Matthieu 12, 46

Comme Jésus parlait encore aux foules, voici que sa mère et ses frères se tenaient au-dehors, cherchant à lui parler.

Comme Jésus parlait encore aux foules, voici que sa mère et ses frères se tenaient au-dehors, cherchant à lui parler.
Saint Thomas d'Aquin
1493. Dans la section précédente, le Seigneur a réfuté ses adversaires ; maintenant, il fait l’éloge des disciples qui croient [en lui], etc., en tenant compte de la présence de sa mère et de ses frères.

1494. Premièrement, [cette] présence est exposée ; deuxièmement, la dénonciation [de cette présence] ; troisièmement, l’éloge des disciples.

1495. [Matthieu] dit donc : COMME IL PARLAIT ENCORE. Mais ici se pose une question à propos du texte : pourquoi Lc 8, 19, où sont rapportées les mêmes paroles qui sont dites [ici], ne présente-t-il pas les mêmes paroles qui suivent, mais poursuit : Or, il arriva que, alors qu’ils parlait, une femme éleva la voix, etc. ? Et il semble y avoir une contradiction. Augustin donne la solution : sans aucun doute, ce que Matthieu raconte a-t-il été dit, à savoir que, alors qu’il parlait encore, c’est-à-dire alors qu’il faisait le récit, etc. Mais il se peut que ce que Luc dit soit arrivé et [aussi] ce que Matthieu dit ; et il se peut que Luc anticipe ou s’en remette à l’ordre de ses souvenirs.

1496. VOICI QUE SA MÈRE ET SES FRÈRES SE TENAIENT DEHORS, etc. Pour ce qui est de [sa] mère, il n’y a aucun doute qu’il s’agit de celle dont il a été question au chapitre I. Mais, au sujet des frères, il peut se poser une question. Et parce qu’il est fait mention des frères, cela a été l’occasion d’une hérésie, à savoir que, lorsque Marie eut engendré Jésus, Joseph connut Marie et lui engendra des fils, ce qui est hérétique, car, après l’enfantement, elle demeura intouchée. Il y a eu aussi une autre opinion, à savoir que [ces frères] étaient les fils que Joseph avait eux d’une autre épouse. Mais cela n’a aucune valeur, car nous croyons que, de même que la mère de Jésus était vierge, de même [en était-il] de Joseph, parce que [Dieu] présenta à une vierge quelqu’un qui était vierge, et ce qui existait à la fin existait aussi au départ.

1497. Qui donc sont ces frères ? Jérôme a dit qu’on parle de frères de multiples façons. Certains sont frères par la naissance, comme [il est dit] plus haut, [Mt] 1 : Jacob engendra Juda et ses frères. Parfois sont [dits] frères ceux qui sont de la même lignée, Dt 17,15 : Tu ne pourras pas établir comme moi celui qui ne sera pas ton frère. Parfois [on parle de frères] par la religion, comme dans le cas de tous les chrétiens, comme plus loin, 23, 8. Ainsi s’est établie la coutume que les hommes d’une même religion s’appellent frères. Parfois [sont appelés frères] les hommes appartenant à une même parenté, comme en Jos 2, 12 : Et donnez-moi un signe que vous allez sauver mon père, ma mère et mes frères. Parfois [sont appelés frères] tous les hommes, qui viennent d’un même père, à savoir, Dieu, Ml 2, 10 : Tous n’ont-ils pas un seul père ? Est-ce que le Dieu unique ne nous a pas créés ? Pourquoi donc chacun méprise-t-il son frère ? Il n’est ici question des frères du Seigneur en aucun de ces sens ; ils sont donc appelés frères parce qu’ils sont [ses] consanguins. Ainsi, en Gn 13, 8, Abraham dit-il à Lot : Nous sommes frères, bien que Lot ait été le neveu d’Abraham. Ainsi ceux-ci étaient-ils les frères [de Jésus], parce qu’ils étaient [ses] cousins.
Louis-Claude Fillion
Comme il parlait encore. Cette formule montre l’étroite liaison qui existe entre le discours de Jésus aux Pharisiens et le présent épisode, qui nous est raconté simultanément par les trois synoptiques. - Voici que sa mère. Il n’avait pas été parlé de la Mère de Notre-Seigneur Jésus-Christ dans le premier Évangile depuis la fin du second chapitre : on la salue avec bonheur toutes les fois qu’elle apparaît auprès de son divin Fils. - Et ses frères : les frères de Jésus sont mentionnés ici pour la première fois ; nous verrons bientôt quelle était la vraie nature des liens qui les attachaient à sa personne sacrée. Cf. 13, 55, 56. - Se tenant dehors. D’après le récit de S. Marc, 3, 20, toute la scène qui précède, vv. 22-45, s’était passée dans l’intérieur d’une maison que la foule avait immédiatement envahie ; la mère et les frères de Jésus, arrivant sur ces entrefaites, ne pouvaient, ajoute S. Luc, 8, 10, pénétrer jusqu’à lui à cause de cette grande multitude. - Cherchaient à lui parler. Que voulaient-ils lui dire ? Le motif de l’entrevue qu’ils sollicitaient d’une manière si pressante, omis par S. Matthieu et par S. Luc, est indiqué en termes singuliers par le second Évangéliste, Marc. 3, 20, 21. Ayant appris que Jésus, dans son inépuisable charité, se livrait tout entier aux foules qui l’entouraient, au point de n’avoir pas même le temps de prendre un peu de nourriture, ils s’étaient écriés qu’il était fou, et ils venaient pour s’emparer de lui et pour l’emmener avec eux. Nous expliquerons leur conduite en commentant ce passage de saint Marc : qu’il suffise de dire présentement que, quel qu’en fût le mobile, la très-sainte Vierge ne se laissa pas un seul instant égarer sur le rôle et le caractère de son Fils. Ayant entendu dire que la situation de Jésus n’était pas sans péril, à cause du conflit qu’il avait engagé avec les Pharisiens, elle venait auprès de lui, de même qu’elle le rejoindra plus tard à une heure autrement dangereuse. Du reste, s’il est possible que les frères de Notre-Seigneur fussent réellement animés contre lui de mauvaises dispositions, Cf. Joan, 5, il est possible aussi, comme l’admettent plusieurs auteurs, qu’ils accourussent alors pour le soulager ou même le protéger. « On peut penser, dit Maldonat, que les parents furent inquiets au sujet de son salut. C’était donc pour ça qu’ils étaient venus. Ils amenèrent sa mère avec eux pour pouvoir l’émouvoir. C’est pour cela qu’ils s’interposent. C’est pourquoi ils agissent comme des importuns ceux qui pensent qu’attendre serait une chose grave, de peur qu’il soit arrêté par les pharisiens pendant son discours. »
Fulcran Vigouroux
On sait que chez les anciens et surtout chez les Hébreux le mot frère se prenait dans le sens de cousin et de proche en général.