Matthieu 15, 32

Jésus appela ses disciples et leur dit : « Je suis saisi de compassion pour cette foule, car depuis trois jours déjà ils restent auprès de moi, et n’ont rien à manger. Je ne veux pas les renvoyer à jeun, ils pourraient défaillir en chemin. »

Jésus appela ses disciples et leur dit : « Je suis saisi de compassion pour cette foule, car depuis trois jours déjà ils restent auprès de moi, et n’ont rien à manger. Je ne veux pas les renvoyer à jeun, ils pourraient défaillir en chemin. »
Saint Thomas d'Aquin
1789. JÉSUS, CEPENDANT, APPELA SES DISCIPLES, etc. Ici est montré par l’alimentation des bons à quel point l’enseignement du Christ est louable. Premièrement, le motif est indiqué ; deuxièmement, la matière ; troisièmement, la distribution ; quatrièmement, l’alimentation. Le second point [se trouve] en cet endroit : LES DISCIPLES LUI DISENT, etc. [15, 31] ; le troisième, en cet endroit : ET IL ORDONNA À LA FOULE DE S’ÉTENDRE À TERRE [15, 35] ; le quatrième, en cet endroit : TOUS MANGÈRENT ET FURENT RASSASIÉS [15, 37].

1790. Il faut remarquer que le motif en question est présenté après ce qui vient d’être dit, car les malades ne peuvent être nourris, puisque leur âme éprouve de la répulsion pour toute nourriture, Ps 106[107], 18. Il faut donc qu’avant d’être nourris, ils soient guéris. Il en est de même pour les réalités spirituelles. Augustin [écrit] : «Pour le palais malade le pain est une souffrance, alors qu’il est délectable pour celui qui est en santé, etc.» C’est pourquoi le Seigneur nourrit après avoir guéri. Et il faut remarquer que, d’abord, il appelle les disciples pour les rendre attentifs, afin qu’ils se souviennent du miracle. De même, [il appelle les disciples] afin de nous donner en exemple comment, si grand que soit un homme, il doit se comporter envers les inférieurs. Si 3, 20 : Humilie-toi d’autant que tu es plus grand.

1791. Ainsi, JÉSUS APPELA LES DISCIPLES ET LEUR DIT : «J’AI PITIÉ DE LA FOULE, etc.» Tel fut le motif : il montre ainsi comment l’humanité convient à la divinité. La miséricorde est une passion, car le miséricordieux est celui qui a un cœur compatissant et considère la misère d’un autre comme la sienne. Mais la miséricorde convient au plus haut point à Dieu. Ps 102[103], 8 : Le Seigneur est compatissant et miséricordieux, longanime et plein de miséricorde. Et [la misère] qu’il considère comme la sienne, il doit l’écarter comme la sienne. Ainsi, pour autant qu’il écarte la misère, le Seigneur est appelé miséricordieux.

1792. Mais un triple motif de miséricorde est proposé. Premièrement, [le Seigneur] présente la persévérance ; deuxièmement, le dénuement ; troisièmement, le danger imminent.

1793. Premièrement, la persévérance est présentée lorsqu’il est dit : CAR VOILÀ DÉJÀ TROIS JOURS QU’ILS RESTENT AUPRÈS DE MOI. Par cela vous pouvez apprendre que ceux qui restent avec le Christ sont nourris de son pain, car celui qui persévérera jusqu’à la fin, celui-là sera sauvé [Mt 10, 22]. Par les trois jours, vous pouvez entendre la confession de la Sainte Trinité. Ainsi, plus loin, 28, 19 : Allez par tout le monde et baptisez au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit. Ou [vous pouvez entendre] le triple acte du cœur, de la bouche et de l’action. De même, [vous pouvez entendre] les trois époques du temps : l’époque de la loi de la nature, celle de la loi mosaïque et celle de la loi de la grâce et de la gloire finale. Ps 16[17], 15 : Je serai rassasié lorsque paraîtra ta gloire. Ou bien, par les trois jours, [vous pouvez entendre] les trois jours de la mort du Christ. Ainsi, ceux-là sont restés trois jours avec le Seigneur, qui se sont conformés à sa mort. Os 6, 3 : Il nous ranimera après trois jours, et le troisième il nous ressuscitera. Ainsi, nous attendons la justification par la mort du Christ. Ga 6, 17 : Portant toujours dans notre chair la mise à mort de Jésus.

1794. Deuxièmement, le dénuement est abordé. [Le Seigneur] dit ainsi : ILS N’ONT PAS DE QUOI MANGER. Mais pourquoi a-t-il attendu trois jours ? Afin qu’ils ne puissent être calomniés du fait qu’ils auraient été alimentés par la nourriture qu’ils avaient apportée avec eux. Au sens mystique, il a pitié de ceux qui reconnaissent leur misère. Ap 3, 17 : Il ne sait pas que tu es dépourvu et misérable, pauvre, aveugle et nu, etc.

1795. Troisièmement, le danger [est présenté] : JE NE VEUX PAS LES RENVOYER À JEUN DE CRAINTE QU’ILS NE DÉFAILLENT EN ROUTE. Défaillent en route ceux qui ne sont pas nourris de la parole de Dieu. Dt 8, 3 : L’homme ne vit pas seulement de pain, mais de toute parole qui vient de Dieu. Si 15, 3 : Il les a nourris du pain de la vie et de l’intelligence.
Louis-Claude Fillion
Ayant appelé ses disciples. « Il veut paître ceux qu’il a guéris. Il réunit donc ses disciples et leur parle de ce qu’il fera, pour qu’en leur faisant dire qu’ils n’ont pas de pain dans le désert, ils comprennent mieux la grandeur du signe ». Il est touchant de voir Jésus, la Sagesse incarnée, tenir conseil avec ses Apôtres sur le moyen de soulager ce pauvre peuple, qui allait bientôt éprouver les souffrances de la faim, si on ne lui venait promptement en aide. Les disciples étaient sans doute dispersés parmi la foule : c’est pourquoi il est dit que Jésus les convoqua. - Jésus… leur dit. Par quelques paroles d’une délicatesse toute divine, le Sauveur expose et met pour ainsi dire en délibération le point spécial qui occupe sa pensée. - J'ai pitié de cette foule. Le cœur du bon Pasteur apparaît tout entier dans ce mot qui exprime si bien la sympathie et la tendresse. - Il y a déjà trois jours. Il y avait donc trois jours que Jésus était envahi constamment par la multitude ; mais ce n’est point pour lui-même qu’il s’en souvient, c’est à cause d’elle, craignant qu’elle n’ait à souffrir bientôt d’un séjour aussi prolongé dans un lieu désert. - Ils n'ont rien à manger. Les provisions que chacun avaient apportées étaient entièrement consommées. Il est touchant de remarquer que la foule ne semble pas s’en apercevoir, ni en redouter les inconvénients. Elle est si bien auprès de Jésus qu’elle cesse de songer aux besoins matériels : c’est pourquoi le bon Maître daigne prendre l’initiative en sa qualité de père de famille. - Je ne veux pas les renvoyer : je ne veux absolument pas. Il ne peut se faire à cette idée. Il craindrait qu'ils ne défaillent : comme on était en plein désert d’après le v. 33, le peuple aurait dû, sans le miracle de Notre-Seigneur, aller très loin chercher des vivres et beaucoup de personnes auraient pu se trouver mal le long du chemin.