Matthieu 15, 10

Jésus appela la foule et lui dit : « Écoutez et comprenez bien !

Jésus appela la foule et lui dit : « Écoutez et comprenez bien !
Saint Thomas d'Aquin
1743. ET AYANT APPELÉ LES GENS PRÈS DE LUI, IL LEUR DIT, etc. Plus haut, le Seigneur a montré comment les Pharisiens qui calomniaient étaient indignes de reprendre les disciples, parce qu’ils étaient impliqués dans de plus grands péchés. Maintenant, les laissant de côté, il donne son enseignement à d’autres, afin que s’accomplisse ce qui est dit plus haut, 11, 25 : Tu as caché ces choses aux sages et aux prudents, et tu les as révélées aux petits. Premièrement, il donne son enseignement aux foules ; deuxièmement, aux disciples, en cet endroit : ALORS S’APPROCHANT, LES DISCIPLES, etc. [15, 12].

1744. À propos du premier point, [le Seigneur] prépare à l’écoute ; deuxièmement, il livre son enseignement. Le second point [se trouve] en cet endroit : NE COMPRENEZ-VOUS PAS QUE CE N’EST PAS CE QUI ENTRE PAR LA BOUCHE QUI SOUILLE L’HOMME ? [15, 11].

1745. Il faut remarquer que, pour en écouter un autre, il faut l’attention, par laquelle l’homme est ramené vers les choses intérieures et est rappelé à lui-même. Et c’est cela que fait [le Seigneur], lorsque [Matthieu] dit : AYANT APPELÉ LES GENS PRÈS DE LUI, car il faut qu’ils soient rassemblés autour de lui. Ps 33, 6 : Approchez-vous de lui, et vous serez éclairés. En second lieu, il faut prendre soin d’écouter ; c’est pourquoi il dit : ÉCOUTEZ ! Pr 1, 5 : C’est en écoutant que le sage devient plus sage. De même, l’intelligence est nécessaire ; c’est pourquoi il dit : ET COMPRENEZ ! Ps 93[94], 8 : Comprenez, vous les ignorants et les insensés parmi le peuple, et pour une fois saisissez !

1746. Ensuite, [le Seigneur] propose un enseignement très élevé, qui est la perfection de la vie morale. Il faut ainsi remarquer que certaines choses sont changées de l’extérieur, comme l’eau est réchauffée par le feu, et d’autres, de l’intérieur, comme lorsque l’homme est changé par le péché. En effet, aussi souvent que l’homme est mû de l’extérieur, il n’y a pas péché, à moins que l’homme ne consente intérieurement. Jb 37, 9 : La tempête vient de l’intérieur. Il montre donc en premier lieu que [le péché] ne vient pas de l’extérieur ; en second lieu, [qu’il vient] de l’intérieur.

1747. [Le Seigneur] dit donc : CE N’EST PAS CE QUI ENTRE PAR LA BOUCHE QUI SOUILLE L’HOMME. On objecte à cela ce qu’on lit dans la loi ancienne : en effet, on lit, en Lv 11, que plusieurs aliments sont interdits, par lesquels les hommes étaient rendus impurs. Augustin répond contre Faustus en disant que quelque chose est dit impur de deux façons. En premier lieu, par sa nature, et ainsi rien n’est impur, conformément à ce [qui est dit] en 1 Tm 4, 4 : Toute créature de Dieu est bonne et rien de ce qui est pris avec action de grâce ne doit être rejeté. De même, quelque chose peut être impur en raison de sa signification. Et ainsi, une chose peut être le signe de l’impureté ou de la pureté. Par exemple, si l’on considère le porc et l’agneau dans leur nature, les deux sont bons ; toutefois, par sa signification, le porc signifie l’impureté, et l’agneau, l’innocence. C’est pourquoi, du point de vue de la signification, une chose est pure et une autre est impure. Et parce que, avant la venue du Christ, c’était l’époque où l’on vivait sous des figures, puisque la vérité n’était pas encore claire, c’est la raison pour laquelle ces observances devaient être respectées et tombaient sous un précepte. Mais parce que, par la venue du Christ, la vérité a été manifestée, la figure a cessé. C’est pourquoi, etc.

1748. Mais il reste encore une autre question, car on lit, en Ac 15, 20, que les apôtres ordonnèrent que les convertis s’abstiennent de l’animal étouffé et du sang. Il semble donc que, bien que la vérité fût en vigueur, ces observances devaient être suivies. Les anciens disaient que cela devait être entendu au sens littéral, à savoir qu’il fallait s’abstenir de ces choses parce qu’elles sont impures. Mais cela n’a aucune valeur, car cela est en contradiction avec l’autorité de l’Apôtre, Tt 1, 15 : Tout est pur pour les purs. Certains ont dit que cela devait s’entendre en partie au sens littéral et en partie au sens moral : en effet, ce qui est dit de la fornication, [les apôtres] l’interdirent au sens littéral ; mais ce qui est dit du sang, cela doit s’entendre du fait que le sang ne devait pas être versé impunément. Ce qui est dit de l’animal étouffé devait s’entendre de cette manière, afin que personne n’en calomnie un autre. Mais il ne faut pas l’interpréter ainsi, bien que cette interprétation soit vraie. En effet, la question posée était de savoir si les Gentils convertis étaient tenus d’observer ce que les apôtres avaient interdit. Ainsi donc, il faut le comprendre en tenant compte du fait que cela était la coutume chez les Juifs. C’est pourquoi il faut dire autre chose, à savoir que les apôtres examinaient quelque chose et l’interdisaient, soit parce que cela était illicite en soi, soit parce que cela était une occasion de scandale. Ainsi, ils interdirent la fornication parce qu’elle était illicite ; mais ils interdirent le sang afin qu’on ne provoque pas de scandale aux yeux des autres, c’est-à-dire, afin que le scandale soit écarté. Et cela concorde avec les paroles de l’Apôtre, 1 Co 8, 9 : Prenez garde que votre liberté ne devienne pour les faibles une occasion de chute. De même, si l’on objecte ceci : si quelqu’un mange de la viande pendant le carême, n’est-il pas impur ? Il faut dire que ce n’est pas à cause de la viande, mais en raison de la violation d’un précepte. Rm 14, 17 : Le royaume de Dieu n’est pas affaire de nourriture et de boisson.

1749. MAIS CE QUI SORT DE SA BOUCHE, VOILÀ CE QUI SOUILLE L’HOMME ! Ici, on ne semble aborder que les péchés qui viennent de la bouche, et ceux-ci souillent. Lc 19, 22 : Je te juge à ce que tu dis, mauvais serviteur, et plus haut, [Mt] 7, 2 : Tu seras jugé d’après ce que tu dis. Mais il faut dire que la fonction propre de la bouche est de parler. Or, il existe une double parole : extérieure, par la bouche corporelle, et intérieure, par la bouche de l’esprit. Ps 13[14], 1 : L’insensé dit dans son cœur : «Il n’y a pas de Dieu.» Ainsi, par la bouche, on peut entendre la bouche du cœur, à savoir, l’esprit de l’homme, et, de cette manière, tout péché vient de la bouche, car il n’y a jamais péché à moins qu’il ne provienne d’une intention de l’esprit. De cette manière, CE QUI VIENT DE LA BOUCHE, à savoir, de la bouche du cœur, VOILÀ CE QUI SOUILLE, car le péché est à ce point volontaire que, s’il n’est pas volontaire, il n’est pas un péché.
Louis-Claude Fillion
Ayant appelé... Jésus rompt brusquement son entretien avec les Pharisiens et les Scribes. Il leur a prouvé qu’ils avaient tort, il a confondu leur orgueil, il leur a enseigné le vrai moyen de plaire à Dieu ; cela suffit. Il n’a plus rien à dire à ces adversaires incorrigibles et de mauvaise foi. Mais il se tourne avec bonté vers le peuple qui l’entourait, et qui, par respect pour ses docteurs, s’était tenu à quelque distance pendant la discussion. Il veut mettre la foule en garde contre les théories pharisaïques, l’éclairer sur un point d’une extrême gravité que les théologiens d’alors avaient obscurci et même faussé complètement, puisque, au lieu de la vraie sainteté, ils n’enseignaient plus qu’une perfection nominale, extérieure. - Écoutez et comprenez. Le Sauveur excite ainsi l’attention de son auditoire populaire ; car ce qu’il va dire est tout à la fois important et difficile à comprendre, vu la forme sentencieuse et paradoxale qu’il doit donner à son langage.