Matthieu 2, 16

Alors Hérode, voyant que les mages s’étaient moqués de lui, entra dans une violente fureur. Il envoya tuer tous les enfants jusqu’à l’âge de deux ans à Bethléem et dans toute la région, d’après la date qu’il s’était fait préciser par les mages.

Alors Hérode, voyant que les mages s’étaient moqués de lui, entra dans une violente fureur. Il envoya tuer tous les enfants jusqu’à l’âge de deux ans à Bethléem et dans toute la région, d’après la date qu’il s’était fait préciser par les mages.
Saint Jean Chrysostome
Pendant que l'enfant Jésus soumettait les Mages à son empire non par sa puissance corporelle, mais par la grâce de l'Esprit, Hérode entrait en fureur de n'avoir pu persuader, lui assis sur le trône, ceux qu'avait su charmer Jésus, tout enfant qu'il était et couché dans une pauvre crèche. Le mépris que les Mages tirent de sa personne augmentèrent encore sa douleur, ce que l'Évangéliste exprime ainsi : " Alors Hérode, voyant qu'il avait été trompé par les Mages, entra dans une grande colère. " La colère des rois, lorsqu'elle est allumée par la passion du pouvoir, est comme un vaste incendie qu'on s'efforce vainement d'éteindre. Mais que fit-il ? Il envoya mettre à mort tous les enfants. De même qu'un animal féroce blessé déchire tout ce qui se présente comme étant la cause de sa blessure, ainsi Hérode trompé par les Mages décharge sa colère sur tous les enfants. Il se disait dans sa fureur : " Certainement les Mages ont trouvé cet enfant dont ils annonçaient la royauté future, " car un roi que tourmente l'ambition de régner soupçonne tout, parce qu'il craint tout. Il envoya donc des émissaires pour mettre à mort tous les enfants, et pour ensevelir un seul d'entre eux dans le trépas de tous les autres.
Saint Augustin
Et pendant qu'il persécute le Christ contemporain de ce roi cruel, il lui forme une armée éclatante des blanches insignes de la victoire.

Ce roi impie en mettant sa puissance au service de ces bienheureux enfants leur eût été moins utile que par les effets de sa haine, car plus la cruauté qui les persécuta fut grande, plus aussi fut brillante la grâce qui les mit en possession du bonheur.

O bienheureux enfants ! Que celui-là doute de la couronne que vous a méritée le martyre souffert pour Jésus-Christ, qui nie l'utilité du baptême de Jésus-Christ pour les enfants. Est-ce qu'en effet celui qui a pu avoir des anges pour prédicateurs de sa naissance, et des Mages pour adorateurs dans son berceau, n'aurait pas pu garantir ces enfants de la mort qu'ils ont soufferte pour lui, si cette mort devait être pour eux une perte sans retour, au lieu d'être le commencement d'une vie bien plus heureuse ? Gardons-nous de penser que le Christ qui venait sur la terre pour l'affranchissement et le salut de tous les hommes, n'ait rien fait pour la récompense des enfants qui mouraient pour lui, alors que lui-même, suspendu au bois de la croix, alla jusqu'à prier pour ses bourreaux.

Ce n'était pas seulement quelques jours auparavant que les Mages avaient vu cette étoile inconnue, mais depuis deux ans révolus, comme ils le firent savoir à Hérode qui s'en informait, et tel est le sens des paroles suivantes : " Selon le temps dont il s'était enquis exactement auprès des Mages.

Peut-être craignait-il que cet enfant, qui avait les étoiles à ses ordres, ne prît l'extérieur d'un enfant un peu au-dessus ou au-dessous de son âge, pour cacher l'époque de sa naissance. C'est pour cela qu'il fit mettre à mort tous ceux qui avaient deux ans jusqu'aux enfants qui ne comptaient qu'un jour de vie.

Peut-être encore qu'Hérode, agité par la crainte de dangers plus imminents, fut distrait de la pensée de mettre à mort immédiatement ces enfants par des préoccupations d'un autre genre. Peut-être enfin put-il croire que les Mages trompés par l'apparition trompeuse d'une fausse étoile, avaient eu honte de revenir vers lui sans avoir trouvé l'enfant à la naissance duquel ils avaient cru ; il laissa donc tomber ses frayeurs et abandonna le dessein qu'il avait de perdre cet enfant ; et ainsi les parents de Jésus furent libres de le porter au temple le jour de la Purification. Qui ne voit en effet que ce seul jour put bien passer inaperçu aux yeux d'un roi absorbé par tant de soins divers ? Mais plus tard, lorsque le bruit de tout ce qui avait été dit et fait dans le temple se fut répandu, Hérode comprit qu'il avait été trompé par les Mages, et c'est alors qu'eut lieu le massacre de tous ces enfants que l'Évangile raconte en cet endroit.
Saint Bède le Vénérable
La mort de cet enfant fut une figure de la mort précieuse de tous les martyrs de Jésus-Christ. Ces enfants mis à mort dans un âge si tendre nous apprennent que c'est par l'humilité qu'on parvient à la gloire du martyre. Ce massacre, qui s'étend de Bethléem à tous les pays environnants, figure la persécution qui de la Judée, où l'Église prit naissance, devait se répandre par toute la terre. Ces martyrs de deux ans représentent les martyrs dont la science et les oeuvres sont arrivées à la perfection ; ceux dont l'âge est au-dessous, les âmes qui ont la simplicité en partage. En permettant que ces enfants soient mis à mort, tandis que le Christ seul échappe au fer des bourreaux, Dieu nous apprend que les impies peuvent détruire les corps des martyrs, mais qu'ils ne peuvent leur enlever Jésus-Christ.
Rabanus Maurus
Non contents de porter la désolation dans Bethléem, il étendit sa fureur à tous les pays d'alentour, et sans aucune pitié pour cet âge innocent, il fit massacrer tous les enfants, depuis celui qui ne comptait qu'une nuit jusqu'aux enfants âgés de deux ans, comme l'indique le texte sacré : " Dans Bethléem et dans le pays d'alentour, depuis l'âge de deux ans et au-dessous. "
Saint Thomas d'Aquin
241. ALORS HÉRODE. Ici, il est question du meurtre des enfants. Et, à ce sujet, [Matthieu] fait deux [corr. : trois] choses. Premièrement, l’occasion du meurtre est indiquée ; deuxièmement, le meurtre est indiqué, en cet endroit : ET IL ENVOYA METTRE À MORT TOUS LES ENFANTS ; en troisième lieu, sont signalées des prophéties, en cet endroit : AINSI S’ACCOMPLIT [2, 17].

242. La circonstance fut la colère d’Hérode : ALORS HÉRODE SE MIT DANS UNE FORTE COLÈRE, Jc 1, 20 : La colère de l’homme n’accomplit pas la justice de Dieu. Et il faut remarquer que, lorsqu’un roi soupçonne qu’il va perdre son royaume, il se met aussitôt en colère et s’enflamme.

243. VOYANT QU’IL AVAIT ÉTÉ JOUÉ PAR LES MAGES, IL SE MIT DANS UNE FORTE COLÈRE [2, 16]. On dit qu’il se mit dans une forte colère pour deux raisons : parce que, lorsque quelqu’un se fâche, il s’enflamme fortement pour une petite occasion. Ainsi, comme il soupçonnait la perte de son royaume et avait été joué par les mages, IL SE MIT DANS UNE FORTE COLÈRE, Si 11, 34[32] : Une étincelle allume un grand brasier.

244. ET IL ENVOYA. Dans cette colère, il y eut de la cruauté sur trois points : quant au lieu, quant au nombre et quant au temps. Quant au nombre, parce que, pour en chercher un, il les a tous tués, d’où : IL ENVOYA METTRE À MORT TOUS LES ENFANTS. Il faut remarquer qu’Augustin dit qu’ «il n’aurait jamais été servi à la mesure de sa haine».

245. Mais on se demande, puisqu’ils n’avaient pas de libre arbitre, comment on peut dire que [les enfants] sont morts pour le Christ. Mais, comme il est dit en Jn 3, 17 : Dieu n’a pas envoyé son Fils dans le monde pour juger le monde, mais pour que le monde soit sauvé par lui. En effet, Dieu n’aurait jamais permis qu’ils soient tués si cela ne leur avait été utile. Ainsi, Augustin dit que cela revient au même de douter que ce meurtre leur fut utile, que de douter que le baptême est utile aux enfants. En effet, ils ont souffert comme des martyrs et ont confessé le Christ en mourant, bien que cela ne fût pas par la parole, Ap 6, 9 : Je vis sous l’autel les âmes de ceux qui ont été mis à mort pour la parole de Dieu.

246. La deuxième cruauté est qu’il les tua SUR TOUT LE TERRITOIRE. En effet, il craignait que [l’enfant] ne s’enfuie, par exemple, dans une autre ville. Et il arriva [à Hérode] ce qui arrive à une bête blessée, qui ne fait pas attention à celui qu’elle va blesser, Pr 28, 15 : Comme un lion rugissant et un ours affamé, le prince impie s’impose au pauvre peuple.

247. La troisième [cruauté] se rapporte au temps. Ainsi, ÂGÉS DE DEUX ANS. Il faut remarquer que Augustin dit que les innocents ont été tués l’année où le Christ est né. Mais pourquoi [Matthieu] dit-il : ÂGÉS DE MOINS DE DEUX ANS ? Certains disent que l’étoile était apparue deux ans plus tôt, de sorte qu’Hérode se demandait s’il était né au moment où l’étoile [était apparue]. C’est pourquoi [Matthieu] dit : SELON LE TEMPS DONT IL S’ÉTAIT ENQUIS AUPRÈS DES MAGES. D’autres disent que [les innocents] n’ont pas été tués la même année, mais deux ans plus tard. Mais pourquoi [Hérode] a-t-il autant tardé ? Une triple raison est donnée par divers [commentateurs]. La première était qu’au départ, [Hérode] pensait que les mages s’étaient trompés et n’avaient rien trouvé, mais, après avoir entendu les multiples déclarations de Zacharie, de Siméon et d’Anne, il fut alors poussé à chercher. D’autres disent qu’il fit cela par précaution : en effet, il craignait que les parents ne cachent l’enfant qu’il cherchait. Il voulut donc d’abord s’assurer d’eux. D’autres disent qu’il en fut empêché par l’occupation, car il a poursuivi les mages jusqu’à Tarse, en Cilicie, et a fait incendier leurs navires. De même, il fut occupé, car, accusé par ses fils, il fut convoqué à Rome,. Et ainsi, après son retour, il commença à sévir. Et [Matthieu] dit : DE MOINS DE, etc., parce que [Hérode] pensait que [l’enfant] avait une telle puissance qu’il pouvait changer son visage. Par ce meurtre est signifié le meurtre des martyrs, car les enfants [représentent] l’humilité et l’innocence, plus loin, 1, 14 : Laissez les petits enfants et ne les empêchez pas de venir à moi ; de même, plus loin, 18, 3 : Si vous ne vous convertissez pas et ne devenez comme des petits enfants, vous n’entrerez pas dans le royaume des cieux.

248. DANS BETHLÉEM ET DANS TOUT SON TERRITOIRE, car [les enfants] furent tués dans le monde entier, Ac 1, 8 : Vous serez mes témoins, à savoir, en mourant.

249. Les deux années sont la double charité, celle envers Dieu et celle envers le prochain, car la foi sans les œuvres est une foi morte, Jc 2, 20. Il faut remarquer qu’après la naissance du Christ, la persécution éclata immédiatement, parce que, dès que quelqu’un se convertit au Christ, il commence à être tenté, Si 2, 1 : Mon fils, si tu t’offres au service du Seigneur, prépare-toi a l’épreuve.
Louis-Claude Fillion
Les premiers jours qui s’écoulèrent après le départ des Mages durent être pour Hérode des jours de grande surexcitation morale et de vives impatiences. Le vieux roi tremblait sur son trône, depuis qu’il avait entendu demander en pleine Jérusalem “où est le roi des Juifs qui vient de naître ?”. Cette surexcitation et ces impatiences allèrent croissant et se terminèrent par un de ces paroxysmes de rage auxquels Hérode était sujet à la fin de sa vie, lorsqu’il comprit que les Mages l’avaient trompé. –Il avait été trompé par les Mages. Il suppose que c’est une trahison complète qui a été ourdie contre lui ; alors, ne pouvant plus se contenir, il renonce à toute dissimulation, et fait appel à la violence ouverte, brutale. Et pourtant ce n’étaient point les Mages, c’est Dieu même qui s’était “moqué” de lui. - Il envoya. Il choisit ses mandataires parmi ses gardes du corps. On sait que les soldats attachés à la garde des rois orientaux étaient chargés, comme les licteurs romains, de l’exécution des peines capitales. Le tyran donne une large étendue à ses ordres cruels, afin de ne pas manquer son but une seconde fois ; il embrasse le plus possible en fait d’espace et de temps. Les demi-mesures n’étaient pas de son goût, et la vie humaine n’a jamais eu beaucoup de prix à ses yeux. - Tous les enfants. Le massacre devait comprendre, au point de vue du sujet, tous les enfants mâles sans exception, comme si Hérode eût pris pour modèle l’ancien persécuteur égyptien, Cf. Ex. 1, 15, 16, 22 ; au point de vue du lieu, non seulement la ville de Bethléem, mais encore tous les environs, à Bethléem et dans tous les environs, c’est-à-dire les hameaux, les maisons isolées qui lui appartenaient ; au point de vue du temps, deux ans et en-dessous... On a conclu quelquefois de cette dernière réflexion que l’étoile s’était peut-être montrée aux Mages un certain temps avant leur départ d’Orient, par exemple dès l’Incarnation du Sauveur. Mais nous croyons qu’il est plus simple et plus exact de dire avec S. Jean de Chrysostôme : « la fureur et la crainte dont il était agité le portaient, pour plus de sûreté, à ajouter encore au temps indiqué par les mages, afin que nul enfant de cet âge ne pût lui échapper », Homélie 7. – Quant au nombre des enfants massacrés à Bethléem, il ne dût pas être bien considérable. La liturgie éthiopienne et le ménologe grec l’évaluent, il est vrai, à 144 000, comme si le passage de l’Apocalypse, 14, 1, que l’Église fait chanter le jour de la fête des SS. Innocents, devait être pris à la lettre et appliqué directement à eux ; mais c’est là une exagération monstrueuse. La statistique peut nous fournir des renseignements assez précis. Bethléem, y compris ses environs, comptait alors tout au plus deux mille habitants, Cf. Mic. v, 1 ; or, à chaque millier d’habitants correspondent à peu près 30 naissances annuelles qui se partagent d’une manière assez égale entre les deux sexes. Nous aurions ainsi, pour une année, quinze enfants mâles ; mais il en faut soustraire la moitié, car telle est la part ordinaire de la mort. Pour deux ans, nous arriverions donc à peine au chiffre de 30 : la plupart des commentateurs modernes le trouvent même trop fort, ne croyant pas que le nombre total des victimes ait dépassé 10 ou 15. – Les rationalistes ont vivement attaqué la véracité de la narration évangélique à propos du massacre de Bethléem, sous le spécieux prétexte que les historiens du paganisme qui se sont occupés d’Hérode, surtout le juif Josèphe qui suit pas à pas les actes du despote, ont complètement passé cette cruauté sous silence. Nous ferons d’abord une observation à laquelle nous osons attribuer quelque valeur. Si l’on eût retrouvé dans les écrits d’un auteur obscur du Bas-Empire, et là seulement, le renseignement que nous a conservé S. Matthieu, on se sera félicité comme d’une précieuse découverte mais c’est un Évangéliste qui a tiré cet événement de l’oubli, à coup sûr il a été trompé ou il a voulu tromper ! Répondons maintenant d’une manière directe à l’objection. 1° Le massacre des enfants de Bethléem est parfaitement conforme à la nature cruelle et emportée d’Hérode-le-Grand. “Quand on prend en considération les arrêts de mort et tous les outrages sanglants qu’il fit subir à ses sujets et à ses plus proches parents, quand on se rappelle la dureté inexorable de son cœur, il est impossible de ne pas le déclarer un barbare, un monstre sans pitié. Il suffisait de ne pas parler selon ses idées, ou de ne pas se montrer son très-humble serviteur en toutes choses, ou encore d’être soupçonné de manifester peu de respect ou de soumission à son égard, pour qu’aussitôt on devînt l’objet de sa colère aveugle et violente, qui atteignait indistinctement parents, amis et ennemis” Jos. Ant. 18, 15. 2° Cette atrocité n’avait aucune portée politique au point de vue des historiens anciens qui se sont occupés d’Hérode ; de plus elle était, quant à son étendue, assez insignifiante dans la vie d’un pareil tyran. Il avait fait périr sa propre femme Mariamne, trois de ses fils, son frère, des sujets sans nombre : qu’était-ce que le sang de quelques enfants à côté de cruautés perpétuelles ? Une goutte d’eau dans la mer, a-t-on dit avec beaucoup de justesse. « Après tant d’exemples de cruauté donnés par Hérode à Jérusalem et dans à peu près toute la Judée, après avoir supprimé ses parents et ses amis, ce n’était pas pour lui une grosse affaire d’avoir mis à mort des enfants d’une ville ou d’un village et d’un territoire adjacent. Les lieux étaient trop petits pour qu’il y ait un grand carnage. », Wetstein, d'après J. Vossius. 3° Le silence des écrivains de l’antiquité n’est pas aussi complet qu’on l’a prétendu. Le païen Macrobe fait une allusion manifeste à l’événement raconté par S. Matthieu, dans un passage qui, bien qu’un peu confus, n’en conserve pas moins pour nous une autorité véritable, Sat. conv. 2, 4 : « Quand Auguste entendit dire que, parmi les enfants de moins de deux ans que le roi des Juifs Hérode avait, en Syrie, ordonné de mettre à mort, il y avait aussi son fils, il dit : « Il est préférable d’être le pourceau d’Hérode plutôt que son fils ! ». Il nous semble qu’on ne peut rien souhaiter de plus significatif.
Fulcran Vigouroux
Un auteur païen a conservé le souvenir du massacre des saints Innocents. « Macrobe raconte entre les bons mots d’Auguste que cet empereur, ayant appris que parmi les enfants qu’Hérode, roi des Juifs, avait fait tuer en Syrie, âgés de deux ans et au-dessous, avait enveloppé son propre fils dans ce massacre, dit : Il vaut mieux être le pourceau d’Hérode que son fils. » (GLAIRE.)