Matthieu 12, 45

Alors il s’en va, il prend avec lui sept autres esprits, encore plus mauvais que lui ; ils y entrent et s’y installent. Ainsi, l’état de cet homme-là est pire à la fin qu’au début. Voilà ce qui arrivera à cette génération mauvaise. »

Alors il s’en va, il prend avec lui sept autres esprits, encore plus mauvais que lui ; ils y entrent et s’y installent. Ainsi, l’état de cet homme-là est pire à la fin qu’au début. Voilà ce qui arrivera à cette génération mauvaise. »
Saint Jean Chrysostome
Le Seigneur avait dit aux Juifs: «Les habitants de Ninive s'élèveront au jour du jugement et condam neront cette génération».Mais dans la crainte que le temps si éloi gné de cette condamnation ne la leur fit mépriser et n'encourageât leur négligence, il leur ap prend qu'ils auront à souffrir des châtiments très sévères non-seulement dans l'autre vie, mais dans celle-ci, et il leur fait connaître sous le voile d'une parabole le supplice qui leur est réser vé: «Lorsque l'esprit impur», etc.

Ou bien le Sauveur veut faire comprendre aux Juifs la grandeur du châ timent qui les attend. Voyez, leur dit-il, ceux qui, étant possédés du démon, sont délivrés de cette tyrannie; s'ils tombent ensuite dans le relâchement, ils s'attirent de plus terribles épreu ves; ainsi en sera-t-il de vous-mêmes. Vous étiez autrefois les esclaves du démon, lorsque vous adoriez les idoles, et que vous immoliez vos enfants aux démons; cependant je ne vous ai pas abandonnés, j'ai chassé le démon par les prophètes, et je suis venu moi-même en personne pour vous délivrer d'une manière plus complète. Mais loin de répondre à de si grands bienfaits, vous n'en êtes devenus que plus mauvais (car c'est un plus grand crime de mettre à mort le Christ qu'un prophète), c'est pourquoi de plus terribles châtiments vous sont réservés. Et en effet, ce qu'ils eurent à souffrir sous Vespasien et Titus fut mille fois plus affreux que ce qu'ils avaient enduré en Égypte, à Babylone, et sous Antiochus ( 1M 1 et 1M 2,5-7 ). Il va plus loin encore, et leur fait voir le triste état de leur âme dépouillée de toutes vertus, et devenue pour le démon une proie bien plus facile qu'auparavant. Or, ce n'est pas seulement dans les Juifs, mais dans nous-mêmes que cette parabole trouve son application. Si après avoir reçu la lumière de la foi et la rémission de nos premières fautes, nous y retombons de nouveau, la peine des fautes suivantes sera beaucoup plus sévère; c'est pour cela que Notre-Seigneur dit au paralytique: «Vous voilà guéri, ne péchez plus, de peur qu'il ne vous arrive quelque chose de pis».
Saint Jérôme
Il en est quelques-uns qui prétendent que ce passage s'applique aux hérétiques. L'esprit immonde qui habitait d'abord en eux, lorsqu'ils étaient encore infidèles, disent-ils, a été chassé par la confession de la vraie foi; mais lorsqu'ils ont embrassé le parti de l'hérésie, et qu'ils ont orné de fausses vertus la maison intérieure de leur âme, le diable revient les trouver après avoir pris avec lui sept autres esprits, il fixe en eux son séjour, et rend leur dernier état pire que le premier. Le sort des hérétiques est, en effet, plus déplorable que celui des infidèles; car dans les infidèles vous pouvez rencontrer l'espérance de la vraie foi, mais dans les hérétiques vous ne trouverez que les luttes et les dé chirements de la discorde. Cette explication a pour elle quelque probabilité et quelque appa rence de science, cependant je ne sais si elle est fondée sur la vérité. En effet, la conclusion de cette parabole: «C'est ce qui arrivera à cette génération criminelle»,nous force de l'appliquer, non aux héré tiques, ou à n'importe quels autres hommes, mais au peuple juif, si nous voulons que l'ensemble de ce passage ne reste pas vague, indéterminé, susceptible de sens divers, et ne perde de sa clarté par des interprétations sans fondement, mais qu'il forme un tout parfaitement en rapport avec les antécédents et les conséquences. L'esprit impur est donc sorti des Juifs lorsque la loi leur fût donnée et lorsqu'ils l'eurent chassé, il a erré dans les solitudes des na tions, comme l'indiquent les paroles suivantes: «Il va par des lieux arides».

Après la conversion des Gentils, le démon, ne trouvant plus en eux de repos, dit: «Je reviendrai dans la maison d'où j'étais sorti, chez les Juifs que j'avais quittés en premier lieu, et, en y revenant, il trouve cette maison vide, nettoyée et parée».En effet, ce temple des Juifs était vide, et le Christ n'y demeurait plus, lui qui avait dit: «Levez-vous, sortons d'ici» ( Jn 14 ). Les Juifs n'étant plus sous la garde de Dieu et de ses anges, et n'ayant pour ornement que les observances su perflues de la loi, et les traditions des pharisiens, le démon revient dans sa première demeure, il en prend possession avec sept autres esprits, et le dernier état de ce peuple devient pire que le premier. En effet, les Juifs qui blasphèment contre Jésus-Christ dans les synagogues sont les esclaves d'un bien plus grand nombre de démons que ne l'étaient leurs ancêtres dans l'Egypte avant d'avoir reçu la loi; car on n'était pas aussi coupable de ne pas croire en celui qui devait venir, que de ne pas le recevoir lorsqu'il était venu. Ce nombre de sept autres esprits que le démon prend avec lui est mis ici ou à cause des jours de la semaine, ou à cause du nombre des dons de l'Esprit saint. Ainsi de même que dans Isaïe sept esprits de vertus différentes viennent se reposer sur la fleur de la tige de Jessé, de même, à l'opposé, nous voyons un nombre égal de vices consacré dans la personne du démon. C'est donc avec dessein que Jésus dit du démon qu'il prend sept esprits avec lui, ou à cause de la violation du sabbat, ou à cause des péchés mortels qui sont contraires aux sept dons du Saint-Esprit.
Saint Augustin
Le Seigneur nous apprend encore par ces paroles qu'il en est dont la foi sera si faible, qu'ils retourne ront au monde, incapables qu'ils seront des travaux de la mortification. En nous faisant remar quer que le démon prend avec lui sept autres esprits, il veut nous faire comprendre que celui qui tombe des hauteurs de la justice devient en même temps hypocrite. En effet, lorsque la concupiscence de la chair, chassée par les oeuvres ordinaires de la pénitence, ne trouve pas un lieu d'agréable repos, elle revient avec plus d'empressement, et s'empare de nouveau du coeur de l'homme, pour peu qu'il se soit laissé aller à la négligence. Alors la parole de Dieu ne peut plus avoir d'accès par la saine doctrine pour habiter cette maison une fois nettoyée de ses souillures; et comme cette concupiscence de la chair ne prend pas seulement avec elle les sept vices qui sont opposés aux sept dons de l'Esprit saint, mais qu'elle affectera par hypocrisie d'avoir ces mêmes v ertus, on peut dire qu'elle revient avec sept démons plus méchants, c'est-à-dire avec les sept démons de l'hypocrisie, de manière que l'état de cet homme devienne pire que le premier.
Saint Rémi
Les lieux arides, ce sont les coeurs des Gentils que n'ont jamais arrosés les eaux salutaires, c'est-à-dire les saintes Écritures.

Le démon pensait avoir trouvé dans le coeur des Gentils un repos éternel, mais Notre-Seigneur ajoute: «Et il ne le trouve pas», parce que les Gentils ont embrassé la foi, lorsque le Fils de Dieu se fut rendu visible par le mystère de l'incarnation.
Saint Grégoire le Grand
Les lieux arides et sans eau sont les coeurs des justes; la règle forte et sévère qu'ils s'imposent dessèche dans leur âme les eaux des concupiscences charnelles. Les lieux humides, au contraire, sont les âmes des hommes attachés à la terre; la concupiscence de la chair, en les pénétrant de ses eaux corrompues, les rend molles et sans cohésion, et le démon y imprime d'autant plus profondément les traces de son iniquité, qu'il marche dans ces âmes comme sur une terre détrempée et sans consistance.

Il arrive souvent aussi que, lorsque l'âme vient à s'enorgueillir de ses premiers pas dans la perfection, et veut en être louée comme de véritables vertus, elle donne entrée à son ennemi furieux contre elle, et qui s'acharne avec d'autant plus de violence à sa ruine, qu'il a éprouvé de douleur d'en avoir été chassé, ne fût-ce que pour quelque temps.
Rabanus Maurus
Ou bien, ces lieux arides, ce sont les coeurs des fidèles qui, après avoir été purifiés de la mollesse des pensées dissolues, sont explorés par l'ennemi perfide de notre salut qui cherche à y fixer son séjour; mais il s'éloigne des âmes chastes, et ne peut trouver que dans le coeur des méchants un repos qui lui soit agréable. C'est pour cela que le Seigneur ajoute: «Et il ne le trouve pas».

Lorsqu'un homme se convertit à la foi, le démon, chassé de son âme par le baptême, parcourt les lieux arides, c'est-à-dire les coeurs des fidèles.

Or, en rentrant dans sa maison d'où il était sorti, il la trouve vide de bonnes actions par suite de sa négligence, purifiée de toutes souillures, c'est-à-dire de ses anciens vices, par le baptême; ornée de fausses vertus par l'hypocrisie.
Saint Thomas d'Aquin
1488. ALORS, IL S’EN VA PRENDRE AVEC LUI SEPT AUTRES ESPRITS PLUS MAUVAIS QUE LUI. Ici, il est question du second assaut, plus sérieux, et il est montré qu’il est plus sérieux que le premier pour ce qui est du nombre ; deuxièmement, pour ce qui est de la durée ; troisièmement, pour ce qui est du résultat.

1489. Pour ce qui est du nombre, car IL PREND AVEC LUI SEPT [AUTRES ESPRITS]. Selon Chrysostome, cela s’interprète de manière littérale, car lorsque quelqu’un tombe et ne prend pas garde, ce qui lui arrive est pire. Jn 5, 14 : Voilà que tu es guéri ; ne pèche plus pour éviter qu’il ne t’arrive pire. Selon Augustin, [le Diable] en prend sept, et cela de deux façons. En effet, celui qui se repent fait parfois pénitence, mais il se montre négligent et il devient alors plus vulnérable. Rm 1, 28 : C’est pourquoi le Seigneur les a livrés à leur esprit sans jugement. Et par le fait que [le Seigneur] parle de sept, l’ensemble des vices est indiqué. Une autre [interprétation] est donnée par Augustin : certains commettent un péché, et ils y ajoutent un simulacre de l’état de pénitence. Et de même qu’il existe sept dons du Saint-Esprit, de même existe-t-il sept simulacres.

1490. Il y avait donc au départ sept vices simples ; s’y ajoutent maintenant sept simulacres de vices, qui sont pires. Et on parle de sept, soit en raison de l’ensemble des vices, soit en raison du sabbat. Et ceux qui pèchent de cette manière se montrent plus persévérants dans le mal. Il dit donc : ILS ENTRENT CHEZ LUI ET Y HABITENT, parce qu’ils ne veulent pas s’en retirer. Jr 8, 5 : Le peuple de Jérusalem s’est détourné par une aversion obstinée, ils se sont adonnés aux mensonges et n’ont pas voulu revenir. Si on l’interprète des Juifs, il est clair qu’il habite chez eux et ne veut pas s’éloigner d’eux.

1491. ET L’ÉTAT FINAL DE CET HOMME EST PIRE QUE LE PREMIER. Ici est présenté l’alourdissement du point de vue de l’effet. Au sens littéral, celui qui est davantage puni est davantage chargé. Ainsi, en 2 P 2, 21 : Il était mieux de ne pas connaître le chemin de la vérité que de s’en retourner après l’avoir connu. De même, pour ce qui était des Juifs, car ils ont agi plus mal en blasphémant le Christ qu’en rendant un culte à des idoles.

1492. Vient ensuite : AINSI EN SERA-T-IL DE CETTE GÉNÉRATION MAUVAISE, car il leur arrivera pire qu’il leur est jamais arrivé lorsqu’ils étaient en Égypte.
Louis-Claude Fillion
Ayant trouvé l’habitation de son goût plus que jamais, il agit maintenant en vue de s’y installer définitivement. - Il prend avec lui sept autres... Sept est un nombre rond et mystique pour signifier plusieurs. Mais pourquoi songe-t-il à s’associer un cortège si considérable ? Sans doute, pour être plus sûr de pénétrer dans la maison, malgré toute la résistance qu’on pourrait apporter à sa nouvelle prise de possession ; et aussi, afin d’être à même de nuire davantage au malheureux dont il veut s’emparer à tout jamais. C’est pour cela qu’il choisit des alliés plus méchants que lui. - L’opération réussit à souhait, ils entrent dans la maison : on dirait qu’ils ne rencontrent pas la moindre difficulté et qu’ils pénètrent sans coup férir. Le verbe composé du texte grec exprime très bien la solidité de ce nouvel établissement. Ils sont là tout à fait comme chez eux. - Le résultat de leur méchanceté combinée apparaît bientôt dans toute son horreur. Le dernier état représente l’état final, l’ahârit des Hébreux ; le premier figure l’état antérieur qui correspondait à la première possession, v. 43 ; c’est le Réschith hébreu. Jésus veut dire par là que le démon, après être rentré dans ce qu’il nomme sa maison, y produira des dégâts beaucoup plus affreux que ceux qu’il avait produits avant son expulsion momentanée. - C'est ce qui arrivera à cette génération. C’est l’application de la parabole. « Ce qui arrive à cet homme corporellement, arrivera à cette génération spirituellement », Bengel. Ainsi que nous l’avons dit à propos du v. 43, on admet généralement que cette allégorie est relative à l’histoire des Juifs contemporains de Notre-Seigneur Jésus-Christ. L’antique démon de l’idolâtrie, qui avait amené sur leurs ancêtres des châtiments divins, avait été expulsé par les souffrances de la captivité, dont la nation était sortie meilleure et purifiée. De retour dans la Terre promise, ils devinrent pour un temps meilleurs qu’à toute autre période de leur histoire. Malheureusement, cet état prospère ne fut pas de longue durée ; car le démon, fâché d’avoir été chassé de son ancien palais, revint à la charge sous une autre forme, plus puissant et plus mauvais qu’auparavant. Grâce aux erreurs sadducéennes et à l’hypocrisie pharisaïque, il réussit à reconquérir son habitation première, et à y exercer une influence sept fois plus pernicieuse dont les effets, déjà visibles à l’époque de Jésus-Christ, apparurent davantage encore après son Ascension, jusqu’à ce que la ruine complète de la nation arrivât sous Vespasien et Titus. Cf. S. Jean Chrysost. Hom. 43 in Matth. - Quelques auteurs cependant élargissent beaucoup plus les limites de l’application ; S. Jérôme, par exemple, qui fait remonter jusqu’à l’institution de la théocratie juive au Sinaï la première expulsion du démon. Cf. Maldonat in h. l. D’autres les restreignent au contraire, de manière à n’y englober que les Pharisiens et les docteurs de la Loi. - Au moral, on peut trouver un accomplissement important de cette parabole prophétique dans l’histoire individuelle d’un grand nombre de chrétiens. Délivrés de bonne heure du démon par les sacrements, par une éducation religieuse, par une conversion passagère, ils ont peu à peu perdu les grâces qu’ils avaient reçues, et se sont ainsi préparés à une seconde invasion satanique beaucoup plus terrible que la première. Cf. 3 Petr. 2, 20-22 ; Hebr. 1, 4. 6.