Matthieu 16, 19
Je te donnerai les clés du royaume des Cieux : tout ce que tu auras lié sur la terre sera lié dans les cieux, et tout ce que tu auras délié sur la terre sera délié dans les cieux. »
Je te donnerai les clés du royaume des Cieux : tout ce que tu auras lié sur la terre sera lié dans les cieux, et tout ce que tu auras délié sur la terre sera délié dans les cieux. »
En interrogeant ainsi ses disciples, il veut nous appar leurs réponses qu'il y avait alors sur le Christ diverses opinions parmi les Juifs, et aussi nous faire rechercher nous-mêmes l'opi nion que les hommes peuvent avoir de nous. S'ils en disent du mal, nous devons cesser d'y donner occasion, et s'ils en disent du bien, nous devons redoubler nos efforts pour mériter leur approbaLes disciples des évêques doivent apprendre aussi, à l'exemple des Apôtres, à informer leurs supérieurs de ce qu'ils entendent dire au dehors sur leur personne.
Les disciples rapportent les différentes opinions qu'on se formait du Christ, «Et ils lui répondirent: Les uns disent Jean-Baptiste, c'est-à-dire ceux qui partageaient l'opinion d'Hé rode; les autres, Élie, et ceux-là pensaient ou bien qu'Élie avait reçu une seconde naissance, ou que n'ayant point été autrefois soumis à la mort du corps, il se manifestait dans le temps pré sent; les autres, Jérémie, que le Seiavait établi prophète parmi les nations, et ils ne com prenaient pas que Jérémie était la figure du Christ; ou l'un des prophètes, pour une raison semblable, à cause des choses que Dieu avait révélées aux prophètes, bien qu'elles n'aient pas reçu leur accomplissement en eux, mais seulement dans Jésus-Christ.
Pierre rejette toutes les fausses idées que les Juifs se faisaient de Jésus, et il confesse hautement cette vérité qu'ignoles Juifs: «Vous êtes le Christ», et ce qui est bien plus grand: «Le Fils du Dieu vivant», qui avait dit par les prophètes: «Moi je vis, dit le Seigneur ( Is 49,18 Jr 22,24 Ez 5,11 Ez 14,16 Ez 18 Ez 20 Ez 17,19 Ez 18,3 Ez 33,11 Ez 27 Ez 34,8 ) ». On l'appelait vivant, mais d'une manière éminente, parce qu'il est supérieur à tous les êtres qui ont la vie; car seul il possède l'immortalité, et il est la source de la vie. C'est lui que nous appelons dans un sens véritable Dieu le Père. Or, celui qui dit: «Je suis la vie» ( Jn 11 ), est lui-même la vie qui sort comme de la source.
C'est ici le lieu de demander si, lorsque le Sauveur envoya ses disciples prêcher l'Évangile, ils savaient déjà qu'il était le Christ, car d'après ce passage, Pierre confesse ici pour la première fois que le Sauveur était le Christ, le Fils du Dieu vivant. Com prenez donc, si vous le pouvez, que c'est une grâce bien moindre de croire que de connaître que Jésus est le Christ, et nous dirons alors que lorsqu'il envoyait ses disciples prêcher l'Évan gile, ils croyaient qu'il était le Christ, mais qu'ensuite ils arrivèrent jusqu'à le connaître. Ou bien nous répondrons que les Apôtres n'avaient alors que le commencement de la connaissance du Christ et que cette conétait très restreinte, mais qu'ensuite ils firent tant de progrès dans cette connaissance, qu'ils comprirent ce que le Père avait révélé du Christ, comme Pierre, que Jésus proclame bienheureux, non-seulement pour avoir dit: «Vous êtes le Christ», mais surtout pour avoir ajouté: «Le Fils du Dieu vivant».
Tous les esprits de malice répandus dans les airs sont aussi les portes de l'enfer auxquel les sont opposées les portes de la jus ( Ps 97,19 ).
Notre-Seine précise pas si c'est contre la pierre sur laquelle le Christ a bâti son Église ou si c'est contre l'Église elle-même, bâtie sur la pierre, que ces por tes de l'enfer ne prévaudront pas. Mais il est éviqu'elles ne prévaudront ni contre la pierre, ni contre l'Église.
Et à nous aussi il sera dit: «Vous êtes Pierre». Aussitôt que nous aurons confessé que Jésus-Christ est le Fils du Dieu vivant par un effet de la révélation du Père qui est dans les cieux, c'est-à-dire lorsque nous-mêmes nous vivrons déjà pour ainsi dire dans le ciel. Car la pierre, c'est tout fidèle imitateur du Christ; mais celui contre lequel prévalent les portes de l'enfer n'est ni la pierre sur laquelle le Christ bâtit son Église, ni cette Église, ni aucune par tie de cette Église, dont le Seigneur asseoi t les fondements sur la pierre.
Voyez quelle grande puissance a été donnée à cette pierre sur laquelle l'Église est bâtie; ses jugements sont irrévocables, comme si Dieu lui-même les avait prononcés par sa bouche.
Celui donc qui exerce le pouvoir de lier et de délier de manière à être jugé vraiment digne d'exercer ce pouvoir dans le ciel est irrépréhensible. Or, les clefs du royaume des cieux sont données aussi comme récompense à celui qui par ses vertus peut fermer les portes de l'enfer». En effet, lorsqu'un homme commence à pratiquer toutes les vertus chrétiennes, il s'ouvre à lui-même la porte du royaume des cieux, c'est-à-dire que le Seigneur la lui ouvre par sa grâce, de manière que la même vertu est tout à la fois la porte et la clef de la porte. Peut-être même pourrait-on dire que chacune des vertus est le royaume des cieux.
«Que disent les hommes qu'est le Fils de l'homme ?» Il nous apprend par ces paroles que l'on doit voir en lui autre chose que ce qui paraît au dehors, car il était vraile Fils de l'homme. Quelle idée voulait-il donc qu'on eût de lui? Non pas, sans doute, celle qu'il avait fait connaître lui-même; la véé qui faisait l'objet de cet examen était cachée, et c'est cette vérité que la foi des chrétiens doit embrasser. Or, telle doit être notre profession de foi: nous devons croire qu'il est le Fils de Dieu comme il est le Fils de l'homme; car l'une de ces deux croyances, sans l'autre, ne peut en rien nous donner l'espérance du salut; aussi est-ce avec intention qu'il dit: «Que disent les hommes du Fils de l'homme ?»
La confession de Pierre mérita une récompense digne d'elle, parce qu'il avait reconnu le Fils de Dieu sous les dehors de l'homme: «Jésus lui répondit: Vous êtes heureux, Simon, fils de Jean, parce que ce n'est ni le sang ni la chair qui vous ont révélé ceci».
Au contraire, la foi vraie et inviolable, c'est que le Fils est sorti Dieu de Dieu, et que de toute éternité il a possédé l'éternité du Père. Croire et confesser qu'il a pris un corps semblable au nôtre, et qu'il s'est fait homme, c'est la perde la foi. Aussi la déclaration de l'Apôtre embrasse tout, en formulant aussi clairement la nature et le nom du Christ, et résume toutes les vertus.
Ou bien dans un autre sens, Pierre est heureux parce qu'il a eu le mérite d'étendre ses regards au delà de ce qui est humain, et que sans s'arrêter à ce qui venait de la chair et du sang, il a contemplé le Fils de Dieu par un effet de la révélation divine, et a été jugé digne de reconnaître le premier que la divinité était dans le Christ.
Dans ce nouveau nom donné au prince des Apôtres, nous trouvons un présage heureux de la solidité des fondements de l'Église et une pierre digne de cet édifice qui devait briser et réduire eu poudre les loi s et les portes de l'enfer et tous les cachots de la mort, et c'est pour montrer la force de l'Église bâtie sur cette pierre que Jésus ajoute: «Et les portes de l'enfer ne prévaudront point contre elle».
Croire que Jésus est Fils de Dieu de nom et pas de nature, n'est pas la foi évangélique et apostolique. Car si ce nom désignait l'adoption sans que pour autant le Christ soit le Fils venu de Dieu, je me pose cette question: "Pourquoi le bienheureux Simon, fils de Yonas, a-t-il proclamé: Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant (Mt 16,16)? Est-ce parce qu'il a pu, comme tout le monde, naître fils de Dieu par le sacrement qui nous régénère?"
Si le Christ était fils de Dieu en fonction du nom qu'on lui attribue, je demande: "Qu'est-ce qui a été révélé à Pierre, non par la chair et le sang, mais par le Père qui est aux cieux? Une croyance partagée par tous a-t-elle quelque mérite? Et faut-il glorifier la révélation d'une chose que tout le monde connaît? Si le Christ était fils par adoption, pourquoi la confession de Pierre lui vaudrait-elle d'être appelé bienheureux, alors qu'il n'aurait reconnu au Fils qu'une qualité commune à tous les saints?"
Or, la foi de l'Apôtre s'est avancée au-delà des limites de l'intelligence humaine. Nul doute qu'il eût souvent entendu cette parole: Qui vous accueille m'accueille; et qui m'accueille accueille celui qui m'a envoyé (Mt 10,40). Ainsi, Pierre savait déjà que le Christ était envoyé. Et celui qu'il savait être envoyé, il l'avait entendu déclarer: Tout m'a été confié par mon Père; personne ne connaît le Fils, sinon le Père, et personne ne connaît le Père, sinon le Fils (Mt 11,27). Qu'est-ce que le Père a révélé alors à Pierre, et qui lui valut la gloire de voir sa confession appelée bienheureuse? Est-ce qu'il ne connaissait pas les noms du Père et du Fils? Il les avait entendus fréquemment.
Mais il dit une parole qu'aucune voix humaine n'avait encore prononcée: Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant (Mt 16,16). En vérité, alors même que le Christ demeurant dans la chair s'était déjà déclaré Fils de Dieu, l'Apôtre fut alors le premier à reconnaître dans la foi que la nature divine est en lui. Si Jésus, en effet, a loué Pierre, ce n'est pas uniquement pour l'avoi r honoré par sa profession de foi, mais aussi pour avoir reconnu son mystère, car l'Apôtre n'a pas seulement confessé le Christ, mais il l'a aussi proclamé Fils de Dieu. Pour l'honorer, il lui eût certainement suffi de confesser: Tu es le Christ. Il eût pourtant été inutile de l'appeler Christ sans le proclamer Fils de Dieu. De fait, en disant: Tu es, Pierre a clairement déclaré la perfection et le caractère unique de la vraie nature du Fils. Et en disant: Celui-ci est mon Fils (Mt 17,5), le Père a révélé à Pierre qu'il devait proclamer: Tu es le Fils de Dieu. Car la parole Celui-ci est est l'indication donnée par celui qui révèle, tandis que l'adhésion donnée par celui qui confesse sa foi s'exprime par la réponse: Tu es.
L'Église est donc bâtie sur la pierre de cette confession. Mais un esprit de chair et de sang ne peut découvrir le sens de cette profession de foi. Appeler le Christ Fils de Dieu et, de plus, croire qu'il l'est, est un mystère qui ne peut être révélé que par Dieu. Ou alors, serait-ce le nom divin qui aurait été révélé à Pierre plutôt que la filiation de nature? Pour ce qui est du nom, Pierre avait déjà souvent entendu le Seigneur se proclamer Fils de Dieu. Sur quoi porte donc cette glorieuse révélation? Elle concerne certainement la nature et pas le nom, qui avait déjà été souvent proclamé.
Cette foi est le fondement de l'Église. Grâce à cette foi, la puissance de la Mort (Mt 16,18) ne pourra rien contre l'Eglise. Cette foi possède les clefs du Royaume des cieux et ce qui a été délié ou lié par elle sur la terre, est délié et lié dans les cieux. Cette foi est le don de la révélation du Père. Elle ne déclare pas mensongèrement que le Christ a été créé de rien, mais elle le proclame Fils de Dieu selon la nature qui lui est propre.
O délire impie d'un esprit qui s'égare misérablement! Il ne reconnaît pas en Pierre, vieillard proclamé bienheureux, le témoin de la foi, le témoin pour qui le Christ a prié le Père afin que sa foi ne défaille pas (cf. Lc 22,32) dans la tentation.
Au Christ qui le lui demandait, Pierre a réaffirmé son amour pour Dieu, et il s'est affligé de se voir encore mis à l'épreuve comme quelqu'un qui doute et qui hésite, et d'être interrogé une troisième fois. Et ainsi purifié de ses trois tentations, il a mérité de s'entendre dire trois fois par le Seigneur: Sois le berger de mes brebis (Jn 21,17). Alors que tous les Apôtres gardaient le silence, il a reconnu, grâce à une révélation du Père, que le Christ est le Fils de Dieu. Et sa bienheureuse confession de foi lui a valu une gloire suréminente, au-delà de ce que peut concevoir la faible nature humaine.
Si le Christ était fils de Dieu en fonction du nom qu'on lui attribue, je demande: "Qu'est-ce qui a été révélé à Pierre, non par la chair et le sang, mais par le Père qui est aux cieux? Une croyance partagée par tous a-t-elle quelque mérite? Et faut-il glorifier la révélation d'une chose que tout le monde connaît? Si le Christ était fils par adoption, pourquoi la confession de Pierre lui vaudrait-elle d'être appelé bienheureux, alors qu'il n'aurait reconnu au Fils qu'une qualité commune à tous les saints?"
Or, la foi de l'Apôtre s'est avancée au-delà des limites de l'intelligence humaine. Nul doute qu'il eût souvent entendu cette parole: Qui vous accueille m'accueille; et qui m'accueille accueille celui qui m'a envoyé (Mt 10,40). Ainsi, Pierre savait déjà que le Christ était envoyé. Et celui qu'il savait être envoyé, il l'avait entendu déclarer: Tout m'a été confié par mon Père; personne ne connaît le Fils, sinon le Père, et personne ne connaît le Père, sinon le Fils (Mt 11,27). Qu'est-ce que le Père a révélé alors à Pierre, et qui lui valut la gloire de voir sa confession appelée bienheureuse? Est-ce qu'il ne connaissait pas les noms du Père et du Fils? Il les avait entendus fréquemment.
Mais il dit une parole qu'aucune voix humaine n'avait encore prononcée: Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant (Mt 16,16). En vérité, alors même que le Christ demeurant dans la chair s'était déjà déclaré Fils de Dieu, l'Apôtre fut alors le premier à reconnaître dans la foi que la nature divine est en lui. Si Jésus, en effet, a loué Pierre, ce n'est pas uniquement pour l'avoi r honoré par sa profession de foi, mais aussi pour avoir reconnu son mystère, car l'Apôtre n'a pas seulement confessé le Christ, mais il l'a aussi proclamé Fils de Dieu. Pour l'honorer, il lui eût certainement suffi de confesser: Tu es le Christ. Il eût pourtant été inutile de l'appeler Christ sans le proclamer Fils de Dieu. De fait, en disant: Tu es, Pierre a clairement déclaré la perfection et le caractère unique de la vraie nature du Fils. Et en disant: Celui-ci est mon Fils (Mt 17,5), le Père a révélé à Pierre qu'il devait proclamer: Tu es le Fils de Dieu. Car la parole Celui-ci est est l'indication donnée par celui qui révèle, tandis que l'adhésion donnée par celui qui confesse sa foi s'exprime par la réponse: Tu es.
L'Église est donc bâtie sur la pierre de cette confession. Mais un esprit de chair et de sang ne peut découvrir le sens de cette profession de foi. Appeler le Christ Fils de Dieu et, de plus, croire qu'il l'est, est un mystère qui ne peut être révélé que par Dieu. Ou alors, serait-ce le nom divin qui aurait été révélé à Pierre plutôt que la filiation de nature? Pour ce qui est du nom, Pierre avait déjà souvent entendu le Seigneur se proclamer Fils de Dieu. Sur quoi porte donc cette glorieuse révélation? Elle concerne certainement la nature et pas le nom, qui avait déjà été souvent proclamé.
Cette foi est le fondement de l'Église. Grâce à cette foi, la puissance de la Mort (Mt 16,18) ne pourra rien contre l'Eglise. Cette foi possède les clefs du Royaume des cieux et ce qui a été délié ou lié par elle sur la terre, est délié et lié dans les cieux. Cette foi est le don de la révélation du Père. Elle ne déclare pas mensongèrement que le Christ a été créé de rien, mais elle le proclame Fils de Dieu selon la nature qui lui est propre.
O délire impie d'un esprit qui s'égare misérablement! Il ne reconnaît pas en Pierre, vieillard proclamé bienheureux, le témoin de la foi, le témoin pour qui le Christ a prié le Père afin que sa foi ne défaille pas (cf. Lc 22,32) dans la tentation.
Au Christ qui le lui demandait, Pierre a réaffirmé son amour pour Dieu, et il s'est affligé de se voir encore mis à l'épreuve comme quelqu'un qui doute et qui hésite, et d'être interrogé une troisième fois. Et ainsi purifié de ses trois tentations, il a mérité de s'entendre dire trois fois par le Seigneur: Sois le berger de mes brebis (Jn 21,17). Alors que tous les Apôtres gardaient le silence, il a reconnu, grâce à une révélation du Père, que le Christ est le Fils de Dieu. Et sa bienheureuse confession de foi lui a valu une gloire suréminente, au-delà de ce que peut concevoir la faible nature humaine.
Il ne leur demande pas: Que disent de moi les pharisiens et les scribes? mais: «Que disent les hommes ?» Car il cherche à connaître la pensée du peuple, qui n'était pas tourné au mal. L'idée que le peuple avait du Christ était sans doute bien au-dessous de la réalité, mais au moins elle était pure de toute malice, tandis que l'opinion que les pharisiens se formaient de sa personne était pleine de méchanceté.
Après que les disciples lui ont fait connaître l'opinion du peuple, il les presse par une seconde question de se former une plus haute idée de lui; «Et Jésus leur dit: Et vous, qui dites-vous que je suis ?» Vous, dis-je, quiètes toujours avec moi, qui avez été témoins de plus grands miracles que le peuple, vous ne devez point partager sa manière de voir. Aussi ne leur fît-il pas cette question au début, de sa prédication, mais après avoir fait un grand nombre de miracles, et leur avoir souvent parlé de sa divinité.
Lorsque Notre-Seigneur demande quelle opile peuple a de lui, tous répondent; mais lorsqu'il demande à ses disciples quelle est leur opinion personnelle, Pierre répond au nom de tous comme étant la bouche et la tête du collège apostolique: «Simon Pierre, prenant la parole, lui dit: Vous êtes le Christ Fils du Dieu vivant».
Il eût été inutile de dire: Vous êtes le fils de Jona, ou de Joanna, si le Sauveur n'avait eu l'intention de montrer que le Christ est aussi naturellement le Fils de Dieu que Pierre est fils de Jona, c'est-à-dire de la même substance que celui qui l'a ené.
Or, si Pierre n'avait pas confessé que le Christ est réellement né du Père, il n'aurait pas eu besoin de révélation, et il n'aurait pas été proclamé bienheureux pour avoir cru que le Christ était un des nombreux enfants adoptifs de Dieu. En effet, bien aupaceux qui étaient dans la barque lui avaient dit: «Vous êtes vraiment le Fils de Dieu» ( Mt 14 ); Nathanaël lui-même lui avait dit: «Maître, vous êtes le Fils de Dieu» ( Jn 1 ). Cependant ils n'ont pas été déclarés bienheureux, parce qu'ils n'ont pas confessé la même filiation que Pierre. Ils croyaient que le Christ était semblable à beaucoup d'autres, mais non pas qu'il fût le Fils de Dieu; ou bien s'ils lui reconnaissaient une supériorité réelle sur tous les autres, ils ne le recependant pas comme étant né de la substance même du Père. Vous voyez donc comme le Père révèle le Fils, et comment le Fils révèle le Père; car on ne peut connaître le Fils que par le Père, comme on ne peut connaître le Père que par le Fils, ce qui établit clairement que le Fils est consubstantiel au Père, et doit recevoir les mêmes adorations. Or, Jésus prend occasion de cela pour enseigner à ses Apôtres que plusieurs croiront un jour ce que Pierre vient de confesser: «Et moi, je vous dis que vous êtes Pierre, et que sur cette pierre je bâtirai mon Église».
C'est-à-dire, sur cette foi et sur cette confession, je bâtirai mon Église. Nous apprenons de là qu'un grand nombre croiront ce que Pierre vient de confesser, et il élève en même temps son intelligence et lui donne la charge de suprême pasteur.
Le Sauveur donne ensuite une autre prérogative à Pierre, en ajoutant: «Et je vous donnerai les clefs du royaume des cieux». C'est-à-dire: De même que mon Père vous a fait la grâce de me connaître, je vous accorderai aussi une faveur particulière, c'est-à-dire les clefs du royaume des cieux.
Voyez aussi comme Jésus-Christ inspire à Pierre une haute idée de sa personne il promet de lui donner ce qui n'appartient qu'à Dieu seul, c'est-à-dire le pouvoir de remettre les péchés et de rendre l'Église immuable au milieu de toutes les tempêtes, des persécutions et des souffrances.
L'expression dont il se sert: «Que disent les hommes qu'est le Fils de l'homme», est parfaitement choisie, car ceux qui parlent du Fils de l'homme sont des hommes; mais ceux qui comprennent sa divinité sont appelés, non pas des hommes, mais des dieux.
Il ne dit pas: Que disent-ils que je suis, mais: «Que disent-ils qu'est le Fils de l'homme ?» pour éviter dans cette question toute apparence de recherche personnelle. Remarquons encore que partout où nous lisons dans l'Ancien Testament: Fils de l'homme, le texte hébreu porte: Fils d'Adam.
Cependant le peuple a bien pu se tromper en prenant le Christ pour Élie et pour Jérémie, de même qu'Hérode qui le prenait pour Jean-Baptiste; aussi suis-je étonné de voir quelques interprètes rechercher les causes de toutes ces erreurs.
Pierre dit: «Du Dieu vivant», par opposition avec ces dieux qu'on regarde comme des dieux, et qui ne sont que des morts: je veux parler de Saturne, de Jupiter, de Vénus, d'Hercule, et des aut res divinités.
Remarquez que d'après ce langage du Sauveur, les Apôtres ne sont pas appelés des hommes, mais des dieux, car après avoir dit: «Les hommes, que disent-ils qu'est le Fils de l'homme ?» il ajoute: «Et vous, q ue dites-vous que je suis ?» c'est-à-dire les hommes qui ne sont que des hommes ont de moi une opinion tout humaine; mais vous qui êtes des dieux, que pensez-vous que je suis ?
Le Sauveur paie d'un juste retour le témoignage que lui a rendu son apôtre. Pierre lui avait dit: «Vous êtes le Christ, le Fils du Dieu vivant»; Jésus-Christ lui répond: «Vous êtes heureux, Simon, fils de Jean». Pourquoi? parce que ce n'est ni la chair ni le sang, mais mon Père qui vous a révélé cette vérité. Ce que la chair ni le sang n'ont pu révéler, l'a été par la grâce de l'Esprit saint. Cette confession lui a donc mérité le nom qui lui est donné de fils de l'Esprit saint, à qui il devait cette révélation; car dans notre langue, Barjona veut dire fils de la colombe. Quelques-uns l'entendent simplement en ce sens que Simon (c'est-à-dire Pierre), était fils de Jean, d'après cette question que le Sauveur lui adressa dans un autre endroit: «Simon, fils de Jean, m'aimez-vous ?» Ils préque c'est par une erreur des copistes qu'au lieu de Bar-joanna, c'est-à-dire: fils de Jean, nous lisons Barjona, avec une syllabe de moins. Or, Joanna signifie grâce de Dieu, et ces deux noms peuvent recevoir une interprétation spirituelle, c'est-à-dire que la colombe représente le Saint-Esprit, et la grâce de Dieu, les dons spirituels.
Comparez ces paroles: «Ce n'est point la chair ni le sang qui vous l'ont révélé», à ces autres de l'Apôtre: «Aussitôt j'ai cessé de prendre conseil de la chair et du sang ( Ga 1 ); ce sont les Juifs qu'il veut désigner sous le nom de la chair et du sang, et nous y trouvons une preuve que dans cet endroit, ce n'est point par la doc trine des pharisiens, mais par la grâce de Dieu, que le Christ, Fils de Dieu, a été révélé à Pierre.
C'est-à-dire parce que vous avez fait cette confession de foi: «Vous êtes le Christ, Fils du Dieu vivant», moi je vous dis non point par un discours vain et sans ob jet, mais je vous dis (car pour moi, dire c'est faire): «Vous êtes Pierre». De même que précé demment lui qui est la véritable lumière avait donné à ses Apôtres le nom de lumière du monde et d'autres noms figuratifs; ainsi il a donné le nom de Pierre à Simon, qui croyait que Jésus-Christ était la pierre par excellence.
C'est en suivant cette métaphore de la pierre que le Saului dit: C'est sur vous que je bâtirai mon Église, comme il l'aen effet: «Sur cette pierre, je bâtirai mon Église».
Les portes de l'enfer sont, à mon avis, les vices et les péchés des hommes, ou du moins les doctrines des hérétiques qui séduisent les hommes et les entraînent dans l'abîme.
Qu'on ne s'imagine pas que ces paroles doivent s'entendre en ce sens que les Apôtres n'ont pas été soumis à la mort, quand on sait la gloire éclatante de leur martyre.
Quelques évêques et quelques prêtres qui n'ont pas l'intelligence de ce passage, affec tent en quelque sorte d'imiter la conduite orgueilleuse des pharisiens en condamnant les inno cents et en s'imaginant qu'ils peuvent absoudre les coupables, lorsqu'ils devraient savoir que Dieu tient compte non tant de la sentence des prêtres que des dispositions des coupables. Nous lisons, dans le passage du Lévitique qui ordonne aux lépreux de se présenter devant les prêtres (chap. 13 et 14), que, s'ils sont atteints de la lèpre, ils soient alors déclarés impurs par le prêtre, non pas que ce soient les prêtres qui les rendent lépreux et impurs, mais parce qu'ils connais sent les caractères qui distinguent le lépreux de celui qui ne l'est pas, celui qui est pur de celui qui est impur. De même donc que dans l'ancienne loi le prêtre déclarait le lépreux impur, ainsi l'évêque ou le prêtre exercent le pouvoir de lier et de délier, non pas à l'égard de ceux qui sont innocents et purs, mais dans ce sens qu'après avoir entendu la confession des diverses espèces de péchés, ils savent quels sont ceux qu'ils doivent lier et ceux qui méritent d'être déliés.
Il ne faut pas croire cependant que ce fut dans cette circonstance que Pierre reçut son nom; ce nom lui fut donné dans une autre circonstance rapportée par saint Jean, alors que Jésus-Christ lui dit: «Vous vous appellerez Céphas», ce qui veut dire Pierre.
J'ai dit dans un certain endroit, de l'apôtre saint Pierre, que l'Église avait été bâtie sur lui comme sur la pierre; mais je me rappelle avoir plus tard expliqué cette parole: «Vous êtes Pierre, et sur cette pierre je bâtirai», etc., en ce sens que d'après ces paroles du Sauveur, l'Église est bâtie sur celui que Pierre a confessé en ces termes: «Vous êtes le Christ, Fils du Dieu vivant». De cette manière, l'Apôtre aurait reçu son nom de cette pierre et il représenterait l'Église qui est bâtie sur cette pierre. En effet, le Sauveur ne lui dit pas: Vous êtes la pierre (petra), mais «Vous êtes Pierre» (Petrus); la pierre, c'était le Christ ( 1Co 10 ) dont Simon a confessé la divinité, comme toute l'Église le confesse, et c'est pour cela qu'il a reçu le nom de Pierre. Le lecteur peut choisir entre ces deux opinions celle qui lui paraîtra la plus probable.
D'après cette promesse du Seigneur, l'Église apostolique, placée au-dessus de tous les évêques, de tous les pasteurs, de tous les chefs des Églises et des fidèles, demeure pure de toutes les séductions et de tous les artifices des hérétiques dans ses pontifes, dans sa foi toujours entière et dans l'autorité de Pierre. Tandis que les autres Églises sont dés honorées par les erreurs de certains hérétiques, seule elle règne, appuyée sur des fondements inébranlables, imposant silence et fermant la bouche à tous les hérétiques; et nous, si nous ne sommes ni égarés par une téméraire présomption de notre salut, ni enivrés du vin de l'orgueil, nous confessons et nous prêchons en union avec elle la règle de la vérité et de la sainte tradi tion apostolique.
Ce Philippe était frère d'Hérode, il était tétrarque de l'Iturée et de la Trachonitide. Il avait appelé Césarée, en l'honneur de Tibère, la ville qui est maintenant connue sous le nom de Pa néas.
Par un admirable contraste, c'est Notre-Seigneur lui-même qui confesse les humiliations de la nature humaine dont il s'est revêtu, tandis que le disciple proclame les gran deurs de son éternelle divinité.
Ce n'est point sans doute par ignorance que le Sauveur s'inde l'opinion que ses dis ciples et le peuple peuvent avoir de sa personne; s'il demande à ses disciples ce qu'ils pensent de lui, c'est pour récompenser dignement leur confession de foi, conforme à la vérité. Aussi s'informe-t-il d'abord de l'opinion du peuple, afin qu'après avoir rapporté les jugements de ceux qui se trompent, on soit obligé de reconnaître que les disciples ont puisé la vérité de leur profession de foi, non pas dans les idées du peuple, mais dans une révélation particulière du Sau veur.
Les portes de l'enfer sont en core les tourments et les séductions que mettent en usage les persécuteurs. Ce sont aussi les oeuvres mauvaises des incrédules, et leurs discours absurdes, parce qu'ils font connaître le che min de la perdition.
Celui qui a reconnu et confessé le roi des cieux avec plus d'ardeur que tous les autres reçoit aussi d'une manière plus particulière que tous les autres les clefs du royaume des cieux, afin qu'il fût bien démontré pour tous que sans cette confession et sans cette foi, personne ne peut entrer dans le royaume des cieux. Les clefs du royaume des cieux sont la puissance et le droit de juger: la puissance, pour lier et délier, le pouvoir de juger, de discerner ceux qui sont dignes et ceux qui ne le pas.
Quoique le Seigneur paraisse donner exclusivement à Pierre ce pouvoir de lier et de délier, il l'accorde également aux autres Apôtres ( Mt 18,18 ) et maintenant encore à toute l'Église dans la personne des évêques et des prêtres; mais Pierre a reçu d'une manière plus particulière les clefs du royaume des cieux et la primauté du pouvoir judiciaire, afin que tous les fidèles répandus dans l'univers comprennent que du moment où, de quelque manière que ce soit, on se sépare de l'unité de la foi ou de la société de Pierre, on ne peut être délivré des liens du péché, ni voir ouvrir devant soi les portes du royaume du ciel.
La Glose
Après avoir inspiré à ses disciples un profond éloignement pour la doctrine des pharisiens, Notre-Seigneur choisit ce moment favorable pour jeter dans leurs âmes les fondements profonds de la doctrine évangélique, et pour donner à son enseignement plus de solennité, l'Évangéliste nous désigne l'endroit où elle se passa: «Or, Jésus vint dans les environs de Cé sarée de Philippe». Il ne dit pas simplement Césarée, mais Césarée de Philippe; car il y a une autre ville de Césarée, celle de Straton. Ce n'est point dans celle-là, mais dans la première, que Jésus fait cette question à ses disciples; il les emmène loin des Juifs, afin que, sans crainte au cune, ils disent librement ce qu'ils ont dans le coeur.
Le Sauveur veut confirmer ses disciples dans la foi, il commence donc par éloigner de leur esprit les opinions et les erreurs que d'autres pouvaient y avoir jetées. «Et il interrogea ses disciples en leur demandant: Que disent les hommes qu'est le Fils de l'homme ?»
«Et ce que vous lierez», c'est-à-dire celui que vous aurez jugé indigne d'absolution pendant sa vie, en sera jugé indigne devant Dieu lui-même». Et ce que vous aurez délié», c'est-à-dire celui que vous aurez jugé digne d'être absous ici-bas, recevra de Dieu la rémission de ses péchés.
Notre-Seigneur a donné d'une manière particulière ce pouvoir à Pierre pour nous inviter à l'unité; il l'a établi prince des Apôtres afin que l'Église eût au-dessus de tous les au tres un seul vicaire de Jésus-Christ, auquel tous les membres de l'Église pussent recourir si la division venait à s'introduire parmi eux; s'il y avait plusieurs chefs dans l'Église, le lien de l'unité serait rompu. Quelques-uns prétendent que cette expression: «Sur la terre»signifie que ce pouvoir de lier et de délier ne lui a été donné que sur les vivants et non sur les morts, car celui qui exercerait ce pouvoir sur les morts ne l'exercerait pas sur la terre.
Conc. de Constant. Comment s'en trouve-t-il qui osent dire que ce pouvoir ne doit s'exercer que sur les vivants? Ignorent-ils donc que la sentence d'anathème n'est autre chose qu'une sentence de séparation? On doit toujours éviter tout commerce avec ceux qui sont esclaves de crimes énormes, qu'ils soient du nombre des vivants ou parmi les morts, car on doit toujours se séparer de ce qui est coupable et nuisible. D'ailleurs nous avons d'Augustin, de pieuse mémoire, et qui jeta un si vif éclat parmi les évêques d'Afrique, plusieurs lettres où il enseigne qu'il faut anathématiser les hérétiques même après leur mort. Les autres évêques d'Afrique ont conservé cette tradition ecclésiastique, et la sainte Église romaine elle-même a anathématisé aussi quelques évêques après leur mort, quoique leur foi n'eût pas été incriminée pendant leur vie.
Et vous, que dites-vous? Pour vous, qui suis-je? (Mt 16,15). Il est vrai, dit Jésus, que l'opinion de la foule à mon sujet est très divisée et changeante, mais vous qui me connaissez depuis si longtemps, quelle idée vous êtes-vous formée en voyant mes oeuvres?
Déconcertés, les disciples ne savent alors que répondre; certains, peut-être, ne sont pas sûrs de ce qu'ils pensent, d'autres craignent de paraître irréfléchis. Mais Pierre, le plus éminent des disciples, se fait l'interprète de tous ses compagnons. <> Instruit par le Père de la haute origine du Fils unique, il prononce ces paroles pleines de sens divin: Tu es le Messie, le Fils du Dieu vivant (Mt 16,16).
Cette révélation vient vraiment du Père céleste, non de la chair et du sang. Considère, en effet, combien la doctrine théologique cachée dans cette seule phrase est profonde. Car le Seigneur avait demandé: Le Fils de l'homme, qui est-il, d'après ce que disent les hommes? (Mt 16,13). Il avait fait mention du Fils de l'homme pour montrer sa nature humaine. Mais Pierre, sachant qu'il était à la f ois fils d'homme et Fils de Dieu, une personne unique formée de deux natures sans confusion, s'est élancé en esprit vers la nature divine.
Considère encore l'exactitude de cette doctrine théologique. Car il peut se trouver de nombreux messies, de nombreux fils et de nombreux dieux, mais il n'y a qu'un Messie, Fils de Dieu, par nature et véritable. C'est la raison pour laquelle il n'a pas dit: "Tu es messie, fils d'un dieu", mais: Tu es le Messie, le Fils du Dieu vivant! Il a, en effet, joint l'article à chaque terme pour montrer d'une manière plus éclatante le caractère exceptionnel de cette essence bienheureuse et de cette nature simple. Voilà pourquoi il a mérité d'être appelé bienheureux par le Seigneur.
Que lui dit donc le Sauveur? Heureux es-tu, Simon, fils de Yonas (Mt 16,17). Pour quelle raison, en le déclarant bienheureux, fait-il mention de son père et le nomme-t-il fils de Yonas? Il veut dire à peu près: "De même que, par ta nature, tu es fils de Yonas, ton père, de même, de par ma nature et selon mon essence, je suis le Fils de Dieu le Père." Ou plutôt il l'appelle ainsi, parce que, comme il va le dire, cette révélation ne lui vient pas de la chair et du sang, mais de son Père qui est aux cieux. Elle lui vient aussi par l'Esprit Saint, ce qui fait qu'il le nomme Fils de l'Esprit, car Yonas signifie "colombe".
Et moi, je te déclare: Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église (Mt 16,18). Toi, qui es Pierre, tu deviendras le rocher de la foi du Verbe, et l'assise sur laquelle l'Église sera établie, et l'origine première de la construction spirituelle. Car sur cette proclamation par laquelle tu m'as reconnu à la fois Fils de Dieu et fils d'homme, se dresseront les fondations de l'Église. Oui, sur la base ainsi posée, s'élèvera en toute sûreté l'édifice de toutes les autres vérités de la foi.
Je te donnerai les clefs du Royaume des cieux (Mt 16,19). Jésus ne dit pas: "Je te donne en ce moment", mais: Je te donnerai. Il prédit ainsi le temps qui suivra la résurrection, quand il lui donnera aussi la grâce de l'Esprit Saint, et le pouvoir de lier et de délier, et quand il le placera à la tête du troupeau des brebis douées de raison.
Mais de quelles clefs parle-t-il? Et de quelles portes nomme-t-il Pierre le gardien? Le Christ lui-même est la porte, car il a dit: Moi, je suis la porte (Jn 10,9). Et la clef de cette porte est la foi que le Christ confie au chef des Apôtres.
Il donne donc les clefs à Pierre et à ceux qui viendront après lui, pour que les hérétiques ne puissent franchir la porte du Royaume des cieux ni entrer par elle, mais pour que les fidèles la franchissent facilement. Ainsi sera confirmée la parole du Seigneur: Personne, à moins de naître de l'eau et de l'Esprit, ne peut entrer dans le Royaume des cieux (Jn 3,5).
Déconcertés, les disciples ne savent alors que répondre; certains, peut-être, ne sont pas sûrs de ce qu'ils pensent, d'autres craignent de paraître irréfléchis. Mais Pierre, le plus éminent des disciples, se fait l'interprète de tous ses compagnons. <> Instruit par le Père de la haute origine du Fils unique, il prononce ces paroles pleines de sens divin: Tu es le Messie, le Fils du Dieu vivant (Mt 16,16).
Cette révélation vient vraiment du Père céleste, non de la chair et du sang. Considère, en effet, combien la doctrine théologique cachée dans cette seule phrase est profonde. Car le Seigneur avait demandé: Le Fils de l'homme, qui est-il, d'après ce que disent les hommes? (Mt 16,13). Il avait fait mention du Fils de l'homme pour montrer sa nature humaine. Mais Pierre, sachant qu'il était à la f ois fils d'homme et Fils de Dieu, une personne unique formée de deux natures sans confusion, s'est élancé en esprit vers la nature divine.
Considère encore l'exactitude de cette doctrine théologique. Car il peut se trouver de nombreux messies, de nombreux fils et de nombreux dieux, mais il n'y a qu'un Messie, Fils de Dieu, par nature et véritable. C'est la raison pour laquelle il n'a pas dit: "Tu es messie, fils d'un dieu", mais: Tu es le Messie, le Fils du Dieu vivant! Il a, en effet, joint l'article à chaque terme pour montrer d'une manière plus éclatante le caractère exceptionnel de cette essence bienheureuse et de cette nature simple. Voilà pourquoi il a mérité d'être appelé bienheureux par le Seigneur.
Que lui dit donc le Sauveur? Heureux es-tu, Simon, fils de Yonas (Mt 16,17). Pour quelle raison, en le déclarant bienheureux, fait-il mention de son père et le nomme-t-il fils de Yonas? Il veut dire à peu près: "De même que, par ta nature, tu es fils de Yonas, ton père, de même, de par ma nature et selon mon essence, je suis le Fils de Dieu le Père." Ou plutôt il l'appelle ainsi, parce que, comme il va le dire, cette révélation ne lui vient pas de la chair et du sang, mais de son Père qui est aux cieux. Elle lui vient aussi par l'Esprit Saint, ce qui fait qu'il le nomme Fils de l'Esprit, car Yonas signifie "colombe".
Et moi, je te déclare: Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église (Mt 16,18). Toi, qui es Pierre, tu deviendras le rocher de la foi du Verbe, et l'assise sur laquelle l'Église sera établie, et l'origine première de la construction spirituelle. Car sur cette proclamation par laquelle tu m'as reconnu à la fois Fils de Dieu et fils d'homme, se dresseront les fondations de l'Église. Oui, sur la base ainsi posée, s'élèvera en toute sûreté l'édifice de toutes les autres vérités de la foi.
Je te donnerai les clefs du Royaume des cieux (Mt 16,19). Jésus ne dit pas: "Je te donne en ce moment", mais: Je te donnerai. Il prédit ainsi le temps qui suivra la résurrection, quand il lui donnera aussi la grâce de l'Esprit Saint, et le pouvoir de lier et de délier, et quand il le placera à la tête du troupeau des brebis douées de raison.
Mais de quelles clefs parle-t-il? Et de quelles portes nomme-t-il Pierre le gardien? Le Christ lui-même est la porte, car il a dit: Moi, je suis la porte (Jn 10,9). Et la clef de cette porte est la foi que le Christ confie au chef des Apôtres.
Il donne donc les clefs à Pierre et à ceux qui viendront après lui, pour que les hérétiques ne puissent franchir la porte du Royaume des cieux ni entrer par elle, mais pour que les fidèles la franchissent facilement. Ainsi sera confirmée la parole du Seigneur: Personne, à moins de naître de l'eau et de l'Esprit, ne peut entrer dans le Royaume des cieux (Jn 3,5).
1848. «JE TE DONNERAI LES CLEFS DU ROYAUME DES CIEUX.» Ici est présenté le second don que le Christ, selon son humanité, fit à Pierre. En effet, [le Christ] a fondé [son] Église sur terre et a fait de Pierre son vicaire, afin de laisser entrer au ciel. He 10, 19 : Ayant l’assurance voulue pour l’accès des saints par le sang du Christ. Le Christ a donc fait de Pierre son vicaire pour que celui-ci fasse entrer au ciel ; il lui a donc donné un ministère, il lui a donné les clefs. En effet, la clef permet d’entrer. Pierre a donc comme ministère de faire entrer. Et [le Christ] fait deux choses : premièrement, il [lui] confie les clefs ; deuxièmement, il [lui] en enseigne l’usage : TOUT CE QUE TU LIERAS SUR LA TERRE SERA LIÉ AU CIEL, etc.
1849. Mais voyons en quoi consistent les clefs. Lorsque la maison est fermée à clef, l’entrée en est empêchée ; en effet, la clef supprime l’obstacle. Il existait un obstacle à l’accès au royaume des cieux, mais non de son côté, Ap 4, 1 : J’ai vu, et la porte était ouverte ; mais l’obstacle était de notre côté, à savoir, le péché, car rien d’impur n’entrera dans celle-ci [Ap 21, 27]. Le Christ a enlevé ces obstacles par sa passion, car il nous a lavés de nos péchés dans son sang, Ap 1, 5. Et il a fait partager celle-ci, de sorte que, par un ministère, les péchés soient enlevés, ce qui est accompli par la puissance du sang du Christ. C’est ainsi que les sacrements agissent par la puissance de la passion du Christ. Ainsi, JE TE DONNERAI UN MINISTÈRE, etc. Is 22, 22 : Je te donnerai les clefs de David.
1850. Mais [le Seigneur] dit : JE TE DONNERAI. En effet, [les clefs] n’avaient pas encore été forgées : une chose ne peut pas être donnée avant d’exister. Ces clefs devaient être forgées dans la passion. C’est ainsi que [leur] efficacité fut tirée de la passion. C’est pourquoi ici [le Seigneur] promit et, après la passion, il donna, lorsqu’il dit : Pais mes brebis [Jn 21, 17]. Mais pourquoi dit-il : LES CLEFS ? Parce que absoudre, c’est enlever un obstacle. Il y a deux choses, car deux choses sont requises : le pouvoir et la science. Mais de quoi s’agit-il ? N’existe-t-il pas des prêtres qui n’ont pas la science ? Comprenez qu’ils ont la science, car personne d’autre que le prêtre n’a la clef de la science. On ne parle pas ici de la science, habitus intellectuel, etc., mais on veut dire l’autorité de décider. Ainsi, il peut exister un juge qui n’a pas la science dans le premier sens, mais qui a cependant la science dans le second sens, parce qu’il a l’autorité ; mais un autre a la science dans le premier sens et non dans le second, parce qu’il n’a pas l’autorité. Ainsi donc, science veut dire ici autorité de décider, et tout prêtre possède celle-ci afin de trancher par l’absolution.
1851. Ensuite, [le Seigneur] présente l’usage des clefs : TOUT CE QUE AURAS LIÉ SUR LA TERRE SERA LIÉ DANS LES CIEUX. Mais il semble que cela ait été présenté d’une manière inappropriée, car l’usage des clefs n’est pas de lier mais d’ouvrir. Je dis que cet usage convient aux clefs. En effet, le ciel a été ouvert. Ap 4, 1 : Je vis la porte ouverte. Il n’est donc pas nécessaire qu’il soit ouvert, mais celui qui doit y entrer et qui est lié doit être délié.
1852. Mais ici il faut éviter certaines erreurs. La première est abordée dans la Glose, car certains ont prétendu à tort que tous pouvaient délier ceux qu’ils voulaient et les faire entrer dans le royaume des cieux. Mais ceci ne peut être soutenu, car il appartient à Dieu seul de changer les volontés. Une autre erreur est que le prêtre ne lie pas, mais montre que [quelqu’un] est délié. Mais ceci va à l’encontre de l’efficacité du sacrement, du fait que les sacrements de la loi nouvelle réalisent ce qu’ils représentent, mais non les sacrements de la loi ancienne. De sorte que si [le sacrement] ne réalisait rien, il ne serait pas un sacrement de la loi nouvelle. Troisièmement, certains disent qu’il y a trois choses dans le péché : la faute, la culpabilité et la peine. L’homme se libère lui-même de deux choses par la contrition ; mais lorsque l’homme est libéré de ces choses, il demeure lié par une peine temporelle, que l’homme ne suffit pas par lui-même à écarter et à éviter. C’est pourquoi les clefs sont données : elle diminuent quelque peu cette peine et elles lient par une peine.
1853. Mais il me semble que cela n’est pas bien exprimé, car le sacrement de la loi nouvelle donne la grâce. Or, la grâce ne s’oppose pas à la peine, mais à la faute. C’est pourquoi je dis qu’il en est de ce sacrement de la confession comme du sacrement du baptême : il possède une efficacité instrumentale en vertu de laquelle il purifie de la faute. C’est pourquoi Augustin [écrit] : «Quelle est la puissance de l’eau, qu’elle lave la chair et enlève la faute ?» Je dis donc que, dans le prêtre, il existe une certaine puissance spirituelle instrumentale, en vertu de laquelle il est appelé ministre, et qu’il réalise ainsi la rémission, comme l’eau du baptême. Mais, ici, cela fait difficulté, car, maintenant, seuls les enfants viennent au baptême, et si un adulte s’en approche, ou bien il le fait par feinte, ou bien non. Si c’est par feinte, alors qu’il n’existe pas de transformation de l’esprit, la faute n’est pas remise ; si [ce n’est pas par feinte], alors qu’il s’en approche avec le propos de se confesser, la grâce est requise ou le propos de la conversion, et cela vient de la grâce. Or, la grâce enlève la faute. De sorte que, dans le sacrement de baptême, l’adulte qui s’approche, s’il se prépare, reçoit la rémission de la faute. De même, dans le sacrement de la pénitence, duquel seuls les adultes peuvent s’approcher, il n’y a pas contrition si on ne se propose pas de se soumettre à la décision et au jugement du prêtre. S’il n’est pas contrit, il n’obtient pas l’effet, pas plus que dans le baptême. Mais il peut arriver que quelqu’un s’approche sans être entièrement contrit, mais qu’il devienne contrit par la puissance de la grâce conférée par la mise en œuvre du sacrement. Il faut donc entendre : TOUT CE QUE TU LIERAS, c’est-à-dire si tu exerces le ministère de l’absolution. Et [le Seigneur] dit : TOUT, car [cela vaut] non seulement pour la peine, mais pour la faute. SERA DÉLIÉ DANS LES CIEUX, c’est-à-dire que cela sera considéré comme délié dans les cieux, comme c’est le cas pour le baptême. C’est pourquoi le prêtre doit dire : Je t’absous, comme il dit : Je te baptise.
1854. Mais on peut se demander pourquoi il lie. Il faut savoir que le prêtre est le ministre de Dieu et que l’action du ministre dépend de l’acte du Seigneur. Le prêtre [lie donc et délie] de manière ministérielle selon que le Seigneur lie et délie. Dieu délie en infusant la grâce ; il lie en ne l’infusant pas. De même, le prêtre délie dans le sacrement en administrant le sacrement, mais il lie en ne l’administrant pas. On donne [aussi] une autre interprétation : par les cieux, l’Église présente est désignée. Ainsi, QUICONQUE SERA LIÉ, par l’excommunication, OU SERA DÉLIÉ ou LIÉ, par l’administration des sacrements de l’Église. On veut donc que cette administration, cette ligature et cette absolution se réalisent sur terre, de sorte qu’elles ne s’appliquent pas aux morts. Mais cela est repoussé, car elles s’étendent non seulement aux vivants, mais aussi aux morts.
1855. Ainsi donc, si l’on tient compte des deux choses, le sens est : TOUT CE QUE TU AURAS LIÉ SUR LA TERRE (je parle alors de ce qui existe sur terre) SERA LIÉ AUSSI DANS LES CIEUX. Mais ici, il dit cela à Pierre seulement. Il faut dire que [le Seigneur] l’a donné immédiatement à Pierre, mais que les autres le reçoivent de Pierre. C’est pourquoi, afin qu’on ne croie pas que cela a été dit seulement à Pierre, [le Seigneur] dit : Ceux à qui vous remettrez, etc. [Jn 20, 23]. Et, pour cette raison, le pape, qui tient la place de Pierre, a un pouvoir plénier, et les autres [tiennent ce pouvoir] de lui.
1849. Mais voyons en quoi consistent les clefs. Lorsque la maison est fermée à clef, l’entrée en est empêchée ; en effet, la clef supprime l’obstacle. Il existait un obstacle à l’accès au royaume des cieux, mais non de son côté, Ap 4, 1 : J’ai vu, et la porte était ouverte ; mais l’obstacle était de notre côté, à savoir, le péché, car rien d’impur n’entrera dans celle-ci [Ap 21, 27]. Le Christ a enlevé ces obstacles par sa passion, car il nous a lavés de nos péchés dans son sang, Ap 1, 5. Et il a fait partager celle-ci, de sorte que, par un ministère, les péchés soient enlevés, ce qui est accompli par la puissance du sang du Christ. C’est ainsi que les sacrements agissent par la puissance de la passion du Christ. Ainsi, JE TE DONNERAI UN MINISTÈRE, etc. Is 22, 22 : Je te donnerai les clefs de David.
1850. Mais [le Seigneur] dit : JE TE DONNERAI. En effet, [les clefs] n’avaient pas encore été forgées : une chose ne peut pas être donnée avant d’exister. Ces clefs devaient être forgées dans la passion. C’est ainsi que [leur] efficacité fut tirée de la passion. C’est pourquoi ici [le Seigneur] promit et, après la passion, il donna, lorsqu’il dit : Pais mes brebis [Jn 21, 17]. Mais pourquoi dit-il : LES CLEFS ? Parce que absoudre, c’est enlever un obstacle. Il y a deux choses, car deux choses sont requises : le pouvoir et la science. Mais de quoi s’agit-il ? N’existe-t-il pas des prêtres qui n’ont pas la science ? Comprenez qu’ils ont la science, car personne d’autre que le prêtre n’a la clef de la science. On ne parle pas ici de la science, habitus intellectuel, etc., mais on veut dire l’autorité de décider. Ainsi, il peut exister un juge qui n’a pas la science dans le premier sens, mais qui a cependant la science dans le second sens, parce qu’il a l’autorité ; mais un autre a la science dans le premier sens et non dans le second, parce qu’il n’a pas l’autorité. Ainsi donc, science veut dire ici autorité de décider, et tout prêtre possède celle-ci afin de trancher par l’absolution.
1851. Ensuite, [le Seigneur] présente l’usage des clefs : TOUT CE QUE AURAS LIÉ SUR LA TERRE SERA LIÉ DANS LES CIEUX. Mais il semble que cela ait été présenté d’une manière inappropriée, car l’usage des clefs n’est pas de lier mais d’ouvrir. Je dis que cet usage convient aux clefs. En effet, le ciel a été ouvert. Ap 4, 1 : Je vis la porte ouverte. Il n’est donc pas nécessaire qu’il soit ouvert, mais celui qui doit y entrer et qui est lié doit être délié.
1852. Mais ici il faut éviter certaines erreurs. La première est abordée dans la Glose, car certains ont prétendu à tort que tous pouvaient délier ceux qu’ils voulaient et les faire entrer dans le royaume des cieux. Mais ceci ne peut être soutenu, car il appartient à Dieu seul de changer les volontés. Une autre erreur est que le prêtre ne lie pas, mais montre que [quelqu’un] est délié. Mais ceci va à l’encontre de l’efficacité du sacrement, du fait que les sacrements de la loi nouvelle réalisent ce qu’ils représentent, mais non les sacrements de la loi ancienne. De sorte que si [le sacrement] ne réalisait rien, il ne serait pas un sacrement de la loi nouvelle. Troisièmement, certains disent qu’il y a trois choses dans le péché : la faute, la culpabilité et la peine. L’homme se libère lui-même de deux choses par la contrition ; mais lorsque l’homme est libéré de ces choses, il demeure lié par une peine temporelle, que l’homme ne suffit pas par lui-même à écarter et à éviter. C’est pourquoi les clefs sont données : elle diminuent quelque peu cette peine et elles lient par une peine.
1853. Mais il me semble que cela n’est pas bien exprimé, car le sacrement de la loi nouvelle donne la grâce. Or, la grâce ne s’oppose pas à la peine, mais à la faute. C’est pourquoi je dis qu’il en est de ce sacrement de la confession comme du sacrement du baptême : il possède une efficacité instrumentale en vertu de laquelle il purifie de la faute. C’est pourquoi Augustin [écrit] : «Quelle est la puissance de l’eau, qu’elle lave la chair et enlève la faute ?» Je dis donc que, dans le prêtre, il existe une certaine puissance spirituelle instrumentale, en vertu de laquelle il est appelé ministre, et qu’il réalise ainsi la rémission, comme l’eau du baptême. Mais, ici, cela fait difficulté, car, maintenant, seuls les enfants viennent au baptême, et si un adulte s’en approche, ou bien il le fait par feinte, ou bien non. Si c’est par feinte, alors qu’il n’existe pas de transformation de l’esprit, la faute n’est pas remise ; si [ce n’est pas par feinte], alors qu’il s’en approche avec le propos de se confesser, la grâce est requise ou le propos de la conversion, et cela vient de la grâce. Or, la grâce enlève la faute. De sorte que, dans le sacrement de baptême, l’adulte qui s’approche, s’il se prépare, reçoit la rémission de la faute. De même, dans le sacrement de la pénitence, duquel seuls les adultes peuvent s’approcher, il n’y a pas contrition si on ne se propose pas de se soumettre à la décision et au jugement du prêtre. S’il n’est pas contrit, il n’obtient pas l’effet, pas plus que dans le baptême. Mais il peut arriver que quelqu’un s’approche sans être entièrement contrit, mais qu’il devienne contrit par la puissance de la grâce conférée par la mise en œuvre du sacrement. Il faut donc entendre : TOUT CE QUE TU LIERAS, c’est-à-dire si tu exerces le ministère de l’absolution. Et [le Seigneur] dit : TOUT, car [cela vaut] non seulement pour la peine, mais pour la faute. SERA DÉLIÉ DANS LES CIEUX, c’est-à-dire que cela sera considéré comme délié dans les cieux, comme c’est le cas pour le baptême. C’est pourquoi le prêtre doit dire : Je t’absous, comme il dit : Je te baptise.
1854. Mais on peut se demander pourquoi il lie. Il faut savoir que le prêtre est le ministre de Dieu et que l’action du ministre dépend de l’acte du Seigneur. Le prêtre [lie donc et délie] de manière ministérielle selon que le Seigneur lie et délie. Dieu délie en infusant la grâce ; il lie en ne l’infusant pas. De même, le prêtre délie dans le sacrement en administrant le sacrement, mais il lie en ne l’administrant pas. On donne [aussi] une autre interprétation : par les cieux, l’Église présente est désignée. Ainsi, QUICONQUE SERA LIÉ, par l’excommunication, OU SERA DÉLIÉ ou LIÉ, par l’administration des sacrements de l’Église. On veut donc que cette administration, cette ligature et cette absolution se réalisent sur terre, de sorte qu’elles ne s’appliquent pas aux morts. Mais cela est repoussé, car elles s’étendent non seulement aux vivants, mais aussi aux morts.
1855. Ainsi donc, si l’on tient compte des deux choses, le sens est : TOUT CE QUE TU AURAS LIÉ SUR LA TERRE (je parle alors de ce qui existe sur terre) SERA LIÉ AUSSI DANS LES CIEUX. Mais ici, il dit cela à Pierre seulement. Il faut dire que [le Seigneur] l’a donné immédiatement à Pierre, mais que les autres le reçoivent de Pierre. C’est pourquoi, afin qu’on ne croie pas que cela a été dit seulement à Pierre, [le Seigneur] dit : Ceux à qui vous remettrez, etc. [Jn 20, 23]. Et, pour cette raison, le pape, qui tient la place de Pierre, a un pouvoir plénier, et les autres [tiennent ce pouvoir] de lui.
Autres prérogatives pour expliquer et pour développer la première. - Et je te donnerai... Remarquons
le pronom placé en avant : à toi entre tous, à toi d’une manière spéciale et supérieure. Le verbe est au futur,
comme « je bâtirai » du v. 18, parce qu’il est seulement question d’une promesse qui sera réalisée plus tard,
et non d’une entrée immédiate en fonctions. - Les clés du royaume des cieux, c’est-à-dire de l’Église. Cette
image des clefs continue celle du verset précédent, où le royaume des cieux était comparé à un édifice
solidement assis sur le rocher : la construction est achevée et l’architecte livre le bâtiment à celui qui en doit
être le régisseur souverain. La figure ne change donc que relativement à S. Pierre qui, après avoir été appelé
plus haut le fondement de la maison, en est maintenant constitué l’intendant. Le sens de cette nouvelle image
ne saurait être douteux. On sait en effet que, dans tous les temps et dans tous les pays, l’action de livrer à
quelqu’un les clefs d’une ville, d’une forteresse, d’un édifice, a symbolisé l’autorité complète qu’on lui
accordait sur les personnes et sur les objets renfermés dans cette ville, cette forteresse, cet édifice. « Et moi,
dit Jéhova par la bouche du prophète Isaïe, 22, 22, je placerai sur ses épaules (du Messie) la clef de la maison
de David, et il ouvrira et personne ne pourra ouvrir » ; Cf. Apoc. 1, 18 ; 3, 7. Jésus place dans le même sens
les clefs du royaume messianique sur les épaules de S. Pierre, comme un emblème de domination universelle
dans l’Église, dont il est établi par là-même le chef suprême. - Et tout ce que tu lieras... Troisième
métaphore, qui se rattache à la seconde et qui exprime, elle aussi, un pouvoir vraiment royal. Pour la bien
comprendre, il faut tout d’abord déterminer la signification des verbes « lier » et « délier ». Les
commentateurs sont loin d’être d’accord sur ce point. Plusieurs ont dit que lier signifie attacher à l’Église de
Jésus, délier, séparer, retrancher de cette même Église. D’autres ont vu dans ces expressions l’indication du
pouvoir spécial de remettre ou de retenir les péchés. Ou bien, on a traduit « lier » par défendre, déclarer
illicite, « délier » par permettre déclarer licite : ce sentiment, adopté par un assez grand nombre d’interprètes,
s’appuie sur l’usage fréquent, dans le Talmud, d’une formule analogue pour désigner l’interdiction ou la
licéité d’une chose ; Cf. Lightfoot, Hor. talm. On a enfin regardé cette locution comme l’emblème d’une
puissance absolue, d’une juridiction universelle conférées à S. Pierre par Notre-Seigneur Jésus-Christ, et telle
est, croyons-nous, l’interprétation véritable. Outre qu’elle a sur les trois autres l’avantage de mieux cadrer
avec le contexte, en ne posant aucune limite à l’autorité spirituelle du prince des Apôtres, et en n’insérant pas
au milieu d’idées générales un détail isolé, restreint, il est aisé de la confirmer à l’aide de plusieurs exemples
que nous fournit l’antiquité. L’historien Josèphe, Bell. Jud. 1, 5, 2, parlant des Pharisiens, nous les montre
s’insinuant avec habileté dans les bonnes grâces d’Alexandre, et s’emparant peu à peu du gouvernement tout
entier. Alors, ajoute-t-il, ils pouvaient délier et lier à leur gré, c’est-à-dire qu’ils agissaient en maîtres absolus.
De même, par conséquent, dans le passage que nous étudions. Du reste, le pronom relatif « tout ce que »,
deux fois répété, n’indique-t-il pas suffisamment que Jésus confiait tout à son Apôtre, sans restriction, sans
exception, qu’il le nommait son plénipotentiaire ici-bas ? Lie ou délie, use du pouvoir législatif, judiciaire,
doctrinal qui t’est confié ; Dieu, dont tu es le représentant sur la terre, ratifiera tout dans le ciel. « Son
jugement terrestre fait jurisprudence au ciel », S. Hil. In Matth. h. l. ; « Par ces paroles on rend hommage au
privilège insigne du docteur Pierre, d’après lequel ses décrets concordent avec les divins », Fritzsche. Sans
doute, nous entendrons bientôt Notre-Seigneur Jésus-Christ adresser au collège apostolique tout entier les
paroles qu’il prononce en ce moment d’une manière exclusive pour S. Pierre : « En vérité je vous le dis, tout
ce que vous aurez délié sur la terre sera délié dans le ciel », 16, 18. Mais il est évident qu’en accordant aux
onze autres cette autorité extraordinaire, requise par les besoins de l’Église primitive, il ne les égalera pas à
S. Pierre constitué antérieurement leur chef. Il ne les établit pas fondements de son Église d’une manière
absolue, il ne leur confie pas sans restriction les clefs du royaume des cieux, comme il l’a fait pour
Simon-Pierre. Leur juridiction, quelque étendue qu’elle soit, n’est pas sans limites ; car, avant d’en être
investis, ils ont été placés sous la direction d’un supérieur, qui continuera d’être pour eux ce qu’avait été
Jésus-Christ. - Récapitulons les promesses faites par Jésus au fils de Jona. Il lui donnera la solidité du roc, et,
sur cette base contre laquelle les efforts les plus violents de l’empire ténébreux viendront perpétuellement
s’émousser, il construira le magnifique édifice qui est son Église ; puis il déposera entre ses mains toute-puissantes et fidèles les clefs du royaume des cieux ; enfin il lui remettra son blanc-seing,
contresignant, approuvant d’avance tous les actes qu’il jugera utiles ou nécessaires au bon gouvernement de
l’Église. De bonne foi, nous le demandons à tout lecteur impartial des saints Évangiles, n’y a-t-il là qu’une
promesse commune ou sans valeur ? La primauté de S. Pierre ne ressort-t-elle pas visiblement de ces lignes
divines ? Cette primauté ne confère-t-telle pas à l’élu du Christ la priorité de juridiction aussi bien que la
priorité d’honneur ? Nous sommes heureux de pouvoir le dire, plusieurs exégètes protestants, laissant de côté
tout préjugé de secte, l’affirment aussi hautement que nous. « Il n’y a pas de doute que Pierre ne reçoive en
cet endroit la primauté parmi les Apôtres, en tant que le Christ le choisit de préférence, comme celui dont
l’activité apostolique sera la condition d’existence de la société fondée par lui », Meyer, Krit. exeg.
« L’Église protestante n’aurait jamais dû nier que ces paroles s’appliquent à Pierre d’une manière
personnelle, et qu’elles ne le concernent pas comme simple représentant des autres Apôtres : surtout elle
n’aurait pas dû le nier en recourant à des interprétations peu naturelles », Stier, Reden des Herr. Jesus, in h. l.
Ces mêmes auteurs ajoutent, il est vrai, qu’ils n’acceptent pas « les conséquences romaines » (Meyer. ibid.)
de ces textes. Pour nous nous les acceptons avec foi et avec amour, comme la seule doctrine vraiment
catholique, comme l’expression de l’enseignement des Pères, des conciles et des docteurs, comme la
conclusion logique des promesses faites par Jésus-Christ à son Apôtre. Nous confessons avec Origène, mais
dans un sens plus exact que le sien, que le Christ dit ces choses non seulement à Pierre mais aussi à tous les
Pontifes romains ses successeurs. L’Église, en effet, n’est pas un édifice matériel bâti une fois pour toutes et
abandonné à lui-même ; c’est un édifice vivant et mystique qui se renouvelle constamment, et qui a besoin
d’un fondement vivant et mystique. Par conséquent, « si tout cela avait été dit de la personne de Pierre,
comme le veulent les hérétiques, à la mort de Pierre l'Église se serait éteinte ; car la destruction du fondement
entraîne la destruction de la chose », Sylveira in h. l. Aussi, les évêques de l'univers catholique naguère
réunis en concile général au Palais du Vatican sous la présidence du glorieux et bien-aimé Pie IX, après avoir
solennellement affirmé la primauté de S. Pierre, que la promesse de Notre-Seigneur Jésus-Christ exprimait
en termes directs, Cf. la Constitution « Pastor aeternus », cap. 1, ont-ils justement déduit de cette même
promesse deux corollaires renfermés dans les décrets suivants : « Si donc quelqu'un dit que ce n'est pas par
l'institution du Christ ou de droit divin que le bienheureux Pierre a des successeurs dans sa primauté sur
l'Église universelle, ou que le Pontife romain n'est pas le successeur du bienheureux Pierre en cette primauté,
qu'il soit anathème ». - « Le Pontife romain, lorsqu'il parle ex cathedra, c'est-à-dire lorsque, remplissant sa
charge de pasteur et de docteur de tous les chrétiens, il définit, en vertu de sa suprême autorité apostolique,
qu'une doctrine sur la foi ou les mœurs doit être tenue par toute l'Église, jouit, par l'assistance divine à lui
promise en la personne de saint Pierre, de cette infaillibilité dont le divin Rédempteur a voulu que fût
pourvue son Église, lorsqu'elle définit la doctrine sur la foi et les mœurs. Par conséquent, ces définitions du
Pontife romain sont irréformables par elles-mêmes et non en vertu du consentement de l'Église », ibid. chap.
4. Nous renvoyons du reste pour les développements dogmatiques, qui concernent plutôt le théologien que
l’exégète, aux grands ouvrages théologiques, notamment au livre déjà cité du P. Passaglia, « Commentarius
de prærogativis B. Petri ». - Les peintres ont aussi commenté à leur manière la confession du prince des
Apôtres et les promesses que Jésus lui adressa en échange : le Guide, fra Angelico, Bellini, Nicolas Poussin,
le Pérugin, Raphaël ont laissé sur ce double fait des compositions pleines de grandeur.
Les mots lier et délier sont synonymes d’ouvrir et de fermer ; parce qu’anciennement on ouvrait les portes en déliant la barre, et on les fermait en la liant. Les clefs sont le symbole de la puissance.
Mais le collège ou corps épiscopal n’a d’autorité que si on l’entend comme uni au Pontife romain, successeur de Pierre, comme à son chef et sans préjudice pour le pouvoir du primat qui s’étend à tous, pasteurs et fidèles. En effet, le Pontife romain a sur l’Église, en vertu de sa charge de Vicaire du Christ et de Pasteur de toute l’Église, un pouvoir plénier, suprême et universel qu’il peut toujours exercer librement. L’ordre des évêques, qui succède au collège apostolique dans le magistère et le gouvernement pastoral, bien mieux dans lequel le corps apostolique se perpétue sans interruption constitue, lui aussi, en union avec le Pontife romain, son chef, et jamais en dehors de ce chef, le sujet du pouvoir suprême et plénier sur toute l’Église, pouvoir cependant qui ne peut s’exercer qu’avec le consentement du Pontife romain. Le Seigneur a fait du seul Simon la pierre de son Église, à lui seul il en a remis les clés (cf. Mt 16, 18-19) ; il l’a institué pasteur de tout son troupeau (cf. Jn 21, 15 s.), mais cette charge de lier et de délier qui a été donnée à Pierre (Mt 16, 19) a été aussi donnée, sans aucun doute, au collège des Apôtres unis à son chef (Mt 18, 18 ; 28, 16-20). Par sa composition multiple, ce collège exprime, par son rassemblement sous un seul chef, l’unité du troupeau du Christ. Dans ce collège, les évêques, fidèles à observer le primat et l’autorité de leur chef, jouissent pour le bien de leurs fidèles et même de toute l’Église, d’un pouvoir propre, l’Esprit Saint assurant par l’action continue de sa force, la structure et la concorde dans l’organisme. Le pouvoir suprême dont jouit ce collège à l’égard de l’Église universelle s’exerce solennellement dans le Concile œcuménique. Il n’y a point de Concile œcuménique s’il n’est pas comme tel confirmé ou tout au moins accepté par le successeur de Pierre : au Pontife romain appartient la prérogative de convoquer ces conciles, de les présider et de les confirmer [65]. Le pouvoir collégial peut être exercé en union avec le pape par les évêques résidant sur la surface de la terre, pourvu que le chef du collège les appelle à agir collégialement ou du moins qu’il donne à cette action commune des évêques dispersés son approbation ou sa libre acceptation pour en faire un véritable acte collégial.
Jésus a confié à Pierre une autorité spécifique : " Je te donnerai les clefs du Royaume des Cieux : quoi que tu lies sur la terre, ce sera tenu dans les cieux pour lié, et quoi que tu délies sur la terre, ce sera tenu dans les cieux pour délié " (Mt 16, 19). Le " pouvoir des clefs " désigne l’autorité pour gouverner la maison de Dieu, qui est l’Église. Jésus, " le Bon Pasteur " (Jn 10, 11) a confirmé cette charge après sa Résurrection : " Pais mes brebis " (Jn 21, 15-17). Le pouvoir de " lier et délier " signifie l’autorité pour absoudre les péchés, prononcer des jugements doctrinaux et prendre des décisions disciplinaires dans l’Église. Jésus a confié cette autorité à l’Église par le ministère des apôtres (cf. Mt 18, 18) et particulièrement de Pierre, le seul à qui il a confié explicitement les clefs du Royaume.
En donnant part aux apôtres de son propre pouvoir de pardonner les péchés, le Seigneur leur donne aussi l’autorité de réconcilier les pécheurs avec l’Église. Cette dimension ecclésiale de leur tâche s’exprime notamment dans la parole solennelle du Christ à Simon Pierre : " Je te donnerai les clefs du Royaume des cieux ; tout ce que tu lieras sur la terre sera lié aux cieux, et tout ce que tu délieras sur la terre sera délié aux cieux " (Mt 16, 19). " Cette même charge de lier et de délier qui a été donnée à Pierre a été aussi donnée au collège des apôtres unis à leur chef (Mt 18, 18 ; 28, 16-20) " (LG 22).
L'Evangile de Matthieu décrit et précise la mission pastorale de Pierre dans l'Eglise: « Tu es heureux, Simon fils de Jonas, car cette révélation t'est venue, non de la chair et du sang, mais de mon Père qui est dans les cieux. Eh bien! moi je te dis: tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Eglise, et les portes de l'enfer ne tiendront pas contre elle. Je te donnerai les clefs du Royaume des Cieux: ce que tu auras lié sur la terre sera lié dans les cieux, et ce que tu auras délié sur la terre sera délié dans les cieux » (16, 17-19). Luc fait ressortir que le Christ recommande à Pierre d'affermir ses frères, mais qu'il lui montre en même temps sa faiblesse humaine et son besoin de conversion (cf. Lc 22, 31-32). C'est comme si, à partir de la faiblesse humaine de Pierre, il devenait pleinement manifeste que son ministère spécifique dans l'Eglise est entièrement l'effet de la grâce; c'est comme si le Maître s'employait spécialement à sa conversion pour le préparer à la tâche qu'il s'apprête à lui confier dans son Eglise et comme s'il était très exigeant avec lui. Le rôle même de Pierre, toujours lié à l'affirmation réaliste de sa faiblesse, se retrouve dans le quatrième Evangile: « Simon, fils de Jean, m'aimes-tu plus que ceux-ci? ... Pais mes brebis » (cf. Jn 21, 15-19). Il est significatif encore que, selon la première Lettre de Paul aux Corinthiens, le Christ ressuscité apparaisse d'abord à Céphas puis aux Douze (cf. 15, 5).
Ici intervient la première réflexion suggérée par l'encyclique pour notre temps. Face à un conflit qui opposait les hommes entre eux, pour ainsi dire comme des « loups », jusque sur le plan de la subsistance matérielle des uns et de l'opulence des autres, le Pape ne craignait pas d'intervenir en vertu de sa « charge apostolique », c'est-à-dire de la mission qu'il a reçue de Jésus-Christ lui-même de « paître les agneaux et les brebis » (cf. Jn 21, 15-17), de « lier et délier sur la terre » pour le Royaume des cieux (cf. Mt 16, 19). Son intention était certainement de rétablir la paix, et le lecteur d'aujourd'hui ne peut que remarquer la sévère condamnation de la lutte des classes qu'il prononça sans appel. Mais il était bien conscient du fait que la paix s'édifie sur le fondement de la justice : l'encyclique avait précisément pour contenu essentiel de proclamer les conditions fondamentales de la justice dans la conjoncture économique et sociale de l'époque.