Matthieu 15, 20

C’est cela qui rend l’homme impur, mais manger sans se laver les mains ne rend pas l’homme impur. »

C’est cela qui rend l’homme impur, mais manger sans se laver les mains ne rend pas l’homme impur. »
Saint Jean Chrysostome
Ou bien le Seigneur le reprend, parce que ce n'était pas pour dissiper ses doutes que Pierre l'interrogeait, mais parce qu'il se scandalisait comme les pharisiens. Le peuple, en effet, n'avait pas compris ce qu'avait dit le Sauveur; mais pour les disciples, ils en avaient été scandalisés. Aussi avaient-ils voulu d'abord l'interroger comme au nom des pharisiens; mais ils en furent empêchés par cette grande vérité qu'ils en tendent sortir de la bouche de Jésus: «Toute plante que mon Père n'a pas plantée sera arrachée»,etc. Mais Pierre, dont l'ardeur éclate partout, ne peut garder le silence. Aussi Jésus le reprend vivement et motive ainsi ses reproches: «Vous ne comprenez donc pas que ce qui entre dans la bouche descend dans le ventre et est jeté ensuite au lieu secret ?»

En parlant de la sorte à ses disciples, Notre-Seigneur se conforme encore aux idées imparfaites du judaïsme, il dit: La nourriture ne reste pas, mais elle s'en va, bien qu'elle ne pût souiller, même en restant dans le corps. Mais ils ne pouvaient encore comprendre cette doctrine, car Moïse leur avait ordonné de se considérer comme impurs tant que la nourriture était dans leurs entrailles, et de se laver et de se purifier le soir, qui est comme le temps où la digestion est faite et où le corps se débarrasse du reste des aliments.

Les choses qui sont au fond du coeur restent dans l'homme et le souillent non-seulement lorsqu'elles y restent, mais surtout lorsqu'elles en sortent; c'est pour cela qu'il ajoute: «C'est du coeur que sortent les mauvaises pensées». Il met les mauvaises pensées en première ligne, parce que c'était le vice particulier des Juifs qui lui tendaient des embûches.

Il ne dit pas: Manger les viandes défendues par la loi ne souille pas l'homme, pour ne point soulever de nouvelles contradictions; il ne comprend dans sa conclu sion que ce qui avait été l'objet de la discussion.
Saint Jérôme
Le Sauveur fait un reproche à Pierre de regarder comme une parabole une vérité exprimée clairement, sans la moindre figure. Apprenons de là qu'on n'est pas un bon disciple lorsqu'on veut entendre avec clarté ce qui est obscur, ou regarder comme obscur ce qui est d'une clarté évidente.

Il en est qui ont pris occasion de ces paroles pour reprocher au Seigneur d'avoir ignoré les lois physiques de la nutrition en pensant que tous les aliments descendent dans le ventre et sont jetés ensuite dans un lieu secret, tandis que la nourriture, soumise immédiatement à une espèce de dissolution, est distribuée dans les membres, dans les veines, dans les nerfs et jusque dans la moëlle des os. Mais ils doivent savoir aussi que lorsque les aliments ont subi, sous l'action d'un fluide délié, une opération qui les rend liquides et qu'ils ont été comme cuits et digérés dans les membres, ils descendent vers les parties inférieures du corps, que les Grecs appellent pores, et sont jetés ensuite dans un lieu secret.

La faculté principale de l'âme n'est donc pas, comme le veut Platon, dans le cerveau, mais dans le coeur, d'après Jésus-Christ, et cette doctrine condamne l'opinion de ceux qui prétendent que les pensées nous sont suggérées par le démon et ne sont pas le fruit de notre propre volonté. Le démon peut devenir l'auxiliaire et le fauteur des mauvaises pensées, mais non pas en être l'auteur. Car bien que cet ennemi, qui se tient toujours en embuscade, puisse développer par son souffle l'étincelle de nos pensées et en produire un grand incendie, nous devons en conclure non pas qu'il scrute les secrets cachés de notre coeur, mais que sur l'apparence extérieure et d'après nos actions, il conjecture ce qui se passe au fond de notre âme. Ainsi, par exemple, s'il nous voit jeter souvent les yeux sur une femme d'un extérieur agréable, il comprend que notre coeur a été blessé par ces regards de la flèche d'un amour coupable.
Saint Augustin
Les aliments, après qu'ils ont été soumis à la dissolution et qu'ils ont perdu leur forme, sont distribués dans toutes les parties du corps et y deviennent des éléments répara teurs. Le mouvement vital les sépare en deux parties distinctes: l'une, parfaitement préparée, sert à développer l'admirable organisation de notre corps; l'autre, dépouillée de tout principe nutritif, est rejetée par les canaux destinés à cet usage. Ainsi une partie, la plus grossière, est rendue à la terre pour y prendre de nouvelles formes; une autre se sécrète et s'exhale par tous les pores du corps; une autre enfin se répand dans toute l'économie intérieure du corps humain et devient un des principes de la génération.

Le Seigneur, sous une même dénomination, a compris deux sortes de bouches dans l'homme: la bouche du corps et la bouche de l'âme. Dans ces paroles: «Tout ce qui entre dans la bouche», etc., il ne peut être question que de la bouche du corps, tandis que c'est de la bouche du coeur que Notre-Seigneur veut parler dans le pas sage suivant: «Ce qui sort de la bouche part du coeur, et c'est ce qui souille l'homme».
Saint Rémi
Notre-Seigneur avait l'habitude de parler en paraboles. Pierre, ayant donc entendu ces paroles: «Ce n'est pas ce qui entre dans la bouche qui souille l'homme», crut que c'était une expression parabolique ou figurée, et il fit au Sauveur la question suivante: «Expliquez-nous cette parabole». Il parlait ainsi au nom de tous; aussi le Seigneur fait tomber le reproche à la fois sur lui et sur les autres: «Et vous aussi, vous êtes encore sans intelligence?

Après avoir énuméré les vices que défend la loi divine, le Seigneur ajoute avec raison: «Voilà ce qui souille l'homme», c'est-à-dire qui le rend immonde et impur.
La Glose
Les pensées mauvaises produisent aussi les mauvaises actions et les paroles coupables défendues par la loi. C'est pour cela que Notre-Seigneur ajoute les homicides que la loi proscrit par ce commandement: «Vous ne tuerez pas»; les adultères et les fornicateurs par cet autre: «Vous ne commettrez pas d'adultère»; les vols, par celui-ci: «Vous ne déro berez pas»; les faux témoignages, par cet autre: «Vous ne ferez pas de faux témoignage contre votre prochain»; les blasphèmes enfin, par ce précepte: «Vous ne prendrez pas le nom de Dieu en vain».

Et, comme pour développer cette doctrine, il a pris occasion de la méchanceté des pharisiens qui préféraient leurs traditions aux préceptes divins, il conclut en insistant sur le peu de raison de cette tradition: «Mais manger sans avoir lavé ses mains ne souille pas l'homme».
Saint Thomas d'Aquin
1765. Ainsi, VOILÀ LES CHOSES QUI SOUILLENT L’HOMME, parce c’est cela qui procède de l’esprit ; MAIS MANGER SANS S’ÊTRE LAVÉ LES MAINS, CELA NE SOUILLE PAS L’HOMME. Ici, [le Seigneur] conclut en présentant cette conclusion de manière qu’elle corresponde à l’intention principale. Ainsi, parce que les disciples ne comprenaient pas, il conclut qu’il parlait seulement contre la tradition.
Louis-Claude Fillion
C’est sur la différence qui existe entre l’estomac et le cœur que repose tout le raisonnement du Sauveur. Ces deux organes sont des centres de vie ; mais, tandis que le premier fonctionne indépendamment de l’homme, le second est le foyer de sa volonté, de sa liberté. Du cœur et du cœur seul dépend donc la moralité de nos actes. Voilà pourquoi Notre-Seigneur, revenant au point de départ et à la question que lui avaient posée les Scribes, v. 2, conclut en disant : Manger sans s'être lavé... Si l’on omet de se laver les mains avant de prendre son repas, on peut bien souiller la nourriture que l’on mange ; mais cette nourriture ne pouvant rendre l’homme véritablement impur, d’après ce qui été prouvé plus haut, v. 17, il suit de là que les ablutions si sévèrement prescrites par les Pharisiens ne sont qu’un rite tout à fait indifférent. Les Apôtres ont pu les négliger sans commettre de faute.