Matthieu 13, 9
Celui qui a des oreilles, qu’il entende ! »
Celui qui a des oreilles, qu’il entende ! »
La suite du récit nous explique pourquoi Notre-Seigneur s'assied dans la barque, tandis que le peuple reste sur le rivage. Il allait parler en paraboles, et, en agis sant de la sorte, il nous apprend d'une manière figurée que ceux qui sont hors de l'Église ne peuvent avoir aucune intelligence de la parole divine. Cette barque représente l'Église, la pa role de la vie qu'elle renferme dans son sein est prêchée à ceux qui sont au d ehors; mais, semblables au sable stérile, ils ne peuvent la comprendre.
Après avoir donné cette leçon à celui qui lui avait annoncé la présence de sa mère et de ses frères, Jésus se rend cependant à leurs désirs et il sort de la maison. C'est ainsi qu'après avoir guéri d'abord dans ses frères le mal de la vaine gloire, il rend ensuite à sa mère l'honneur qui lui était dû. «Ce jour-là même, Jésus étant sorti»,etc.
Ce n'est pas sans raison que l'Évangéliste rapporte cette circons tance; il veut nous faire remarquer l'intention expresse du Sauveur, qui voulait réunir une grande multitude et l'avoir tout entière devant les yeux, sans laisser une seule personne derrière lui.
Il n'avait pas suivi cette méthode dans son discours sur la montagne, qui n'était point ainsi composé de paraboles, car il ne s'adressait alors qu'à la multitude seule et à des esprits simples et sans déguisement, tandis qu'il comptait ici parmi ses auditeurs des scribes et des pharisiens. Mais ce n'est pas le seul motif pour lequel il parle en paraboles, il veut encore donner plus de clarté à ses enseignements, les graver plus profondément dans la mémoire en les plaçant pour ainsi dire sous les regards.
Il commence par la parabole qui devait rendre ses auditeurs plus atten tifs; car, comme il devait leur parler en figures, il éveille tout d'abord leur attention par ces paroles: «Celui qui sème sortit pour semer».
Mais d'où a pu sortir celui qui est présent en tous lieux, et comment est-il sorti? Il n'est pas sorti comme on sort d'un endroit que l'on quitte, mais il s'est rapproché de nous par son incarnation et par la nature humaine dont il s'était revêtu. Nous ne pouvions arri ver jusqu'à lui, nos péchés étaient pour nous un obstacle insurmontable; il est venu jusqu'à nous.
Lorsque vous entendez Notre-Seigneur vous dire: «Celui qui sème sortit pour semer», ne regardez pas ces deux expres sions comme identiques. Le semeur sort bien souvent, et pour d'autres motifs; par exemple, pour labourer la terre, pour couper les mauvaises herbes, pour arracher les épines ou pour d'autres travaux semblables. Mais ici il sort pour semer. Et que deviendra cette semence? Trois parties sont perdues, une seule est conservée, non pas d'une manière égale, mais avec quelque diffé rence: «Et pendant qu'il sème, une partie de la semence tomba sur le chemin».
Mais quelle apparence de raison dans la conduite de celui qui sèmerait au milieu des épines, sur les pierres ou le long du chemin? Si l'on prend la semence et la terre dans leur sens matériel et ordinaire, ce serait folie d'agir de la sorte, car il n'est au pouvoir ni de la pierre de devenir terre, ni du chemin de ne pas être un chemin, ni des épines de ne pas être des épines. Mais lorsqu'on entend la terre et la semence de la terre des âmes et de la se mence de la parole de Dieu, cette conduite est on ne peut plus louable, car dans ce sens il est possible à la pierre de devenir une terre fertile, au chemin de ne plus être foulé aux pieds, et aux épines d'être arrachées. Quant au surplus de la semence qui est perdu, la faute n'en est pas à celui qui sème, mais à la terre qui reçoit la semence, c'est-à-dire à l'âme, car le semeur ne fait aucune distinction entre le pauvre et le riche, entre le sage et l'ignorant; il s'adresse à tous, faisant de son côté tout ce qui dépend de lui, tout en prévoyant ce qui doit arriver et motiver ce reproche: «Qu'ai-je dû faire que je n'aie pas fait ?» Or, s'il ne dit pas clairement qu'une par tie de la semence est tombée sur les âmes négligentes qui l'ont laissé enlever, une autre sur les riches qui l'ont étouffée, une autre sur les âmes molles qui l'ont perdue, c'est qu'il ne veut pas blesser trop vivement les Juifs et les jeter dans le découragement. Cette parabole apprend en core à ses disciples à ne point négliger le ministère de la prédication, bien qu'un grand nombre de leurs auditeurs ne laissent pas de se perdre, puisque ce triste résultat n'a pas empêché le Seigneur qui prévoyait toutes choses, de répandre la semence de sa parole dans les coeurs.
Remarquez encore que c'est ici la première parabole que Notre-Seigneur fait suivre de son explication, et toutes les fois qu'il explique lui-même ses paroles, gardez-vous de les en tendre autrement ou de leur donner un sens plus ou moins étendu que l'explication donnée par le Seigneur lui-même.
Toutes les fois que Notre-Seigneur nous donne cet avertissement: «Que celui qui a des oreilles pour entendre, qu'il entende», nous sommes prévenus de donner toute notre attention pour comprendre ses divines paroles.
Remarquons encore que le peuple ne pouvait entrer dans la maison de Jésus, ni s'y joindre aux Apôtres pour y entendre ses mystérieuses leçons. C'est pour cela que le Seigneur, plein de miséricorde, sort de la maison et s'assied sur le rivage de la mer de ce siècle pour ré unir autour de lui la foule, pour lui adresser sur le rivage les enseignements qu'elle n'était pas digne d'entendre dans l'intérieur de la maison. «Et il s'assembla autour de lui une grande foule de peuple».
Jésus est au milieu des flots, la mer vient battre tout autour de lui; tranquille dans sa majesté, il fait approcher la bar que du rivage, afin que le peuple, libre de toute crainte et affranchi des épreuves qui eussent été au-dessus de ses forces, se tienne ferme sur le rivage pour entendre de là ses paroles.
Remarquez que tous ses enseignements ne sont pas en paraboles, mais une grande partie seulement, car s'il n'avait parlé qu'en paraboles, le peuple n'en eût retiré aucun fruit; mais en mêlant des choses claires à des choses moins évidentes, l'intelligence des unes excite à pénétrer l'obscurité des autres. La foule, d'ailleurs, n'est pas animée des mêmes senti ments, mais elle est composée de volonté diverses: il lui adresse donc un grand nombre de paraboles pour satisfaire par la diversité de l'enseignement à la diversité des désirs et des be soins.
Or, ce semeur qui répand sa se mence, c'est le Fils de Dieu qui est venu semer parmi les peuples la parole de son Père.
Ou bien encore il était au dedans, lorsque, dans l'intérieur de la maison il dévoilait à ses disciples les mystères du royaume des cieux. Il sort donc de cette maison pour répandre la semence au milieu de la foule.
Valentin se sert de cette parabole pour établir son hérésie et appuyer son système des trois natures: la nature spirituelle, la nature naturelle ou animale, et la nature terrestre. Or nous voyons ici quatre espèces différentes de terre: l'une qui est le long du chemin, l'autre qui est un terrain pierreux, la troisième couverte d'épines, et la quatrième qui est une bonne terre.
Cette expression: «Ce jour-là» indique suffisamment que ce fait eut lieu immédiatement après ce qui précède ou peu de temps après, à moins que l'on ne donne ici au mot jour le sens qu'il a quelquefois dans l'Écriture, c'est-à-dire qu'on le prenne pour un temps indéfini ( Jn 14 Jn 16,23 Jn 16,25 ).
Non-seulement les paroles et les actions du Seigneur, mais encore ses courses et les lieux témoins de ses prédications et de ses miracles sont pleins d'enseignements mystérieux. Après le discours qu'il avait prononcé dans cette maison où d'horribles blasphémateurs l'avaient appelé possédé du démon, il sort pour enseigner sur le bord de la mer; il montre ainsi qu'il abandonne la Judée pour la punir de sa perfidie et qu'il va porter le salut aux nations. En effet, les coeurs des infidèles, longtemps dominés par l'orgueil et l'incrédulité, sont comparés aux flots amers et soulevés de l'Océan. Quant à la maison du Seigneur, qui ne sait que c'était la Judée qui l'était devenue pour la foi ?
Ou bien il monte dans cette barque et s'y assied au milieu de la mer pour figurer que le Christ devait monter par la foi dans les âmes des Gentils et rassembler son Église au milieu de la mer, c'est-à-dire au milieu des peuples qui devaient le contredire. Cette foule qui se tient sur le rivage et qui n'est ni sur la mer ni dans la barque, nous représente ceux qui reçoivent la pa role de Dieu et qui sont séparés par la foi des flots de la mer, c'est-à-dire des réprouvés, sans être encore pénétrés des mystères du royaume des cieux.
Ou bien il est sorti lorsque dans la personne de ses Apôtres, il a abandonné la Judée pour aller évangéliser les Gentils.
Disons quelques mots de ce que le Sauveur nous laisse libres d'interpréter. Le chemin c'est l'âme pleine de zèle foulée et desséchée sous les pas des mauvai ses pensées; la pierre, c'est la dureté d'une âme audacieuse; la terre, c'est la douceur d'une âme obéissante; le soleil, c'est l'ardeur de la persécution qui sévit. La profondeur de la terre, c'est la droiture de l'âme formée par les célestes enseignements. Nous avons déjà fait observer que les choses n'ont pas toujours un seul et même sens dans l'interprétation allégorique.
1527. Et parce que ceci est dit en parabole, [le Seigneur] ajoute : QUE CELUI QUI A DES OREILLES, à savoir, à l’intérieur du cœur, ENTENDE, par l’intelligence.
Celui qui a des
oreilles... Cf. 11, 15. En achevant cette première parabole, le Sauveur invite ses auditeurs à réfléchir, à se
demander ce qu’elle signifie et les motifs pour lesquels une quantité si considérable de la semence n’a rien
produit. - Telle est la parabole du semeur, dont Jésus-Christ lui-même daignera nous donner un peu plus bas
un commentaire authentique, v. 19 et ss. Elle nous montre le caractère intime, familier en même temps que
profond, du nouveau genre oratoire adopté par Notre-Seigneur. Plusieurs pèlerins distingués ont fait ressortir
la couleur locale dont elle est empreinte. M. Stanley, décrivant les bords du lac de Tibériade, s’exprime
ainsi : « Un petit enfoncement au pied de la colline, non loin de la plaine, m’a révélé tout à coup dans le
détail, et avec un ensemble que je ne me souviens pas d’avoir rencontré ailleurs en Palestine, chacun des
traits de la parabole. Il y avait le champ de blé ondulant, qui descendait jusqu’au rivage. Il y avait le chemin
battu qui le traversait, sans mur ni haie pour empêcher la semence de tomber çà et là sur ses bords : il était
durci par le passage perpétuel des chevaux, des mulets et des pieds humains. Il y avait la bonne terre qui
distingue toute cette plaine (de Gennésareth) des montagnes nues d’alentour, et qui produit une vaste quantité
de blé. Il y avait le sol rocailleux qui, se détachant de la colline, s’avançait de divers côtés à travers le champ.
Il y avait les larges buissons d’aines qui s’élevaient parfois au beau milieu du blé doucement agité », Sinai
and Palestine, ch. 13. De la barque sur laquelle il était assis, Jésus n’avait donc qu’à lever les yeux et qu’à
décrire la scène qui se dressait en face lui.