Matthieu 13, 57

Et ils étaient profondément choqués à son sujet. Jésus leur dit : « Un prophète n’est méprisé que dans son pays et dans sa propre maison. »

Et ils étaient profondément choqués à son sujet. Jésus leur dit : « Un prophète n’est méprisé que dans son pays et dans sa propre maison. »
Saint Thomas d'Aquin
1649. [Matthieu] dit donc : ET ILS ÉTAIENT SCANDALISÉS À SON SUJET. Mais pour quelle raison l’étonnement engendre-t-il parfois la glorification, et parfois le scandale ? La raison est que certains interprètent en mal ce qu’ils entendent, et sont donc ainsi nécessairement scandalisés. [On lit] dans la lettre canonique de Jude, 10 : Ils blasphèment ce qu’ils ignorent. Mais certains qui sont bien disposés interprètent toujours en bien. Ceux-ci faisaient partie des premiers. Il les reprend donc, d’abord en parole, puis en acte, lorsque [Matthieu] dit : MAIS JÉSUS LEUR DIT : «UN PROPHÈTE N’EST MÉPRISÉ QUE DANS SA PATRIE.» Le Seigneur s’appelle lui-même un prophète, et cela n’est pas étonnant, car il avait appelé Moïse lui-même un prophète. Dt 18, 15 : Il suscitera un prophète issu de ta nation et de tes frères, etc. On peut dire qu’on appelle prophète celui qui peut dire quelque chose qui dépasse l’intellect humain par une révélation ; et ainsi Jésus est-il appelé prophète, car son esprit a été illuminé par les anges et par Dieu. Ou bien on peut dire que quelqu’un est prophète au sens [étymologique] d’illumination [phanos] de loin [procul]. En ce sens, Jésus ne peut pas être appelé prophète : Si l’un d’entre vous est le prophète du Seigneur, je lui apparaîtrai en vision, etc. [Nb 12, 6]. C’est ce que dit [ici] le texte. Mais si quelqu’un est prophète, il parlera sous forme énigmatique, et le Christ n’a pas été ainsi, car il a parlé de ce qu’il connaissait vraiment. Si 34, 9 : Celui qui a beaucoup appris, exposera ce qu’il sait. Parmi les prophètes de l’Ancien Testament, nous n’en trouvons pas qui ait été honoré par les siens, mais plutôt par les étrangers, comme on le lit dans Jérémie, qui fut fait prisonnier par les siens, mais, après la prise de la ville, fut libéré par des étrangers. Il en fut de même du Christ, qui fut honoré par des étrangers, mais repoussé par les siens. Et quelle est la raison pour laquelle aucun [prophète] n’est honoré dans sa patrie ? Une raison est que, lorsqu’il est dans sa patrie, beaucoup qui connaissent ses faiblesses se rappellent toujours ce qui est faible. En effet, la malice des hommes fait en sorte qu’ils pensent plutôt aux faiblesses qu’à ce qui est parfait. Une autre [raison] peut être donnée : le Philosophe dit que les gens extrapolent fréquemment, car ils croient que ceux qui sont égaux dans certains domaines le sont en tout. Ainsi, lorsque quelqu’un est dans sa patrie et qu’ils voient qu’il est leur égal sous un aspect ou l’autre ou d’une manière générale, ils croient qu’il ne peut être plus grand. [Le Seigneur] dit donc avec raison : UN PROPHÈTE N’EST MÉPRISÉ QUE DANS SA PATRIE ET CHEZ LUI.
Louis-Claude Fillion
Et ils étaient choqués. Quelques auteurs ont conclu de cette locution que les compatriotes de Notre-Seigneur allèrent jusqu’à attribuer à Satan, ainsi que l’avaient déjà fait les Pharisiens, les dons surnaturels qui brillaient en lui ; mais le texte ne suppose rien de semblable. Nous y lisons simplement que l’humble origine de Jésus fut pour les habitants de Nazareth une occasion de ruine spirituelle, une pierre contre laquelle ils vinrent se heurter, pour leur malheur, sur le chemin du salut. Mais leur chute n’était-elle pas bien volontaire ? - Un prophète n'est méprisé... Il existe dans toutes les littératures des proverbes populaires de ce genre, ainsi qu’on peut le voir dans l’ouvrage de Wetstein, Hor. talm. in Evang. Nous nous contenterons d'en citer quelques-uns. « Ce qui appartient à la maison est sans valeur », Sénèque, de Benef. 3, 3. « Il était méprisé par les siens, comme la plupart des choses domestiques », Protogène. Cf. Pline, Hist. Nat. 35, 36. S. Jérôme explique ce fait par les rivalités jalouses qu’on rencontre si fréquemment dans les petites localités : « C’est une chose naturelle de voir les citoyens envier d’autres citoyens ; ils ne regardent pas les œuvres actuelles de l’homme fait, mais ils se souviennent de la fragilité de l’enfance, comme s’ils n’étaient pas parvenus eux aussi à l’âge adulte par les mêmes étapes », Comm. in h. l. « Les hommes ont coutume, dit Théophylacte, de mépriser les choses familières, de porter aux nues les étrangères, de les admirer et de les vanter ». C’est ainsi que les prophètes juifs avaient été admirablement bien reçus par les étrangers, tandis que les mauvais traitements leur étaient prodigués dans leur propre pays.