Matthieu 17, 1

Six jours après, Jésus prend avec lui Pierre, Jacques et Jean son frère, et il les emmène à l’écart, sur une haute montagne.

Six jours après, Jésus prend avec lui Pierre, Jacques et Jean son frère, et il les emmène à l’écart, sur une haute montagne.
Saint Thomas d'Aquin
1882. Dans la section précédente, [Matthieu] montre la puissance de l’enseignement évangélique, etc. Ici, la fin est montrée : la gloire future. À ce propos, il montre deux choses : premièrement, il fait voir comment elle a été démontrée dans la transfiguration ; deuxièmement, comment on peut y parvenir, au chapitre 18, 1 : À CE MOMENT, etc.

1883. À propos du premier point, il fait deux choses. Premièrement, la gloire future est démontrée ; deuxièmement, il [leur] ordonne de garder le silence ; troisièmement, il présente un doute. Le second point [se trouve] en cet endroit : COMME ILS DESCENDAIENT DE LA MONTAGNE, etc. [17, 9] ; le troisième, en cet endroit : ET LES DISCIPLES LUI POSÈRENT CETTE QUESTION, etc. [17, 10].

1884. À propos du premier point, [il fait] trois choses. Premièrement, les circonstances de la transfiguration sont présentées ; deuxièmement, la transfiguration ; troisièmement, l’effet. Le second point [se trouve] en cet endroit : ET IL FUT TRANSFIGURÉ DEVANT EUX [17, 2] ; le troisième, en cet endroit : À CETTE VOIX, LES DISCIPLES TOMBÈRENT SUR LEURS FACES [17, 6].

1885. [Matthieu] présente trois circonstances, à savoir, le temps, les disciples [concernés] et le lieu. Il présente le temps lorsqu’il dit : SIX JOURS APRÈS. Mais ici se pose une question à propos du texte : pourquoi, aussitôt après avoir dit : IL Y EN A ICI PRÉSENTS, etc., n’a-t-il pas été transfiguré ? Chrysostome donne la solution. Premièrement, [c’était] pour enflammer le désir des apôtres ; deuxièmement, afin de minimiser l’envie des autres, car peut-être furent-ils troublés après cette parole. Mais pourquoi lit-on ici : SIX JOURS APRÈS, et lit-on en Luc : Huit jours après ? Il est clair que Luc compte le jour où [le Seigneur] a parlé et le jour de la transfiguration, mais Matthieu, seulement les jours intermédiaires. De sorte que, si l’on enlève le premier et le dernier [jour], il ne reste que six jours. Par les six jours sont signifiés les six âges, après lesquels nous espérons parvenir à la gloire future. De même, [le Seigneur] a-t-il accompli ses œuvres en six jours. C’est pourquoi le Seigneur veut-il se montrer après six jours, car si nous ne sommes pas élevés vers Dieu par-delà les créatures, que le Seigneur a créées en six jours, nous ne pouvons pas parvenir au royaume de Dieu.

1886. [JÉSUS] PRIT AVEC LUI PIERRE, JACQUES ET JEAN. Pourquoi pas tous ? Afin de montrer que ce ne sont pas tous ceux qui sont appelés qui atteindront le terme. C’est pourquoi [il dit] plus loin, 20, 16 : Beaucoup sont appelés, mais peu sont élus. Et pourquoi seulement trois ? Afin d’indiquer que personne n’atteindra le terme si ce n’est par la foi en la Trinité. Mc 16, 16 : Celui qui aura cru et aura été baptisé, celui-là sera sauvé. Mais pourquoi ceux-ci plutôt que d’autres ? La raison en est que Pierre était plus fervent. Jean [fut choisi] parce qu’il était aimé d’une manière spéciale. De même Jacques, parce qu’il était le principal combattant contre les adversaires de la foi. C’est pourquoi Hérode le tua en premier, parce qu’il croyait faire quelque chose d’important pour les Juifs, comme [on lit] dans Ac 12, 2 : Il tua Jacques, etc., puis vient ensuite : Car il lui semblait que cela plairait aux Juifs, etc.

1887. ET IL LES AMENA À L’ÉCART SUR UNE HAUTE MONTAGNE, etc. Pourquoi SUR UNE MONTAGNE ? Afin d’indiquer que seul celui qui gravit la montagne est amené à contempler, comme en Gn 19, 17, au sujet de Lot : Qu’il te sauve sur la montagne. Et [Matthieu] dit : HAUTE, en raison de l’élévation de la contemplation. Is 2, 2 : Il s’élèvera au-dessus des collines, et tous les païens viendront à lui, et les peuples viendront et diront : «Venez, gravissons la montagne du Seigneur.» Car, cette élévation de la gloire dépassera toute élévation de la science et de la vertu. De même, À L’ÉCART, parce qu’ils se séparèrent des méchants, plus loin, 25, 32 : Ils les sépareront, comme on sépare les agneaux des boucs.
Louis-Claude Fillion
Six jours après. Cette date, qui est fixée de la même manière par S. Marc, 9, 1, a pour point de départ la confession de S. Pierre et la promesse de la Primauté. S. Luc, il est vrai, parle de huit jours environ, 8, 28 ; mais il a dû comprendre dans son calcul le jour de la confession du Prince des Apôtres et celui de la Transfiguration, tandis que les deux premiers Évangélistes n’ont supputé que les journées intermédiaires. Au surplus, le troisième synoptique montre, par l’emploi de la particule environ qu’il ne se pique pas, dans cette circonstance, d’une rigoureuse exactitude. Entre les deux événements, il s’écoula donc environ une semaine. Ce temps dût être triste et pénible pour les Apôtres, à cause des sombres pensées que les dernières paroles du Sauveur avaient agitées dans leur esprit. Mais le divin Maître tenait en réserve pour les principaux d’entre eux un sabbat plein de douceur, un jour plein de bienheureux repos. - Jésus prit avec lui... Après la date de ce mystère, l’Évangéliste en mentionne les témoins, qui furent S. Pierre et les deux fils de Zébédée. Ces trois Apôtres avaient été choisis une première fois pour assister, à l’exclusion des neuf autres, à la résurrection de la fille de Jaïre, Cf. Marc. v, 37 : nous les retrouverons plus tard tout auprès de Jésus lorsqu’aura lieu la lutte terrible de Gethsémani. C’étaient les amis de cœur, les disciples privilégiés : c’est pourquoi ils avaient le bonheur d’être présents aux scènes les plus intimes de la vie de Notre-Seigneur. « Pourquoi ne prend-il que ces trois apôtres, dit S. Jean Chrysostôme, Hom. 56 in Matth., sinon parce qu’ils étaient plus parfaits que les autres ? saint Pierre, parce qu’il aimait plus Jésus-Christ ; saint Jean, parce qu’il en était plus aimé, et saint Jacques à cause de cette réponse qu’il fit avec son frère : « Nous pouvons boire votre calice », et il ne s’en tint pas aux paroles, mais il alla jusqu’aux effets ». Jésus ne voulut pas emmener avec lui tous les Apôtres parce qu’il désirait que le secret fût gardé pendant un certain temps sur sa Transfiguration. Convenait-il que Judas, dont la haine pour son Maître était déjà très accentuée, Cf. Joan. 6, 65-72, fût témoin d’un pareil mystère ? - À l'écart sur une haute montagne. « La Transfiguration semblait exiger une montagne sublime ; le choix du lieu devait correspondre à la gloire dans laquelle le Christ allait apparaître », Witsius, De glorific. Jesu in Monte. Il est digne de remarque que la plupart des événements extraordinaires de la vie du Sauveur ont eu des montagnes pour théâtre, par exemple ses prières, plusieurs de ses miracles, sa Passion et sa Mort, son Ascension, etc. Le rôle religieux des montagnes dans l’Ancien Testament et dans les cultes païens a été aussi très considérable. Il y a là un symbolisme naturel facile à découvrir, puisque tous les peuples anciens l’ont saisi. Cf. Baur, Mythologie Th. 1, p. 169. - Il est assez difficile de préciser au juste la montagne sur laquelle se passa le mystère de la Transfiguration. Une ancienne tradition, qui remonte au moins jusqu’au premier tiers du quatrième siècle, confère cet honneur au Thabor, dont le nom, dans le langage mystique, est devenu synonyme de gloire et de triomphe. C’est un dôme isolé, aux formes extrêmement gracieuses, que les voyageurs vantent tous à l’envi, situé à l’extrémité N.-E. de la plaine d’Esdrelon, à deux heures environ de Nazareth, verdoyant de la base au sommet, haut d’environ 1750 pieds, et surpassant d’une manière notable toutes les hauteurs environnantes ; Cf. Gratz, Théâtre des événements racontés dans les divines Écrit. 1, p. 244. A sa cime existe un plateau arrondi que recouvrent des ruines considérables, entre autres celles de plusieurs Églises bâties en souvenir de la Transfiguration. S. Cyrille de Jérusalem est, parmi les Pères, le plus ancien témoin de la tradition que nous signalions plus haut ; Cf. Catech. 12, c. 16 ; S. Jérôme la proclame hautement à son tour dans plusieurs de ses écrits. « Elle montait sur le mont Thabor, sur lequel le Seigneur fut transfiguré », dit-il de l'illustre Ste Paule, Epitaph. Paulae, Ep. 86 ; Cf. Ep. 44 ad Marcell. ; et de même tous les pieux pèlerins qui, depuis cette époque reculée jusqu'au dernier siècle, ont consigné dans de touchants récits la croyance de leur temps sur ce point. Qu'il suffise de mentionner, avant les croisades, Antonin-le-Martyr (fin du sixième siècle), Arculfe (vers 696), S. Williblad (en 765), Seovulf (vers 1103). Mais, à part des exceptions bien rares, les géographes et les exégètes de notre siècle enlèvent d’un commun accord au Thabor sa gloire traditionnelle, pour la conférer à quelque autre montagne située à l’Orient du Jourdain et beaucoup plus au Nord. Ils agissent ainsi pour de graves raisons : 1° Nous savons par des témoignages anciens et irrécusables qu’à l’époque de Notre-Seigneur Jésus-Christ le sommet du Thabor était surmonté d’une place forte et entouré de retranchements considérables, dont les fondements sont encore visibles ; Cf. Polybius, 5, 70, 6 ; Joseph. Ant. 14, 6, 3 ; Bell. Jud. 1, 8, 7 : ce n’est donc pas là que le divin Maître dût aller chercher la retraite qu’il souhaitait. 2° Bien que le Thabor soit plus élevé que les sommets voisins, il ne mérite guère l’épithète haute que lui donne ici l’Évangéliste. Peut-on désigner par ce mot, la haute montagne par excellence, un mont que l’on peut gravir en une heure ? 3° Les notions géographiques éparses dans cette partie du premier Évangile et dans les passages parallèles de S. Marc et de S. Luc, supposent assez clairement que Jésus était alors bien loin de la Galilée et du Thabor. Au moment de la confession de S. Pierre, 16,13, le divin Maître était auprès de Césarée de Philippe, tout à fait au N. de la Palestine, et vers la rive gauche du Jourdain. Presque aussitôt après la Transfiguration, 17, 21 ; Cf. Marc. 9, 29, les écrivains sacrés signalent son retour en Galilée ; mais, dans l’intervalle, ils ne mentionnent absolument aucun voyage. N’ont-ils pas suffisamment indiqué par là que c’est en dehors de la Galilée que Jésus-Christ fut transfiguré ? Les six jours qui s’écoulèrent entre la Promesse de la Primauté et la Transfiguration suffirent largement, il est vrai, pour aller de l’ancienne Panéas au Thabor, puisqu’on peut opérer le trajet en trois journées seulement ; mais il est difficile de croire qu’un voyage si considérable ait eu lieu sans que les Évangélistes l’aient noté, surtout à une période où ils se montrent si fidèles à relever les moindres points dignes d’intérêt. Ces divers motifs ne peuvent-ils pas contrebalancer une tradition, sérieuse sans doute, mais qui demeure complètement muette avant l’an 400 ? Nous n’hésitons pas à nous prononcer pour l’affirmative avec la plupart des auteurs contemporains : la première et la troisième raison surtout nous paraissent irréfutables. Voir l’exposé complet de la thèse dans Robinson, Palæstina, 3, p. 462 et suiv. ; le Dr Sepp et M. Gratz maintiennent l’opinion traditionnelle, quoique sans approfondir la question. Mais quelle sera la montagne de la Transfiguration, si le Thabor perd ainsi tous ses droits ? Le choix ne saurait être malaisé maintenant, malgré le silence des Évangiles. Si le glorieux épisode que nous étudions se passa aux environs de Césarée, de l’autre côté du Jourdain, il n’y a là qu’une seule montagne vraiment digne de ce nom, le Djébel esch-Schèdh des Arabes, ou le grand Hermon des Saints Livres, gigantesque avant-coureur de l’Anti-Liban, haut d’environ 9050 pieds et assis sur une base immense ; Cf. Bædeker, Palestine and Syria, p. 453 et ss. C’est donc son sommet principal, ou du moins l’une de ses cimes secondaires, qui aurait servi de théâtre à la Transfiguration de Jésus. Nul autre endroit de la Palestine ne pouvait mieux convenir pour une pareille scène que cette montagne perdue entre le ciel et la terre. Là, Notre-Seigneur pouvait trouver sans peine, après une ascension de quelques heures, le lieu calme et solitaire qu’il désirait ; Cf. Ritter, 15, p. 394 ; Stanley, Sinaï and Palestine, p. 399 ; Schegg. Gedenkbuch einer Pilgerreise, 2, p. 139 ; Lichtenstein, Leben Jesu, p. 369, etc. De Wette se décide en faveur du mont Panius situé tout auprès de Césarée ; mais cette opinion est peu vraisemblable.
Fulcran Vigouroux
Sur une haute montagne. On croit communément que c’est le Thabor dans la Galilée. ― C’est l’opinion qui a été soutenue par Eusèbe et saint Jérôme. Elle est néanmoins aujourd’hui très contestée, parce que le Sauveur était précédemment fort loin du Thabor, à Césarée de Philippe (voir Matthieu, 16, 13) et qu’après la transfiguration, les Evangélistes parlent de son retour en Galilée (voir Matthieu, 17, 21 ; Marc, 9, 29), sans mentionner aucun voyage dans l’intervalle. On pense donc que la montagne de la Transfiguration était située plus au nord, et à l’est du Jourdain, mais sans pouvoir la déterminer d’une manière précise.