Matthieu 12, 43

Quand l’esprit impur est sorti de l’homme, il parcourt des lieux arides en cherchant où se reposer, et il ne trouve pas.

Quand l’esprit impur est sorti de l’homme, il parcourt des lieux arides en cherchant où se reposer, et il ne trouve pas.
Saint Thomas d'Aquin
1482. LORSQUE L’ESPRIT IMPUR EST SORTI DE L’HOMME, etc. [Le Seigneur] a montré plus haut que les Gentils étaient meilleurs que les Juifs. Ici, il veut le confirmer par un exemple : premièrement, il présente l’exemple ; deuxièmement, il l’applique, en cet endroit : AINSI EN SERA-T-IL DE CETTE GÉNÉRATION MAUVAISE [12, 45].

1483. Il présente l’exemple d’un esprit impur. Vous devez remarquer que parfois l’exemple est tiré d’une action, parfois d’une parabole. Lorsqu’il est tiré d’une action, il faut que chaque aspect soit expliqué, de sorte que chaque a besoin d’être expliqué, comme a été ici présenté l’exemple de Jonas. Parfois, l’exemple est tiré d’une parabole, comme lorsqu’il est dit : Le royaume des cieux est semblable, etc. Ici, il n’est pas nécessaire de présenter en quoi consiste le royaume des cieux. Nous pouvons donc dire, en suivant Jérôme, qu’il s’agit ici d’une comparaison sous forme de parabole et qu’ainsi le sens est unique. Ou bien, selon Augustin, [il s’agit d’une comparaison] tirée d’une action, et ainsi le sens est double. L’esprit impur sort de l’homme d’une double façon, car parfois il tourmente corporellement, et parfois spirituellement. Il faut donc voir [premièrement] comment l’homme est rempli d’un esprit impur ; [deuxièmement,] comment [il l’est] corporellement et spirituellement ; troisièmement, comment cela se rapporte à ce qui est en cause. Quatre choses sont donc exprimées. Premièrement, la délivrance d’un esprit impur ; deuxièmement, l’assaut renouvelé ; troisièmement, la gravité ; quatrièmement, l’occasion du second assaut.

1484. [Le Seigneur] dit donc : LORSQU’UN ESPRIT IMPUR EST SORTI DE L’HOMME. Tout ce qui est mêlé à ce qui lui est inférieur est appelé impur ; [ce qui est mêlé] à ce qui est plus pur, est dit plus pur. Ainsi, si l’argent est mêlé au plomb, il devient de qualité inférieure. De même, l’esprit créé, s’il se joint à ce qui lui est inférieur, est-il appelé un esprit impur. Et celui-ci sort parfois de l’homme qu’il tourmente corporellement, parfois [de celui] qu’il tourmente spirituellement, comme lors du baptême.

1485. Ensuite, sont présentés l’assaut renouvelé et l’occasion : premièrement, du point de vue du Démon ; deuxièmement, du point de vue de ceux qui sont assaillis. Du point de vue du Démon, premièrement, pour ce qui est des autres ; deuxièmement, pour ce qui est de ceux-ci. C’est en effet l’habitude du Démon de ne pouvoir prendre aucun répit s’il peut nuire, parce qu’il a aimé le péché dès le départ. Ainsi, lorsqu’il est chassé de quelqu’un, il cherche qui il pourrait tourmenter. [Le Seigneur] dit donc : IL ERRE PAR DES LIEUX ARIDES EN QUÊTE DE REPOS, ET IL N’EN TROUVE PAS. Ainsi, parfois il ne trouve pas de repos. De ceux chez qui il en trouve, il est dit en Jb 40, 16 : Il dort dans l’ombre, dans le secret des roseaux, dans les lieux humides. Les lieux humides sont les cœurs qui s’adonnent à la volupté ; les lieux arides sont ceux qui méprisent la volupté, qui s’éloignent des richesses. C’est d’eux que parle Ez 37, 11 : Nos os se sont desséchés et notre espoir a disparu. [Le Seigneur] dit : IL ERRE, et cherche tout homme qu’il pourrait tromper. Ainsi, par le fait qu’il dit : IL ERRE, il montre la préoccupation [du Démon], 1 P 5, 8 : Soyez sobres et veillez, car votre adversaire, le Diable, comme un lion rugissant, se promène en cherchant qui dévorer. EN QUÊTE DE REPOS, ET IL N’EN TROUVE PAS, sinon dans les lieux humides. Ainsi en fut-il pour les Juifs : sortant des Juifs, [le Démon] alla vers les Gentils, qui sont asséchés par l’écoulement de la grâce divine ; mais il ne trouve pas de repos, puisqu’il a été chassé, car ils ont accueilli la parole de Dieu.
Louis-Claude Fillion
« Attaquons-nous à un passage qui est très peu accessible non à cause des paroles, mais du contexte », Frizsche. Il semble évident que la belle allégorie contenue dans les vv. 43-45 retombe en plein sur les adversaires que Notre-Seigneur Jésus-Christ a pris à partie depuis le v. 25. « C'est ce qui arrivera à cette génération très mauvaise », dira-t-il en la concluant ; or, d’après les antécédents, Cf. v. 39-41, la génération qu’il menace ainsi d’un sort effroyable, mais parfaitement mérité, est surtout composée des Pharisiens et des Scribes. Toutefois la masse incrédule des Juifs n’est pas exclue ; représentée par ses chefs, elle est également comprise sous l’appellation « cette génération », et la parabole que nous allons expliquer ne la concerne que trop dans le présent et dans l’avenir. « Tu es possédé de Béelzébub, avaient dit à Jésus les Maîtres en Israël. Il les a patiemment réfutés, gracieusement avertis, blâmés sévèrement. Arrivé à la conclusion de son discours, et voulant annoncer la destinée du peuple, il rétorque avec vigueur l’accusation qu’ils avaient lancée contre lui : cette génération mauvaise est le grand démoniaque pour lequel tout exorcisme préalable aura été complètement vain », Stier, l. c. - Lorsque l'esprit impur... L’allégorie était pleine d’actualité, puisque la scène émouvante à laquelle nous assistons avait commencé par l’expulsion d’un démon, v. 22. - Est sorti est un euphémisme : c’est de force et bien malgré lui que le démon aura quitté le corps qu’il avait possédé jusque-là. Honteusement expulsé, il erre dans les lieux arides, en grec « dans les lieux qui manquent d'eau ». Ces deux expressions désignent le désert où les Saints Livres, d’après un symbolisme facile à saisir, placent souvent l’habitation des démons ; Cf. Is. 13, 21, 22 ; 34, 14 ; Tob. 8, 3 ; Bar. 4, 35 ; Apoc. 18, 2. Quels séjours conviennent mieux aux esprits infernaux que ces régions désolées, affreuses, produites par le péché, et images vivantes de la déchéance de l’homme et des mauvais anges ? - Cherchant du repos... Embellissement poétique qui repose cependant sur une vérité incontestable. Chassé d’une habitation où il se plaisait, le démon court au désert pour y chercher du repos ; mais, pour cet être méchant et pervers, il ne saurait y avoir de repos qu’à la condition de tenter et de tourmenter les hommes, or les hommes ne sont pas au désert. Cf. Bossuet, Serm. pour un premier dim. de Carême.