Matthieu 17, 27

Mais, pour ne pas scandaliser les gens, va donc jusqu’à la mer, jette l’hameçon, et saisis le premier poisson qui mordra ; ouvre-lui la bouche, et tu y trouveras une pièce de quatre drachmes. Prends-la, tu la donneras pour moi et pour toi. »

Mais, pour ne pas scandaliser les gens, va donc jusqu’à la mer, jette l’hameçon, et saisis le premier poisson qui mordra ; ouvre-lui la bouche, et tu y trouveras une pièce de quatre drachmes. Prends-la, tu la donneras pour moi et pour toi. »
Saint Thomas d'Aquin
1942. CEPENDANT, POUR NE PAS LES SCANDALISER, etc. Il est vrai que le Seigneur est libre, mais parce qu’il a pris la forme du serviteur, comme on le lit en Ph 2, [7], [le Seigneur] ne refusa pas l’acquittement, et, en cela, il donna un exemple d’humilité. Dans cette conclusion, trois choses sont dignes d’éloge et d’admiration. Premièrement, sa douceur, car il est doux, comme il l’atteste lui-même plus haut, 11, 29 : Apprenez de moi que je suis doux et humble de cœur. Celui-là est dit doux à juste titre qui ne veut offenser personne. 1 Co 10, 32 : N’offensez ni les Juifs, ni les païens, ni l’Église de Dieu. Mais on objecte à cela qu’on lit plus haut, 15, 12, que les disciples ont dit : Seigneur, tu sais que les Juifs sont scandalisés par cette parole ? Et le Seigneur dit : Laissez-les, ils sont des aveugles et des guides d’aveugles. Il ne s’occupa pas alors du scandale, mais ici il s’en occupe. Il faut donc dire que parfois le scandale vient de la vérité, et il ne faut pas alors s’en occuper ; parfois, de la faiblesse ou de l’ignorance, et de celui-là il faut s’occuper. En effet, s’il ne s’était pas lui-même acquitté [du tribut], leur scandale serait venu de l’ignorance, car ils ne connaissaient pas Dieu.

1943. De même, il faut admirer la pauvreté du Christ, car il était si pauvre qu’il n’avait pas de quoi acquitter. 2 Co 8, 9 : Alors qu’il était riche, il s’est fait pauvre, afin que vous soyez riches de sa pauvreté. Quelqu’un pourrait objecter : «N’avait-il pas une cassette ?» Cela est vrai, mais tout avait été donné au service des pauvres. On estimait que c’était voler que de détourner vers un autre usage ce qui était pour l’usage des pauvres. Chrysostome dit qu’il acquitta afin de montrer, d’une part, sa puissance en acquittant le tribut et, d’autre part, un mystère.

1944. VA À LA MER, JETTE L’HAMEÇON, SAISIS LE PREMIER POISSON QUI MONTERA, PRENDS-LE ET OUVRE-LUI LA BOUCHE : TU Y TROUVERAS UN STATÈRE. Sur ce statère, il y avait l’image de César, et elle signifiait le Diable qui ne pouvait rien contre lui. Jn 14, 30 : Le prince de ce monde approche et il ne peut rien contre moi. Ainsi, parce qu’il ne possédait rien en propre, il ne voulut pas s’acquitter à même ce qui lui appartenait. [Cela montre aussi] sa providence. Il dit donc que nous devons admirer comment il pouvait savoir ce qui arrivait aussitôt au poisson qui avait un statère dans la bouche. S’il n’y en avait pas eu mais qu’il l’avait créé de rien, il faudrait admirer ; mais s’il conduisit [le poisson] à l’hameçon, cela fut le fait d’une grande providence. Par ce premier poisson qui s’approcha de l’hameçon, et qui avait dans la bouche un statère qui valait un didrachme, et un double [didrachme], on entend le premier martyr, le bienheureux Étienne, et [le double didrachme] signifie Étienne lui-même, qui vit la divinité et l’humanité [du Christ]. Ou bien, on peut entendre Adam. Il faut aussi remarquer que, si quelqu’un parle souvent de richesse et d’argent, il a un statère dans la bouche. De sorte que celui qui convertit une telle personne prend un poisson qui a un statère dans la bouche. Cela signifie aussi l’humilité.

1945. C’est pourquoi PRENDS-LE ET DONNE-LE LEUR, POUR MOI ET POUR TOI. Et par le fait que le tribut acquitté valait pour Pierre et pour lui-même, il est signifié que, par la passion du Christ, il s’est acquis la gloire de la résurrection. Ph 2, 9 : Pour cette raison, Dieu l’a exalté. Pierre et les autres ont été rachetés de la peine et de la faute. Ou bien, autre [interprétation] : il a souffert pour lui-même afin d’obtenir la gloire de la résurrection ; pour le peuple, afin de le laver de ses péchés. En effet, il nous a lavés de nos péchés dans son sang [Ap 1, 5].
Louis-Claude Fillion
Pour que nous ne les scandalisions pas. Placé au-dessus de la loi par sa nature divine, Notre-Seigneur daigne pourtant se mettre sous la loi commune par condescendance et par amour. Pierre avait maladroitement engagé la parole du Maître, et il était désormais difficile de retirer la promesse qu’il avait faite, sans causer dans la ville un véritable scandale. On aurait pu mal interpréter le refus du Sauveur, y voir une marque de mépris pour le temple et pour le culte divin ; car on ne connaissait qu’imparfaitement les relations étroites qui l’unissaient à Dieu. « Les personnes qui s'occupent des affaires de ce monde se sentent facilement agressées par les saints lorsque de l'argent est en jeu » dit Bengel avec sa finesse ordinaire, Gnomon in h. l. - Va à la mer : Capharnaüm étant sur le bord du lac de Tibériade, Simon n’avait que quelques pas à faire pour obéir au précepte de Jésus. - Tire le premier poisson, le premier qui mordra à l’hameçon, le premier qui sera pris. Ce poisson miraculeux a sa légende. « Une idée populaire attribue les taches noires qu’on voit sur les épaules de la merluche à l’impression qu’y laissèrent le pouce et l’index de S. Pierre, quand le prince des Apôtres les serra pour extraire le didrachme que ce poisson avait à la bouche... La dorade, qu’on appelle le poisson de S. Pierre dans plusieurs contrées de l’Europe, dispute à la merluche l’honneur de porter les marques des doigts apostoliques comme un mémorial perpétuel du prodige », Moule, Heraldry of fish. - Tu trouveras un statère : c'était une pièce d’argent de la valeur du sicle juif ; il équivalait donc à deux didrachmes ou à quatre drachmes attiques, Cf. v. 24, et suffisait par conséquent pour payer l’impôt de deux personnes. De là ces autres paroles de Jésus : - Et donne-le-leur pour moi et pour toi. L’expression est à remarquer. Le Sauveur ne dit point pour nous, parce que ce n’est pas au même titre que Lui et son disciple livreront la taxe du temple. Il a bien soin de séparer sa personne de celle de Pierre. Tu paieras pour moi, bien que je sois exempt, pour toi, puisque tu tombes sous la loi. - L’ordre est donné, mais, chose remarquable, l’évangéliste n’en raconte pas l’exécution, bien qu’elle ait évidemment suivi de près le dialogue que nous venons de lire. Pierre sortit donc, jeta sa ligne dans le lac et en retira un poisson qui avait un statère à la bouche, puis il paya l’impôt avec cette pièce de monnaie. Un vrai miracle avait eu lieu, miracle qui était un effet soit de la toute-puissance de Notre-Seigneur, soit de sa science divine. Rien n’est plus simple que ce prodige, et pourtant il est peu d’actions de Jésus qui aient subi autant d’attaques de la part des rationalistes. Il était inutile, nous dit-on, et par là-même indigne de Jésus, qui ne faisait jamais de miracle pour son propre intérêt. De plus, il était impossible ; car quel est le poisson de taille médiocre qui puisse à la fois tenir un statère à la bouche et mordre néanmoins à l’hameçon. C’est donc un mythe, une simple anecdote de pêcheurs introduite dans l’Évangile, ou encore un fait naturel embelli. Par exemple, le Sauveur voulait dire à Pierre : « Tu prendras un poisson que tu pourras vendre pour un statère », Koecher, Analecta, in h. l. ; comparer Paulus qui développe longuement cette absurdité. Mais de pareilles interprétations sont, comme le dit justement Meyer, de vrais prodiges exégétiques, plus extraordinaires que le miracle qu’elles cherchent à renverser. Aussi les laisserons-nous de côté (Cf. Dehaut, l’Évangile expliqué, t. 3, p. 110), pour nous borner à répondre à l’objection tirée de l’inutilité prétendue de ce fait miraculeux. Assurément, Notre-Seigneur aurait pu se procurer d’une autre manière la somme dont il avait besoin, il est possible même qu’elle fût alors contenue dans la bourse commune que portait Judas. Mais la leçon qu’il voulait donner à S. Pierre et aux autres Apôtres exigeait un miracle. On avait en pratique oublié sa dignité ; par suite d’une parole inconsidérée de l’un des siens, il se voyait obligé de payer un tribut dont il était totalement exempt ; ne fallait-il pas qu’il maintînt ses droits lésés et sa dignité un instant méconnue ? C’est ce qu’il fait d’abord de vive voix. Mais, cela pouvant ne pas suffire pour certains, il ajoute au raisonnement des paroles l’argumentation encore plus éloquente des faits. S’il consent à payer le tribut, ce sera d’une façon merveilleuse, par laquelle il sera clairement démontré qu’il est vraiment le Fils de Dieu. « Il paya donc l'impôt, mais tiré de la bouche d'un poisson, pour que soit reconnue sa majesté », Clarius in h. l. ; Cf. Orig. Comm in h. l. - Ce prodige a fourni au Titien et à Maraccio le sujet de peintures remarquables.
Fulcran Vigouroux
Le statère valait quatre drachmes.