Matthieu 12, 35
L’homme bon, de son trésor qui est bon, tire de bonnes choses ; l’homme mauvais, de son trésor qui est mauvais, tire de mauvaises choses.
L’homme bon, de son trésor qui est bon, tire de bonnes choses ; l’homme mauvais, de son trésor qui est mauvais, tire de mauvaises choses.
Il réfute donc les calomnies des Juifs qui, tout en comprenant que les oeuvres du Christ exigeaient une pu issance divine, ne voulurent pas cependant reconnaître sa divinité; mais en même temps il condamne tous ceux dont la foi pervertie devait dans la suite embrasser avec ardeur les différentes hérésies qui ont nié sa divinité et son unité de nature avec le Père, malheureux qui ne pouvaient, comme les Gentils, s'excuser sur leur ignorance, et qui cepen dant n'avaient pas la connaissance de la vérité. Cet arbre, c'est le Sauveur lui-même revêtu de la nature humaine, parce qu'en effet la fécondité intérieure de sa puissance se répand au dehors en fruits abondants et variés. Il faut donc faire un bon arbre avec de bons fruits, ou un arbre mauvais avec de mauvais fruits, non pas qu'un bon arbre puisse être mauvais ou qu'un mauvais arbre puisse être bon, mais par cet te comparaison le Sauveur veut nous faire comprendre qu'il faut abandonner le Christ comme étant inutile, ou s'attacher à lui comme étant la source fé conde de tout bon fruit. Vouloir prendre un moyen terme, attribuer quelques privilèges au Christ et nier ses qualités essentielles, le vénérer comme Dieu, et le dépouiller de son union substantielle avec Dieu, c'est un blasphème contre l'Esprit saint. Saisi d'admiration à la vue de la grandeur de ses oeuvres, vous n'osez pas lui refuser le nom de Dieu, et par je ne sais quelle mauvaise disposition de votre esprit vous lui contestez la noblesse de son origine en niant son unité de nature avec le Père.
43). Notre-Seigneur ne se contente pas de cette première réfutation, il veut les confondre par de nouvelles raisons. Ce n'est pas sans doute pour se justifier à leurs yeux, il l'avait fait suffisamment, mais pour changer les dispositions de leur coeur. Il leur dit donc: «Ou dites qu'un arbre est bon», etc., paroles qui veulent dire: Personne d'entre vous n'a osé dire qu'il était mal de délivrer les hommes du démon. Toutefois, comme ils n'attaquaient pas les oeuvres elles-mêmes, mais qu'ils prétendaient que le démon en était l'auteur, il leur dé montre que cette accusation est contraire à toutes les règles du raisonnement ainsi qu'à toutes les idées reçues, et que de pareilles inventions sont le comble de l'impudence.
En effet, on juge l'arbre à son fruit, et non pas le fruit par l'arbre, comme le dit Notre-Seigneur lui-même: «Car c'est par le fruit que l'on connaît l'arbre». - Bien que ce soit l'arbre qui produise le fruit, c'est cependant le fruit qui détermine l'espèce de l'arbre. Mais pour vous, vous faites le contraire. Vous ne trouvez rien à reprendre dans les oeuvres, et vous condamnez l'arbre en m'appelant possédé du démon.
Comme il défendait ici non pas ses intérêts, mais les oeuvres de l'Esprit saint, il leur adresse ces reproches justement mérités: «Race de vipères, comment pouvez-vous dire de bonnes choses, vous qui êtes mauvais ?»En leur parlant de la sorte, il accuse leur conduite et tout à la fois il la fait servir de preuve de ce qu'il vient de dire. Vous qui êtes de mauvais arbres, semble-t-il leur dire, vous ne pouvez pas porter de bons fruits: je ne suis donc pas étonné que vous parliez de la sorte, car vos pères étaient vicieux, votre éducation a été mauvaise, et vous avez une âme portée au mal. Remarquez qu'il ne dit pas: «Comment pou vez-vous dire de bonnes choses alors que vous êtes une race de vipères ?» car voici la cons truction naturelle de la phrase: «Comment pouvez-vous dire de bonnes choses, étant mauvais comme vous l'êtes ?» Il les appelle race de vipères parce qu'ils se glorifiaient de leurs ancêtres et, pour anéantir leur orgueil, il les sépare de la race d'Abraham et leur déclare que leurs aïeux leur ressemblaient.
Il donne encore ici une preuve de sa divinité qui pénètre le fond des coeurs, et il nous apprend que non-seulement les paroles coupables, mais les mauvaise pensées, recevront leur châtiment. Du reste, c'est une conséquence naturelle que l'excès de la malice du coeur se répande au dehors par les paroles qui sortent de la bouche. Aussi, lorsque vous entendez un homme proférer de mauvais dis cours, tenez pour certain que la malice de son âme est bien plus grande que ne l'indiquent ses paroles, car elles ne sont que l'exubérance de la corruption de son coeur; c'est en cela que ce reproche est plus sévère et plus sensible pour les Juifs, car si leurs parol es sont si mauvaises, jugez combien la source d'où elles découlent doit être corrompue. Voici en effet ce qui arrive ordinairement: c'est que la langue, retenue par la honte, ne répand pas immédiatement tout son venin, tandis que le coeur, qui n'a aucun homme pour témoin de ses actes, se livre sans crainte à tout le mal qui se présente à la volonté, car Dieu est son moindre souci, et lors que le mal déborde à l'intérieur, il se répand à l'extérieur par les paroles, ce qui fait dire au Seigneur: «C'est de l'abondance du coeur que la bouche parle»; et encore: «L'homme tire ses paroles du trésor de son coeur».
Il les tient resserrés dans un raisonnement que les Grecs appellent áöõôïí et que nous pouvons ap peler raisonnement qu'on ne peut éluder. Il les renferme comme dans un cercle d'où ils ne peu vent sortir et les presse par les deux faces de cet argument: Si le démon est mauvais, leur dit-il, il ne peut faire des actions qui soient bonnes; et si les actions dont vous avez été témoins sont bonnes, le démon ne peut en être l'auteur, car il n'est pas possible que le bien puisse naître du mal ou le mal venir du bien.
En disant: «L'homme qui est bon tire de bonnes choses d'un bon trésor», le Sauveur fait voir aux Juifs coupables de blasphème à l'égard de Dieu dans quel trésor ils ont puisé ces blasphèmes; ou bien cette pensée se rapporte à ce qui précède et leur montre que de même qu'un homme qui est bon ne peut dire de mauvaises choses, de même celui qui est mauvais ne peut en dire de bonnes; ainsi le Christ ne peut faire de mauvaises oeuvres et le démon ne peut en faire de bonnes.
Ou bien encore le Seigneur nous rappelle ici l'obligation d'être de bons arbres si nous voulons produire de bons fruits, car ces paroles: «Faites un bon arbre et que ses fruits soient bons» renferment un précepte salutaire auquel nous devons obéir, tandis que les paroles suivantes: «Faites un arbre mauvais et que ses fruits soient mauvais» ne nous imposent pas l'obligation d'agir de la sorte, mais nous avertissent d'éviter une pareille conduite. Notre-Seigneur avait ici en vue des hommes qui, tout mauvais qu'ils étaient, prétendaient pouvoir dire de bonnes choses ou faire de bonnes actions; il leur déclare que cela est impossible, car il faut changer l'homme si l'on veut changer ses oeuvres; si l'homme persiste dans ce qui le rend mauvais, il ne peut faire de bonnes oeuvres; s'il persévère dans ce qui le rend bon, il ne peut en faire de mauvaises. Or, le Christ a trouvé tous les arbres mauvais, mais il a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu à tous ceux qui croyaient en lui.
Ou bien en les appelant race de vipères il veut dire qu'ils sont les enfants et les imitateurs du démon, eux qui interprètent ses actions en mauvaise part, ce qui est le propre du démon.
«La bouche parle de l'abondance du coeur». Un homme parle de l'abondance du coeur quand il connaît l'intention qui le fait parler, vérité que le Sauveur développe plus clairement en ajoutant: «L'homme qui est bon tire de bonnes choses de son bon trésor, et celui qui est mauvais tire de mauvaises choses d'un trésor mauvais».Le trésor du coeur c'est l'intention que l'âme se propose et d'après laquelle le juge intérieur détermine le mérite de l'action; c'est elle qui fait que des actions éclatantes ne reçoivent quelquefois qu'une légère récompense, et que, par suite de la négligence d'un coeur que la tiédeur domine, des actes de vertus héroïques sont faiblement récompensés par le Seigneur.
1462. L’HOMME BON TIRE DE BONNES CHOSES DE SON TRÉSOR. Ce qu’il avait dit : LA BOUCHE PARLE DU TROP-PLEIN DU CŒUR, il l’explique d’une manière particulière. La parole, qui est issue de la pensée, est comme un don qui est tiré d’un trésor. De sorte que, si la pensée est bonne, la parole est bonne, et inversement. Le bon trésor est la science de la vérité et la crainte du Seigneur, Is 33, 6 : Les richesses qui sauvent sont la sagesse et la science ; la crainte du Seigneur est elle-même un trésor. De même, le mauvais trésor est la pensée mauvaise, et d’elle ne vient que le mal. Pr 10, 2 : Les trésors d’impiété ne donneront rien.
1463. Voyez : ce qui est dit ici des paroles s’entend aussi des actions. Comme la pensée est la source de la parole, l’intention [est la source] de l’action. C’est pourquoi, si l’intention est bonne, l’action est bonne. C’est la raison pour laquelle la Glose dit en cet endroit : «Tu agis comme tu en as l’intention.» Il semble exister une sorte d’application au bien. À supposer que quelqu’un veuille voler pour faire l’aumône, l’acte est mauvais et l’intention est bonne. Par conséquent, etc. L’intention et la volonté sont parfois distinguées, à savoir, lorsque chez l’unique et même personne la volonté et l’intention sont différentes. La volonté porte sur l’objet voulu, l’intention, sur la fin. La volonté, c’est comme si je veux aller à une fenêtre afin de voir les passants – ceci est l’intention, comme une impulsion vers quelque chose d’extérieur. Il faut donc que la volonté et l’intention soient une seule chose. En un sens large, nous pouvons donc considérer [comme une seule chose] l’intention et la volonté, et tel est le cas ici. Si la volonté est mauvaise, l’acte est mauvais. Toutefois, si on fait une distinction et si on l’entend au sens propre, cela n’est pas vrai.
1464. Mais, à supposer que l’intention et l’acte de la volonté soient une seule chose, qu’en résulte-t-il ? Il faut dire que l’essentiel du mérite consiste dans la charité, et, de manière dérivée, dans le mérite des autres vertus. En effet, le mérite concerne la récompense essentielle, qui est affaire de charité. Ainsi, toute action qui est faite avec une plus grande charité possède un plus grand mérite. Seule la charité a Dieu comme objet et comme fin, de sorte que le mérite de la charité correspond à la récompense essentielle, et le mérite des autres vertus au mérite accidentel. Ainsi donc, parce que la charité donne sa forme à l’intention, plus quelqu’un a l’intention de quelque chose avec une plus grande charité, plus [le mérite] est grand ; mais il n’en est pas de même de la récompense accidentelle.
1463. Voyez : ce qui est dit ici des paroles s’entend aussi des actions. Comme la pensée est la source de la parole, l’intention [est la source] de l’action. C’est pourquoi, si l’intention est bonne, l’action est bonne. C’est la raison pour laquelle la Glose dit en cet endroit : «Tu agis comme tu en as l’intention.» Il semble exister une sorte d’application au bien. À supposer que quelqu’un veuille voler pour faire l’aumône, l’acte est mauvais et l’intention est bonne. Par conséquent, etc. L’intention et la volonté sont parfois distinguées, à savoir, lorsque chez l’unique et même personne la volonté et l’intention sont différentes. La volonté porte sur l’objet voulu, l’intention, sur la fin. La volonté, c’est comme si je veux aller à une fenêtre afin de voir les passants – ceci est l’intention, comme une impulsion vers quelque chose d’extérieur. Il faut donc que la volonté et l’intention soient une seule chose. En un sens large, nous pouvons donc considérer [comme une seule chose] l’intention et la volonté, et tel est le cas ici. Si la volonté est mauvaise, l’acte est mauvais. Toutefois, si on fait une distinction et si on l’entend au sens propre, cela n’est pas vrai.
1464. Mais, à supposer que l’intention et l’acte de la volonté soient une seule chose, qu’en résulte-t-il ? Il faut dire que l’essentiel du mérite consiste dans la charité, et, de manière dérivée, dans le mérite des autres vertus. En effet, le mérite concerne la récompense essentielle, qui est affaire de charité. Ainsi, toute action qui est faite avec une plus grande charité possède un plus grand mérite. Seule la charité a Dieu comme objet et comme fin, de sorte que le mérite de la charité correspond à la récompense essentielle, et le mérite des autres vertus au mérite accidentel. Ainsi donc, parce que la charité donne sa forme à l’intention, plus quelqu’un a l’intention de quelque chose avec une plus grande charité, plus [le mérite] est grand ; mais il n’en est pas de même de la récompense accidentelle.
Jésus-Christ développe dans ce verset, la
maxime qu’il a citée plus haut. Tout se tient, dit-il, dans l’homme. S’il est bon foncièrement, il nourrit au
fond de lui-même de bons sentiments qui s’échappent ensuite en bonnes paroles ; bonnes choses… bon
trésor ; s’il est mauvais, c’est le contraire qui arrive. Ce ne sont donc pas les bonnes ou les mauvaises paroles
qui font le bon ou le mauvais homme, c’est le bon ou le mauvais cœur. Le cœur, qu’il soit bon, qu’il soit
mauvais, ressemble à un trésor, à un réservoir spirituel, dans lequel chacun puise les pensées qu’il exprime
au dehors par la parole. « Il y a vraiment un trésor dans chaque homme, et une richesse latente. » Bengel,
Gnomon in h. l.
Il n'est pas douteux que la doctrine morale chrétienne, par ses racines bibliques, reconnaît l'importance particulière d'un choix fondamental qui qualifie la vie morale et qui engage radicalement la liberté devant Dieu. Il s'agit du choix de la foi, de l'obéissance de la foi (cf. Rm 16, 26), « par laquelle l'homme s'en remet tout entier et librement à Dieu dans " un complet hommage d'intelligence et de volonté " » Cette « foi, opérant par la charité » (Ga 5, 6), vient du centre de l'homme, de son « cœur » (cf. Rm 10, 10), et elle est appelée, à partir de là, à fructifier dans les œuvres (cf. Mt 12, 33-35 ; Lc 6, 43-45 ; Rm 8, 5-8 ; Ga 5, 22). Dans le Décalogue, on trouve, en tête des différents commandements, l'expression fondamentale : « Je suis le Seigneur, ton Dieu... » (Ex 20, 2) qui, donnant leur sens authentique aux prescriptions particulières, multiples et variées, confère à la morale de l'Alliance sa cohérence, son unité et sa profondeur. Le choix fondamental d'Israël concerne alors le commandement fondamental (cf. Jos 24, 14-25 ; Ex 19, 3-8 ; Mi 6, 8). La morale de la Nouvelle Alliance est, elle aussi, dominée par l'appel fondamental de Jésus à venir à sa « suite » — ainsi qu'il le dit au jeune homme : « Si tu veux être parfait... viens et suis-moi » (Mt 19, 21) — : à cet appel, le disciple répond par une décision et un choix radicaux. Les paraboles évangéliques du trésor et de la perle précieuse, pour laquelle on vend tout ce qu'on possède, sont des images par- lantes et vivantes du caractère radical et inconditionnel du choix qu'exige le Royaume de Dieu. Le caractère absolu du choix de suivre Jésus est admirablement exprimé par ses paroles : « Qui veut sauver sa vie la perdra, mais qui perdra sa vie à cause de moi et de l'Evangile la sauvera » (Mc 8, 35).