÊTEMENTS DÉLICATS ne vivent pas dans le désert, MAIS DANS LES MAISONS DES ROIS.

1306. Chrysostome donne une autre interprétation. Certains deviennent légers par nature, d’autres par les plaisirs, comme dans Os 4, 11 : La fornication, le vin et l’ivresse enlèvent le cœur. [Jésus] écarte la première chose par ce qu’il a dit auparavant ; la seconde, par le fait qu’il dise : PORTANT DES VÊTEMENTS DÉLICATS. [Jean] n’est donc pas changeant en raison des plaisirs de la vie.

1307. Mais on peut soulever ici une question au sujet des plaisirs des vêtements : s’agit-il d’un péché ? Car, si ce n’est pas un péché, on ne l’imputerait pas à ce riche qui portait chaque jour de la pourpre et du lin fin, Lc 16, 19. Augustin répond qu’il ne faut pas prendre en considération de telles choses, mais le sentiment de celui qui les porte. En effet, chacun doit se vêtir à la manière de ceux qui vivent avec lui ; pour cette raison, c’est l’usage lui-même qui doit être déraciné. Car, dans certains pays, beaucoup de gens portent de la soie. De sorte que certains s’habillent plus rigoureusement, et d’autres de manière plus relâchée. Et il faut faire une double distinction : [s’ils s’habillent] plus rigoureusement, [ils le font] soit avec une bonne intention, et cela est bien, ou par vaine gloire, et cela est mal ; [s’ils s’habillent] de manière plus relâchée, ou bien [ils le font] par orgueil, et cela est mal, ou bien en raison d’une signification, comme le pontife et le prêtre, et cela est bien.

1308. Au sens mystique, les flatteurs sont dénotés par les hommes qui portent des vêtements délicats. En effet, celui-là porte des vêtements délicats qui est ébranlé par des paroles flatteuses, de sorte que les orgueilleux recherchent la gloire en paroles. Pr 29, 12 : Le prince qui écoute volontiers les paroles mensongères, tous ses serviteurs sont impies.
Louis-Claude Fillion
Lorsqu'ils s'en allaient. Ils se retirèrent sans doute satisfaits et pleinement confirmés dans la foi à l’égard de Jésus-Christ, car la réponse qu’ils avaient reçue était décisive. A peine les ambassadeurs sont-ils partis, que Notre-Seigneur fait un éloge magnifique de leur maître. Il craint, dirait-on, que le message du Précurseur n’ait produit une impression fâcheuse sur la foule nombreuse qui a été témoin de la scène précédente. Ignorant les motifs secrets de la question proposée par Jean-Baptiste, elle devait être mal impressionnée au sujet de ce grand Saint, le traiter d’homme versatile, sans opinion fixe sur un point si important. Mais le glorieux témoignage que Jésus rend à son tour au Précurseur aura bientôt détruit tous les soupçons. - Se mit à dire. Ce verbe, lorsqu’il est mis en tête d’un discours de Jésus dans le premier Évangile, annonce habituellement quelques détails d’une certaine gravité ; Cf. 11, 20 ; 16, 31 ; c’est du reste une formule pittoresque dont S. Matthieu fait un fréquent usage ; Cf. 24, 49 ; 26, 22, 37, 74. - Dans son panégyrique, Jésus-Christ fait connaître son ami en disant d’abord ce qu’il n’est pas, vv. 7 et 8, puis ce qu’il est. - 1° Éloge négatif. « Il dispose tout pour qu’il ne procède pas tout de suite de sa propre sentence mais de leur témoignage, montrant non seulement par les paroles mais par les œuvres qu’ils témoignent de sa constance », S. Jean Chrysostôme. Hom. XXXVII in Matth. - Qu'êtes-vous allés voir... Ces premières lignes sont pleines de vie. Jésus-Christ prend à partie ses auditeurs et leur adresse question sur question, supposant ou faisant lui même la réponse, transportant la foule du désert au palais d’Hérode, du palais d’Hérode au désert, et montrant de toutes manières la grandeur de Jean-Baptiste. - Au désert : dans le désert de Juda, Cf. 3, 1, où nous avons vu autrefois « Jérusalem et toute la Judée et toute la contrée des bords du Jourdain », 3, 5, accourir auprès du Précurseur. - Un roseau agité par le vent ? Les rives du fleuve auprès duquel S. Jean prêchait et baptisait sont couvertes de grands roseaux ; plusieurs exégètes (Grotius, de Wette, Beelen, etc.) supposent que Jésus-Christ faisait une allusion ironique à cette circonstance, lorsqu’il demandait à la foule : Qu’alliez-vous donc faire auprès du Jourdain ? Votre but était-il de voir les roseaux agités par le vent ? Mais on obtient ainsi un sens légèrement trivial qui est peu digne du divin Maître. Il vaut mieux, avec le commun des interprètes, prendre le mot roseau au figuré, comme l’emblème d’un esprit mobile et inconstant. « Ils sont légers ces gens qui tournent à tout vent, qui disent tantôt ceci tantôt cela, qui ne peuvent se fixer en rien. Ils sont semblables à un roseau », S. Jean Chrys. l. c. Jean-Baptiste n’est donc pas, au point de vue de ses opinions messianiques, un faible roseau qu’agite en tous sens « le moindre vent qui d’aventure fait rider la face de l’eau ».