Matthieu 2, 3

En apprenant cela, le roi Hérode fut bouleversé, et tout Jérusalem avec lui.

En apprenant cela, le roi Hérode fut bouleversé, et tout Jérusalem avec lui.
Saint Thomas d'Aquin
192. La raison [de la recherche] est le trouble d’Hérode, d’où : L’AYANT APPRIS. Et il appelle soigneusement Hérode roi afin de montrer que c’était un autre que le roi qu’ils cherchaient. Or, celui-ci avait une triple raison d’être troublé. La première venait de l’ambition que [Hérode] avait pour le maintien de son règne, parce qu’il était étranger. En effet, il connaissait ou il avait entendu parler de ce que disait Daniel, 2, 44 : Aux jours du règne d’Israël, Dieu fera surgir un règne du ciel, qui ne disparaîtra pas pour l’éternité, et son royaume ne sera pas livré à un autre peuple, etc. Mais, sur ce point, il se trompait, car ce règne était spirituel, Jn 18, 36 : Mon royaume n’est pas de ce monde. Ainsi, Hérode était-il troublé par la crainte de perdre son royaume, mais le Diable était encore plus troublé par la crainte de la destruction totale de son règne, Jn 12, 31 : Maintenant le prince de ce monde sera jeté dehors. Il faut remarquer, comme le dit Chrysostome, que ceux qui ont une situation élevée sont troublés par une simple parole prononcée contre eux, Ps 87[88], 16 : Alors que j’étais élevé, j’ai été humilié et troublé. Mais les humbles ne craignent jamais.

193. La deuxième [raison] venait de la crainte de l’Empire romain. En effet, l’Empire romain avait décidé que personne ne serait appelé dieu ou roi sans son consentement. En conséquence, il craignait. Mais cette peur appartenait au monde et elle était interdite, Is 51, 12 : Qui es-tu pour craindre l’homme mortel et le fils d’homme qui se dessèche comme l’herbe ?

194. La troisième raison vient de la confusion provoquée par la honte. En effet, [Hérode] rougissait sous le regard du peuple qu’un autre soit appelé roi, semblable en cela à Saül qui disait : J’ai péché, mais maintenant rends-moi hommage devant les anciens du peuple et devant Israël, etc., 1 R [1 S] 15, 30.

195. Mais ce qui suit est étonnant : ET TOUT JÉRUSALEM AVEC LUI. En effet, il semble qu’ils auraient dû se réjouir. Mais il faut savoir qu’ils avaient une triple raison d’être troublés. La première était leur iniquité. En effet, ils étaient iniques ceux pour qui le comportement des justes était regrettable, Pr 13, 19 : Les sots détestent ceux qui fuient le mal. La deuxième [raison] est qu’ils voulaient plaire à Hérode, Si 10, 2 : Tel est le juge du peuple, tels sont ses serviteurs. La troisième [raison] est qu’ils craignaient qu’Hérode, après avoir entendu cela, ne sévisse encore davantage contre la nation des Juifs.

196. Au sens mystique, on veut dire par là qu’[Hérode] était [un roi] terrestre. Grégoire [écrit] : «Le roi de la terre fut troublé par la naissance du roi du ciel, parce que l’élévation terrestre est d’autant plus abaissée que l’élévation céleste est dévoilée» ; Is 24, 23 : La lune rougira et le soleil aura honte, car le Seigneur des armées régnera sur la montagne de Sion et sur Jérusalem. Et il faut remarquer, comme le dit Augustin : «Qu’en sera-t-il du tribunal du juge, alors que le berceau d’un enfant effrayait les rois superbes ? Que les rois craignent celui qui est assis à la droite du Père, et qu’un roi impie a craint alors qu’il tétait le sein de sa mère.»
Louis-Claude Fillion
Ce verset est vraiment dramatique ; il décrit l’effet produit à la cour et dans la ville par la nouvelle inattendue qu’apportent les Mages. Qu’on se représente une longue caravane faisant son entrée dans une de nos grandes villes, et excitant par son seul aspect la curiosité de la foule ; qu’on se représente les chefs de ce riche cortège demandant à ceux des habitants qu’ils rencontrent : “Où est votre roi qui vient de naître ?” et l’on comprendra ce qui dut se passer alors à Jérusalem. Les paroles des Mages volent de bouche en bouche et bientôt elles franchissent le seuil du palais d’Hérode, portant en tous lieux une vive émotion ou même un violent effroi. – Fut troublé. Effroi d’abord dans le cœur d’Hérode. « Matthieu, d’un seul mot, et comme en passant, a exprimé de la façon la plus précise l’état d’esprit et le tempérament d’Hérode », dit Rosenmüller, in h.l. Hérode avait des raisons particulières d’être troublé par ce bruit soudain. Roi de Judée non par le droit, mais à force d’intrigues et de violences, détesté d’une grande partie de ses sujets à cause de sa tyrannie ou de son caractère anti-théocratique, prince ambitieux et jaloux de son autorité au point de faire périr les membres de sa famille, de crainte d’être supplanté par eux, il apprend tout à coup qu’il a auprès de lui un puissant rival, le Messie en personne, et il se demande avec anxiété si son trône pourra bien subsister à côté de celui du Christ. Quelle affliction pour un tel homme d’entendre dire que des savants orientaux viennent saluer dans sa propre capitale le nouveau roi des Juifs ! – Et tout Jérusalem. Jérusalem aussi avait ses raisons d’être émue. Elle se trouble parce qu’elle espère que son Messie va la délivrer du joug romain, qu’il la placera à la tête des nations et la comblera de prospérités ; or, les grandes espérances agitent et font trembler, quand elles sont sur le point d’être réalisées. Elle redoute les maux nombreux, les bouleversements épouvantables que les Rabbins lui prédisaient sous le nom de “Dolores Messiae” et qui devaient, lui disait-on, précéder l’apparition du Christ ; elle redoute encore quelque nouveau massacre opéré par Hérode dont elle connaît les accès de jalousie cruelle. Des causes opposées troublent donc fortement le roi et les sujets.