Matthieu 13, 19

Quand quelqu’un entend la parole du Royaume sans la comprendre, le Mauvais survient et s’empare de ce qui est semé dans son cœur : celui-là, c’est le terrain ensemencé au bord du chemin.

Quand quelqu’un entend la parole du Royaume sans la comprendre, le Mauvais survient et s’empare de ce qui est semé dans son cœur : celui-là, c’est le terrain ensemencé au bord du chemin.
Saint Thomas d'Aquin
1555. CELUI QUI ENTEND LA PAROLE DU ROYAUME, etc. Ici, [le Seigneur] explique. Et parce qu’il avait mentionné une double terre, il explique d’abord ce qu’il avait dit de la mauvaise terre et, en second lieu, de la bonne terre, en cet endroit : ET CELUI QUI A ÉTÉ SEMÉ DANS LA BONNE TERRE, etc. [13, 23]. De même, il avait précisé trois différences pour la mauvaise terre, car [des grains] sont tombés en dehors du chemin, certains [dans une terre] épineuse. Et il explique cela. Pour le comprendre, vous devez savoir qu’écouter la parole de Dieu ne doit avoir qu’un seul effet : qu’elle pénètre le cœur. Ainsi : Bienheureux celui qui médite sur la loi du Seigneur nuit et jour, Ps 1, 2. Ailleurs : J’ai caché tes paroles dans mon cœur afin de ne pas pécher contre toi. De même, un autre effet est qu’elle soit mise en pratique.

1556. Effectivement, chez certains, le premier effet est empêché, chez d’autres, le second. Le premier est présenté. Il faut savoir que le texte comporte une inversion et doit se comprendre ainsi : QUICONQUE ENTEND LA PAROLE DU ROYAUME SANS LA COMPRENDRE, ARRIVE LE MAUVAIS QUI S’EMPARE DE CE QUI A ÉTÉ SEMÉ DANS SON CŒUR. C’est là CELUI QUI A ÉTÉ SEMÉ AU BORD DU CHEMIN. Et pourquoi n’a-t-il pas compris ? Parce qu’UN HOMME MAUVAIS EST VENU, etc. Ainsi, QUICONQUE ENTEND LA PAROLE DU ROYAUME, c’est-à-dire, du Christ prêchant le royaume des cieux, car le Christ n’a annoncé que le royaume de Dieu. En effet, Moïse avait annoncé un royaume terrestre. Ainsi, Pierre [dit-il] en Jn 6, 69 : Seigneur, vers qui irions-nous ? Tu possèdes les paroles de la vie éternelle. Certains, comme les infidèles, n’entendent pas. Is 65, 12 : J’ai parlé, et vous n’avez pas écouté, etc. Certains entendent : Bienheureux ceux qui entendent la parole de Dieu, Lc 11, 28. MAIS IL N’A PAS ENTENDU. La Glose [dit] : «Parce qu’il a entendu sans y mettre son cœur ; il ne l’a donc pas gardée dans son cœur». Ps 35, 4 : Il n’a pas voulu entendre afin de bien agir. Et que lui arrivera-t-il ? Il est enlevé par les voleurs, parce que son esprit est retenu par des pensées, et il est ainsi enlevé. C’est ce qu’il veut dire lorsqu’il dit : VIENT LE MAUVAIS, à savoir, le Diable, car il est mauvais non par nature, mais par sa perversité. ET IL ENLÈVE, à savoir, de manière occulte, en séduisant et en suscitant une pensée vaine, CE QUI A ÉTÉ SEMÉ DANS SON CŒUR, c’est-à-dire, le grain. TEL EST CELUI QUI A ÉTÉ SEMÉ AU BORD DU CHEMIN. Être semé désigne parfois ce qui est semé, et parfois le champ qui est ensemencé. Ainsi, lorsqu’il dit : CE QUI A ÉTÉ SEMÉ, on l’entend de la semence ; mais lorsqu’il dit : CELUI QUI A ÉTÉ SEMÉ, on entend du champ. En effet, l’homme est appelé champ, champ dont il est question en Pr 24, 27 : Occupe-toi avec soin de ton champ, etc. Et comment [est-il semé] au bord du chemin ? Parce qu’il n’est pas protégé, contrairement à ce que dit Pr 4, 23 : Garde ton cœur avec grand soin, car la vie vient de lui. On dit donc qu’un homme est ensemencé en dehors de la route parce qu’il a accueilli la parole, mais ne l’a pas gardée.
Louis-Claude Fillion
D’après S. Luc, 8, 11, Jésus plaça en tête de son explication ces mots importants : « La semence, c'est la parole de Dieu ». Le semeur figure évidemment Jésus-Christ, puis d’une manière générale tous ceux qui sont chargés de prêcher la parole de Dieu. Le champ dans lequel est jetée la semence représente, par ses différentes parties, les cœurs des hommes plus ou moins bien préparés pour recevoir la divine parole. Notre-Seigneur suit pas à pas les détails de la parabole, indiquant tantôt au propre, tantôt par de nouvelles images, le sens de chacun d’eux. De même qu’il avait distingué quatre espèces de terrains, il distingue aussi quatre sortes d’âmes, dont trois ne savent pas profiter de la prédication évangélique. - 1. Le chemin battu. Si quelqu'un entend... ; ces mots sont au nominatif absolu. - La parole du royaume, la parole du royaume messianique, par conséquent la doctrine de l’Évangile. - Et ne s'en pénètre pas, par sa faute, bien entendu. Cf. v. 14 et 15. Le cœur de cet auditeur a été volontairement endurci : il est devenu tout à fait indifférent aux choses du ciel, qui tombaient sur lui comme la semence sur le bord du chemin ; il manque totalement de « réceptivité » à leur égard. Aussi ne reçoit-il pas la parole divine, et, pour lui, il n’est pas même question de germination, à plus forte raison de croissance et de fruits. - L'esprit malin, « diable » dit S. Luc, « satan » d’après S. Marc. Les oiseaux avaient guetté avidement le grain lancé par la main du semeur sur les bords du champ ; le démon épie de même la semence céleste pour l’enlever dès qu’elle sera tombée sur une âme qu’il sait mal disposée : il lui ôte ainsi les chances pourtant bien faibles de succès qu’elle pourrait encore avoir. Le chef du royaume infernal s’oppose de toutes ses forces à ce qui est de nature à fortifier, à accroître le royaume de Dieu. - Enlève : c’est un enlèvement prompt et habile, qu’il n’est pas malaisé au prince des démons d’accomplir. - Ce qui avait... Tournure singulière et inattendue, que l’on traduit habituellement par la phrase suivante : Celui-là ressemble au grain semé sur le bord du chemin. Mais pourquoi ne pas conserver ici et dans le s vv. 20, 22 et 23, où elle est fidèlement reproduite, cette assimilation très logique et très réelle de la parole du cœur qui la reçoit, de la graine et du champ où elle est semée ? Ce n’est pas sans raison que Jésus semble confondre ensemble ces divers objets : ils ne valent rien l’un sans l’autre. Que peut la semence en dehors du champ ? le champ privé de la semence ? Il faut leur union mutuelle pour produire quelque chose. Voilà pourquoi le divin Interprète assimile l’auditeur à la parole évangélique, en employant à quatre reprises la formule : « Qui a été semée ».