Matthieu 17, 24

Comme ils arrivaient à Capharnaüm, ceux qui perçoivent la redevance des deux drachmes pour le Temple vinrent trouver Pierre et lui dirent : « Votre maître paye bien les deux drachmes, n’est-ce pas ? »

Comme ils arrivaient à Capharnaüm, ceux qui perçoivent la redevance des deux drachmes pour le Temple vinrent trouver Pierre et lui dirent : « Votre maître paye bien les deux drachmes, n’est-ce pas ? »
Saint Thomas d'Aquin
1936. COMME IL ÉTAIT VENU À CAPHARNAÜM. Une fois atteinte la tranquillité de la gloire, [Matthieu] présente l’acquittement du tribut. Is 14, 4 : Il a acquitté le tribut. Jb 3, 19 : Le serviteur est libéré par son maître. [Matthieu] fait donc trois choses. Premièrement, il présente l’exigence du tribut ; deuxièmement, la liberté des fils ; troisièmement, l’acquittement du tribut.

1937. [Matthieu] dit : COMME IL ÉTAIT VENU, etc. On appelle didrachme le double drachme. Ainsi, chaque Juif devait chaque année un double drachme. Mais d’où venait ce tribut ? Certains disent [qu’il venait] de la loi, Ex 13, car, parce que le Seigneur avait tué les premiers-nés des Égyptiens, il décida que tous les premiers-nés lui appartenaient et que les fils seraient rachetés. Par la suite, il ordonna qu’ils soient élevés pour assurer le service comme lévites. Puis, il ordonna que soient comptés les lévites. Et on découvrit qu’il y avait plus de premiers-nés que de lévites. Il ordonna donc que, pour leur rachat, un prix soit acquitté.

Jérôme dit que cela ne vient pas de la loi de Dieu, mais de l’empereur : depuis quelque temps, la Judée était tributaire des Romains, de sorte qu’elle acquittait une capitation. Et cela semble plus vrai, car il est dit plus loin : De qui les rois de la terre reçoivent-ils le tribut ? [Mt 17, 25]. [Matthieu] parle donc du tribut impérial. Mais pourquoi à Capharnaüm ? Parce que [le tribut] était perçu de chacun dans sa propre ville, mais que Capharnaüm était une ville principale de la Galilée. Mais parce qu’ils avaient du respect pour le Christ, [les collecteurs] ne s’approchent donc pas de lui, mais de Pierre, et ils ne lui posèrent la question qu’avec douceur : VOTRE MAÎTRE NE PAIE-T-IL PAS LE DIDRACHME ?
Louis-Claude Fillion
Matthieu nous a seul conservé le souvenir de ce miracle qui rentrait du reste tout particulièrement dans son plan, car il contient une preuve très forte du caractère messianique de Jésus-Christ. Il n’offrait au contraire qu’un intérêt secondaire pour les lecteurs du second et du troisième Évangile. - Lorsqu'ils furent venus à Capharnaüm. Jésus et les Apôtres arrivent à Capharnaüm : c’était peu de temps avant la fête des Tabernacles, qui allait les appeler à Jérusalem ; Joan. 7, 2 et ss. Cf. notre Harmonie évangélique. - Ceux qui recevaient les didrachmes... Ce dernier mot est au pluriel neutre, de même que dans le texte grec. Il désigne une monnaie d’argent qui avait, comme le montre l’étymologie, la valeur de deux drachmes attiques, c’est-à-dire d’environ deux francs. Cf. Anth. Rich. Dictionn. des antiquités rom. et grecq. p. 229, 240. Il s’agit évidemment ici d’un impôt à payer par Notre-Seigneur Jésus-Christ : tout le contexte le prouve. Mais était-ce un impôt civil dû à l’empire romain, comme le denier qui servira bientôt à tenter le Sauveur, Cf. 22, 19, ou un impôt théocratique et religieux, destiné à subvenir à l’entretien du culte juif ? C’est ce que nous avons tout d’abord à déterminer ; faute de cette précaution, nous nous exposerions à ne pas comprendre la signification du miracle et la haute conséquence dogmatique qu’il renferme. Plusieurs anciens écrivains ecclésiastiques, entre autres Clément d’Alexandrie, Origène, S. Augustin, S. Jérôme, Sédulius, et à leur suite divers commentateurs modernes (Maldonat, Corn. de Lapierre, Wieseler, etc.), ont vu dans ce didrachme le paiement d’un tribut ordinaire et civil. D’autres Pères (S. Hilaire, S. Ambroise, Théophylacte, Théodoret) et la plupart des exégètes contemporains pensent au contraire que le tribut réclamé du Sauveur était essentiellement religieux et sacré. Entre ces deux opinions, le choix est à peine permis de nos jours, la question ayant été pleinement élucidée : en effet, toutes les circonstances du récit démontrent que l’impôt demandé n’était point politique, mais national et théocratique. Ceux qui le prélèvent ne portent pas le nom de publicains ; ce sont des employés spéciaux qui ne ressemblent en rien aux terribles collecteurs dont nous avons autrefois tracé le portrait. L’argumentation de Jésus perd toute sa force, et même sa justesse, dans le premier sentiment : elle devient au contraire irrésistible d’après le second. Enfin, le tribut sacré des Juifs consistait précisément en une double drachme. C’était une taxe très ancienne, imposée autrefois par Dieu lui-même à tous les Israélites âgés de de vingt ans, pour subvenir aux frais du culte. Cf. Ex. 30, 13. Elle avait été fixée à un demi-sicle en monnaie juive, mais les monnaies grecques et romaines ayant en grande partie supplanté celle des Juifs depuis la conquête de la Palestine, on avait remplacé, dans le langage courant, le nom du demi-sicle par celui de son équivalent, le didrachme. Quand le temple eut pris la place du tabernacle, cet impôt continua d’être payé, Cf. 2 Paral. 24, 6 ; mais il semble n’être devenu bien régulier qu’après le retour de la captivité. Cf. 2 Esdr. 10, 33. A l’époque de Notre-Seigneur, il était certainement annuel, comme nous l’apprennent les deux grands écrivains juifs, Josèphe, loc. cit. Cf. 18, 19, 1 et Philon de Monarch. 2, 3. D’après ce dernier, les Juifs dispersés à travers toutes les provinces de l’empire romain étaient eux-mêmes très exacts à le faire porter à Jérusalem par des délégués spéciaux, détail confirmé par Cicéron dans son discours « pro Flacco » : « C'était la coutume de transporter tous les ans de l'Italie, et de toutes les provinces, à Jérusalem, de l'or amassé par les Juifs; un édit de Flaccus défendit cette exportation aux Asiatiques », et c'était là un chef d'accusation très grave contre le client de Tullius. Après la ruine du temple et la conquête de l’État juif, Vespasien adjugea le demi-sicle ou didrachme au Capitole romain. Cf. Jos. Bell. Jud. 7, 6, 6. - De Pierre... Pourquoi les agents du temple ne s’adressent-ils pas directement à Jésus ? Sans doute par suite du respect que leur inspirait sa personne. Mais ils connaissent le pêcheur Pierre, établi depuis si longtemps à Capharnaüm, et c’est à lui qu’ils rappellent la dette de son Maître. On devait payer le didrachme au mois de Adar, le dernier de l’année religieuse des Juifs. - Votre Maître ne paye-t-il pas... ? La demande est polie et délicate : ce n’est pas avec de pareils ménagements qu’auraient procédé les publicains sans retenue. Du reste, le traité du Talmud, parlant des procédés employés pour faire rentrer cet impôt, affirme qu’ils étaient toujours doux et convenables : « En tout lieu avec douceur ils sollicitaient un demi sicle ». Malgré le tour négatif que les collecteurs donnent à leur question, ils attendent une réponse affirmative, ainsi qu’il arrive dans de nombreuses phrases grecques du même genre. C’est comme s’ils eussent dit : Votre Maître paie sans doute l’impôt ?
Fulcran Vigouroux
Le didrachme ou double drachme valait environ quatre-vingt-un centimes. ― « Ce didrachme était la contribution d’un demi-sicle, ou de deux drachmes, que les familles juives étaient habituées à payer pour l’entretien du Temple. Vespasien le fit percevoir plus tard pour le Capitole. Les collecteurs s’adressent à saint Pierre, soit par respect pour le Sauveur, soit pour engager le disciple à s’acquitter à la place du maître. La réponse du Sauveur suppose clairement sa divinité. Pour ne pas scandaliser ceux qui l’ignorent, il consent à payer ; mais fait observer qu’il n’est pas soumis à l’impôt, et il révèle par un miracle cet acte de condescendance. Le statère avait la valeur d’un tétradrachme, trois francs environ, et par conséquent suffisait pour deux personnes. » (BACUEZ.)