Matthieu 2, 1

Jésus était né à Bethléem en Judée, au temps du roi Hérode le Grand. Or, voici que des mages venus d’Orient arrivèrent à Jérusalem

Jésus était né à Bethléem en Judée, au temps du roi Hérode le Grand. Or, voici que des mages venus d’Orient arrivèrent à Jérusalem
Saint Thomas d'Aquin
166. À propos du premier point, quatre aspects sont abordés : la naissance, le nom de celui qui est né, le lieu et le temps.

167. Le premier point [est abordé] en cet endroit : LORSQUE FUT NÉ. Et il faut remarquer que Luc décrit la naissance de manière plus détaillée, alors qu’en sens inverse, Matthieu décrit plus en détail que Luc l’adoration des mages. Le nom est abordé en cet endroit : JÉSUS [2, 1]. Le lieu, en cet endroit : À BETHLÉEM DE JUDA, et non de Judée, car on appelle Judée toute la région [où habitait] le peuple d’Israël, mais Juda était la terre qui était revenue en partage à Juda. Il est précisé : BETHLÉEM DE JUDA, pour la différencier d’une autre Bethléem, qui se trouve dans la tribu de Juda, dont il est question en Jos 9, 10. Il faut remarquer que ces trois mots : LORSQUE JÉSUS FUT NÉ À BETHLÉEM DE JUDA AU TEMPS DU ROI HÉRODE, sont utilisés de manière appropriée. En effet, Bethléem signifie l’Église, dans laquelle est né Jésus, qui est le pain véritable dont parle Jn 4, 51 : Je suis le pain de vie descendu du ciel. À personne donc n’est donné le salut, si ce n’est dans la maison du Seigneur. Là le sauveur, le Christ, est né, Is 60, 18 : Le salut résidera entre tes murs, et la louange à tes portes, etc.

168. Et [Matthieu] ajoute : LE ROI, pour le différencier d’un autre Hérode. En effet, celui-ci, [Hérode] d’Ascalon, est celui sous lequel le Christ est né ; mais l’autre, qui tua Jean, était le fils de cet Hérode, et il n’était pas roi.

169. Mais on se demande pourquoi l’Écriture fait mention de cette époque. Et il faut dire que c’est pour trois raisons. Premièrement, afin de montrer qu’était accomplie la prophétie de Jacob, dernier chapitre de Gn 49, 10 : Le sceptre ne sera pas enlevé à Juda, et un chef sortira de sa cuisse ; jusqu’à ce qu’apparaisse celui qui doit venir, il sera l’espérance des nations. En effet, Hérode fut le premier étranger à régner en Judée. La deuxième raison est qu’une maladie plus grave requiert un médecin plus grand et meilleur. Or, le peuple d’Israël était alors dans la plus grande affliction sous une domination étrangère, et ainsi il avait besoin du plus grand consolateur. Dans ses autres afflictions, des prophètes lui avaient été envoyés, mais maintenant, en raison de l’ampleur de l’affliction, le Seigneur des prophètes lui était envoyé, Ps 93[94], 19 : Dans la multitude de mes peines, les consolations que tu as données à mon cœur ont réjoui mon âme.

170. Ensuite, les témoins sont présentés, en cet endroit : VOICI QUE DES MAGES. Et ils sont décrits de trois manières : par leur profession, par leur région et par le lieu où ils ont porté témoignage.

171. Sur le premier point, [Matthieu] dit : VOICI QUE DES MAGES, qui, selon la manière commune de parler, sont appelés des magiciens. Mais la langue perse appelle «mages» les philosophes et les sages. Ceux-ci vinrent donc à Jésus, parce qu’ils reconnurent dans le Christ la gloire de la sagesse qu’ils possédaient. Et ils sont les prémices des nations, parce qu’ils ont été les premiers à venir vers le Christ. Selon Augustin, s’est accompli dans leur venue ce que dit Is 8, 4 : Avant que l’enfant ne sache dire père et mère, la puissance de Damas et les dépouilles de Samarie seront enlevées devant le roi des Assyriens, etc.. En effet, avant que le Christ ne parlât, il a arraché la puissance de Damas ainsi que les richesses et les offrandes de Samarie, c’est-à-dire l’idolâtrie. Car ceux-là ont repoussé l’idolâtrie et ont offert des dons. De plus, il faut noter que certains qui sont issus des Juifs sont venus au Christ, à savoir, les bergers ; certains, des nations, à savoir, les mages. En effet, le Christ est la pierre angulaire qui a réuni les deux [Ep 2, 20 ; 1 P 2, 6]. Et pourquoi des mages et des bergers ? Parce que les bergers étaient plus ingénus, et les autres, davantage pécheurs, afin de montrer que le Christ les a accueillis tous les deux. Quel était le nombre de ces mages, l’évangéliste ne le dit pas. Mais, selon les offrandes, il semble qu’ils aient été au nombre de trois, bien que beaucoup d’autres aient été représentés par eux, Is 60, 3 : Les nations marcheront dans la lumière.

172. À propos du second point, à savoir, la région, [Matthieu] dit : D’ORIENT. Et il faut remarquer que certains disent que l’Orient signifie les confins de l’Orient. Mais alors, comment seraient-il venus en si peu de jours ? Comme certains le disent, on répond qu’ils sont venus miraculeusement ; d’autres, qu’ils avaient des dromadaires. Toutefois, Chrysostome dit que l’étoile leur était apparue deux ans avant la naissance, et qu’ainsi ils s’étaient préparés et sont venus à Jérusalem en deux ans et treize jours. Mais on peut l’expliquer autrement en disant que D’ORIENT signifie une région qui était proche de Jérusalem, du côté de l’Orient : on dit en effet que ceux-ci étaient de la secte de Balaam, qui dit en Nb 24, 17 : Une étoile se lèvera de Jacob. Ce Balaam demeurait près de la terre promise, du côté de l’Orient.

173. Suit à propos du lieu : ILS VINRENT À JÉRUSALEM. Mais pourquoi sont-ils venus à Jérusalem ? La raison est double. L’une est que c’était la cité royale. Ainsi, ils cherchaient le roi des Juifs dans une cité royale. De plus, cela s’accomplit par une disposition divine, afin que soit d’abord rendu témoignage au Christ à Jérusalem, pour que s’accomplît la prophétie, Is 2, 3 : De Sion sortira la loi, et la parole du Seigneur de Jérusalem.
Louis-Claude Fillion
La particule donc rattache l’histoire de la visite des Mages aux faits qui précèdent. – S. Matthieu s’occupe en général fort peu des détails topographiques ou chronologiques : jusqu’ici, sa narration est restée dans le vague sous le rapport du temps et du lieu ; il ne nous a pas même fait connaître l’endroit où habitaient Marie et Joseph au moment de leur chaste mariage, il s’est borné à relater les faits. Mais la nature des événements qu’il doit maintenant raconter l’oblige à signaler le lieu et la date de la naissance du Christ. 1° Le lieu : à Bethléem de Juda. On lisait autrefois « Judée », mais S. Jérôme prétendit que « Juda » était préférable « Il y a ici une erreur de la part des copistes ; car nous croyons que l'évangéliste dans sa première édition a écrit, comme nous le lisons dans l'hébreu original : Judah et non pas Judea », Comm. In h. l. Sa correction passa de bonne heure dans toutes les éditions latines. Au fond, la différence est très légère, car Bethléem était situé tout à la fois dans la tribu de Juda et sur le territoire de la province de Judée. L’ancienne division du pays en douze tribus n’existant plus à l’époque de Jésus-Christ, il est possible, quoi que dise S. Jérôme, que la dénomination ait été modifiée et qu’on ait cité la province d’alors au lieu de la tribu qui avait disparu. On avait ajouté Juda ou Judée au nom de Bethléem pour distinguer la cité de David, comme l’appelle S. Luc, 2, 4,11, d’un autre Bethléem bâti en Galilée, dans la tribu de Zabulon, non loin du lac de Tibériade, Cf. Jud., 17, 7. Primitivement appelée Ephrata, la fertile, Gen., 35, 16, elle devint, assez longtemps après l’occupation de la Palestine par les Hébreux, “la maison du pain”, Beth-lechem ; les Arabes la nomment aujourd’hui Beit-lahm, maison de la viande. Dieu n’a pas permis qu’elle eût jamais de grands avantages temporels ; elle a toujours été une petite ville, Cf. Mich., v 2, sans importance commerciale ni stratégique, promptement dépassée par ses deux rivales du Nord et du Sud, Jérusalem et Hébron. Mais, en revanche, quelle gloire ne lui confère pas la double naissance de David et du Messie ! Avait-elle donc besoin d’autres prérogatives ? Elle s’élève au Sud et à six milles romains (environ 2 lieues) de Jérusalem, sur une colline de calcaire jurassique. Sa forme actuelle est celle d’un triangle irrégulier au Sud duquel s’élève la célèbre basilique de Sainte-Hélène, sorte d’église fortifiée, bâtie sur l’emplacement de la grotte de la Nativité (comparez l’explication de Luc, 2, 7), et entourée des couvents latin, grec et arménien. La population de Bethléem est d’environ 3000 habitants qui sont tous chrétiens. Tout autour de la ville s’étendent des jardins en terrasses, parfaitement cultivés, et ombragés par de longues lignes d’oliviers, de vignes et de figuiers. S. Luc nous dira, 2, 1 et 2, pourquoi Joseph et Marie se trouvent en ce moment à Bethléem. Ils n’y sont point venus d’eux-mêmes, et en quelque sorte pour accomplir l’oracle de Michée ; une volonté supérieure les y a conduits, se servant pour cela de moyens tout humains. – 2° Aux jours. Après nous avoir fait connaître le lieu de la naissance du Christ, l’évangéliste indique la date de ce grand événement : dans les jours du roi Hérode”, c’est-à-dire, si nous traduisons cette formule hébraïque en langage vulgaire : “ sous le gouvernement d’Hérode”. Date bien vague en elle-même, puisque Hérode régna en Judée de 714 à 750 U. C.; mais nous avons essayé plus haut (Introd. gén.) de la préciser, en établissant que Jésus-Christ naquit peu de mois avant la mort d’Hérode, probablement le 25 décembre 749, 4 années avant le début de l’ère dite chrétienne. – Du roi Hérode ; Hérode-le-Grand. L’histoire et le caractère de ce prince sont parfaitement connus, grâce aux historiens juifs et romains. Fils d’Antipater, qui avait exercé les fonctions de “procurator” en Idumée et en Judée, il fut lui-même nommé par les Romains tétrarque de cette dernière province. Bientôt, à la demande du triumvir Antoine, son puissant protecteur, le sénat changea ce titre en celui de roi et agrandit ensuite considérablement le territoire soumis à sa juridiction. Mais Hérode fut obligé, avec le secours de ses bienfaiteurs, de faire littéralement la conquête de son royaume et de sa capitale, dont Antigone, l’un des derniers rejetons de la race illustre des Machabées, s’était récemment emparé. Ce n’est qu’en 717 qu’il put s’installer à Jérusalem après l’avoir prise d’assaut et avoir versé des flots de sang. Il était Iduméen de naissance : le sceptre avait donc quitté Juda, quand ce descendant d’Esaü prit possession du trône de David, Cf. Gen. 49, 10, signe évident que le Messie était proche. Son règne fut pacifique à partir de ce moment, très-brillant au dehors et illustré par de splendides constructions dans tout le pays et une grande richesse matérielle ; mais, au-dedans, c’était la corruption et la décadence, la civilisation grecque prenant la place des mœurs judaïques. La théocratie marcha rapidement vers sa fin sous ce prince à demi païen. Le caractère d’Hérode est un des types les plus fameux de l’ambition, de la ruse et de la cruauté : les événements que va raconter S. Matthieu nous fourniront amplement l’occasion de le démontrer. – Rappelons, avant d’aller plus loin, qu’il est parlé de quatre Hérode dans le Nouveau Testament. Ce sont : Hérode-le-Grand ; 2. son fils Hérode Antipas, qui fit décapiter S. Jean-Baptiste, Matth., 14, 1 et suiv., et qui insulta Notre-Seigneur Jésus-Christ dans la matinée du Vendredi-Saint, Luc, 23, 7, 11 ; 3. son petit-fils Hérode Agrippa 1, fils d’Aristobule ; c’est lui qui devint le meurtrier de S. Jacques et qui périt misérablement, sous le coup des vengeances du ciel, Act. 12. 4. son arrière-petit-fils, Hérode Agrippa 2, fils d’Agrippa 1er, devant lequel S. Paul, prisonnier du procureur Festus à Césarée, se défendit admirablement des accusations lancées contre lui par les Juifs, Act. 25, 23 et suiv. – Voici, Cf. 1, 20. – des Mages. Nous avons à étudier ici les quatre questions suivantes : Qu’étaient les Mages ? Quel fut leur nombre ? D’où venaient-ils ? A quelle époque précise eut lieu leur visite ? Voir sur ces divers points la savante dissertation du P. Patrizzi, de Evangel. libri tres t. 2, p 309-354. – A. Qu’étaient les Mages ? Leur nom ne le dit qu’imparfaitement. Mais l’histoire nous donne des informations plus précises. Les Mages formaient à l’origine une caste sacerdotale que nous trouvons en premier lieu chez les Mèdes et chez les Perses, et qui s’étendit ensuite dans tout l’Orient. La bible nous les montre en Chaldée, à l’époque de Nabuchodonosor : ce prince conféra même à Daniel le titre de Rab-Magh ou de Grand-Mage, pour le récompenser de ses services, Dan., 2, 48. Ils avaient, comme tous les prêtres de l’antiquité, le monopole à peu près exclusif des sciences et des arts ; le domaine de leurs connaissances embrassait particulièrement l’astronomie ou plutôt l’astrologie, la médecine, les sciences occultes. « Les mages, qui forment en Perse un collège de savants et de sages », Cicéron, Traité de la Divination, 1, 23. Ce double titre de prêtres et de savants leur conférait une influence considérable ; aussi faisaient-ils souvent partie du conseil des rois. Il est vrai que ce nom glorieux de Mage, ayant pénétré en Occident, perdit peu à peu de son lustre, et qu’il finit même par être pris en mauvaise part, pour désigner les magiciens, les sorciers. Les écrits du Nouveau Testament nous fournissent plusieurs exemples de cette espèce de dégradation : “Simus Magus, Act., 8, 9, Elymas Magus”, Act., 13, 8, etc. Toutefois, c’est dans son acception originale qu’il est employé ici par S. Matthieu, comme le démontre l’ensemble de la narration. Quelques auteurs modernes ont prétendu que les Mages venus à Jérusalem étaient de race juive, et qu’ils appartenaient à ce qu’on nommait du temps de Jésus-Christ, la dispersion, Cf. 1. Petr., 1, 11, en d’autres termes, à cette multitude d’Israélites qui habitaient les diverses contrées de l’Orient depuis la captivité babylonienne ; mais c’est là une erreur manifeste, que réfutent et les propres expressions de nos saints personnages « Où est… le roi des Juifs », v. 2, et la croyance universelle de l’Église, qui a toujours vu en eux, comme nous l’avons dit, les prémices de la gentilité consacrées au Seigneur. Une tradition ancienne et populaire en fait des rois. On a voulu leur appliquer à la lettre des passages de l’Ancien Testament relatifs au Messie et qui semblent, de prime abord, les concerner directement ; par exemple , Ps., 71, 10 « Les rois de Tarsis et des Iles apporteront des présents. Les rois de Saba et de Seba feront leur offrande » ; Isaïe., 60, 3-6 « Les nations marcheront vers ta lumière, et les rois, vers la clarté de ton aurore... Tous les gens de Saba viendront, apportant l’or et l’encens ». Mais, à vrai dire, ces passages ne concernent pas le fait particulier de la visite des Mages ; ils ont pour but la conversion générale des païens au Messie et, par suite, la catholicité de l’Église chrétienne. Il est probable cependant que les Mages étaient au moins des chefs de tribus, tels que sont aujourd’hui les émirs, les scheiks des Arabes ; “reguli”, a dit Tertullien, c. Marcion, 5. S. Matthieu nous les présente, dans tous les cas, comme des personnages importants. – B. Quel était leur nombre ? La tradition est loin d’être unanime sur ce point. Les Syriens et les Arméniens en comptent jusqu’à douze ; de même S. Jean Chrysostôme et S. Augustin. Toutefois, chez les Latins, nous trouvons d’assez bonne heure le chiffre de trois, qui semble définitivement fixé à partir de S. Léon-le-Grand. De la sorte, il y aurait eu autant de Mages que de présents offerts à l’enfant Jésus ; ou bien, les trois Mages représenteraient les trois grandes familles de l’humanité, les races sémite, japhétique et chamite. S. Hilaire d’Arles va même jusqu’à les rapprocher des trois personnes de la Sainte-Trinité. leurs noms seraient Melchior, Balthasar et Gaspard. On n’ignore pas, du reste, que la légende s’est depuis longtemps emparée de leurs personnes et de leur vie ; Cf. Acta Sanctorum, die 16. Jan. Voir aussi Brunet, les Évangiles apocryphes, 2ème édit., p. 212 et le Journal asiatique, mars 1867. On vénère leurs reliques dans la cathédrale de Cologne. C. D’où venaient-ils ? Le texte évangélique nous l’apprend, mais d’une manière si générale que nous n’en sommes guère plus avancés. D'Orient, de même que l’hébreu désigne tout ce qui est à l’orient de la Palestine, par conséquent toute une série de nombreuses contrées. Aussi, les exégètes ont-ils fait les choix les plus variés, se décidant tantôt pour la Chaldée, tantôt pour le pays des Parthes, tantôt pour la Perse, tantôt pour l’Arabie. Ce sont les deux dernières hypothèses qui réunissent le plus grand nombre de suffrages, vu, d'une part, que « le nom de mages est un mot qui appartient en propre aux Perses », et que d'autre part, « Plaident en sa faveur la nature des dons et la proximité du lieu », Maldonat. L’Arabie pour les Hébreux, était par excellence le pays de l’Orient. - D. Quant à l’époque de la visite des Mages, elle n’est pas expressément marquée dans l’Évangile. Plusieurs auteurs anciens, tels qu’Origène, Eusèbe, S. Épiphane, prenant le v. 16 pour base de leurs calculs, assurent que les Mages ne vinrent qu’environ deux ans après la naissance du Sauveur, puisque Hérode fit périr les enfants de Bethléem : « de deux ans et moins, d’après le temps qu’il s’était fait préciser par les mages. ». Mais il y a là une exagération évidente, comme le montrera l’explication de ce verset. La plupart des Pères croient au contraire que la visite des Mages à la crèche eut lieu très peu de temps après Noël ; beaucoup d’entre eux maintiennent même rigoureusement la date fixée dès l’antiquité pour la célébration de l’Épiphanie, c’est-à-dire le treizième jour à partir de la naissance de Jésus-Christ. Sans vouloir prescrire des limites aussi étroites, nous nous bornerons à dire ici que l’adoration des Mages dût suivre d’assez près la Nativité du Sauveur. Il semble qu’il n’y eut pas d’intervalle entre l’apparition de l’étoile, la naissance de Jésus et le départ des Mages. Du reste, alors même que les saints voyageurs fussent partis de la Perse lointaine, il leur était facile, montés sur leurs dromadaires, de parcourir en peu de temps des distances considérables. Il est reconnu qu’un bon dromadaire franchit en une seule journée ce qu’un cheval ne parcourt qu’en huit ou dix jours. Nous examinerons plus tard, en étudiant la question de l’accord du récit de S. Luc avec celui de S. Matthieu, quelle est la place la plus convenable pour la visite des Mages. – Jérusalem. C’était la métropole de l’état juif ; ils espéraient y trouver mieux que partout ailleurs les renseignements précis dont ils avaient besoin pour arriver au terme de leur voyage ; ou plutôt ils espéraient y trouver Celui-là même qu’ils cherchaient. Où devait-il être sinon dans la capitale de son royaume, dans le palais des rois ses aïeux ?
Fulcran Vigouroux
« Il est parlé dans l’Evangile de deux Hérodes, Hérode l’Ancien ou le Grand, fils d’Antipater, meurtrier des Innocents, et Hérode Antipas, fils du précédent et d’une samaritaine, appelée Malthace, tétrarque de Galilée, époux adultère d’Hérodiade, meurtrier de saint Jean-Baptiste, celui que Notre-Seigneur appelle un renard, et devant qui il comparaît dans sa Passion. C’est avec lui que Manahen avait été élevé. C’est lui qui eut pour intendant Chusa, dont la femme était au nombre des disciples les plus dévoués du divin Maître : Il mourut dans l’exil. ― Les Actes des Apôtres parlent encore d’un troisième Hérode, surnommé Agrippa, petit-fils d’Hérode l’Ancien, fils d’Aristobule et d’une petite-fille de Marianne, neveu d’Hérode Antipas et son beau-frère par Hérodiade. Celui-ci, porté subitement au trône par le caprice de Caligula, dont il était le compagnon de débauche et le favori, fit décapiter saint Jacques et incarcérer saint Pierre, puis périt rongé des vers. Le roi Agrippa, devant qui Festus fit comparaître saint Paul, était son fils. ― Les Hérodes étaient Iduméens d’origine, c’est-à-dire descendants d’Esaü. Le premier naquit à Ascalon. » (L. BACUEZ). ― Son père Antipater avait été nommé procureur de la Judée par Jules César, sous le pontificat d’Hyrcan II, en 47 avant Jésus-Christ. Les Iduméens s’étaient convertis à la religion juive, quand ils avaient été soumis par Jean Hyrcan, vers 129 avant Jésus-Christ. A la mort d’Antipater, son fils Hérode, âgé, dit-on de quinze ans, devint gouverneur de la Galilée, puis de la Cœlésyrie. Plus tard, Marc-Antoine le nomma tétrarque de Judée avec son frère Phasaël. Une invasion des Parthes, qui soutenaient les anciens princes Asmonéens, l’obligea de fuir à Rome. Là il fut nommé, par le Sénat, roi de Judée, en 40 avant Jésus-Christ, et dans la suite, Auguste augmenta encore son pouvoir et son royaume. Hérode, qu’on a surnommé le Grand, se distingua par son luxe et ses cruautés. Il rebâtit le temple de Jérusalem et aussi celui de Samarie ; il introduisit les jeux païens dans sa capitale, et le culte païen à Césarée ; à Rome il avait sacrifié à Jupiter. Il mourut à l’âge de 70 ans, souillé du sang de sa femme Marianne, de trois de ses fils, des saints Innocents et de bien d’autres. On place ordinairement sa mort l’an 4 avant notre ère. ― Les mages étaient des sages ou savants qu’on croit être venus de l’Arabie Déserte, de la Chaldée ou de la Mésopotamie, aux environs de l’Euphrate. Comme le fameux devin Balaam avait habité ces contrées, on pouvait y avoir conservé le souvenir de la prophétie par laquelle il avait annoncé l’avènement du Messie sous l’emblème d’une étoile qui devait s’élever de Jacob (voir Nombres, 24, 17).
Catéchisme de l'Église catholique
L’Épiphanie est la manifestation de Jésus comme Messie d’Israël, Fils de Dieu et Sauveur du monde. Avec le Baptême de Jésus au Jourdain et les noces de Cana (cf. LH, antienne du Magnificat des secondes vêpres de l’Épiphanie), elle célèbre l’adoration de Jésus par des " mages " venus d’Orient (Mt 2, 1). Dans ces " mages ", représentants des religions païennes environnantes, l’Évangile voit les prémices des nations qui accueillent la Bonne Nouvelle du salut par l’Incarnation. La venue des mages à Jérusalem pour " rendre hommage au roi des Juifs " (Mt 2, 2) montre qu’ils cherchent en Israël, à la lumière messianique de l’étoile de David (cf. Nb 24, 17 ; Ap 22, 16), celui qui sera le roi des nations (cf. Nb 24, 17-19). Leur venue signifie que les païens ne peuvent découvrir Jésus et l’adorer comme Fils de Dieu et Sauveur du monde qu’en se tournant vers les juifs (cf. Jn 4, 22) et en recevant d’eux leur promesse messianique telle qu’elle est contenue dans l’Ancien Testament (cf. Mt 2, 4-6). L’Épiphanie manifeste que " la plénitude des païens entre dans la famille des patriarches " (S. Léon le Grand, serm. 33, 3 : PL 54, 242) et acquiert la Israelitica dignitas (MR, Vigile Pascale 26 : prière après la troisième lecture).