Matthieu 20, 12

“Ceux-là, les derniers venus, n’ont fait qu’une heure, et tu les traites à l’égal de nous, qui avons enduré le poids du jour et la chaleur !”

“Ceux-là, les derniers venus, n’ont fait qu’une heure, et tu les traites à l’égal de nous, qui avons enduré le poids du jour et la chaleur !”
Saint Thomas d'Aquin
2102. EN LE RECEVANT, ILS MURMURAIENT CONTRE LE MAÎTRE, EN DISANT : «CES DERNIERS VENUS N’ONT FAIT QU’UNE HEURE, etc.» Plus haut, la rémunération a été présentée. Ici est présentée la protestation de certains.

Mais ici se pose une double question, car [le Seigneur] dit qu’EN RECEVANT CHACUN UN DENIER, ILS MURMURAIENT. Par le denier, on entend la vie éternelle. Faut-il croire qu’en recevant [une telle] rémunération quelqu’un murmurera ? En effet, il ne semble pas [que ce soit le cas], car alors il y aurait là péché, comme on lit en 1 Co 10, 10 : Ne murmurez pas. Chrysostome dit qu’il ne faut pas s’arrêter à ce qui est dit, mais à l’intention avec laquelle cela est dit. Il faut donc comprendre qu’aussi grande que pût être la rémunération, ils murmuraient. Ou bien, on peut l’entendre de ce monde-ci. Grégoire dit que «cette énumération n’est rien d’autre que le report de la rémunération, car les saints qui sont venus en dernier ont aussitôt reçu leur récompense, mais les premiers l’ont longtemps attendue». Ainsi, en 2 Co 6, 13 : Je dis que vous avez la même récompense que les fils ; ouvrez donc tout grand votre cœur, vous aussi, etc. Hilaire et Jérôme disent : «Parfois l’Écriture parle de l’ensemble du peuple, parfois des bons, parfois des méchants», comme il est dit, en Jr 26, 8, que tout le peuple se saisit de lui et que tout le peuple le libéra. Ici tout le peuple signifie une partie du peuple. Ainsi, dans les premiers temps, certains furent bons, mais pas tous ; c’est pourquoi quelque chose est donné aux bons et quelque chose aux mauvais, non pas qu’ils aient murmuré à ce moment-là, mais auparavant, car le peuple de Juifs murmura contre le peuple des Gentils parce que celui-ci était considéré comme son égal.

2103. Il se pose aussi une question. Que veut dire [le Seigneur] lorsqu’il dit : [NOUS] QUI AVONS PORTÉ LE FARDEAU DU JOUR ET LA CHALEUR ? Car ils ne l’ont supporté que pour autant qu’ils ont vécu, et de même en est-il des derniers. Que signifie ce qui est dit ? Il y a une triple réponse. La première réponse est que l’espoir qui est différé afflige l’âme. Il y en eut certains qui, au début du monde, ont porté le fardeau, car ils savaient que leur récompense était différée. On dit donc qu’ils ont porté le fardeau du jour. Ou bien, on peut mettre cela en rapport avec les Juifs qui ont porté le fardeau de la loi, fardeau dont Pierre dit, Ac 15, 10 : C’est un fardeau que ni nous ni nos pères n’avons pu porter. Mais les Gentils n’ont pas porté un tel fardeau, car ils n’ont pas été soumis à la loi. Ou bien, selon Grégoire, parce que les premiers hommes ont vécu plus longtemps, puisqu’ils vivaient neuf cents ans, ils ont porté un fardeau plus lourd.
Louis-Claude Fillion
Les ordres du Maître sont fidèlement exécutés : les ouvriers de la onzième heure, payés les premiers, reçoivent chacun un denier complet. Quand tous les autres ont passé, les ouvriers de la première heure, qui ont vu donner un denier à chacun, se figurent que la somme sera sans doute doublée pour eux : mais ils n’obtiennent rien de plus que le prix convenu. - En le recevant, ils murmuraient. Déçus et mécontents, ils se plaignent à haute voix, accusant le père de famille d’injustice à leur égard : c’est l’envie qui se manifeste dans toute sa laideur. Le v. 12 résume leurs paroles insolentes. - Ces derniers n'ont travaillé qu'une heure : d’après le grec « « unam horam » : locution singulière dans laquelle le verbe « faire » a le sens d’ « employer », Cf. Act. 15, 33 ; 18, 23 ; 2 Cor. 11, 25 ; du Cange, Diction. s. v. « facere », ou de « travailler », Cf. Ruth 2, 19, dans la traduction des 70. - Vous les avez traités comme nous : égaux au point de vue du salaire, comme s’il n’y avait pas eu entre eux et nous la plus grande dissemblance sous le rapport du travail et de la peine. - Le poids du jour et de la chaleur. Belle métaphore. Le poids du jour, c’est toute sa durée : ces mots expriment la longueur du travail. Le poids de la chaleur, c’est une circonstance particulière qui fait très bien ressortir la fatigue des premiers ouvriers venus dès le matin : tandis qu’un grand nombre de leurs camarades ont travaillé à la fraîcheur du soir, ils ont été eux-mêmes exposés pendant la plus grande partie du jour aux feux brûlants du soleil. Le travail dans une vigne, par un soleil d’été, doit être en effet particulièrement pénible en Orient.