Matthieu 15, 33

Les disciples lui disent : « Où trouverons-nous dans un désert assez de pain pour rassasier une telle foule ? »

Les disciples lui disent : « Où trouverons-nous dans un désert assez de pain pour rassasier une telle foule ? »
Saint Thomas d'Aquin
1796. LES DISCIPLES LUI DISENT, etc. Ici est présentée la matière : premièrement, comment il donne ; deuxièmement, quelle était la matière disponible.

1797. [Matthieu] dit donc : [LES DISCIPLES] LUI DISENT : «OÙ TROUVERONS-NOUS, DANS UN DÉSERT, ASSEZ DE PAIN ?» Ici, la lenteur et l’oubli des disciples sont blâmés, car, auparavant, le Seigneur avait rassasié cinq mille personnes avec cinq pains. Ils sont donc blâmés pour leur lenteur et leur oubli. Au sens mystique sont signifiées par cela la grâce et la miséricorde de Dieu, lui qui révèle ses mystères à ceux qui en sont indignes et administre par eux les sacrements. Jr 1, 6 : Je ne sais pas parler, Seigneur, car je suis un enfant. Et le Seigneur lui répond : Ne dis pas : «Je suis un enfant.» Ex 4, 10 : J’ai la langue malhabile et pesante, etc. Is 3, 7 : Je ne suis pas un mendiant et il n’y a pas de pain dans ma maison : ne faites pas de moi un prince du peuple.
Louis-Claude Fillion
Les disciples lui dirent. En établissant l’état des choses, Jésus-Christ n’a pas dit un mot du prodige qu’il a le dessein d’accomplir. On dirait qu’il voulait s’en faire suggérer extérieurement la pensée. Mais il s’adresse à de bien mauvais conseillers : les Apôtres en effet ne sont frappés que d’un point, l’impossibilité complète où ils sont de nourrir une telle foule en un tel lieu. - Comment donc... Comme ils s’appuient sur chaque parole ! Dans le désert, une assez grande quantité de pain, rassasier une foule si considérable, et surtout trouverons-nous : qu’y pouvons-nous, Seigneur ? Où est leur foi ? Ne semblent-ils pas dire comme autrefois leurs ancêtres incrédules : « Dieu peut-il apprêter une table au désert ? » Ps. 77, 19. Les voilà en apparence aussi perplexes que s’ils n’eussent pas assisté à une scène semblable quelques mois ou quelques semaines auparavant ! De cette réflexion réellement surprenante des Apôtres, et de la ressemblance indéniable qui existe entre les deux multiplications des pains, les rationalistes ont cru pouvoir conclure qu’il n’y eut en réalité qu’un seul fait, lequel fût ensuite dédoublé par suite d’une confusion survenue de bonne heure dans les documents qui servirent de source aux évangélistes. Mais on irait loin avec de tels principes. La distinction des deux événements est démontrée aussi clairement que possible. Les narrateurs les séparent ; c’est donc qu’ils furent séparés dès leur origine : comment en effet des historiens dont l’un, S. Matthieu, avait été témoin oculaire, l’autre, S. Marc, témoin auriculaire, auraient-ils pu se tromper si grossièrement sur une chose des plus simples. De plus, malgré leur ressemblance générale, les deux incidents diffèrent l’un de l’autre sur presque tous les points. La localité n’est plus la même : précédemment Jésus se trouvait au N.-E. du lac, auprès de Bethsaïda-Julias ; maintenant il est à l’E., sur le territoire de la Décapole. La date n’est pas la même : un temps plus ou moins considérable s’écoula entre les deux miracles. Les détails ne sont pas les mêmes : ici c’est Jésus qui prend l’initiative, là c’étaient les disciples qui attiraient son attention sur le manque de vivres, Cf. 14, 15 ; on a sept pains au lieu de cinq, quatre mille hommes à nourrir au lieu de cinq mille ; on recueille sept corbeilles au lieu de douze. Enfin l’issue n’est pas la même, puisque après le premier prodige nous trouvions une marche de Jésus sur les eaux et la cessation miraculeuse d’une tempête, tandis qu’après le second nous voyons le Sauveur s’embarquer et gagner simplement la rive occidentale. - Ajoutons que Notre-Seigneur lui-même distingue nettement les deux prodiges. Cf. 16, 9-10 ; Marc. 8, 19. Assurément, l’embarras des Apôtres est extraordinaire ; mais savaient-ils s’il plairait à leur Maître de renouveler une seconde fois le même miracle ? Jésus n’agissait pas toujours d’une façon identique dans des situations analogues ; il pouvait donc avoir cette fois ses moyens spéciaux qu’ils ne soupçonnaient pas. N’osant l’interroger, n’osant lui rappeler ce qu’il a fait précédemment pour nourrir la foule, ils font, afin de se tirer d’embarras, une réponse vague qui n’indique en aucune manière un manque réel de foi, puisqu’ils mentionnent seulement leur propre impuissance et point celle de Jésus. Et puis, eussent-ils momentanément oublié le premier miracle, n’est-ce pas bien là l’histoire du cœur humain qui cesse si vite de se rappeler, à chaque danger, les délivrances antérieures dont il a été l’objet de la part de Dieu ? Jéhova ouvre un passage aux Israélites à travers la mer Rouge : à peine arrivés sur l’autre rive, ils murmurent parce qu’ils ne trouvent pas d’eau douce et ils se demandent si le Seigneur est réellement avec eux. Il leur envoie des cailles en abondance et, quelque temps après, Moïse lui-même doute que Dieu puisse fournir de la viande à toute cette multitude ! Le même cas pouvait très bien se présenter pour les Apôtres qui étaient encore faibles dans la foi ; Cf. 16, 8.