Matthieu 17, 3

Voici que leur apparurent Moïse et Élie, qui s’entretenaient avec lui.

Voici que leur apparurent Moïse et Élie, qui s’entretenaient avec lui.
Saint Thomas d'Aquin
1895. ET VOICI QUE LEUR APPARURENT MOÏSE ET ÉLIE. Et pourquoi apparurent-ils ? Chrysostome en donne les raisons. Première raison : afin d’affermir la foi des disciples. Plus haut, [le Seigneur] avait demandé : Au dire des gens, qui est le fils de l’homme, etc. ? Et ils répondirent : Certains [disent] que c’est Élie, etc. [16, 13s]. Afin de leur démontrer qu’il était différent, il voulut donc faire venir [Moïse et Élie]. Ps 85[86], 8 : Il n’y en a pas de semblable parmi les dieux, Seigneur, etc. Deuxième raison : pour réfuter les Juifs. En effet, ils disaient que [Jésus] transgressait la loi ; ils disaient aussi qu’il était un blasphémateur, comme on le lit en Jn 10, 33 : Nous ne te lapidons pas pour une bonne œuvre, mais pour un blasphème. Puis donc qu’Élie était plus saint que tous les prophètes et que Moïse était le législateur, il montra devant Moïse et Élie qu’il ne s’opposait pas à Dieu et qu’il ne transgressait pas la loi. Troisième raison : pour montrer qu’il était le juge des vivants et des morts, car Élie était vivant et Moïse était mort. Quatrième raison : pour rassurer Pierre, car Pierre avait rabroué le Seigneur au sujet de sa mort ; il montra donc qu’il ne faut pas rabrouer ceux qui s’exposent à la mort en faisant appel [à Moïse et à Élie], car Élie s’était exposé à la mort devant Jézabel et Moïse s’y était aussi exposé pour la loi. Cinquième raison : il y avait deux choses que [le Seigneur] voulait montrer par [Moïse et Élie], à savoir, la mansuétude qu’il manifesta dans Moïse et l’exemple de zèle qu’il montra dans Élie, dont il est dit : Élie se leva comme le feu et sa parole brûlait comme une torche [Si 48, 1]. Une sixième raison est donnée par la Glose : «Toute la loi ainsi que le témoignage des prophètes ont parlé du Christ.» Ainsi, Lc 24, 44 : Tout ce qui est dit de moi dans la loi et les prophètes doit s’accomplir.

1896. Mais il y a une question. Il n’est pas étonnant qu’Élie ait été là, puisqu’il est vivant ; mais on se demande comment Moïse y était. Certains ont dit qu’un ange y était à sa place. Mais cela ne vaut rien, car Moïse y fut par son âme seulement. Mais comment l’a-t-on vu ? Il faut dire que ce fut de la même manière que sont vus les anges.
Louis-Claude Fillion
Et voici... Trois fois de suite, Cf. v. 5, l’interjection « Voici » introduira des particularités surprenantes d’un fait où tout est merveilleux. Ici, nous voyons apparaître de nouveaux témoins de la Transfiguration, témoins mystérieux, envoyés par le Père céleste, de même que Pierre, Jacques et Jean avaient été amenés par Jésus. - Apparurent. S. Jérôme a lu « apparut », de même que plusieurs manuscrits latins : le verbe est en effet au singulier dans le texte grec. Ce fut une apparition réelle, objective, non pas une simple vision des Apôtres, comme le prétendent plusieurs interprètes à la suite de Tertullien. « Il était conforme à la raison que, puisque le Christ se montrait dans une gloire non feinte ni imitée, mais véritable et nette, les témoins ne devaient pas être faux ou emportés par l'imagination, mais véridiques », Maldonat. Cf. S. Luc. 9, 30 et s. ; 2 Petr. 1, 16-18. - Moïse et Élie. Ainsi que les Pères l’ont fréquemment attesté, Moïse et Élie venaient, comme les deux principaux représentants de l’ancienne Alliance, rendre hommage au fondateur de la nouvelle : Moïse au nom de la Loi, Élie au nom des Prophètes ; Moïse qui avait été le médiateur de la théocratie juive, Élie qui avait contribué plus que tout autre à sa restauration et à son rétablissement durant des jours mauvais. « L'Évangile est appuyé sur le témoignage de la loi et des prophètes. Voilà pourquoi, lorsque le Seigneur voulut montrer sa gloire sur la montagne, il était debout entre Moïse et Élie. Au milieu d'eux il recevait tous les honneurs ; à ses côtés la loi et les prophètes lui rendaient témoignage », S. Aug. Sermon 252. Ainsi donc, suivant une pensée très juste de M. de Pressensé, « tandis que le faux Judaïsme repousse le Messie, le véritable, dans ses plus authentiques représentants, le reconnaît et l’adore. L’ancienne Alliance et la Nouvelle se rejoignent sur le mont glorieux comme la justice et l’amour s’uniront bientôt sur une autre colline qui est déjà à l’horizon de Jésus », Jésus-Christ, son temps, etc. p. 483. - Mais, s’est-on demandé, comment les trois Apôtres surent-ils que c’étaient Moïse et Élie qui s’entretenaient alors avec Jésus ? Ils le connurent ou par quelque signe extérieur qui les caractérisait, ou par l’objet même de l’entretien dont ils entendirent des fragments, ou par une communication subséquente de Jésus, ou, ce qui est plus probable, par une révélation immédiate : Leurs yeux ne les connaissaient pas, ils les reconnurent par la lumière du cœur dit fort bien Sédulius, Carm. Pasch. 286. - Les anciens exégètes se sont vivement inquiétés du mode d’apparition de Moïse, pour lequel il existait en effet une difficulté spéciale, puisqu’il ne lui a pas été donné, comme à Élie, de vivre en chair et en os jusqu’à ce jour. Mais c’est là une question plus curieuse qu’utile, à laquelle il suffit de répondre par le mot de S. Thomas : « Moïse fut là en âme seulement. Mais de quelle manière fut-il vu ? Il faut dire : comme les Anges sont vus ». - S'entretenant avec lui. S. Luc nous fera connaître dans sa généralité le sujet de cette conversation mystique : « Ils parlaient de son départ qui allait s’accomplir à Jérusalem », Luc. 9, 31. C’est de la Passion que l’on parle en un tel moment ! A l’acte même de la glorification passagère du Sauveur s’unit l’indication détaillée des nombreuses souffrances par lesquelles il doit mériter pour sa sainte humanité une gloire sans interruption et sans fin.