Matthieu 12, 4

Il entra dans la maison de Dieu, et ils mangèrent les pains de l’offrande ; or, ni lui ni les autres n’avaient le droit d’en manger, mais seulement les prêtres.

Il entra dans la maison de Dieu, et ils mangèrent les pains de l’offrande ; or, ni lui ni les autres n’avaient le droit d’en manger, mais seulement les prêtres.
Saint Thomas d'Aquin
1380. MAIS IL LEUR DIT. Ici est présentée l’exemption. Premièrement, par des exemples ; deuxièmement, par l’autorité, en cet endroit : ET SI VOUS AVIEZ COMPRIS [12, 7].

1381. À propos du premier point, [Jésus] fit deux choses. Premièrement, il donne un exemple dans lequel certains sont exemptés pour cause de nécessité ; deuxièmement, dans lequel [certains le sont] pour cause de sainteté, en cet endroit : ET N’AVEZ-VOUS PAS LU DANS LA LOI, etc. [12, 4].

1382. [Matthieu] dit donc : MAIS IL LEUR DIT, etc. On lit, en Lv 24, 5, que douze pains étaient faits avec la farine la plus pure et que ceux-ci étaient déposés sur la table d’oblation, le jour du sabbat, et qu’ils en étaient retirés le sabbat suivant ; d’autres [y] étaient déposés et les premiers étaient mangés par les fils d’Aaron. De même, on trouve en 1 R [1 Sm] 21, 6 que, alors que David fuyait Saül, Abimélech leur distribua ces pains. C’est de cela que [Jésus] parle : N’AVEZ-VOUS PAS LU CE QUE FIT DAVID LORSQU’IL EUT FAIM ? En effet, ce David était un homme bon, dont le Seigneur dit qu’il avait trouvé un homme selon son cœur, 1 R [1 Sm] 13, 8. Mais quelqu’un pourrait dire : «Ce David était un prophète ; il pouvait donc [les] accepter.» [Le Seigneur] ajoute donc : ET CEUX QUI ÉTAIENT AVEC LUI. On appelait [ces pains] des pains d’oblation, offerts le jour du sabbat ; selon la loi, il n’était pas permis de les utiliser, comme on le lit en Lv 24, 5. Mais qu’est-ce que cela a à voir avec ce qui est en cause ? Lorsque [Abimélech] agit ainsi, c’était le sabbat. Et cela est clair, car il est dit en cet endroit : Je n’ai pas d’autres pains que ceux que j’ai pris de la table du Seigneur, et [Abimélech] ne faisait cela que le jour du sabbat. De même, le premier jour du mois, se tenait la fête de la néoménie ; c’est pourquoi, si elle tombait le jour du sabbat, celui-ci était forcément enfreint.

1383. Mais il semble que [David] ne l’a pas enfreint, car manger le jour du sabbat n’est pas un péché. Il semble donc qu’il ne l’ait pas enfreint. Mais Chrysostome dit qu’il a plutôt enfreint le jour du sabbat parce qu’il a accepté par nécessité les pains qui ne devaient appartenir à personne. On trouve aussi que le sabbat a été enfreint par les Macchabées par nécessité. De même, il faut remarquer ce que dit Chrysostome, à savoir qu’«il existe certains préceptes qui existent pour eux-mêmes, et ceux-ci ne peuvent être enfreints par nécessité ; mais certains n’existent pas pour eux-mêmes, mais parce qu’ils sont une figure, et ceux-ci peuvent être [enfreints] en raison du lieu et du temps, comme le jeûne peut être repoussé par nécessité.» Or, ce pain était la figure d’un autre pain, à savoir, le pain de l’autel, qui est mangé non seulement par le prêtre, mais aussi par le reste du peuple. C’est pourquoi David représente ici le peuple. Ainsi, dans Ap 5, 10 : Tu as fait de nous un royaume et des prêtres pour notre Dieu.
Louis-Claude Fillion
Jésus prend aussitôt la parole pour disculper ses chers disciples, comme aussi pour protester énergiquement contre une interprétation exagérée qui, tout en voulant honorer la lettre du précepte, en dégradait l’esprit, en anéantissait la dignité. La défense a lieu à deux points de vue différents : au point de vue de l’ancienne Alliance, vv. 3 et 4, et au point de vue de la Nouvelle, vv. 5-8. Le Sauveur signale d’abord un trait de la vie de David qui, rapproché de la conduite des disciples, excusait complètement ces derniers, en montrant que « nécessité n’a pas de loi ». - N'avez-vous pas lu... S. Marc, 2, 25, est encore plus énergique : « Vous n’avez donc jamais lu ? » Jésus renvoie à la Bible ces prétendus savants. Ils avaient lu, et plus d’une fois, le passage en question ; mais ils ne l’avaient jamais compris. - Ce que fit David. Cet épisode est raconté en détail au premier livre des Rois, 21, 1-6. David fuyait alors pour échapper aux projets homicides de Saül. Arrivé à Nob, petite ville de la Judée, située au Nord et à peu de distance de Jérusalem, il eut faim ; dénué de ressources, il entra dans le tabernacle, désigné par les mots la maison du Seigneur, Cf. Exod. 23, 19, et pria le grand-prêtre Achimélech de lui donner quelque chose à manger. Celui-ci n’avait alors à sa disposition que du « pain sanctifié », v. 4, ou, comme on l’appelle plus loin, v. 6, que les pains de proposition. On nommait ainsi, en hébreu, douze pains déposés dans le sanctuaire sur une table d’or, comme un hommage perpétuel des douze tribus à Jéhova. Cf. Levit. 24, 5-7. - Qu'il ne lui était pas permis... Cf. Lev. 24, 8-9. Ces pains étaient renouvelés chaque samedi matin. Mais, en demeurant huit jours dans le tabernacle, ils avaient contracté un caractère sacré ; aussi, d’après une ordonnance très expresse de la Loi, les prêtres seuls pouvaient-ils les manger et seulement dans le lieu saint. Néanmoins, Achimélech n’hésita pas à donner à David de ce pain sanctifié et le saint roi n’hésita pas à en manger. Que suit-il de cette conduite que les Rabbins sont d’ailleurs unanimes à justifier ? C’est qu’il y a parfois collision, dans la vie humaine, entre plusieurs obligations distinctes, et alors le droit positif le cède au droit naturel. Cela avait eu lieu légitimement pour David, cela avait lieu légitimement aussi pour les Apôtres. - L’exemple allégué par le divin Maître était admirablement choisi. Si David, le saint roi, le modèle de la piété juive, l’homme selon le cœur de Dieu, avait pu agir ainsi sans péché, pouvait-on s’égarer en imitant son exemple ? Et puis, c’était une loi émanée de Dieu même qui interdisait aux profanes de toucher aux pains de proposition, tandis que l’action d’arracher quelques épis un jour de sabbat n’avait été prohibée que par une tradition humaine.
Fulcran Vigouroux
Les pains de proposition sont ceux qu’on exposait tous les samedis sur la table d’or devant le Seigneur.