Matthieu 12, 27

Et si c’est par Béelzéboul que moi, j’expulse les démons, vos disciples, par qui les expulsent-ils ? C’est pourquoi ils seront eux-mêmes vos juges.

Et si c’est par Béelzéboul que moi, j’expulse les démons, vos disciples, par qui les expulsent-ils ? C’est pourquoi ils seront eux-mêmes vos juges.
Saint Thomas d'Aquin
1431. ET SI MOI, C’EST PAR BÉELZÉBOUL. Ici est présentée la seconde raison : «Je chasse [les démons] : je fais cela par la puissance du Démon ou par la puissance du Saint-Esprit, lequel des deux ? Vous ne devez pas me dénigrer.» Et d’abord, il continue à parler de la première [affirmation] [12, 27], puis, en second lieu, de la deuxième, en cet endroit : MAIS SI C’EST PAR L’ESPRIT DE DIEU QUE JE CHASSE LES DÉMONS, etc. [12, 28].

1432. [Le Seigneur] dit donc : SI C’EST PAR BÉELZÉBOUL QUE JE CHASSE LES DÉMONS, PAR QUI VOS FILS LES EXPULSENT-ILS ? Jérôme interprète [ceci] de deux façons : premièrement, à propos des exorcistes, dont il est question en Ac 19, 13, où des exorcistes chassaient les démons au nom de Jésus, le Christ. Ainsi, SI C’EST PAR BÉELZÉBOUL QUE JE CHASSE LES DÉMONS, PAR QUI VOS FILS LES EXPULSENT-ILS ? Comme s’il disait : «Vos fils chassent [les démons]. Si vous ne les calomniez pas, vous ne devez pas non plus me calomnier. Vous faites donc acception de personne.» AUSSI SERONT-ILS VOS JUGES. «Parce que moi je chasse [les démons] par la puissance de Dieu, ceux-ci [vous] jugeront», comme il est question plus loin que la reine du Midi jugera. Ou bien cela peut s’interpréter des apôtres. VOS FILS, c’est-à-dire les apôtres. [Le Seigneur] appelle ceux-ci leurs fils, et non [leurs] disciples, afin qu’ils soient davantage attirés vers eux. De même, afin que, après les avoir diminués, ils se réfutent eux-mêmes, car si ceux-là, qui sont vos fils, chassent [les démons], vous ferez la même chose si vous vous [y] préparez. Ainsi donc, parce que ceux-ci savent que je fais cela par le pouvoir qui m’a été confié, ils ne seront donc pas vos juges par Béelzéboul, non seulement en vertu de la comparaison, mais en vertu de l’autorité, comme on trouve plus loin, 19, 28 : Vous siégerez sur douze trônes pour juger les douze tribus d’Israël.
Louis-Claude Fillion
Et si c'est par Béelzébub... Notre-Seigneur Jésus-Christ ne craint pas d’admettre pour un instant cette monstrueuse hypothèse, afin de la mieux renverser. Quel noble calme dans son argumentation ! On dirait que son nom n’a pas été directement mêlé à la question. Dans ce verset, la réfutation a lieu « ex concessis » (confondre un adversaire en lui opposant ses propres paroles ou ses propres actes). Soit, c’est grâce au concours de Béelzébub que je parviens à chasser les démons ; mais alors vos fils, qui les chassent aussi, de qui tiennent-ils ce pouvoir ? - Les mots vos fils désignent évidemment les disciples des Pharisiens ; c’est un hébraïsme semblable à celui qui faisait autrefois appeler « Fils des Prophètes », 3 Reg. 20, 35 ; 4 Reg. 2, 3, etc., les hommes formés à l’école des Samuel, des Élie et des autres voyants inspirés. - Par qui… les chassent-ils ? Est-ce par Jésus ou par Béelzébub ? Ce raisonnement suppose qu’il y avait alors chez les Juifs des exorcistes qui, à l’aide du nom divin et de diverses formules, réussissaient parfois à chasser les démons des corps. Nous savons du reste par le livre des Actes, 19, 13, et par les écrits de Josèphe, Antiq. 8, 2, 5 ; Bell. Jud. 7, 6, 3, etc., qu’il en était réellement ainsi. Plusieurs Pères signalent également ce fait ; Cf. S. Justin, adv. Tryph. p. 311, Origène, c. Cels. lib. 1 et 4, et S. Irénée, adv. 2, 7, dont voici les paroles : « Tout est soumis au Tout-Puissant, et, par l’invocation de son nom, même avant l’arrivée de Notre-Seigneur, les hommes étaient délivrés des esprits mauvais... Aujourd’hui encore les Juifs chassent les démons par cette invocation ». - C'est pourquoi ils seront eux-mêmes vos juges. Vous les louez et vous me condamnez, quoique nos œuvres soient les mêmes : vous n’êtes donc pas conséquents avec vous-mêmes : aussi vos exorcistes seront-ils vos juges, en montrant par leur conduite que vous avez parlé contre votre conscience, à cause de la haine que vous nourrissez contre moi. - S. Jean Chrysostôme, Théophylacte, Euthymius, S. Hilaire, Maldonat, etc., supposent que Jésus-Christ désignait ses propres disciples par l’expression « vos fils ». Maldonat : « Les apôtres, qui sont de votre peuple, par qui les expulsent-ils ? » Mais c’est une interprétation manifestement erronée, qui enlève au raisonnement presque toute sa force : dans quel sens, du reste Notre-Seigneur appellerait-il ses Apôtres les fils des Pharisiens ?