Matthieu 16, 23

Mais lui, se retournant, dit à Pierre : « Passe derrière moi, Satan ! Tu es pour moi une occasion de chute : tes pensées ne sont pas celles de Dieu, mais celles des hommes. »

Mais lui, se retournant, dit à Pierre : « Passe derrière moi, Satan ! Tu es pour moi une occasion de chute : tes pensées ne sont pas celles de Dieu, mais celles des hommes. »
Origène
Comme si le Sauveur avait besoin de cette disposition favorable à son égard. Jésus, tout en acceptant ce témoignage d'affection, lui reproche son ignorance. «Mais Jésus, se retournant, dit à Pierre Retirez-vous derrière moi, Satan».

Jésus ne faisais encore que découvrir à ses Apôtres le commencement de ces mystères, que déjà Pierre les regardait comme indignes du Fils du Dieu vivant, et comme s'il oubliait que le Fils du Dieu vivant ne peut faire aucune action qui mérite le blâme, il ose le reprendre de ce qu'il vient de dire: «Et Pierre, le prenant à part»,etc.

Jésus dit donc à Pierre: «Retirez-vous derrière moi», parce qu'il avait cessé, par son ignorance, de marcher à la suite du Christ. Il l'appelle Satan à cause de cette même ignorance qui l'a mis en opposition avec Dieu. Cependant, heureux celui vers lequel se tourne le Christ, quand même ce serait pour le réprimander ! Mais pourquoi dit-il à Pierre: «Vous m'êtes un sujet de scandale»,alors que nous lisons dans le Psaume 118: «Une paix abondante est le partage de ceux qui aiment votre loi, et il n'y a point de scandale pour eux» ( Ps 118 ). Nous répondons que Jésus n'est pas le seul qui ne puisse être scandalisé, mais encore tout homme qui a dans le coeur la charité parfaite; et cependant on peut être par ses actions ou par ses paroles un sujet de scandale pour cet homme, bien qu'il ne puisse en être victime. Ou bien on peut dire qu'il appelle un sujet de scandale pour lui, tout fidèle qui pèche; dans le sens de saint Paul, qui disait ( 2Co 11 ): «Qui est scandalisé sans que je sois brûlé de dou leur ?»
Saint Hilaire de Poitiers
Le Seigneur, qui connaît la nature des artifices du démon, dit à Pierre: «Retirez-vous derrière moi», c'est-à-dire suivez l'exemple de ma passion. Il se re tourne vers celui qui avait suggéré à Pierre les paroles qu'il venait de prononcer, et il ajoute: «Satan, vous m'êtes un sujet de scandale», car il n'est pas convenable de rapporter à Pierre ce nom de Satan, et de faire tomber sur lui ce reproche de scandale après les promesses magnifi ques de bonheur et de puissance qui lui ont été faites.
Saint Jean Chrysostome
Qu'y a-t-il de surprenant que Pierre soit dans ces dispositions, puisque ce mystère ne lui avait pas été révélé. Voulez-vous être convaincu que la profession de foi qu'il vient de faire à l'égard du Christ n'est pas le fruit de ses propres pensées? Voyez quel trouble lui inspire la perspective des choses qui ne lui ont pas été révélées. Il ne considère tout ce qui a rapport au Christ qu'à un point de vue tout terrestre et tout humain, et il lui semble que c'est une honte et une indignité pour le Sauveur d'être soumis aux souffrances et à la mort, et c'est pour cela que le Sauveur ajoute: «Vous ne goûtez pas les choses de Dieu, mais celles des hommes».
Saint Jérôme
Nous avons souvent rappelé que Pierre fait preuve d'une ardeur excessive et d'un amour extraordinaire pour le Sauveur. Or, comme il ne veut pas voir détruit l'effet de sa confession et de la récompense qu'il en a reçue du Sauveur, et qu'il ne croit point que le Fils de Dieu puisse être mis à mort, il le prend dans son affection et le conduit à l'écart pour ne point paraître blâmer son Maître en présence des autres disciples. Il commence donc à le reprendre par un sentiment d'amour, et à le contre dire en lui disant: «A Dieu ne plaise, Seigneur». Ou suivant le texte grec qui est préférable: «Soyez vous favorable, cela ne vous arrivera pas».

Pour moi, je ne verrai jamais une suggestion du démon dans l'erreur de l'Apôtre, erreur qui a pour cause un sentiment d'affection. Que le lecteur prudent veuille bien remarquer que cette béatitude et cette puissance ne lui sont pas données en ce moment, mais seulement promises pour l'avenir; car si Jésus lui eût accordé immédiatement cette faveur, jamais cette grossière erreur n'eût trouvé accès dans son esprit.

C'est-à-dire c'est la volonté de mon Père et la mienne, que je meure pour le salut des hommes. Pour vous, vous ne considérez que votre volonté, vous ne voulez pas que le grain de froment tombe dans la terre pour produire beaucoup de fruits ( Jn 12,24 ), et puisque votre langage est opposé à ma volonté, vous méritez d'être appelé mon ennemi. En effet, le mot Satan signifie adversaire ou ennemi. Ce n'est pas cependant, comme plusieurs le pensent, que Pierre soit frappé de la même condamnation que Satan. Jésus dit à Pierre: «Retirez-vous derrière moi, Satan»,c'est-à-dire: Suivez-moi, vous qui êtes opposé à ma vo lonté, Il dit au contraire à Satan: «Retire-toi, Satan»,sans qu'il ajoute: derrière, de manière que l'on puisse sous-entendre: va dans le feu éternel.
Saint Thomas d'Aquin
1865. MAIS LUI, SE RETOURNANT, DIT À PIERRE : «PASSE DERRIÈRE MOI, SATAN !» Ici est présentée la réponse [de Jésus]. Hilaire explique ce passage de la manière suivante : le Diable, voyant que [Jésus] lui-même avait annoncé sa passion et connaissant les témoignages des prophètes, incita Pierre à l’en dissuader. Le Seigneur, donc, voyant que [Pierre] ne parlait pas de sa propre initiative, le rabroua. C’est pourquoi il dit à Pierre : PASSE DERRIÈRE MOI !, de sorte qu’il y a là un point. Et il dit à Satan : SATAN, TU M’ES UN SCANDALE ! Jérôme dit qu’il ne croit pas que Pierre ait parlé sous l’initiative du Diable, mais par un sentiment de piété. Il a donc parlé par ignorance.

1866. [Le Seigneur] fait donc trois choses : premièrement, il avertit ; deuxièmement, il rabroue ; troisièmement, il en donne la raison.

1867. L’avertissement [est ainsi formulé] : PASSE, Pierre. C’est donc la même formule qui a été employée plus haut pour le Diable : PASSE DERRIÈRE MOI, SATAN ! Ou [encore] : PASSE DERRIÈRE MOI, suis-moi. Satan veut dire «adversaire». De sorte que celui qui s’oppose à une décision divine est appelé Satan. TU M’ES UN SCANDALE, c’est-à-dire : «Tu veux faire obstacle à ce que je veux.» Mais est-ce qu’il n’y a pas de scandale pour ceux qui aiment Dieu ? Origène dit qu’«il n’y a pas de scandale pour les parfaits». Ils ne sont donc pas scandalisés. Mais quelqu’un peut leur poser un obstacle. Pierre a donc été scandalisé, mais non pas le Christ. Ou encore, [autre interprétation] : il estime que le scandale de ses membres est le sien. C’est ainsi que Paul dit : Qui est scandalisé que je ne le sois ? [2 Co 11, 29]. Parce qu’il pourrait être un scandale pour d’autres, [le Seigneur] dit : TU M’ES UN SCANDALE, non pas à cause de moi, mais à cause de mes membres.

1868. Mais qu’est-ce que cela veut dire ? [Le Seigneur] avait dit plus haut : Tu es Pierre et sur cette pierre je bâtirai [mon Église] [Mt 16, 18]. Mais ici, il l’appelle Satan. Jérôme dit que [Pierre] n’avait pas encore ce que le Seigneur [lui] avait promis. Mais parce que, dans l’avenir, il l’eut, [le Seigneur] pouvait pour cette raison l’appeler Satan. Chrysostome dit que [le Seigneur] a voulu montrer ce que l’homme pouvait [faire] par lui-même, et ce qu’[il pouvait faire] par la grâce de Dieu, car, plus haut, [Pierre] reconnut la divinité du Christ par la grâce de Dieu, mais, là où Dieu lui a retiré sa grâce, son humanité et ses déficiences sont apparues, au point où [le Seigneur] l’appela Satan. Le Seigneur veut ainsi que certains hommes parfaits tombent afin qu’ils reconnaissent leur humanité. Et qu’il faille l’entendre ainsi s’accorde assez bien avec ce qui suit.

1869. [Le Seigneur] donne ainsi la cause : CAR TES PENSÉES NE SONT PAS CELLES DE DIEU, MAIS CELLES DES HOMMES ! Auparavant, [Pierre] avait dit : «Tu es le Fils de Dieu» : il pensait alors comme Dieu. Mais ici, il pense comme un homme. 1 Co 2, 14 : En effet, l’homme en tant qu’animal ne perçoit pas les réalités divines. Pr 13, 16 : Le sot étale sa folie. Pierre fuit la mort de la chair, mais l’Esprit de Dieu [ne le fait pas]. Ainsi, Jn 15, 13 : Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis.
Louis-Claude Fillion
Se retournant. « tournant le dos », dit Fritzsche : ce serait alors un geste qui exprimerait un mécontentement suprême et qui serait directement opposé à la protestation de S. Pierre. Selon d’autres, Jésus se serait simplement retourné vers Pierre et les autres disciples qui marchaient à sa suite ; Cf. Marc. 8, 33. - Va-t-en derrière moi, Satan. Quelles paroles, surtout si on les compare à celles que Jésus-Christ avait adressées à S. Pierre quelques instants auparavant ! Ce sont, après tout, celles-là même dont Jésus s’était servi pour congédier le démon à l’issue de la tentation ; Cf. 4, 10. Mais le chef des Apôtres ne se conduisait-il pas alors à l’égard de Jésus comme l’avait fait le tentateur ? C’est pourquoi Notre-Seigneur va jusqu’à lui donner le nom de Satan, c’est- à-dire de contradicteur. - Tu m'es un obstacle. Ces mots contiennent l’indication du motif pour lequel Jésus n’a pu conserver cette fois, extérieurement du moins, son égalité d’âme accoutumée : son disciple a essayé de le scandaliser, d’être pour lui une pierre d’achoppement sur le chemin du Golgotha, et le Sauveur, dans son amour pour ceux qu’il est venu racheter par la souffrance et par la croix, est extrêmement sensible sur ce point. - Tes pensées ne sont pas celles... Image délicate dans la Vulgate : Tu ne goûtes pas les choses du ciel, ou mieux encore : Les choses du ciel ne sont pas à ton goût. Le texte grec dit simplement « non cogitas » ; ton intelligence est fermée aux pensées divines, tu ne les comprends pas ; Cf. Rom. 8, 5. Pierre, en effet, a parlé comme un homme naturel, qui n’entend rien au plan de Dieu. Il redoute la souffrance et la mort, et ce n’est que par la mort et la souffrance que pourra s’opérer la Rédemption ! Voir de très beaux développements sur ce passage dans la 54 ème homélie de S. Jean Chrysostôme.
Fulcran Vigouroux
Retire-toi, etc. C’est comme si le Sauveur disait : Ma volonté et celle de mon Père est que je meure pour le salut des hommes, et tu veux m’empêcher de souffrir ; tu mérites donc d’être appelé Satan, c’est-à-dire adversaire, contradicteur.
Pape Saint Jean-Paul II
Il est important d'observer que la faiblesse de Pierre et de Paul montre que l'Eglise est fondée sur la puissance infinie de la grâce (cf. Mt 16, 17; 2 Co 12, 7-10). Pierre, aussitôt après son investiture, est réprimandé avec une rare sévérité par le Christ qui lui dit: « Tu me fais obstacle » (Mt 16, 23). Comment ne pas voir dans la miséricorde dont Pierre a besoin un lien avec le ministère de cette même miséricorde dont il fait le premier l'expérience? Malgré cela, il reniera Jésus trois fois. L'Evangile de Jean souligne aussi que Pierre reçoit la charge de paître le troupeau en réponse à une triple profession d'amour (cf. 21, 15-17) qui correspond à son triple reniement (cf. 13, 38). Pour sa part, Luc, dans la parole du Christ déjà citée que la première tradition retiendra pour définir la mission de Pierre, insiste sur le fait que ce dernier devra « affermir ses frères quand il sera revenu » (cf. Lc 22, 31).