Matthieu 14, 3

Car Hérode avait fait arrêter Jean, l’avait fait enchaîner et mettre en prison. C’était à cause d’Hérodiade, la femme de son frère Philippe.

Car Hérode avait fait arrêter Jean, l’avait fait enchaîner et mettre en prison. C’était à cause d’Hérodiade, la femme de son frère Philippe.
Saint Thomas d'Aquin
1657. EN EFFET, HÉRODE AVAIT FAIT ARRÊTER JEAN. Ceci était arrivé auparavant. On ne suit donc pas l’ordre [historique], mais, au passage, [Matthieu] précise la mort de Jean.

1658. Mais une question se pose : pourquoi les évangélistes précisent-ils au passage quelque chose au sujet de Jean ? Chrysostome examine cette question. Mais il la résout [ainsi] : [les évangélistes] ont surtout porté attention à ce que le Christ a fait, et au reste dans la mesure où cela se rapportait au Christ. C’est pourquoi ici [Matthieu] précise la mort de Jean. En premier lieu, il précise son incarcération ; en second lieu, sa mort, en cet endroit : OR, LORS DE LA CÉLÉBRATION DE SON ANNIVERSAIRE DE NAISSANCE, etc. [14, 6].

1659. À propos du premier point, [Matthieu] fait trois choses. Premièrement, il présente l’incarcération ; deuxièmement, la raison [de celle-ci] ; troisièmement, la décollation.

1660. EN EFFET, HÉRODE AVAIT FAIT ARRÊTER, ENCHAÎNER ET EMPRISONNER JEAN. [Matthieu] aborde l’ordre, car d’abord il le fit arrêter, [puis] il l’enchaîna, pour [enfin] le faire emprisonner. Il en fut de même pour le Christ.

1661. [Matthieu] aborde la cause, lorsqu’il dit : À CAUSE D’HÉRODIADE, LA FEMME DE SON FRÈRE [PHILIPPE]. Hérode et Philippe étaient frères. Philippe avait pris la fille d’Aréthas, roi des Arabes. Il était l’ennemi de ce roi des Arabes, et aussi de son [propre] frère, de sorte que le roi des Arabes, par haine de Philippe, prit sa fille et la donna à Hérode.
Louis-Claude Fillion
La particule car est explicative. L’évangéliste se propose en effet d’indiquer le motif pour lequel Hérode avait si facilement admis la croyance superstitieuse mentionnée au v. 2. - S'était saisi ; ce parfait et les deux suivants doivent se traduire par le plus-que-parfait, Cf. Winer, Grammat. §41, 5, car ils décrivent des événements de beaucoup antérieurs à l’opinion qu’Hérode s’était formée relativement à Jésus. - Et l'avait fait lier... S. Matthieu avait touché deux fois déjà dans sa narration, mais d’une manière très rapide, à l’emprisonnement du Précurseur, Cf. 4, 12 ; 11, 2 : il se réservait d’en parler dans un cadre approprié au moment où il ferait l’histoire du martyre de S. Jean. C’est peu de temps après la scène intéressante d’Ennon, dont le souvenir a été conservé par le quatrième Évangile, Cf. Joan. 3, 22 et ss., et tandis qu’il se trouvait dans la province de Pérée, sur le territoire d’Antipas, que Jean-Baptiste avait été arrêté par le tétrarque voluptueux. L’historien Josèphe place sa prison à Machérus ou Machéronte, citadelle colossale bâtie par Alexandre Jannée dans une des vallées les plus sauvages du N.-E. de la mer Morte. Cf. Jos. Ant. 18, 5. 2. - Les mots A cause d'Hérodiade... contiennent le motif de cette incarcération injuste et sacrilège. Hérodiade, la Cléopâtre juive, était fille d’Aristobule et petit-fille d’Hérode-le-Grand. Par son aïeule Mariamne, elle appartenait à l’illustre famille des Hasmonéens ; mais son caractère était tout à fait celui des Hérodes, car elle était comme eux ambitieuse, violente, passionnée. Jeune encore, on l’avait mariée à Hérode-Philippe, frère de son père et d’Antipas : de là le titre que lui donne S. Matthieu, femme de son frère. Ce Philippe, qu’il ne faut pas confondre avec le tétrarque du même nom, Cf. Luc. 3, 1, également fils d’Hérode-le-Grand et frère d’Antipas, avait été déshérité par son père et vivait à Rome en simple particulier. Cf. Jos. Ant. 17, 1, 2. La situation inférieure de son mari ne laissait aucun repos à Hérodiade. Aussi, quand son oncle Hérode Antipas, venu à Rome pour des affaires d’État, lui eut fait l’aveu de l’ardente et criminelle passion qu’il avait conçue pour elle, elle n’hésita pas un seul instant à accepter la proposition qu’il lui fit de l’épouser et de partager avec elle son trône à Tibériade. Il fut seulement convenu entre eux que le tétrarque répudierait aussitôt sa femme légitime, fille du roi de Pétra, Arétas. Celle-ci, avertie à temps, alla se réfugier chez son père, qui ne tarda pas à se venger, par une guerre désastreuse pour Hérode, de l’outrage fait à sa famille. En attendant, le honteux mariage s’accomplit en Galilée, au grand scandale de tout le peuple.
Fulcran Vigouroux
Hérodiade était fille d’Aristobule, un des fils d’Hérode le Grand et de Marianne ; elle était sœur d’Hérode Agrippa Ier. Elle épousa d’abord Hérode Philippe Ier, mais elle le quitta pour Hérode Antipas, fils d’Hérode le Grand, comme Philippe Ier, mais par une autre femme. Hérode Antipas était déjà marié depuis longtemps avec une fille d’Arétas, roi d’Arabie. Ce dernier, pour venger l’affront fait à sa fille, attaqua l’armée d’Hérode et la tailla en pièces. Le peuple, raconte Josèphe, considéra cette défaite comme une juste punition du meurtre de Jean-Baptiste, commis peu auparavant pour plaire à Hérodiade et à sa fille Salomé. Ce ne fut pas du reste le seul châtiment que Hérodiade attira sur Antipas. Cette femme ambitieuse le pressa d’aller à Rome pour y obtenir le titre de roi. Les émissaires d’Agrippa combattirent ses prétentions à la cour de Caligula et il fut exilé à Lyon, l’an 39 de notre ère. Sa coupable épouse l’y accompagna et c’est là qu’elle mourut. ― Philippe, le mari légitime d’Hérodiade, fils d’Hérode le Grand et de Marianne, avait été déshérité par son père et vécut comme simple particulier. C’est sans doute ce qui porta l’ambitieuse Hérodiade à l’abandonner pour Hérode Antipas. Il ne faut pas confondre ce Philippe avec son demi-frère Philippe le tétrarque d’Iturée et de Trachonitide dont parle saint Luc, 3, 1.