Matthieu 16, 18

Et moi, je te le déclare : Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église ; et la puissance de la Mort ne l’emportera pas sur elle.

Et moi, je te le déclare : Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église ; et la puissance de la Mort ne l’emportera pas sur elle.
Saint Thomas d'Aquin
1843. ET MOI, JE TE DIS : «TU ES PIERRE, etc.» Ici, [le Seigneur] donne la récompense de la confession. [Pierre] avait confessé l’humanité et la divinité ; c’est pourquoi le Seigneur lui donne une récompense. Premièrement, il [lui] donne un nom ; deuxièmement, un pouvoir.

1844. À propos du premier point, il donne en premier lieu un nom ; deuxièmement, la raison du nom, en cet endroit : ET SUR CETTE PIERRE JE BÂTIRAI MON ÉGLISE [16, 18].

1845. [Le Seigneur] était venu dans le monde pour fonder son Église. Is 28, 16 : Et voici, je poserai dans Sion comme pierre angulaire une pierre éprouvée et précieuse, placée à la base. Celle-ci fut représentée par la pierre que Jacob plaça sous sa tête et sur laquelle il répandit de l’huile, Gn 28, 18. Cette pierre est le Christ et c’est en vertu de cette onction que tous ont été appelés chrétiens. Ainsi, non seulement les chrétiens sont-ils ainsi nommés à partir du Christ, mais à partir de la pierre. C’est pourquoi [le Christ] donne un nom de manière particulière : TU ES PIERRE, à partir de la pierre qu’est le Christ, bien que, selon Augustin, il semble que [ce nom] ne lui ait pas été alors donné, mais [qu’il le portait] depuis le début, Jn 1, 42 : Tu t’appelleras Céphas. Ou l’on peut dire que [ce nom] avait alors été promis et qu’il était maintenant donné. Comme signe de cette réalité, SUR CETTE PIERRE JE BÂTIRAI MON ÉGLISE. Le propre de la pierre est qu’elle est placée à la base et qu’elle donne aussi une solidité, plus haut, 7, 24 : Il ressemble à l’homme qui construit sa maison sur le roc. On peut donc l’entendre du Christ : SUR CETTE PIERRE, c’est-à-dire le Christ, afin qu’il soit le fondement et que [l’Église] ainsi fondée en reçoive de la solidité. Dans le livre des Rétractations, Augustin dit qu’il l’a interprété de diverses manières et qu’il laisse aux auditeurs le soin d’accepter [l’interprétation] qu’ils veulent. CETTE PIERRE peut désigner le Christ, 1 Co 10, 4 : Mais la pierre était le Christ. [On lit] ailleurs, 1 Co 3, 11 : Personne ne peut poser un autre fondement que celui qui a été posé, à savoir, le Christ Jésus. Autre interprétation : SUR CETTE PIERRE, c’est-à-dire : «Sur toi, la pierre, parce que de moi, la pierre, tu reçois d’être pierre. Et comme je suis la pierre, de même je bâtirai sur toi, etc.»

1846. Mais qu’est-ce que cela veut dire ? Est-ce que le Christ et Pierre sont le fondement ? Il faut répondre que le Christ l’est par lui-même, mais Pierre pour autant qu’il confesse le Christ, à titre de vicaire de celui-ci. Ep 2, 20 : Édifiés sur le fondement des apôtres et des prophètes, le Christ Jésus demeurant la pierre angulaire, etc. Ap 21, 12 : La ville avait douze bases sur lesquelles étaient inscrits les noms des douze apôtres et celui de l’Agneau. Ainsi donc, le Christ est fondement par lui-même, mais les apôtres ne le sont pas par eux-mêmes, mais par une concession de la part du Christ et par l’autorité que [leur] a donnée le Christ. Ps 86[87], 1 : Ses fondements sont posés sur les montagnes saintes. Mais, d’une manière spéciale, la maison de Pierre, qui est fondée sur le roc, ne sera pas emportée, comme [on le lit] plus haut, 7, 25. Ainsi, celle-ci peut être assiégée, mais elle ne peut être abattue.

1847. ET LES PORTES DE L’ENFER NE L’EMPORTERONT PAS SUR ELLE. Jr 1, 19 : Ils te feront la guerre, mais ils ne l’emporteront pas. Et que sont les portes de l’enfer ? Les hérétiques, car de même que [l’hérétique] entre dans la maison par la porte, de même entre-t-on par eux en enfer. Aussi les tyrans, les démons et les péchés. Et bien que les autres églises puissent être stigmatisées par les hérétiques, l’Église romaine n’a cependant pas été corrompue par les hérétiques, car elle est fondée sur la pierre. Ainsi, il y a eu des hérétiques à Constantinople et le travail des apôtres [y] avait été perdu ; seule l’Église romaine est demeurée inviolée. De sorte que Lc 22, 32 [dit] : J’ai prié pour toi, Pierre, afin que ta foi ne défaille pas. Et cela ne se rapporte pas seulement à l’Église de Pierre, mais à la foi de Pierre et à toute l’Église occidentale. Je crois donc que les Occidentaux doivent un plus grand respect à Pierre qu’aux autres apôtres.
Louis-Claude Fillion
Après la félicitation, la récompense. Dans ce beau verset, il n’est pas un mot qui n’ait son importance particulière. - Je te dis. Tu m’as dit qui je suis ; moi aussi je vais t’apprendre en échange qui tu es ; ou bien, d'après S. Léon, « de même que mon Père t'a manifesté ma divinité, de même je te fais connaître ta supériorité », Serm. 3 in anniv. Assumpt. Le Sauveur calque visiblement sa confession sur celle de S. Pierre. L’Apôtre avait dit : Vous êtes le Christ ; Jésus lui répond : Tu es Pierre (Petrus). Dans la langue araméenne, que Notre-Seigneur parlait alors, l’équivalent de « Petrus » est Kêpha, dont on a fait en latin Cephas. Ce mot signifiant pierre ou rocher, la vraie traduction serait, Petra : « tu es Petra ». Mais les traducteurs grec et latin ont préféré donner au nom propre la forme masculine qui était plus conforme au génie de leurs langues. De la sorte, le jeu de mots qui existait dans le texte original a en partie disparu : Tu es Céphas, avait dit Jésus-Christ, et sur ce Céphas je bâtirai mon Église. Notre langage le reproduit de la façon la plus heureuse : Tu es Pierre, et sur cette pierre, etc. Mais ce n’est là qu’un détail de grammaire et il en est de plus importants. Jésus avait donné prophétiquement le nom de Céphas au fils de Jona dès la première entrevue qu’ils eurent ensemble, Cf. Joan. 1, 43 ; il lui en confirme aujourd’hui la possession, et il indique en même temps le but qu’il se proposait en faisant cette transformation. Simon-Pierre, vous réaliserez désormais en toute vérité le sens de la dénomination nouvelle que je vous ai autrefois imposée. - Sur cette pierre. Selon toutes les lois grammaticales, ce que Jésus appelle « cette pierre » ne doit pas différer de l’homme qu’il a nommé précédemment « Petrus ». Le Kêpha, le rocher sur lequel il veut bâtir son Église, n’est autre que le Kêpha à qui il adresse la parole, c’est-à-dire S. Pierre, et il faut faire une véritable violence à la phrase pour prétendre, comme S. Augustin et plusieurs anciens exégètes protestants, que Jésus voulait désigner sa propre personne par les mots « sur cette pierre ». On croit simplifier les choses en ajoutant que Notre-Seigneur montra, par un geste, qu’il parlait certainement de lui-même : on ne réussit qu’à les rendre plus singulières. N’aurait-ce pas été une contradiction flagrante, et Jésus n’eût-il pas retiré d’une main ce qu’il accordait de l’autre ? Que dirait-on d’un architecte qui, après avoir préparé une pierre d’assise et après l’avoir fait conduire sur le terrain, la négligerait entièrement et bâtirait sur un autre fondement l’édifice qu’il voulait tout d’abord appuyer sur elle ? - Je bâtirai mon Église. C’est dans cette circonstance imposante que l’Église de Jésus-Christ est nommée pour la première fois d’une manière directe ; il était juste qu’elle reçût de son divin fondateur lui-même, et précisément à l’heure où il en posait la première pierre, l’appellation historique sous laquelle elle devait devenir si célèbre dans la suite des âges. Ce nom sacré vient de deux mots grecs dont la réunion signifie convoquer : il désigne par conséquent une assemblée publique. Chose étonnante, le mot synagogue a presque le même sens, rassembler ; mais quelle différence entre les sociétés représentées par ces deux expressions synonymes ! Dans les anciens temps, le peuple juif, en tant qu’il formait une congrégation religieuse, était désigné par le nom de Kâhal, Cf. Lev. 16, 17 ; Deut. 31, 30 ; Jos. 8, 35 ; etc. ; et, aujourd’hui encore, toute communauté israélite assez importante pour avoir son temple et son culte prend le nom de Kéhila ; Cf. Coypel, Le Judaïsme, p. 37. L’Église chrétienne est la Kéhila de Jésus, l’Église chrétienne est donc la réalisation du Royaume messianique sur la terre. - Cette Église, Notre-Seigneur dit qu’il la bâtira sur Pierre comme sur un fondement inébranlable : il la compare ainsi à un édifice construit en l’honneur de Dieu, et destiné à recevoir tous les hommes pour les abriter et les sauver. Il en est lui-même l’architecte : Je bâtirai ! et, en constructeur habile, il a soin d’appuyer son temple sur une base solide, qui défiera les efforts combinés du temps et des tempêtes ; Cf. 7, 25. Si le temple de Jérusalem était bâti sur le rocher du Moria, l’Église du Christ s’élève plus fièrement encore sur le rocher vivant qui se nomme S. Pierre et le pape de Rome. - Tout est parfaitement clair jusqu’ici : Simon-Pierre est choisi entre tous les disciples, entre tous les Apôtres de Jésus, pour être le fondement de l’Église chrétienne. « La formulation du Christ a une telle puissance évocatrice, qu'il semble difficile de lui associer un commentaire plus simple ; car il décrit clairement et distinctement la fondation ; clairement et distinctement l'édifice ; clairement et distinctement la relation qui unit réciproquement l'édifice et sa fondation », Passaglia, Comment. de praerogavitis B. Petri. Ratisb. 1850 p. 456. Une courte explication pourra cependant n’être pas déplacée. Comment S. Pierre peut-il être dans un sens spécial, d’une manière extraordinaire, le fondement de l’Église, puisque, en d’autres passages des Saints Livres, Jésus d’une part, de l’autre tous les Apôtres sans exception, reçoivent une attribution identique ? « La pierre de fondation, dit S. Paul, 1 Cor. 3, 11, personne ne peut en poser d’autre que celle qui s’y trouve : Jésus Christ ». Cf. 1 Petr. 2, 4- 6. Parlant aux Éphésiens, 2, 20, S. Paul dit encore : « vous avez été intégrés dans la construction qui a pour fondations les Apôtres et les prophètes ; et la pierre angulaire, c’est le Christ Jésus lui-même » ; Apoc. 21, 14. Ce sont les protestants, et l’on devine aisément dans quelle intention, qui ont fait cet insidieux rapprochement. Mais l’objection se résout sans peine. Oui, le palais de Jésus est assis sur plusieurs pierres fondamentales : les Apôtres, S. Pierre, le Christ. Et pourtant, S. Pierre peut et doit être appelé le fondement de l’Église d’une façon toute particulière et unique. 1° « Si c’est le Christ qui bâtit l’Église, il la fonde sur Pierre ; si c’est Pierre qui bâtit l’Église, il la fonde sur le Christ. Y a-t-il donc là une contradiction ? Une maison peut-elle avoir une double base ? Non, s’il s’agit d’une maison de pierre ou de bois ; oui, s’il s’agit de l’Église, parce qu’elle a un double caractère, en tant qu’elle est la société visible et spirituelle des croyants. Si c’est le Christ qui bâtit l’Église, il doit la bâtir comme un édifice visible sur un fondement visible, qui est Pierre, attendu qu’il trône lui-même dans le ciel à la droite de Dieu. Si c’est Pierre qui la construit, il doit la bâtir sur le Christ, autrement elle cesserait d’être l’Église du Christ » ; Schegg, Comm. in h. l. La conciliation est parfaite à ce point de vue. 2° Elle est tout aussi simple pour ce qui regarde les autres Apôtres. « Voyez, tandis que les disciples du Christ sont grands parmi les hommes et dignes des hautes places, Pierre est appelé pierre, pour recevoir dans la foi le fondement de l'Église », s'écrie S. Grégoire de Nazianze. Simon-Pierre, d’après la pensée du saint Docteur, est donc fondement d’une manière unique, exclusive, relativement aux autres membres du collège apostolique, puisque ceux-ci ne sont des bases de l’Église qu’autant qu’ils sont appuyés eux-mêmes sur la pierre vraiment fondamentale qui est Simon, fils de Jona. Nous devons encore nous poser ici une autre question. En quel sens Jésus a-t-il déclaré qu’il bâtirait son Église sur Céphas ? Il semble tout naturel de répondre que le Sauveur voulait désigner la personne même du prince des Apôtres et, comme nous le disons plus bas, tous les successeurs de S. Pierre. Comment se fait-il donc que plusieurs Pères exégètes distingués pour la plupart, S. Jean Chrysostôme, S. Hilaire, S. Grégoire de Nysse, S. Augustin, S. Cyrille, Cf. Maldonat in h. l..., aient assuré que le fondement sur lequel Jésus-Christ a bâti l’Église c’est simplement la foi ou la confession de son disciple ? Les protestants n’ont pas manqué de relever cette opinion, pour attaquer la Primauté de S. Pierre et des Pontifes Romains, ses successeurs. « Certains pères affirment que la foi ou la confession de Pierre a été la pierre sur laquelle l’Église a été fondée, Cela est vrai en termes de cause mais non de forme. Car, cette confession fut la cause méritoire pour laquelle l’Église a formellement été édifiée sur Pierre », Jansenius in h.l. Mais, ici encore, la conciliation est aisée : ce n’est pas sur la foi de S. Pierre considérée d’une manière abstraite que Jésus-Christ a promis d’établir son Église, car cela n’aurait aucun sens, mais sur cette même foi concrétisée, c’est-à-dire sur S. Pierre croyant, sur S. Pierre à cause de sa foi. - Et les portes de l'enfer... En face du glorieux édifice qu’il se propose de construire, le Sauveur voit maintenant en esprit un autre édifice dressé contre le sien, le menaçant d’une ruine complète. Mais rassurons-nous ; cet édifice ténébreux ne réussira jamais à renverser l’Église de Jésus. Quel est-il ? Notre-Seigneur le désigne par une expression figurée : les portes de l’Enfer. Pour se faire une juste idée de cette expression, il ne faut pas la prendre dans le sens restreint des temps modernes, mais dans son acception ancienne, en particulier dans son acception juive. Elle n’indique donc pas directement ce que nous appelons l’enfer, la région des démons et des réprouvés, mais le Schéôl, l’Hadès, le sombre royaume des morts, que les anciens plaçaient dans les entrailles de la terre et qu’ils nommaient « Abîme » pour ce motif. Or les Orientaux, les Hébreux spécialement, se représentaient l’empire des morts comme une citadelle munie de portes solides qui laissent bien pénétrer à l’intérieur les âmes des trépassés, mais qui ne leur permettent jamais de sortir, une fois qu’elles sont entrées ; Cf. Cant. 8, 6 et s. ; Job. 38, 17 ; Is. 38, 10 ; Ps. 107, 18 ; Illiade. 5, 646 ; etc. Ces portes semblent béantes pour engloutir tour à tour les fondateurs et les membres de l’Église, y compris Jésus-Christ et S. Pierre. Toutefois, le divin Maître affirme qu’elles ne l’emporteront pas dans cette lutte morale. Elle seront au contraire vaincues elles-mêmes : « Ô Mort, où est ta victoire ? Ô Mort, où est-il, ton aiguillon ? « Cor. 15, 55, pouvons-nous répondre à leurs attaques incessantes. Cette interprétation, qui paraît plus conforme aux données fournies par l’archéologie biblique et à l’image dont Jésus s’est servi pour dépeindre l’Église, est communément admise par les exégètes modernes. Elle revient à dire, sans figure, que l’Église du Sauveur, bâtie sur le roc, n’a rien à craindre de la mort. Mais les anciens auteurs expliquaient ce passage un peu différemment. Pour eux, il s’agit de l’enfer proprement dit, de l’empire de Satan et des damnés. Les portes de cet affreux séjour représentent les puissances infernales avec les nombreux alliés qu’elles possèdent en ce monde, tels que le péché sous ses différentes formes, les doctrines perverses des hérétiques et des impies, les persécutions dirigées contre l’Église. En effet, dans l’antique Orient, c’est aux portes des villes que se tenaient les assemblées judiciaires présidées par les autorités du pays, de sorte que le mot « porte » était devenu synonyme de pouvoir public, comme on le voit encore par l’expression Sublime-Porte conservée jusqu’à nos jours. D’après cette seconde interprétation, Jésus-Christ promettait à son Église, et aux chefs chargés par lui de la diriger, une victoire constante sur le démon et tous ses suppôts. Elle sera incessamment attaquée ; mais, appuyée sur le fondement indéfectible que lui a donné le divin architecte, elle n’a pas à craindre d’être jamais ébranlée. Le lecteur peut faire son choix entre les deux opinions, elles sont l’une et l’autre parfaitement admissibles et expriment très bien, quoique sous des aspects différents, la pensée de Jésus. On peut aussi les réunir en une seule, de manière à comprendre sous les mots « Porte de l’Enfer » tous les pouvoirs hostiles à l’Église, tout ce qui peut la menacer dans le cours des siècles : le royaume de la mort et le royaume de Satan ne sont-ils pas en un sens une seule et même chose ? - Ne prévaudront pas. Le verbe « prævalere », de même que son équivalent grec, peut recevoir une signification transitive ou intransitive ; on le traduira par « vaincre » dans le premier cas, par « prévaloir » dans le second. La mort ne prévaudra pas sur l’Église, Satan ne la vaincra jamais ; Cf. Bretschneider, Lexic. Manuale in libr. N. T. - Contre elle. On peut se demander si le pronom démonstratif « elle » retombe sur « pierre » ou sur « église ». Bien que la grande majorité des Pères et des commentateurs le fassent rapporter à l’Église, nous préférons le rattacher à la pierre qui doit servir de base à l’édifice mystique de Jésus. Nos raisons sont les suivantes : 1° Au point de vue grammatical, ce sentiment n’est pas moins licite que l’autre. 2° Jésus ne parle de l’Église que d’une manière secondaire et comme en passant : c’est du fondement, de la pierre inébranlable qu’il s’occupe avant tout ; il paraît donc naturel que le pronom désigne le sujet principal du discours. 3° Notre interprétation, sans rien changer aux droits généraux de l’Église, est plus favorable aux privilèges particuliers de saint Pierre, que Jésus se proposait directement de mettre en relief, et, par conséquent, aux privilèges particuliers des souverains Pontifes : l’infaillibilité personnelle des Papes en ressort d’une manière très-évidente. Nous sommes heureux de voir que Mgr Mac-Evilly adopte aussi cette opinion dans son commentaire récemment publié. Cf. Wettstein, in h. l. ; Bouix, de Papa, t. 2, p. 173. Quoiqu'il en soit, concluons avec Origène, Comm. in h. l. : « Notre-Seigneur ne précise pas si c'est contre la pierre sur laquelle le Christ a bâti son Église ou si c'est contre l'Église elle-même, bâtie sur la pierre, que ces portes de l'enfer ne prévaudront pas. Mais il est évident qu'elles ne prévaudront ni contre la pierre, ni contre l'Église ».
Fulcran Vigouroux
Dans le syro-chaldéen que l’on parlait au temps de Jésus-Christ, il n’y avait point de différence entre le nom propre Pierre, et le nom commun pierre ; c’est pourquoi, dans cette langue, l’allusion est plus naturelle. ― Les portes de l’enfer, c’est-à-dire le palais, le royaume de l’enfer, l’enfer lui-même. Comme partie principale d’un édifice, les portes sont mises pour le tout. On dit la Porte Ottomane pour le royaume ottoman. Remarquez aussi que l’enfer est souvent représenté dans l’Ecriture comme un palais ayant des portes et des verrous.
Concile œcuménique
Et tout comme l’Israël selon la chair cheminant dans le désert reçoit déjà le nom d’Église de Dieu (Ne 13, 1 ; cf. Nb 20, 4 ; Dt 23, 1 s.) ainsi le nouvel Israël qui s’avance dans le siècle présent en quête de la cité future, celle-là permanente (cf. He 13, 14), est appelé lui aussi : l’Église du Christ (cf. Mt 16, 18) : c’est le Christ, en effet, qui l’a acheté de son sang (cf. Ac 20, 28), empli de son Esprit et pourvu des moyens adaptés pour son unité visible et sociale. L’ensemble de ceux qui regardent avec la foi vers Jésus, auteur du salut, principe d’unité et de paix, Dieu les a appelés, il en a fait l’Église, pour qu’elle soit, pour tous et pour chacun, le sacrement visible de cette unité salutaire. Destinée à s’étendre à toutes les parties du monde, elle prend place dans l’histoire humaine, bien qu’elle soit en même temps transcendante aux limites des peuples dans le temps et dans l’espace. Marchant à travers les tentations, les tribulations, l’Église est soutenue par la vertu de la grâce de Dieu, à elle promise par le Seigneur pour que, du fait de son infirmité charnelle, elle ne défaille pas à la perfection de sa fidélité mais reste de son Seigneur la digne Épouse, se renouvelant sans cesse sous l’action de l’Esprit Saint jusqu’à ce que, par la croix, elle arrive à la lumière sans couchant.

Le Seigneur Jésus, après avoir longuement prié son Père, appela à lui ceux qu’il voulut et en institua douze pour en faire ses compagnons et les envoyer prêcher le Royaume de Dieu (cf. Mc 3, 13-19 ; Mt 10, 1-42) ; à cette institution des Apôtres (cf. Lc 6, 13), il donna la forme d’un collège, c’est-à-dire d’un groupe stable, et mit à leur tête Pierre, choisi parmi eux (cf. Jn 21, 15-17). Il les envoya aux fils d’Israël d’abord et à toutes les nations (cf. Rm 1, 16) pour que, participant à son pouvoir, ils fassent de tous les peuples ses disciples, pour qu’ils les sanctifient et les gouvernent (cf. Mt 28, 16-20 ; Mc 16, 15 ; Lc 24, 45-48 ; Jn 20, 21-23), propageant ainsi l’Église et remplissant à son égard, sous la conduite du Seigneur, le service pastoral tous les jours jusqu’à la consommation des siècles (cf. Mt 28, 20). Le jour de Pentecôte, ils furent pleinement confirmés dans cette mission (cf. Ac 2, 1-26), selon la promesse du Seigneur : « Vous recevrez une force, celle de l’Esprit Saint qui descendra sur vous, et vous serez mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée et la Samarie et jusqu’aux extrémités de la terre » (Ac 1, 8). En prêchant partout l’Évangile (cf. Mc 16, 20), accueilli par ceux qui l’écoutent grâce à l’action de l’Esprit Saint, les Apôtres rassemblent l’Église universelle que le Seigneur a fondée en ses Apôtres et bâtie sur le bienheureux Pierre, leur chef, le Christ Jésus étant lui-même la pierre suprême d’assise (cf. Ap 21, 14 ; Mt 16, 18 ; Ep 2, 20).
Catéchisme de l'Église catholique
Dans le collège des Douze Simon Pierre tient la première place (cf. Mc 3, 16 ; 9, 2 ; Lc 24, 34 ; 1 Co 15, 5). Jésus lui a confié une mission unique. Grâce à une révélation venant du Père, Pierre avait confessé : " Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant ". Notre Seigneur lui avait alors déclaré : " Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église, et les Portes de l’Hadès ne tiendront pas contre elle " (Mt 16, 18). Le Christ, " Pierre vivante " (1 P 2, 4), assure à son Église bâtie sur Pierre la victoire sur les puissances de mort. Pierre, en raison de la foi confessée par lui, demeurera le roc inébranlable de l’Église. Il aura mission de garder cette foi de toute défaillance et d’y affermir ses frères (cf. Lc 22, 32).

L’Église est apostolique : Elle est bâtie sur des assises durables : " les douze apôtres de l’Agneau " (Ap 21, 14) ; elle est indestructible (cf. Mt 16, 18) ; elle est infailliblement tenue dans la vérité : le Christ la gouverne par Pierre et les autres apôtres, présents en leurs successeurs, le Pape et le collège des évêques.

Le Seigneur a fait du seul Simon, auquel Il donna le nom de Pierre, la pierre de son Église. Il lui en a remis les clefs (cf. Mt 16, 18-19) ; Il l’a institué pasteur de tout le troupeau (cf. Jn 21, 15-17). " Mais cette charge de lier et de délier qui a été donnée à Pierre a été aussi donnée, sans aucun doute, au collège des apôtres unis à leur chef " (LG 22). Cette charge pastorale de Pierre et des autres apôtres appartient aux fondements de l’Église. Elle est continuée par les évêques sous la primauté du Pape.
Pape Saint Jean-Paul II
L'Eglise catholique affirme par là que, au cours des deux mille ans de son histoire, elle a été gardée dans l'unité avec tous les biens dont Dieu veut doter son Eglise, et cela malgré les crises souvent graves qui l'ont ébranlée, les manques de fidélité de certains de ses ministres et les fautes auxquelles se heurtent quotidiennement ses membres. L'Eglise catholique sait que, en vertu du soutien qui lui vient de l'Esprit, les faiblesses, les médiocrités, les péchés et parfois les trahisons de certains de ses fils ne peuvent pas détruire ce que Dieu a mis en elle selon son dessein de grâce. Même « les portes de l'enfer ne tiendront pas contre elle » (Mt 16, 18). Cependant, l'Eglise catholique n'oublie pas qu'en son sein beaucoup obscurcissent le dessein de Dieu. Évoquant la division des chrétiens, le décret sur l'œcuménisme n'ignore pas « la faute des hommes de l'une et l'autre partie », en reconnaissant que la responsabilité ne peut être attribuée uniquement « aux autres ». Par la grâce de Dieu, ce qui appartient à la structure de l'Eglise du Christ n'a pourtant pas été détruit, ni la communion qui demeure avec les autres Eglises et Communautés ecclésiales.

«L'Eglise "avance dans son pèlerinage à travers les persécutions du monde et les consolations de Dieu", annonçant la Croix et la mort du Seigneur jusqu'à ce qu'il vienne (cf. 1 Co 11, 26» «Tout comme l'Israël selon la chair cheminant dans le désert reçoit déjà le nom d'Eglise de Dieu (cf. 2 Esd 13, 1; Nb 20, 4; Dt 23, 1 ss.), ainsi le nouvel Israël ... est appelé lui aussi l'Eglise du Christ (cf. Mt 16, 18): c'est le Christ, en effet, qui l'a acheté de son sang (cf. Ac 20, 28), empli de son Esprit et pourvu des moyens adaptés pour son unité visible et sociale. L'ensemble de ceux qui regardent avec la foi vers Jésus, auteur du salut, principe d'unité et de paix, Dieu les a appelés, il en a fait l'Eglise, pour qu'elle soit, aux yeux de tous et de chacun le sacrement visible de cette unité salvifique».