Matthieu 2, 18
Un cri s’élève dans Rama, pleurs et longue plainte : c’est Rachel qui pleure ses enfants et ne veut pas être consolée, car ils ne sont plus.
Un cri s’élève dans Rama, pleurs et longue plainte : c’est Rachel qui pleure ses enfants et ne veut pas être consolée, car ils ne sont plus.
On ne pouvait dire de ces enfants qui paraissaient morts qu'ils avaient cessé d'exister, car la gloire du martyre les avait élevés jusqu'à la vie plus parfaite de l'éternité, mais la consolation devait tomber sur ce qui avait été perdu et non sur ce qui avait été glorifié. Rachel était la figure de l'Église dont la fécondité avait succédé à une longue stérilité. Ces gémissements qu'elle fait entendre n'ont pas pour objet les enfants qui lui ont été ravis, mais ceux qui les ont mis à mort et qu'elle eût voulu garder pour ses enfants.
Après nous avoir rempli d'horreur par le récit de ce cruel massacre, l'Évangéliste, pour en diminuer la pénible impression, nous montre qu'il ne s'est pas accompli à l'insu de Dieu ou en dépit de sa puissance, mais qu'il l'avait prédit lui-même par son prophète, et c'est pourquoi il ajoute : "Alors fut accompli, " etc.
Ou bien peut-être, comme c'était pour déplorer la mort des innocents que cette voix se faisait entendre, elle retentissait sur les hauteurs, selon cette parole : " La voix du pauvre pénètre les nues " (Si 35, 20). Le mot pleurs exprime les cris des enfants, le mot hurlements les lamentations des mères. Mais pour les enfants la mort mettait fin à leurs douleurs, tandis que la douleur des mères se ravivait sans cesse dans le souvenir de leurs enfants. C'est pour cela qu'il est dit : " Il y eut de grands gémissements ; c'est Rachel qui pleurait ses enfants. "
Il ne faut pas prendre Rama pour le nom propre de ce lieu qui est près de Gaban ; le mot Rama signifie ici élevé, et il veut dire : " La voix s'est fait entendre sur les hauteurs, c'est-à-dire qu'elle a retenti au loin, dans une grande étendue.
Saint Matthieu ne rapporte ce témoignage de Jérémie, ni d'après le texte hébreu, ni d'après les Septante ; ce qui prouve que les Évangélistes et les Apôtres n'ont suivi aucune version dans leurs citations, mais que comme Hébreux ils ont cité à leur manière et en hébreu ce qu'ils lisaient dans la sainte Écriture.
De Rachel est né Benjamin, et Bethléem n'est pas dans la tribu de Benjamin. On se demande donc pourquoi Rachel pleure les enfants de Juda (c'est-à-dire ceux de Bethléem) comme ses propres enfants. Nous répondrons en peu de mots que Rachel fut ensevelie près de Bethléem dans Ephrata, et qu'elle reçut le nom de mère parce que son tombeau se trouvait dans cette contrée. On peut dire aussi que les deux tribus de Juda et de Benjamin étant limitrophes, et Hérode ayant ordonné de tuer les enfants, non seulement dans Bethléem, mais dans tous les environs, on peut en conclure qu'un grand nombre d'enfants de la tribu de Benjamin furent enveloppés dans le massacre de ceux de Bethléem.
Ces dernières paroles peuvent avoir deux sens : ou parce que Rachel les croyait morts pour toujours, ou parce qu'elle ne voulait pas être consolée de la perte de ceux qu'elle savait devoir retrouver la vie. Tel serait donc le sens : " Elle ne voulut pas être consolée parce qu'ils ne sont plus, " c'est-à-dire : " Elle ne voulut pas être consolée de ce qu'ils n'étaient plus. "
Ou bien peut-être c'est parce que les enfants de Benjamin, qui appartenaient à Rachel, ayant été autrefois mis à mort par les autres tribus et détruits à jamais, cette malheureuse mère se lamente sur le sort de ses propres enfants, en voyant les enfants de sa soeur massacrés pour une cause si glorieuse que leur mort leur assurait l'héritage de la vie éternelle. En effet, quand le bonheur d'autrui vient ajouter à notre infortune nous en pleurons plus amèrement nos propres malheurs.
L'Évangéliste, pour nous dépeindre d'une manière plus frappante l'étendue de cette douleur, va jusqu'à dire que Rachel, toute morte qu'elle était, a pleuré ses enfants et n'a pas voulu se consoler parce qu'ils ne sont plus.
Ou bien Rachel signifie l'Église qui pleure la mort des saints arrachés à cette vie de la terre, et qui ne veut pas le la consolation de voir ceux qui ont triomphé du monde par leur trépas revenir de nouveau avec elle pour soutenir les mêmes combats, mais qui refuse toute consolation parce qu'ils ne doivent pas être rappelés à la vie.
Rachel (dont le nom signifie brebisou voyante) est une belle figure de l'Église, dont toute l'intention se dirige vers la contemplation de Dieu, et qui est aussi cette centième brebis que le bon pasteur rapporte sur ses épaules.
La Glose
Ou bien elle ne veut pas être consolée dans la vie présente parce que ses enfants ne sont plus, et elle renvoie toute son espérance, toute sa consolation à la vie éternelle.
250. Une fois présenté le meurtre des enfants, ici, à son habitude, l’évangéliste présente la prophétie qui l’annonçait, Jr 31, 5 : UNE VOIX S’EST FAIT ENTENDRE DANS RAMA, PLAINTE, AFFLICTION ET PLEURS : C’EST RACHEL QUI PLEURE SES FILS ET NE VEUT PAS ÊTRE CONSOLÉE À LEUR SUJET, CAR ILS NE SONT PLUS. Comme le dit Jérôme, il faut noter que, partout où est produite par les apôtres et les évangélistes une autorité de l’Ancien Testament, il ne faut pas toujours la présenter mot à mot, mais comme le leur accorda l’Esprit Saint, et parfois selon le sens en fonction de nos besoins. Ainsi avons-nous Jr 31, 15 : UNE VOIX S’EST FAIT ENTENDRE DANS LES HAUTEURS, LAMENTATIONS, AFFLICTIONS ET PLEURS : C’EST RACHEL QUI PLEURE SES FILS ET NE VEUT PAS ÊTRE CONSOLÉE À LEUR SUJET, CAR ILS NE SONT PLUS. Le sens est le même.
251. Et il faut considérer que, pour ce qui est de cette autorité, elle compte comme l’une de celles qui sont présentées dans l’évangile. Elle a toutefois un sens littéral, qui est la figure de ce qui est arrivé dans le Nouveau Testament. Ainsi, pour la comprendre, il faut tenir compte d’une histoire qu’on lit en Jg 19, où il est raconté qu’en raison d’une faute commise envers l’épouse d’un lévite, toute la tribu de Benjamin fut anéantie. Et on dit qu’il s’y produisit la plus grande des lamentations, au point où elle fut entendue de Gabaa jusqu’à Rama, qui se trouve à douze milles de Bethléem. C’est pour cette raison qu’on dit que Rachel a pleuré, parce qu’elle était la mère de Benjamin, et l’expression a un sens figuré, à savoir qu’elle exprime l’ampleur de la douleur.
252. Mais cette prophétie porte sur le passé. Elle porte aussi d’une autre façon sur l’avenir d’une double manière. D’une manière, elle peut se rapporter à la captivité d’Israël, dont on dit que, alors qu’il était mené en captivité, il pleura en route sur Bethléem. De cette manière, il est dit que Rachel a pleuré parce qu’elle y est enterrée, Gn 35, 19. Cela est dit de la même manière dont on s’exprime lorsqu’on dit qu’un endroit pleure les maux qui y surviennent. Le prophète veut donc dire que, de même que furent très grandes la douleur et l’affliction lorsque fut anéantie la tribu de Benjamin, de même en sera-t-il de celles de l’époque de la captivité.
253. Une troisième explication est [aussi] donnée. L’évangéliste reconnaît le fait du meurtre des innocents et indique l’ampleur de cette douleur de quatre manières : par l’étendue de la douleur, par l’ampleur de la douleur, par son objet et par son caractère inconsolable. Il dit donc : UNE VOIX SE FAIT ENTENDRE DANS RAMA. Il s’agit d’une ville de la tribu de Benjamin, Jos 18, 25, et elle peut être considérée comme la ville de Lia. Ici, [celle-ci] est entendue au sens de «élevée», et peut s’expliquer de deux façons. Premièrement, de cette manière : UNE VOIX, lancée dans les hauteurs, S’EST FAIT ENTENDRE, car une voix qui se fait entendre dans un endroit élevé se répand en long et en large, Is 40, 9 : Monte sur une montagne élevée ; toi qui annonces à Sion, hausse la voix. Ou bien ELLE A ÉTÉ ENTENDUE dans les hauteurs, c’est-à-dire au ciel, auprès de Dieu, Si 35, 21 : La prière de l’humble pénétrera les nuées ; tant qu’elle ne sera pas arrivée, il ne sera pas consolé, et il ne cessera pas avant que le Seigneur ne jette les yeux sur lui. Et encore : Les larmes de la veuve ne coulent-elles pas sur ses joues et son cri ne s’adresse-t-il pas à ceux qui les provoquent ? PLEURS : cela peut se rapporter aux pleurs des enfants tués. UN GRAND CRI : cela peut se rapporter aux pleurs des mères. Ou bien les deux [peuvent se rapporter] aux enfants : DES PLEURS, lorsqu’ils furent soulevés par les soldats ; DES CRIS, lorsqu’ils furent égorgés. La douleur des mères est plus grande que celle des fils. De même, la douleur des mères était durable, celle des enfants fut brève, en raison de ce que dit Za 12, 10 : Ils se lamenteront sur lui comme sur un fils unique et ils le pleureront comme on pleure un premier-né.
254. De même, [l’évangéliste indique l’ampleur] par l’objet de la douleur, car elle provient de la mort de fils. C’est la raison pour laquelle Rachel pleure. Mais on objecte que Bethléem n’était pas dans la tribu de Benjamin, mais dans la tribu de Juda, qui était le fils de Lia. Il y a une triple solution [à cette objection]. D’abord, Rachel fut ensevelie près de Bethléem, Gn 35, 19. Et ainsi, elle pleura ses enfants à la manière dont on dit d’un endroit qu’il pleure, Jr 2, 12 : Cieux, étonnez-vous de cela ; portes des cieux, soyez-en fortement désolés, dit le Seigneur. Ou bien, autre [interprétation] : on a dit plus haut que Hérode tua les enfants de Bethléem et sur tout son territoire, etc. Or, Bethléem était aux confins de deux tribus, à savoir celles de Juda et de Benjamin. Les enfants tués appartenaient donc à Benjamin, et ainsi tombe l’objection, comme l’explique Jérôme. Mais Augustin donne une autre explication et il dit qu’il est coutumier, lorsque que quelque chose de favorable arrive à quelqu’un, que celui-ci ne s’en plaigne que davantage lorsque survient l’adversité. Lia et Rachel étaient des sœurs, et ceux qui furent tués étaient des fils de Lia. Ainsi, ils furent tués dans leurs corps pour ne pas être punis éternellement, comme ce fut le cas de Gabaa. On dit donc qu’elle pleure en voyant ses fils être tués et condamnés. Ou bien par Rachel, l’Église est signifiée, parce que [Rachel] veut dire «voyant Dieu», et que l’Église voit par la foi : elle pleure ses fils tués, non pas parce qu’ils ont été tués, mais parce qu’elle pouvait en avoir d’autres d’eux. Ou bien elle pleure, non pas en raison de ceux qui sont tués, mais de ceux qui tuent.
255. Ensuite, [l’évangéliste indique l’ampleur] par le caractère inconsolable de la douleur : ELLE NE VEUT PAS. Et cela est expliqué de plusieurs façons. Premièrement, on le met en rapport avec le peuple, tel qu’il était alors. En effet, la consolation n’a de raison qu’aussi longtemps qu’on espère un remède ; mais, lorsqu’on n’espère pas, il n’y a pas de consolation, comme cela est clair chez le malade désespéré. C’est pourquoi il dit, comme si cela se rapportait à l’opinion des mères : CAR ILS NE SONT PLUS, à savoir, parce qu’ils ne sont plus visibles, Gn 37, 30 : L’enfant n’est plus là. Ou bien : ELLE NE VEUT PAS ÊTRE CONSOLÉE PARCE QU’ILS NE SONT PLUS, c’est-à-dire, comme s’ils n’étaient plus. En effet, la consolation n’a de raison d’être que lorsqu’il s’agit de maux. De sorte que, selon [cette explication], cela se rapporte à l’opinion de l’Église qui estime qu’ils règnent [auprès de Dieu]. Ainsi, comme c’est le cas pour ceux qui règnent, elle se réjouit à leur sujet, 1 Th 4, 13 : Nous ne voulons pas que vous soyez ignorants au sujet de ceux qui sont morts ; il ne faut pas que vous vous désoliez comme ceux qui n’ont pas d’espérance. Ou bien : ELLE NE VEUT PAS ÊTRE CONSOLÉE dans le présent, mais elle attend une consolation dans l’avenir, plus loin, 5, 5 : Bienheureux ceux qui pleurent, car ils seront consolés.
251. Et il faut considérer que, pour ce qui est de cette autorité, elle compte comme l’une de celles qui sont présentées dans l’évangile. Elle a toutefois un sens littéral, qui est la figure de ce qui est arrivé dans le Nouveau Testament. Ainsi, pour la comprendre, il faut tenir compte d’une histoire qu’on lit en Jg 19, où il est raconté qu’en raison d’une faute commise envers l’épouse d’un lévite, toute la tribu de Benjamin fut anéantie. Et on dit qu’il s’y produisit la plus grande des lamentations, au point où elle fut entendue de Gabaa jusqu’à Rama, qui se trouve à douze milles de Bethléem. C’est pour cette raison qu’on dit que Rachel a pleuré, parce qu’elle était la mère de Benjamin, et l’expression a un sens figuré, à savoir qu’elle exprime l’ampleur de la douleur.
252. Mais cette prophétie porte sur le passé. Elle porte aussi d’une autre façon sur l’avenir d’une double manière. D’une manière, elle peut se rapporter à la captivité d’Israël, dont on dit que, alors qu’il était mené en captivité, il pleura en route sur Bethléem. De cette manière, il est dit que Rachel a pleuré parce qu’elle y est enterrée, Gn 35, 19. Cela est dit de la même manière dont on s’exprime lorsqu’on dit qu’un endroit pleure les maux qui y surviennent. Le prophète veut donc dire que, de même que furent très grandes la douleur et l’affliction lorsque fut anéantie la tribu de Benjamin, de même en sera-t-il de celles de l’époque de la captivité.
253. Une troisième explication est [aussi] donnée. L’évangéliste reconnaît le fait du meurtre des innocents et indique l’ampleur de cette douleur de quatre manières : par l’étendue de la douleur, par l’ampleur de la douleur, par son objet et par son caractère inconsolable. Il dit donc : UNE VOIX SE FAIT ENTENDRE DANS RAMA. Il s’agit d’une ville de la tribu de Benjamin, Jos 18, 25, et elle peut être considérée comme la ville de Lia. Ici, [celle-ci] est entendue au sens de «élevée», et peut s’expliquer de deux façons. Premièrement, de cette manière : UNE VOIX, lancée dans les hauteurs, S’EST FAIT ENTENDRE, car une voix qui se fait entendre dans un endroit élevé se répand en long et en large, Is 40, 9 : Monte sur une montagne élevée ; toi qui annonces à Sion, hausse la voix. Ou bien ELLE A ÉTÉ ENTENDUE dans les hauteurs, c’est-à-dire au ciel, auprès de Dieu, Si 35, 21 : La prière de l’humble pénétrera les nuées ; tant qu’elle ne sera pas arrivée, il ne sera pas consolé, et il ne cessera pas avant que le Seigneur ne jette les yeux sur lui. Et encore : Les larmes de la veuve ne coulent-elles pas sur ses joues et son cri ne s’adresse-t-il pas à ceux qui les provoquent ? PLEURS : cela peut se rapporter aux pleurs des enfants tués. UN GRAND CRI : cela peut se rapporter aux pleurs des mères. Ou bien les deux [peuvent se rapporter] aux enfants : DES PLEURS, lorsqu’ils furent soulevés par les soldats ; DES CRIS, lorsqu’ils furent égorgés. La douleur des mères est plus grande que celle des fils. De même, la douleur des mères était durable, celle des enfants fut brève, en raison de ce que dit Za 12, 10 : Ils se lamenteront sur lui comme sur un fils unique et ils le pleureront comme on pleure un premier-né.
254. De même, [l’évangéliste indique l’ampleur] par l’objet de la douleur, car elle provient de la mort de fils. C’est la raison pour laquelle Rachel pleure. Mais on objecte que Bethléem n’était pas dans la tribu de Benjamin, mais dans la tribu de Juda, qui était le fils de Lia. Il y a une triple solution [à cette objection]. D’abord, Rachel fut ensevelie près de Bethléem, Gn 35, 19. Et ainsi, elle pleura ses enfants à la manière dont on dit d’un endroit qu’il pleure, Jr 2, 12 : Cieux, étonnez-vous de cela ; portes des cieux, soyez-en fortement désolés, dit le Seigneur. Ou bien, autre [interprétation] : on a dit plus haut que Hérode tua les enfants de Bethléem et sur tout son territoire, etc. Or, Bethléem était aux confins de deux tribus, à savoir celles de Juda et de Benjamin. Les enfants tués appartenaient donc à Benjamin, et ainsi tombe l’objection, comme l’explique Jérôme. Mais Augustin donne une autre explication et il dit qu’il est coutumier, lorsque que quelque chose de favorable arrive à quelqu’un, que celui-ci ne s’en plaigne que davantage lorsque survient l’adversité. Lia et Rachel étaient des sœurs, et ceux qui furent tués étaient des fils de Lia. Ainsi, ils furent tués dans leurs corps pour ne pas être punis éternellement, comme ce fut le cas de Gabaa. On dit donc qu’elle pleure en voyant ses fils être tués et condamnés. Ou bien par Rachel, l’Église est signifiée, parce que [Rachel] veut dire «voyant Dieu», et que l’Église voit par la foi : elle pleure ses fils tués, non pas parce qu’ils ont été tués, mais parce qu’elle pouvait en avoir d’autres d’eux. Ou bien elle pleure, non pas en raison de ceux qui sont tués, mais de ceux qui tuent.
255. Ensuite, [l’évangéliste indique l’ampleur] par le caractère inconsolable de la douleur : ELLE NE VEUT PAS. Et cela est expliqué de plusieurs façons. Premièrement, on le met en rapport avec le peuple, tel qu’il était alors. En effet, la consolation n’a de raison qu’aussi longtemps qu’on espère un remède ; mais, lorsqu’on n’espère pas, il n’y a pas de consolation, comme cela est clair chez le malade désespéré. C’est pourquoi il dit, comme si cela se rapportait à l’opinion des mères : CAR ILS NE SONT PLUS, à savoir, parce qu’ils ne sont plus visibles, Gn 37, 30 : L’enfant n’est plus là. Ou bien : ELLE NE VEUT PAS ÊTRE CONSOLÉE PARCE QU’ILS NE SONT PLUS, c’est-à-dire, comme s’ils n’étaient plus. En effet, la consolation n’a de raison d’être que lorsqu’il s’agit de maux. De sorte que, selon [cette explication], cela se rapporte à l’opinion de l’Église qui estime qu’ils règnent [auprès de Dieu]. Ainsi, comme c’est le cas pour ceux qui règnent, elle se réjouit à leur sujet, 1 Th 4, 13 : Nous ne voulons pas que vous soyez ignorants au sujet de ceux qui sont morts ; il ne faut pas que vous vous désoliez comme ceux qui n’ont pas d’espérance. Ou bien : ELLE NE VEUT PAS ÊTRE CONSOLÉE dans le présent, mais elle attend une consolation dans l’avenir, plus loin, 5, 5 : Bienheureux ceux qui pleurent, car ils seront consolés.
Alors s'accomplit.
Par cet acte barbare, Hérode accomplissait sans le savoir une prophétie messianique. – Par Jérémie, 31, 15.
Ici encore, S. Matthieu s’écarte tout à la fois du texte hébreu et de la version d’Alexandrie ; mais la
divergence est très-légère et n’atteint que l’expression. De même que la parole d’Osée citée au v. 15, ce beau
passage de Jérémie a une double signification, l’une verbale, l’autre typique. Suivant le sens verbal, il
concerne la déportation des Juifs en Chaldée, après le triomphe de Nabuchodonosor et la chute du royaume
de Juda. Rachel avait été enterrée non loin de Bethléem, Cf. Gen. 35, 19. Par une admirable figure, le
prophète suppose qu’au moment où les descendants de Benjamin, qui faisaient partie du royaume de Juda,
étaient conduits en exil, elle sortit de son tombeau, poussant des gémissements lugubres, comme une mère à
qui l’on arrache ses fils et que rien ne peut consoler de cette déchirante séparation. Mais, comme le dit S.
Augustin, les divines Écritures ont souvent plus d’un sens : « La sainte écriture a un premier sens, un second
et un troisième », et il faut que ces divers sens, quand ils ont été voulus par Dieu, s’accomplissent jusqu’à un
iota, selon la parole de Jésus-Christ. La prophétie de Jérémie devait donc trouver plus tard une seconde
réalisation, supérieure à la première. Rachel sortit une seconde fois de sa tombe pour pleurer amèrement, au
nom des pauvres mères de Bethléem, sur les innocentes victimes de la tyrannie d’Hérode : son deuil
d’autrefois était un type de son deuil actuel. Les littérateurs ont maintes fois admiré cette personnification
pathétique. – A Rama. Rama, suivant quelques exégètes, serait un nom commun qui désignerait les hauteurs
de Bethléem. En effet, râm, signifie “élevé”, et c’est ainsi que S. Jérôme traduit dans la Vulgate le texte
hébreu de Jérémie : « Une voix dans les cieux a été entendue ». Mais Rama est plus probablement un nom
propre, celui d’une petite ville située à deux lieues au Nord de Jérusalem, et dont les ruines sont encore
appelées Er-Râm par les Arabes. C’est là que les exilés furent réunis avant leur départ pour la Chaldée ; Cf.
Jer. 90, 1 et suiv. Le sépulcre de Rachel en est assez éloigné, puisqu’on le montre à deux autres lieues au Sud
de Jérusalem (Kubbet-Rachil) ; mais de nombreux commentateurs ont justement pensé « On n’indique pas le
lieu d’où la clameur a pris naissance, mais jusqu’où elle s’étend, pour faire comprendre qu’elle s’est
prolongée au loin, en longueur et en largeur », Kuinoel, in h. l. On peut aussi dire que Jérémie évoque à
Rama l’ombre de Rachel. – Pleurant et se lamentant. En grec, il y a trois substantifs synonymes au lieu de
deux, ce qui rehausse et fortifie davantage encore la pensée. Dans sa prophétie, Jérémie ajoute, après la
description tragique de ce grand deuil : « Ainsi parle le Seigneur : Retiens le cri de tes pleurs et les larmes de
tes yeux. Car il y a un salaire pour ta peine, - oracle du Seigneur : ils reviendront du pays de l’ennemi. Il y a
un espoir pour ton avenir, - oracle du Seigneur : tes fils reviendront sur leur territoire. » 31, 16 et 17. De
même dans la circonstance présente : le Messie, l’enfant bien-aimé de Rachel, est sauvé ; qu’elle se console !
Il reviendra bientôt de la terre d’exil pour le salut et le bonheur de tous. – La peinture et la poésie ont rivalisé
de zèle pour célébrer le martyre des SS. Innocents. On connaît à ce sujet les hymnes ravissantes de Prudence,
insérées dans le bréviaire romain, « Audit Tyrannus anxius » (le tyran anxieux a entendu) et « Salvete flores
martyrum » (enfants martyrs, fleurs innocentes). On connaît aussi les belles toiles du Guide, de Rubens, de
Nicolas Poussin, de Matteo di Giovanni. - Terminons ce touchant récit par deux pensées de S. Augustin :
« Fleurs des Martyrs, ces premiers boutons de l'Église naissante, que l'ardeur de la plus cruelle passion fait
éclore au milieu de l'hiver de l'infidélité, et qui ont été emportés par la gelée de la persécution », Serm. 3.
« Bienheureux enfants, tout juste nés, jamais tentés, n'ayant pas encore lutté, déjà couronnés ! ».
Rachel fut enterrée près de Bethléem. Son tombeau est à une demi-lieue, au nord de ce village. Le tombeau actuel « ne remonte qu’à Mohammed IV, qui l’a renouvelé en 1679. Un Juif d’Europe l’a fait réparer récemment, dit Mgr Mislin. Des ruines sont éparses sur les collines ; quelques-uns ont cru que ce devait être celles de Rama. Au témoignage d’Eusèbe, [il y avait] un lieu appelé Rama près de Bethléem. » Il paraît plus exact [à d’autres] de prendre ici simplement ce mot dans le sens de hauteur. Ce fut là qu’on entendit les cris déchirants qui s’élevèrent jusqu’au ciel des mères de Bethléem et des environs, personnifiés dans Rachel, la mère des enfants d’Israël. ― Pourquoi, se demande saint Jérôme, ces enfants sont-ils plus particulièrement attribués à Rachel, tandis qu’elle est la mère de Benjamin et non de Juda, dans la tribu duquel est située la ville de Bethléem ? Il répond : « Parce que Rachel est ensevelie près de Bethléem, et qu’elle a pris le titre de mère de la terre qui a donné l’hospitalité à son corps ; ou encore, parce que les deux tribus de Juda et de Benjamin se touchaient, et qu’Hérode avait ordonné de mettre à mort non seulement les enfants de Bethléem, mais ceux de tous les environs. »