Matthieu 16, 28
Amen, je vous le dis : parmi ceux qui sont ici, certains ne connaîtront pas la mort avant d’avoir vu le Fils de l’homme venir dans son Règne. »
Amen, je vous le dis : parmi ceux qui sont ici, certains ne connaîtront pas la mort avant d’avoir vu le Fils de l’homme venir dans son Règne. »
Je pense que c'est gagner le monde que de ne pas se renoncer soi-même, et de ne pas perdre son âme en la privant des plaisirs de la chair, et on perd alors véritablement son âme. Aussi entre ces deux partis qui nous sont proposés, ne devons-nous pas hésiter à perdre plutôt le monde entier pour gagner nos âmes.
C'est-à-dire: Maintenant le Fils de l'homme est venu sur la terre, mais ce n'est pas dans la gloire; car il ne convenait pas qu'il se chargeât de nos pé chés, étant environné d'honneur et de gloire. Mais alors il viendra dans toute sa gloire, lorsqu'il aura préparé ses disciples, et après qu'il s'est fait semblable à eux, pour les rendre semblables à lui, c'est-à-dire participants de sa propre gloire.
Dans le sens moral, on peut dire que le Verbe de Dieu a pour ceux qui sont nouveaux dans la foi l'apparence d'un esclave, tandis que pour ceux qui sont parfaits, il paraît dans la gloire de son Père. Les anges sont les discours des prophètes qu'il est impossible de compren dre dans le sens spirituel avant d'avoir l'intelligence spirituelle du Verbe du Christ, de manière qu'on les voit apparaître en même temps dans la majesté. C'est alors qu'il donnera de la gloire à chacun suivant ses actes, car plus on est vertueux, plus aussi on a l'intelligence spirituelle de Jésus-Christ et de ses prophètes. Ceux qui se tiennent où est Jésus sont ceux qui ont jeté près de lui les fondements de leur âme et de leurs affections. Ceux qui sont plus solidement assis ne goûtent pas la mort avant qu'ils aient vu le Verbe de Dieu dans son règne. Ils verront la gran deur sublime de Dieu qui reste invisible pour ceux qui sont enveloppés dans les épais nuages de leurs péchés, ce sont ces derniers qui goûtent la mort; car l'âme pécheresse est frappée de mort. De même, en effet, que le Christ est la vie et le pain vivant qui est descendu du ciel, ainsi son ennemi, c'est-à-dire la mort, est le pain de mort. Il en est qui mangent très peu de ces pains, qui ne l'ont que les goûter; d'autres au contraire, s'en nourrissent abondamment. Ceux qui ne commettent que des fautes rares et peu nombreuses, ne font que goûter la mort; ceux, au contraire, qui pratiquent dans leur perfection les vertus spirituelles, ne goûtent pas la mort, mais se nourrissent continuellement du pain de vie. Ces paroles: «Jusqu'à ce qu'ils voient, ne précisent pas l'époque après laquelle doit arriver ce qui n'avait pas encore reçu son accomplis sement; elles expriment simplement une chose qui se fera nécessairement. Celui, en effet, qui aura une fois vu Jésus dans sa gloire, ne goûtera jamais la mort.
Notre-Seigneur s'exprime de la sorte, pour rappeler aux pécheurs les supplices qui les attendent, et aussi aux justes les récompenses et les couronnes qui leur sont réservées.
Il veut leur apprendre quelle était cette gloire dans laquelle il doit venir plus tard, et il la leur révèle en cette vie, autant qu'ils en étaient capables, afin que la pensée de sa mort ne fût pas pour eux un sujet de tristesse.
Il ne leur fait pas connaître les noms de ceux qui doivent le suivre sur la montagne, car les autres auraient vivement désiré l'accompagner pour être té moins de cette manifestation de sa gloire, et auraient souffert de la préférence donnée sur eux aux autres disciples.
Notre-Seigneur avait dit: «Celui qui veut sauver, perdra; et celui qui perdra, sauvera», mettant ainsi des deux côtés le salut et la perdition; mais afin qu'on ne puisse supposer que le salut et la perdition sont les mêmes dans les deux cas, il ajoute: «Et que servirait-il à l'homme de gagner le monde entier, et de perdre son âme». C'est-à-dire: Ne m'alléguez pas que celui qui a échappé aux dangers qui le menacent pour la cause du Christ, sauve son âme, mettez même avec son âme l'univers tout entier, que lui en reviendra-t-il si son âme vient à périr pour l'éternité? Si vos serviteurs étaient dans la joie, sous vos yeux, tandis que vous, au contraire, vous seriez plongé dans des maux extrêmes, quel avantage vous re viendrait-il d'être leur maître? Appliquez cette considération à votre âme, puisqu'elle est des tinée avec la chair coupable à une perte éternelle.
Au premier abord, il semble que l'homme pourrait donner, en échange de son âme, ses richesses en les distribuant aux pauvres pour la sauver; mais l'homme n'a rien qu'il puisse donner en échange pour délivrer son âme de la mort. Dieu, au contraire, a donné comme prix d'échange pour les âmes des hommes, le sang précieux de son Fils.
Mais quand bien même vous régneriez sur l'univers entier, vous ne pour riez pas racheter votre âme, et c'est pour cela que le Sauveur ajoute «Et qu'est-ce que l'homme donnera en échange de son âme ?» c'est-à-dire si vous perdiez vos richesses, vous pourriez donner d'autres richesses pour rentrer en possession des premières; mais si vous per dez votre âme, vous ne pouvez donner ni une autre âme, ni quoi que ce soit pour la racheter. Qu'y a-t-il d'étonnant qu'il eu soit ainsi pour votre âme? Est-ce qu'il n'en est pas de même pour votre corps? Car vous auriez beau placer dix mille diadèmes sur un corps atteint d'une maladie incurable, ils seraient impuissants pour le guérit.
Il ne dit pas: Le Fils de l'homme viendra dans une gloire semblable à celle de son Père, pour ne pas laisser supposer que ce sont deux gloires différentes, mais: «Dans la gloire du Père», montrant ainsi qu'il s'agit absolument de la même gloire. Or, si la gloire est une, il est évident qu'il n'y a également qu'une substance. Que craignez-vous donc, Pierre, en entendant parler de mort? Vous me verrez alors dans la gloire; et si je suis dans la gloire, vous y serez aussi vous-même. Mais cependant à ces prédictions de gloire il entremêle une pensée effrayante, c'est celle du jugement. «Et alors il rendra à chacun selon ses oeuvres».
Il n'y a point de distinction entre les Juifs et les Gentils, entre les hommes et les femmes, entre les pauvres et les riches, là où l'on tient compte non des personnes, mais des oeuvres.
L'exhortation qu'il vient de faire à ses disciples de se renoncer eux-mêmes, et de porter leur croix, les a remplis d'effroi. A cette doctrine sévère il fait donc succéder des prédictions plus agréables: «Le Fils de l'homme viendra, dit-il, dans la gloire de son Père avec ses anges», etc. Vous craignez la mort? écoutez quelle sera la gloire du triomphateur; vous redoutez la croix? entendez quel sera le ministère des anges.
Les Apôtres pouvaient se scandaliser intérieurement de ces paroles et se dire en eux-mêmes: Vous nous annoncez une mort éternelle dans un avenir prochain, mais la promesse que vous nous faites de venir dans votre gloire, ne doit s'accomplir que dans des temps bien éloignés. Celui qui pénètre les secrets des coeurs, prévoyant cette objection, oppose à la crainte des maux présents la perspective d'une récompense prochaine: «Je vous le dis en vérité, il y en a de ceux qui sont ici présents, qui n'éprouveront pas la mort avant qu'ils aient vu le Fils de l'homme venant en son règne».
Cette prédiction du Sauveur eut son accomplisse ment pour les trois disciples, devant lesquels il fut transfiguré sut la montagne où il leur décou vrit les joies des récompenses éternelles. Ils le virent venant dans son règne, c'est-à-dire res plendissant de cette gloire dans laquelle, après le jugement, il apparaîtra aux yeux de tous les saints.
Ou bien encore, il appelle le royaume de Dieu l'Église actuelle; et comme plusieurs de ses disciples devaient vivre assez longtemps pour voir établie cette Église que Dieu opposait à la gloire du monde, il leur fait cette promesse conso lante: «Plusieurs de ceux qui sont ici présents», etc.
Ou bien encore, on peut établir de la sorte la liaison dans le discours du Sauveur. La sainte Église traverse des temps de paix et des temps de persécution, et pour ces temps si divers, le Rédempteur nous donne des préceptes différents. Dans les temps der persécution, nous devons sacrifier notre vie, et dans les temps de paix, dompter et réduire les désirs terrestres qui peuvent nous tyranniser davan tage; c'est pour cela qu'il dit: «Que sert à l'homme ?» etc.
Au témoignage du Sauveur, les saints ne font que goûter et comme effleurer la mort du corps; mais la vie de l'âme demeure toujours en leur possession.
1881. Ensuite, [le Seigneur] répond à une objection tacite : EN VÉRITÉ, JE VOUS LE DIS, comme s’il disait : «Je vous ai dit que le Fils de l’homme viendrait, etc. Mais ne vous étonnez pas.» Pourquoi ? «Je veux vous montrer qu’IL Y EN A D’ICI PRÉSENTS QUI NE GOÛTERONT PAS LA MORT.» Les pécheurs seront absorbés par la mort, mais les justes goûtent la mort. Ces derniers sont Pierre, Jean et Jacques. AVANT D’AVOIR VU LE FILS DE L’HOMME VENANT DANS SON ROYAUME : cela fut le signe de la gloire future. Il ne les nomma pas à cause de l’envie des autres : [ceux-ci] auraient pu être envieux, car [il sera donné] davantage à ceux-là qu’à eux. [Il ne les nomma pas non plus] pour éviter d’être talonné, car ils l’auraient talonné s’il ne leur avait rien montré.
On peut interpréter cela d’une autre façon en disant que le royaume de Dieu est l’Église. C’est pourquoi il y en aura qui ne goûteront pas la mort, comme Jean, AVANT D’AVOIR VU LE FILS DE L’HOMME VENANT DANS SON ROYAUME, c’est-à-dire avant que l’Église ne se soit élargie, car il a vécu si longtemps qu’il a vu l’Église s’élargir et plusieurs églises se construire.
On peut interpréter cela d’une autre façon en disant que le royaume de Dieu est l’Église. C’est pourquoi il y en aura qui ne goûteront pas la mort, comme Jean, AVANT D’AVOIR VU LE FILS DE L’HOMME VENANT DANS SON ROYAUME, c’est-à-dire avant que l’Église ne se soit élargie, car il a vécu si longtemps qu’il a vu l’Église s’élargir et plusieurs églises se construire.
Passage bien difficile, si l’on en juge par la divergence qui règne parmi les exégètes. Deux points nous
paraissent toutefois hors de conteste. Le premier, c’est qu’il s’agit ici d’un jugement solennel qui sera porté
par le Fils de l’Homme ; cela ressort clairement des derniers mots du verset. Le second, c’est que ce
jugement diffère des grandes assises qui auront lieu à la fin du monde, puisque plusieurs des auditeurs
actuels de Jésus doivent en être témoins. Ces deux principes nous aideront à apprécier les interprétations
discordantes des commentateurs. - En vérité. Notre-Seigneur Jésus-Christ vient d’annoncer son avènement
futur en qualité de Juge souverain des vivants et des morts. Il confirme cette nouvelle par sa formule
accoutumée de serment, ajoutant que le Fils de l’homme apparaîtrait plus tôt que son auditoire ne le pensait
peut-être. - Quelques-uns de ceux. Ces mots doivent être pris à la lettre ; ils désignent plusieurs de ceux qui
entouraient alors le divin Maître et nous avons vu (note du v. 24) que l’assistance était formée en partie par
les Apôtres, en partie par la foule. - Ne goûteront pas la mort. « Goûter la mort », cela signifie simplement
« mourir ». C’est une figure fréquemment employée par les Syriens, les Arabes et dans le langage
rabbinique, Cf. Buxtorf, Lexic. talm. p. 895) : la mort y est présentée sous la forme d’un breuvage amer dans
lequel chacun doit tremper ses lèvres. - Avant d'avoir vu. Cela encore doit se prendre à la lettre : avant de
mourir, quelques-unes des personnes qui recueillaient alors avidement les paroles de Jésus-Christ devaient
être témoins oculaires du grave événement auquel il faisait allusion. Mais quel est cet événement ? C’est ce
qui nous reste maintenant à déterminer. S. Matthieu le décrit d’une manière plus complète que les deux
autres synoptiques : S. Luc, en effet, se contente de l’appeler « le règne de Dieu », 9, 29 ; S. Marc, 8, 39, est
un peu plus explicite, car il dit que ce sera « le royaume de Dieu venant avec force ». Le premier Évangéliste
affirme que le Fils de l’Homme viendra lui-même : Le Fils de l'homme venant en son règne. L'ablatif, qui
existe dans le texte grec tout aussi bien que dans la Vulgate et qui a un cachet assez extraordinaire, a été certainement employé à dessein au lieu de l’accusatif. Il signifie que, lors de la manifestation prédite en ce
moment, Jésus-Christ ne viendra pas « dans son royaume » d’une manière proprement dite, comme à la fin
des temps, mais « avec son royaume », c’est-à-dire avec une puissance royale, dont les effets feront dire à
tous ceux qui les contempleront : Voilà l’œuvre du Roi-Messie ! Par conséquent, nous ne croyons pas qu’il
faille entendre ce passage d’une apparition personnelle de Jésus, quelle qu’elle soit. Nous l’appliquerons,
avec la plupart des exégètes modernes, à un avènement mystique du Sauveur, à un jugement historique opéré
visiblement par lui, mais sans sa présence extérieure et visible. Or, parmi les actes judiciaires accomplis par
Notre-Seigneur, nul ne nous paraît mieux convenir que le grand et terrible fait de la ruine du peuple juif et de
Jérusalem, sa capitale. Jésus s’y manifesta comme un juge sévère, inaugurant ainsi la série des décrets
redoutables lancés depuis sa Résurrection jusqu’au jugement général et dernier. D’un autre côté, la
destruction de Jérusalem n’était séparée que par quarante années environ de la prédiction du Sauveur, de
sorte que plusieurs membres de l’auditoire purent facilement en être témoins. Telle est l’opinion de Grotius,
de Wettstein, d’Ewald, de Beelen, de Reischl, de Schegg, etc. D’autres auteurs préfèrent rattacher la
promesse de Notre-Seigneur à la descente du Saint-Esprit sur les Apôtres, à la diffusion victorieuse de
l’Évangile par toute la terre, à la fin du monde, à la Résurrection de Jésus lui-même, ou encore à sa
Transfiguration, (nous devons dire que ce dernier sentiment a été communément adopté par les Pères et par
les exégètes du moyen-âge) : mais il est aisé de voir que ces interprétations diverses viennent toutes se
heurter contre l’une ou l’autre des deux règles que nous avons fixées plus haut, d’après les expressions
mêmes du Sauveur. Dans plusieurs d’entre elles il n’est nullement question d’une manifestation de
Jésus-Christ en tant que Juge ; d’autres ne sauraient s’accorder avec les mots « quelques-uns de ceux qui sont
ici présents ne goûteront pas la mort ». Quant à la dernière, malgré la grave autorité de ses anciens
défenseurs, nous nous permettrons de faire observer qu’elle prêterait à Notre-Seigneur une singulière
assertion. Qu’aurait-il promis aux auditeurs assez nombreux dont il était alors entouré ? Que plusieurs
d’entre eux ne mourraient pas dans le courant de la semaine suivante et qu’il leur serait donné de contempler
un de ses glorieux mystères. Il nous semble difficile que Jésus ait pu s’exprimer ainsi à propos d’un
événement si prochain.
Plusieurs Pères de l’Eglise croient que le Sauveur veut parler de sa transfiguration, rapportée dans le chapitre suivant ; l’expression quelques-uns de ceux qui sont ici donne à ce sentiment une probabilité. ― Néanmoins, à cause des nombreux passages parallèles, dans lesquels le texte ne peut s’entendre de la Transfiguration, comme le verset précédent (27) ou en Matthieu, 24, 30 et Luc, 21, 27, on peut donner avec d’autres interprètes l’explication suivante. Il faut d’abord faire remarquer que cette annonce est confirmée par les quatre évangélistes et la comparaison des textes permet d’éclaircir le sens. Au lieu de : Venant dans son royaume, saint Marc, 8, 39, dit : « Le Royaume de Dieu venant dans sa puissance ». Dans saint Matthieu, 10, 23, le Christ leur dit : « Vous n’aurez pas fini d’évangéliser toutes les villes d’Israël jusqu’à ce que vienne le Fils de l’homme. » Dans saint Jean, 21, 22, le Christ dit : « Je veux qu’il [saint Jean] demeure [vivant] jusqu’à ce que je vienne. » Saint Luc écrit pareillement : « Quelques-uns sont ici qui ne goûteront point la mort qu’ils n’aient vu le royaume de Dieu » (voir Luc, 9, 27). Si Jésus annonce que l’évangélisation de toutes les villes d’Israël ne sera pas achevée (voir Matthieu, 10, 23), alors que pourtant viendra le Fils de l’homme « dans sa Puissance », ce royaume annoncé ne pouvait être le règne de Dieu dans les âmes (à peine commencé), comme le pense J.-H. MICHON. Qu’est-ce alors ? CRAMPON pense à la ruine de Jérusalem en l’an 70 et à l’établissement du christianisme tout en indiquant qu’il ne s’agit là que du premier acte, de la figure, de ce qui doit s’accomplir complètement à la fin des temps. « Pendant tout le premier siècle, il y eut au sein de l’Eglise cette croyance que Jésus allait paraître dans le monde, pour y établir son règne dorénavant triomphant et glorieux. » (MICHON) Mais pourquoi n’est-il pas arrivé au temps annoncé ? Nous en donnons une explication en Jean, note 21.22.