Matthieu 12, 50
Car celui qui fait la volonté de mon Père qui est aux cieux, celui-là est pour moi un frère, une sœur, une mère. »
Car celui qui fait la volonté de mon Père qui est aux cieux, celui-là est pour moi un frère, une sœur, une mère. »
Comme il avait dit tout ce qui précède au nom de la puissance et de la majesté de son Père, l'Évangéliste nous apprend ce qu'il répondit lorsqu'on vint lui annoncer que ses frères et sa mère l'attendaient au dehors. «Pendant qu'il parlait encore au peuple», etc.
N'allons pas croire qu'il ait éprouvé un sentiment de dédain pour sa mère, lui qui du haut de la croix lui témoigna tant d'affection et une si tendre sollicitude ( Jn 19 ).
Ils avaient cependant comme les autres la faculté d'arriver jusqu'à lui; mais comme il est venu parmi les siens, et que les siens ne l'ont pas reçu ( Jn 12 ), ils refusent d'entrer et d'approcher de lui.
Il ne condamne pas les devoirs de piété filiale qu'un fils doit à sa mère, mais il veut nous apprendre qu'il se doit bien plus aux devoirs mystérieux qui l'attachent à son père, et à l'amour qu'il a pour lui, qu'à son affection pour sa mère; aussi l'Évangéliste ajoute: «Et, étendant la main vers ses disci ples, il dit: Voici ma mère, et voici mes frères».
Il ne dit pas: Allez, et dites-lui qu'elle n'est pas ma mère, il adresse la parole à celui qui vient de lui porter cette nouvelle: «Mais s'adressant à celui qui lui parlait, il lui dit: Quelle est ma mère, quels sont mes frères ?»
S'il avait voulu renier sa mère, il l'aurait fait lorsque les Juifs lui faisaient un reproche de la condition de sa mère.
Or, voyez quel est l'orgueil des frères du Seigneur ! Leur devoir était d'entrer et de se mêler à la foule pour écouter ses enseignements, ou, si telle n'était pas leur intention, d'attendre qu'il eût terminé son instruction pour venir le trouver. Mais non, ils l'appellent au dehors, et ils l'appellent en présence de tous, faisant ainsi preuve d'une excessive vanité, et voulant montrer qu'ils commandaient au Christ avec autorité. C'est ce que l'Évangéliste semble vouloir nous indiquer indirectement par ces mots: «Lorsqu'il parlait en core»,comme s'il voulait dire: Est-ce qu'ils n'auraient pu choisir un autre moment? Mais que voulaient-ils lui dire? Si c'était une question de doctrine qu'ils voulaient lui proposer, ils devaient le faire devant le peuple pour que tous pussent en profiter; et s'ils n'avaient à l'entretenir que de leurs affaires particulières, ils devaient attendre: il est donc évident qu'ils agissaient ainsi par un motif de vaine gloire.
Aux leçons qui précèdent, il en ajoute encore une autre, c'est que la confiance que peut nous inspirer notre parenté ne doit pas nous faire négliger la pratique de la vertu, car s'il ne servait de rien à la mère de Jésus d'être sa mère, sans l'éminente vertu qui la distinguait, qui peut se flatter d'être sauvé grâce à sa parenté? Il n'y a qu'une seule noblesse, c'est de faire la volonté de Dieu, comme il nous l'apprend dans les paroles suivantes: «Quiconque fera la volonté de mon Père qui est au ciel, celui-là est mon frère, ma mère et ma soeur».Bien des mères ont proclamé le bonheur de la sainte Vierge et de son chaste sein; elles ont désiré pour elles une maternité semblable. Qui les empêche d'obtenir ce bonheur? Le Sauveur vous a ouvert une large voie, et il est permis non-seulement aux femmes, mais encore aux hommes de devenir mère de Dieu (cf. Ga 4,19 ).
Il n'a donc pas renié sa mère, comme le prétendent Marcion et les Mani chéens, pour nous faire croire que sa naissance n'était qu'imaginaire, mais il a voulu montrer qu'il préférait les Apôtres à ses parents, pour nous apprendre à préférer nous-mêmes les affec tions de l'esprit aux affections de la chair.
Helvidius veut appuyer une de ses erreurs sur ce que nous voyons dans l'Évangile des frères de Notre-Seigneur. Pourquoi, demande-t-il, les aurait-on appelés les frères du Seigneur s'ils n'avaient pas été réellement ses frères? Or, il faut savoir que dans l'Écriture le nom de frères est entendu de quatre manières différentes. Il y a les frères de nature, les frères de nation, les frères de parenté, et les frères d'affection: les frères de nature, comme Esaü et Jacob, les frères de nation, tous les Juifs, par exemple, qui se donnent entre eux le nom de frères, comme nous le voyons dans le Deutéronome: «Vous ne pourrez placer à votre tête un étranger qui ne soit point votre frère ( Dt 17 ); les frères de parenté, c'est-à-dire ceux qui sont d'une même famille; c'est dans ce sens qu'Abraham dit à Loth dans la Genèse ( Gn 13 ): «Qu'il n'y ait point de débat entre vous et moi, car nous sommes frères». Enfin il y a les frères d'affection, qui le sont d'une manière ou particulière, ou générale: particulière, comme le sont tous les chrétiens d'après ces paroles du Sauveur: «Allez, dites à mes frères» ( Jn 20 ); générale, comme tous les hommes nés d'un même père sont unis entre eux par les liens d'une même fraternité, et c'est dans ce sens qu'il est dit dans Isaïe: «Dites à ceux qui vous haïssent: Vous êtes nos frères ( Is 66,5 ) ». Or, je vous le demande, dans quel sens l'Évangile prend-il les frères du Seigneur? Est-ce selon la nature? Mais l'Écriture ne les appelle ni les enfants de Marie ni ceux de Joseph. Est-ce comme ayant une même nationalité? Mais il serait absurde de donner ce nom à un petit nom bre de Juifs, alors que tous les Juifs qui étaient présents y avaient droit. Est-ce d'après l'affection qu'inspire la nature ou la grâce? Mais à ce titre, qui méritait mieux ce nom de frères que les Apôtres, qui recevaient les instructions les plus secrètes du Seigneur? Ou bien si tous les hommes sont ses frères par cela qu'ils sont hommes, c'était une absurdité de donner ici ce nom comme propre et personnel en disant: «Voici que vos frères vous cherchent». Il ne reste donc plus de possible que la dernière interprétation, qui explique ce nom de frères dans le sens de la parenté et non point dans le sens de l'affection, de la nationalité ou de la nature.
Il en est qui ont supposé que ces frères du Seigneur étaient des enfants que Joseph avait eus d'une première épouse; ils suivent en cela les extravagances des Évangi les apocryphes et imaginent l'existence de je ne sais quelle femme qu'ils appe llent Escha. Pour nous, nous voyons dans ces frères du Seigneur, non pas les enfants de Joseph, mais les cousins du Seigneur, enfants de la soeur de Marie, tante du Seigneur, qui est appelée mère de Jacques le Mineur, de Joseph et de Jude, auxquels l'Évangile, dans un autre endroit, donne le nom de frères du Seigneur. Or, toute l'Écriture atteste qu'on étend ce nom de frères jusqu'aux cousins.
Celui qui vient lui annoncer cette nouvelle ne me paraît pas l'avoir fait avec simplicité et naturellement, mais pour lui tendre un piége et voir s'il sacrifierait aux affections de la nature une oeuvre toute spirituelle. Le Sauveur refuse donc de sortir, non qu'il méconnaisse sa mère et ses frères, mais parce qu'il veut répondre à ceux qui cherchent à le prendre en défaut.
Nous pouvons encore donner une autre explication. Le seigneur parle à la foule et enseigne les nations dans l'intérieur de la maison; sa mère et ses frères, c'est-à-dire la synagogue et le peuple juif, se tiennent dehors.
Après qu'ils auront demandé, prié et envoyé un messager, il leur sera répondu qu'ils sont libres d'entrer et de croire eux-mêmes, s'ils le veulent.
Nous devons penser que Notre-Seigneur fit cette réponse dans des circonstances qui la motivaient; car avant de la rapporter l'Évangéliste fait cette remarque «: Lorsqu'il parlait encore au peuple». Que veut dire ce mot «encore» si ce n'est au moment même où il tenait ce discours? Saint Marc ( Mc 3 ) place également ce fait après avoir rapporté ce qui concerne le blasphème sur le Saint-Esprit, et il ajoute: «Et ses frères et sa mère étant venus». Saint Luc n'a pas gardé ici l'ordre historique; mais il a raconté ce fait par anticipation, d'après l'ordre de ses souvenirs.
Mais quoi que l'on puisse dire des frères du Seigneur, lorsqu'on parle de péché, pour l'honneur du Christ, je ne veux pas qu'il soit question en aucune manière de la Vierge Marie, car nous savons qu'elle a reçu une grâce plus abondante pour triompher en tout du péché, parce qu'elle devait concevoir et enfanter celui qui, bien certainement, ne fut jamais souillé d'aucun péché.
Notre-Seigneur a daigné appeler les fidèles ses frères lorsqu'il a dit: «Allez, annoncez à mes frères» ( Mt 28 ). On peut donc se demander comment celui qui est devenu le frère du Seigneur en embrassant la foi, peut devenir aussi sa mère. C'est que celui qui est devenu le frère et la soeur de Jésus-Christ par la foi, mérite de devenir sa mère par la prédication, car il enfante le Seigneur en le produisant dans le coeur de ses auditeurs, et il devient sa mère s'il fait naître par ses paroles l'amour du Sauveur dans l'âme du prochain.
Pourquoi la mère du Sauveur reste-t-elle dehors, comme s'il ne la connais sait pas? Parce que la synagogue n'est plus reconnue par celui qui l'a établie, car en s'attachant exclusivement à l'observation de la loi, elle a perdu l'intelligence spirituelle et s'est condamnée elle-même à être au dehors la gardienne de la lettre.
1505. Et il n’étend pas [cela] seulement à ceux-ci, mais à tous. C’est pourquoi il dit : QUICONQUE FAIT LA VOLONTÉ DE MON PÈRE QUI EST AUX CIEUX, CELUI-LÀ EST MON FRÈRE, MA SŒUR ET MA MÈRE. En effet, il était issu d’une génération céleste et temporelle ; il place donc [la génération] céleste au-dessus de la temporelle. Car ceux qui font la volonté de mon Père, ceux-là se rattachent à lui selon la génération céleste ; ainsi, Jn 8, 39 : Si vous êtes les fils d’Abraham, agissez comme Abraham. En effet, lui-même est venu pour faire la volonté [de son Père], comme on le lit en Jn 4, 34 et 6, 38. Il parle de FRÈRES, pour les plus solides, et de SŒURS, pour les plus faibles. Mais que veut-il dire par MA MÈRE ? Il faut dire que tout fidèle qui fait la volonté du Père, c’est-à-dire qui obéit simplement, est [son] frère, car il lui ressemble, lui qui a accompli la volonté du Père. Mais celui qui non seulement accomplit [la volonté du Père], mais en convertit d’autres, engendre le Christ en d’autres, et il devient ainsi [leur] mère. De la même manière que, au contraire, celui-là tue le Christ dans les autres, qui les provoque au mal. L’Apôtre [dit] en Ga 4, 19 : Mes petits enfants, que j’engendre de nouveau, jusqu’à ce que le Christ soit formé en vous.
Et étendant la main. La description est tout à fait graphique : on voit qu’elle provient
d’un témoin oculaire. Jésus ne se borna pas à ce beau geste par lequel il promena lentement la main sur son
vaste auditoire : d’après S. Marc, 3, 34, au mouvement imprimé à son bras, il unit un mouvement semblable
de la tête et des yeux : « Et regardant tous ceux qui étaient assis en cercle autour de lui ». - Voici ma mère et
mes frères. Langage d’une condescendance inimitable et digne du cœur de Jésus ! Le Sauveur considère ses
relations filiales et fraternelles, au point de vue du devoir, avant de les envisager au point de vue de la nature.
Voilà le second Adam, auquel toutes les âmes sont étroitement unies en Dieu ! Mais écoutons l’explication
qu’il donne de cette étonnante assertion. - Car quiconque.. ; il n’y a donc pas d’exception, pourvu que la
condition voulue soit bien posée, et la condition consiste simplement à accomplir la volonté du Père céleste
de Jésus ; cette soumission complète à la volonté divine formant un lien d’union indissoluble entre
Notre-Seigneur et le véritable obéissant. - Celui-là est mon frère et ma sœur... Gradation ascendante qui
exprime une affection de plus en plus tendre. S’il est une parenté physique et naturelle, il existe aussi une
parenté spirituelle et surnaturelle, et tous les chrétiens peuvent aisément la contracter avec Jésus. « Quel
honneur ! Quelle vertu il faut à celui qui se dirige vers un tel sommet !...Tu ne dois pas le désirer lui seul,
mais la voie qui te conduit à la chose désirée, tu dois la fouler avec zèle », St. Jean Chrysostome.
La réponse du Sauveur signifie, selon l’explication des Pères, que quand il s’agit de la gloire et des intérêts de Dieu, on ne doit considérer ni parents ni amis ; pas plus qu’on ne doit considérer la chair et le sang, dès qu’ils s’opposent à ce que Dieu demande de nous. Enfin Jésus-Christ nous apprend par là qu’il préfère aux parents et aux amis selon la chair, ceux qui lui sont attachés selon l’esprit, ceux qui l’écoutent, qui l’aiment et qui le suivent. Ainsi sa réponse n’avait nullement pour but de montrer du mépris pour sa mère et ses parents.
Quelle entente profonde entre Jésus et sa mère! Comment pénétrer le mystère de leur union spirituelle intime? Mais le fait est éloquent. Il est certain que dans cet événement se dessine déjà assez clairement la nouvelle dimension, le sens nouveau de la maternité de Marie. Elle a un sens qui n'est pas exclusivement compris dans les paroles de Jésus et les divers épisodes rapportés par les Synoptiques (Lc 11, 27-28 et Lc 8, 19-21; Mt 12, 46-50; Mc 3, 31-35). Dans ces textes, Jésus entend surtout opposer la maternité relevant du seul fait de la naissance à ce que cette «maternité» (comme la «fraternité») doit être dans le cadre du Royaume de Dieu, sous le rayonnement salvifique de la paternité de Dieu. Dans le texte johannique, au contraire, par la description de l'événement de Cana, se dessine ce qui se manifeste concrètement comme la maternité nouvelle selon l'esprit et non selon la chair, c'est-à-dire la sollicitude de Marie pour les hommes, le fait qu'elle va au-devant de toute la gamme de leurs besoins et de leurs nécessités.
Dans le cas de Marie, il s'agit d'une médiation spéciale et exceptionnelle, fondée sur la «plénitude de grâce», qui se traduisait par la pleine disponibilité de la «servante du Seigneur». En réponse à cette disponibilité intérieure des a Mère, Jésus Christ la préparait toujours davantage à devenir, pour les hommes, leur «Mère dans l'ordre de la grâce». Cela ressort, au moins d'une façon indirecte, de certains détails rapportés par les Synoptiques (cf. Lc 11, 28; 8, 20-21; Mc 3, 32-35; Mt 12, 47-50) et plus encore par l'Evangile de Jean (cf. 2, 1-12; 19, 25-27), que j'ai déjà mis en lumière. A cet égard, les paroles prononcées par Jésus sur la Croix à propos de Marie et de Jean sont particulièrement éloquentes.