Matthieu 2, 6
Et toi, Bethléem, terre de Juda, tu n’es certes pas le dernier parmi les chefs-lieux de Juda, car de toi sortira un chef, qui sera le berger de mon peuple Israël. »
Et toi, Bethléem, terre de Juda, tu n’es certes pas le dernier parmi les chefs-lieux de Juda, car de toi sortira un chef, qui sera le berger de mon peuple Israël. »
Théodote d'Ancyre
S'il avait choisi Rome, la ville par excellence, on aurait pu croire que le changement qu'il a opéré dans le monde était dû à la puissance des citoyens romains ; s'il eût eu un empereur romain pour père on eût attribué ses succès à son pouvoir. Qu'a-t-il donc fait ? Il a choisi tout ce qui a le caractère de la pauvreté et de la bassesse, pour qu'il soit bien démontré que c'est la puissance divine qui a transformé le genre humain ; voilà pourquoi il a fait choix d'une mère pauvre, et d'une patrie plus pauvre encore, voilà pourquoi il naît dans l'indigence, et c'est ce que la crèche vint enseigner.
Il est troublé de ce qu'un roi des Juifs vient de naître du sein du peuple juif lui-même, parce qu'il est Iduméen, et qu'il craint que le sceptre revenant aux mains des Juifs, il ne soit chassé par eux, et sa race à jamais exclue du trône. C'est ainsi que les grandes puissances sont en proie à de plus vives terreurs. Les branches des arbres plantés sur les hautes montagnes sont agitées par le moindre vent ; ainsi ceux qui sont élevés en dignité sont troublés par le bruit de la plus légère nouvelle ; ceux au contraire dont la condition est obscure, vivant comme dans une vallée profonde, jouissent presque toujours d'une parfaite tranquillité.
Tous deux sont troublés par des inquiétudes personnelles, tous deux craignent un successeur, l'un de son royaume de la terre, l'autre du royaume des cieux. Or voici que le peuple juif partage lui-même ce trouble, alors qu'il aurait dû se réjouir de cette nouvelle ; mais ce peuple en est troublé, parce que l'arrivée du Juste ne peut être un sujet de joie pour les impies ; ou bien ils étaient troublés dans la crainte qu'Hérode irrité contre le roi des Juifs ne déchargeât sa colère sur la nation dont il était sorti ; c'est pourquoi l'auteur sacré ajoute : " Et toute la ville de Jérusalem avec lui. "
Mais pourquoi cette question d'Hérode, s'il ne croyait pas aux Écritures ? Ou s'il y croyait, comment pouvait-il se flatter de pouvoir mettre à mort celui dont elles prédisaient la royauté ? Mais il était poussé par le démon qui sait que les Écritures ne peuvent mentir. Ainsi sont tous les pécheurs : ce qu'ils croient, il ne leur est pas donné de le croire parfaitement ; ils croient, tant est grande la puissance de la vérité, et ils ne croient point, aveuglés qu'ils sont par l'ennemi du salut. Car si leur foi était parfaite, ils ne vivraient pas comme devant rester éternellement en ce monde, mais comme devant en sortir après quelques instants de séjour.
Ceux-ci répondirent : " Dans Bethléem de Juda. "
Il semble que les princes des prêtres auraient dû cacher le mystère du roi prédestiné de Dieu, surtout en présence d'un roi étranger ; et cependant, non contents de publier les oeuvres de Dieu, on les voit pour ainsi dire livrer ses mystères ; et non seulement ils les dévoilent, mais ils apportent à l'appui le témoignage du prophète. Il est écrit dans le prophète : " Et toi Bethléem, terre de Juda. "
Il y a plus encore, c'est qu'en supprimant une partie de la prophétie ils sont devenus la cause du massacre des enfants. En effet la prophétie porte : " De toi sortira le roi qui gouvernera mon peuple d'Israël, et ses jours sont depuis les jours de l'éternité. " Si donc ils l'avaient citée dans son entier, Hérode réfléchissant que ce roi dont la naissance date des jours de l'éternité ne pouvait être un roi de la terre, ne serait pas entré dans une si grande fureur.
Remarquez avec quelle exactitude s'exprime le prophète ; il ne dit pas : " Il sera dans Bethléem, " mais : " Il sortira de Bethléem, " pour indiquer ainsi que cette ville ne serait témoin que de sa naissance. " Comment peut-on rapporter cette prophétie à Zorobabel, comme quelques-uns le prétendent ? Sa naissance ne date pas du commencement ni ses jours de l'éternité ; Il n'est pas non plus sorti de Bethléem, puisqu'il n'est pas né dans la Judée, mais à Babylone. Une raison non moins forte c'est que la prophétie ajoute : " Tu n'es pas la plus petite, parce que de toi sortira, " car aucun autre que le Christ n'a rendu célèbre le bourg où il est né, et depuis sa naissance on vient des extrémités de la terre visiter l'étable et la crèche où il est né. Si le prophète ne dit pas : " De toi sortira le Fils de Dieu ; " mais : " De toi sortira le chef qui conduira mon peuple d'Israël, " c'est que dans les commencements il fallait condescendre à la faiblesse des Juifs, ne pas les scandaliser, mais les attirer en leur faisant connaître ce qui avait rapport au salut du genre humain. Il faut prendre dans un sens figuré les paroles suivantes : " Qui conduira mon peuple d'Israël, " c'est-à-dire ceux qui doivent croire d'entre les Juifs. Si tous ne se sont pas rangés sous la conduite du Christ, ils ne peuvent s'en prendre qu'à eux-mêmes. Le prophète n'a rien dit des Gentils et c'est encore pour ne pas scandaliser les Juifs. Voyez cependant comme tout est ici admirablement disposé. Les Juifs et les Mages s'instruisent mutuellement. Les Mages apprennent aux Juifs qu'une étoile annonce le Christ dans l'Orient, et les Juifs enseignent aux Mages que dans les temps anciens les prophètes l'ont prédit afin qu'affermis par ce double témoignage ils recherchent avec une foi plus ardente celui que révélaient à la fois l'éclat de l'étoile et l'autorité des prophéties.
Or voici le sens de cette prophétie : " Et toi Bethléem, terre de Juda, ou Ephrata " (elle est ainsi désignée parce qu'il y avait une autre Bethléem dans la Galilée), " quoique tu sois un petit bourg entre les villes de Juda, cependant c'est de toi que naîtra le Christ qui régnera sur Israël, et qui sera de la race de David. Cependant je lui ai donné naissance avant tous les siècles ; " c'est pour cela que le prophète ajoute : " Sa génération est dès le commencement, dès l'éternité, car au commencement le Verbe était en Dieu. "
Autant les Mages désirent trouver un Rédempteur, autant Hérode craint de rencontrer un successeur, comme l'indiquent les paroles suivantes : " Ce qu'ayant appris le roi Hérode, il fut troublé. "
Quelle terreur inspirera un jour le tribunal du juge, alors que le berceau du petit enfant fait trembler les rois superbes sur leur trône ? Que les rois soient saisis de frayeur devant celui qui est assis à la droite du Père, puisqu'un roi impie a tremblé devant lui alors qu'il était encore suspendu au sein de sa mère.
L'étoile qui conduisit les Mages au lieu où se trouvait le Dieu fait enfant avec la Vierge sa mère, aurait pu les conduire directement jusqu'à la ville même de Bethléem ; cependant elle se cacha, et ne reparut que lorsque ayant demandé aux Juifs dans quelle ville le Christ devait naître, ils en eurent obtenu cette réponse : " Dans Bethléem de Juda. " Les Juifs dans cette circonstance furent semblables aux ouvriers qui construisirent l'arche de Noé, et qui ne laissèrent pas de périr dans les eaux du déluge, après avoir fourni à d'autres le moyen de se sauver ; ou bien encore, semblables aux pierres milliaires placées sur les routes, ils se contentèrent d'indiquer le chemin, sans pouvoir marcher eux-mêmes. Ceux qui cherchaient n'eurent pas plus tôt appris ce qu'ils demandaient qu'ils partirent aussitôt, tandis que les docteurs les enseignèrent et restèrent immobiles. Les Juifs ne cessent de nous offrir tous les jours le même spectacle. Lorsque nous apportons aux païens des témoignages évidents de l'Écriture pour leur prouver que Jésus-Christ a été prédit bien longtemps avant sa naissance, Il en est quelques-uns qui tiennent ces témoignages pour suspects et comme inventés peut-être par les chrétiens, et qui préfèrent s'en rapporter aux exemplaires qui sont entre les mains des Juifs ; ces païens font comme les Mages autrefois, ils laissent les Juifs lire et relire sans aucun fruit leurs Écritures, et s'empressant de venir adorer avec foi Jésus-Christ.
On les appelait scribes, non seulement parce qu'ils transcrivaient les livres de la loi, mais parce qu'ils interprétaient les Écritures, car ils étaient docteurs de la loi.
" Il leur demanda où le Christ devait naître. " Remarquez qu'il ne dit pas : " Où le Christ est né, " mais " où le Christ devait naître. " Il les questionne avec astuce pour s'assurer s'ils se réjouissaient de la naissance de ce nouveau roi. Il lui donne le nom de Christ, parce qu'il savait que le roi des Juifs recevrait l'onction royale.
Ou bien on peut encore l'expliquer ainsi : " Quoique tu paraisses très petite au milieu des villes qui commandent aux autres, cependant tu ne l'es pas en réalité, car de toi sortira le chef qui conduira mon peuple d'Israël. " Ce chef, c'est le Christ qui conduit et gouverne le peuple fidèle.
Cependant tes craintes sont superflues, ô Hérode, ton palais ne peut contenir le Christ, le maître du monde ne peut être resserré dans les limites étroites de ton royaume ; celui à qui tu veux défendre de régner dans la Judée étend son règne partout.
Hérode dans cette circonstance joue le rôle du démon, et le démon après avoir été son instigateur se montre depuis son infatigable imitateur, car la vocation des Gentils fait son tourment, et son plus grand supplice est de voir tous les jours la destruction de son empire.
Les Mages guidés par un sentiment naturel crurent qu'ils devaient chercher dans la capitale du royaume le roi dont la naissance leur avait été révélée ; mais celui qui avait daigné prendre la forme d'un esclave, et qui était venu pour être jugé, et non pas pour juger, fit choix de Bethléem pour sa naissance et de Jérusalem pour sa passion.
A peine le roi du ciel est-il né que le roi de la terre est en proie à l'agitation et au trouble : c'est qu'en effet les hauteurs de la terre sont confondues, lorsque les grandeurs du ciel viennent à se découvrir.
C'est par suite d'un dessein providentiel qu'il naît à Bethléem, car Bethléem signifie maison du pain, et il a dit de lui-même : " Je suis le pain vivant descendu du ciel.
La Glose
On lui donne le nom de roi afin que, rapproché du roi que cherchent les Mages, il soit convaincu de n'être qu'un étranger.
Peut-être n'est-ce pas seulement la perte de son trône qu'il craignait, mais encore la colère des Romains qui avaient décidé qu'aucun roi, de même qu'aucun dieu ne serait proclamé sans leur approbation.
La ville de Jérusalem voulait flatter celui qu'elle craignait, car le peuple favorise toujours plus qu'il ne le devrait ceux dont il supporte les violences.
" Et ayant assemblé tous les princes des prêtres, " etc. Remarquez son empressement à chercher le Christ ; il veut, s'il le trouve, exécuter les projets qu'il dévoilera plus tard, et s'il ne le trouve pas, se ménager une excuse auprès des Romains.
(Mi 5.) L'Évangéliste rapporte cette prophétie telle qu'ils l'ont citée, en donnant plutôt le sens véritable que le texte même du prophète Michée. – S. Jér. On peut reprocher ici aux Juifs leur ignorance, car on lit dans le prophète Michée : " Et toi Bethléem Ephrata, " et non pas comme ils disent : " Et toi Bethléem, terre de Juda. "
Quant à cette dernière partie, les Juifs la supprimèrent comme nous l'avons dit, et ils changèrent le reste de la prophétie, soit par ignorance comme nous l'avons supposé, soit afin de rendre plus clair et plus évident le sens de cette prédiction pour Hérode, qui était un étranger ; ainsi pour le mot " Ephrata, " qui était un mot ancien et qu'Hérode pouvait ignorer, ils mettent : " Terre de Juda, " au lieu de lire : " la plus petite entre toutes les villes de Juda, " avec le prophète lui avait voulu faire ressortir le peu d'importance de cette ville relativement à l'immense multitude du peuple de Dieu, ils dirent : " Tu n'es pas la moindre entre les principales villes de Juda, " afin de montrer la grandeur que faisait rejaillir sur elle la dignité du roi qui devait naître dans son sein ; paroles qui reviennent à celles-ci : Tu es grande entre toutes les cités qui ont donné le jour à des princes.
201. Ensuite, la vérité est confirmée. On a ainsi : ET TOI, BETHLÉEM, etc. Dans cette prophétie, on pourrait relever deux choses : en effet, les mages avaient annoncé quelque chose, et ils cherchaient quelque chose. Et par cette prophétie, les deux choses sont indiquées, car, pour le premier point, [Matthieu] dit : ET TOI, BETHLÉEM ; pour le second, il dit : DE TOI EN EFFET SORTIRA UN CHEF.
202. Et ainsi, la naissance du Christ est confirmée par un double témoignage, à savoir, celui de l’étoile et celui de la prophétie, car la vérité sort de la bouche de deux ou trois témoins, Dt 19, 15 : Tout ce qu’on dira reposera sur deux ou trois témoins. Il faut remarquer que, lorsque tous étaient des incroyants, des signes corporels ont été donnés ; lorsqu’ils étaient déjà des croyants, une prophétie a été donnée, 1 Co 14, 22 : Ainsi, les langues sont données comme signe non pas aux croyants, mais aux incroyants ; mais les prophéties [sont données] non pas aux incroyants, mais aux croyants. Et il faut savoir que les Juifs ont manqué sur deux points en formulant la prophétie. Car il est dit en cet endroit : Et toi, Bethléem d’Éphrata [Mi 5, 1], mais ne s’y trouve pas : Tu n’es pas la moindre [Mi 5, 1]. On peut donner deux raisons pour lesquelles ils l’ont modifiée. D’abord, on peut dire qu’ils l’ont fait par ignorance. Ensuite, on peut dire qu’ils ont sciemment utilisé d’autres mots. Ils donnent ainsi leur opinion, car, Hérode étant étranger, il n’aurait pas compris l’autorité de la prophétie. C’est pourquoi ils ont dit ce qui était connu d’Hérode. Ils disent donc : Terre de Juda, et : Tu n’es pas la moindre, c’est-à-dire : «Tu n’es pas la plus petite parmi les milliers d’hommes de Juda», ou : «parmi les princes de Juda», c’est-à-dire parmi les principales villes de Juda.
203. DE TOI SORTIRA UN CHEF QUI CONDUIRA MON PEUPLE, ISRAËL. C’est de ce chef dont il est question en Dn 9, 25 : Jusqu’à ce que le chef oint, et Ps 30[31], 5 : Tu seras mon chef. En effet, il conduit le peuple d’Israël, non seulement de manière charnelle, mais aussi de manière spirituelle, Rm 11, 1 : Est-ce que Dieu a repoussé son peuple, etc. ? Ps 79[80], 2 : Toi qui conduis Israël, écoute, toi qui conduis Joseph comme une brebis. Il faut remarquer qu’on coupe la fin de la citation, à savoir : Et son origine remonte au début, aux jours les plus anciens. Par quoi est insinué qu’il ne devait pas être un roi terrestre, mais céleste. Si Hérode l’avait su, il n’aurait pas été impie. Ainsi, ils sont responsables de l’avoir tué. De plus, par cette fin [de la citation], il est clair que l’interprétation des Juifs est fausse, lorsqu’ils disent qu’elle s’applique à Zorobabel, car : Et son origine remonte au début, aux jours les plus anciens ne convient pas à celui-ci. De plus, [Zorobabel] n’était pas né en Judée, mais à Babylone.
202. Et ainsi, la naissance du Christ est confirmée par un double témoignage, à savoir, celui de l’étoile et celui de la prophétie, car la vérité sort de la bouche de deux ou trois témoins, Dt 19, 15 : Tout ce qu’on dira reposera sur deux ou trois témoins. Il faut remarquer que, lorsque tous étaient des incroyants, des signes corporels ont été donnés ; lorsqu’ils étaient déjà des croyants, une prophétie a été donnée, 1 Co 14, 22 : Ainsi, les langues sont données comme signe non pas aux croyants, mais aux incroyants ; mais les prophéties [sont données] non pas aux incroyants, mais aux croyants. Et il faut savoir que les Juifs ont manqué sur deux points en formulant la prophétie. Car il est dit en cet endroit : Et toi, Bethléem d’Éphrata [Mi 5, 1], mais ne s’y trouve pas : Tu n’es pas la moindre [Mi 5, 1]. On peut donner deux raisons pour lesquelles ils l’ont modifiée. D’abord, on peut dire qu’ils l’ont fait par ignorance. Ensuite, on peut dire qu’ils ont sciemment utilisé d’autres mots. Ils donnent ainsi leur opinion, car, Hérode étant étranger, il n’aurait pas compris l’autorité de la prophétie. C’est pourquoi ils ont dit ce qui était connu d’Hérode. Ils disent donc : Terre de Juda, et : Tu n’es pas la moindre, c’est-à-dire : «Tu n’es pas la plus petite parmi les milliers d’hommes de Juda», ou : «parmi les princes de Juda», c’est-à-dire parmi les principales villes de Juda.
203. DE TOI SORTIRA UN CHEF QUI CONDUIRA MON PEUPLE, ISRAËL. C’est de ce chef dont il est question en Dn 9, 25 : Jusqu’à ce que le chef oint, et Ps 30[31], 5 : Tu seras mon chef. En effet, il conduit le peuple d’Israël, non seulement de manière charnelle, mais aussi de manière spirituelle, Rm 11, 1 : Est-ce que Dieu a repoussé son peuple, etc. ? Ps 79[80], 2 : Toi qui conduis Israël, écoute, toi qui conduis Joseph comme une brebis. Il faut remarquer qu’on coupe la fin de la citation, à savoir : Et son origine remonte au début, aux jours les plus anciens. Par quoi est insinué qu’il ne devait pas être un roi terrestre, mais céleste. Si Hérode l’avait su, il n’aurait pas été impie. Ainsi, ils sont responsables de l’avoir tué. De plus, par cette fin [de la citation], il est clair que l’interprétation des Juifs est fausse, lorsqu’ils disent qu’elle s’applique à Zorobabel, car : Et son origine remonte au début, aux jours les plus anciens ne convient pas à celui-ci. De plus, [Zorobabel] n’était pas né en Judée, mais à Babylone.
Ils lui dirent. Le problème était
facile à résoudre et ne demandait pas de longues réflexions, tant la Révélation avait été claire sur ce point ;
Cf. Joann., 7, 42 et s. Aussi les Sanhédristes répondent-ils sans hésiter : IA Bethléem de Juda. Ils donnent
aussitôt la preuve de leur assertion: il a été ainsi écrit, il y a longtemps que le prophète Michée l’a prédit ;
Cf. Mich. 5, 1. La parole du Sanhédrin est aussi précise que celle des Mages et, comme celle des Mages, elle
s’appuie sur une autorité extérieure ; les Mages avaient cité l’étoile, les princes des prêtres et les docteurs de
la Loi citent un texte prophétique. – Et toi, Bethléem... L’oracle de Michée, que les anciens Rabbins
appliquent unanimement au Messie, est cité librement et s’écarte tout à la fois de l’hébreu et des Septante.
Serait-ce que l’évangéliste a tenu à nous conserver le passage du prophète tel que les Sanhédristes, mal servis
par leur mémoire, le mentionnèrent à Hérode ? S. Jérôme le pense ; mais cette hypothèse est peu
vraisemblable et peu suivie. Nous préférons attribuer de nouveau ces divergences à la liberté dont usent
habituellement en pareil cas les écrivains du Nouveau Testament, et tout particulièrement S. Matthieu. On lit
dans l’hébreu, d’après la traduction très-exacte de la Vulgate : “Et toi, Bethléem Ephrata, tu es petit dans les
milliers de Juda. De toi me sortira celui qui sera le dominateur en Israël”. Si nous rapprochons maintenant les
deux textes, nous verrons que la différence n’existe que dans la forme et nullement dans la pensée. L’idée
que voulait exprimer le prophète était celle-ci : Bien que Bethléem soit un bourg trop insignifiant pour qu’on
puisse le compter parmi les villes principales de la Judée, néanmoins il en sortira un chef illustre pour le
peuple juif. S. Matthieu a modifié l’expression pour dire que Bethléem n’est nullement une ville
insignifiante, attendu qu’il donnera aux Juifs un chef distingué. Qui ne voit que, malgré cette affirmation
d’une part, cette négation de l’autre, la prédiction demeure tout à fait la même dans sa partie essentielle : le
Messie doit naître à Bethléem, lui conférant ainsi une grande gloire ? Les autres traits sont des points
minutieux et l’évangéliste ne s’en fait point esclave. C’est ainsi qu’il s’est permis de dire “Bethléem terre de
Juda” au lieu de “Bethleem Éphrata”, “chef-lieu” au lieu de “clan”, “pasteur” (d’après le grec), au lieu de
“dominateur”. L’expression chef-lieu (principibus) semble tout d’abord assez obscure ; elle désigne les
chef-lieux composés de mille habitants environ que possédait chaque tribu. Chacun des chefs-lieux avait son
préfet nommé Alouf, “princeps”. L’évangéliste a employé d’une certaine manière le concret au lieu de
l’abstrait : Michée comparait Bethléem aux autres villes de Juda, S. Matthieu la compare aux chefs de ces
villes : la divergence n’est pas considérable. – Régira. Nous venons de voir que le grec nous présente le
Messie sous la figure non d’un roi, mais d’un pasteur, “pascat”; c’est une idée très-délicate. Dans l’antiquité,
on avait compris qu’il y a, suivant la parole de Xénophon, plus d’une ressemblance entre les devoirs d’un
bon roi et les devoirs d’un bon pasteur. C’était leur rappeler les soins affectueux qu’ils doivent à leurs sujets.
Cette même image revient à plusieurs reprises dans l’Ancien Testament ; Cf. 2 Reg. 5, 3 ; Jérem. 23, 2 et s.,
et le gracieux psaume 22. Voir, sur ce texte de Michée, Patritii, de Evangel. t. 2, p. 368 et ss.