Matthieu 20, 16

C’est ainsi que les derniers seront premiers, et les premiers seront derniers. »

C’est ainsi que les derniers seront premiers, et les premiers seront derniers. »
Origène
Ou bien encore, le maître dit à son intendant, c'est-à-dire à l'ange chargé de la distribution des récompenses, ou à l'un de ces nombreux intendants dont l'Apôtre a dit: «L'héritier est sous la puissance des tuteurs et des curateurs pendant tout le temps de son enfance». ( Ga 4,1-2 ).

Nous pouvons bien dire que toute cette vie n'est qu'un seul jour, jour d'une grande étendue par rapport à nous, mais d'une courte durée si on le compare à la vie de Dieu.

Je pense que le denier figure ici le salut éternel.

La place publique, c'est tout ce qui est en dehors de la vigne, c'est-à-dire en dehors de l'Église de Jésus-Christ.

Ou bien encore, comme il a loué les ouvriers de la troisième heure pour faire l'ouvrage tout entier, il se réserve d'apprécier leur travail avant de leur donner une juste récompense; car ils pouvaient travailler autant que ceux qui avaient commencé le matin en s'appliquant à leur tra vail dans un court espace de temps avec une laborieuse activité qui compenserait l'inaction du matin.

Or, les premiers ouvriers, que leur foi avait rendus recommandables, n'ont pas reçu l'effet des promesses, le père de famille ayant voulu, par une faveur particulière pour nous, qu'ils ne reçoivent qu'avec nous l'accomplissement de leur félicité. ( He 11,39-40 ). Et comme nous avons été l'objet d'une miséricorde toute spéciale, nous espérons recevoir les premiers la récompense, tandis que ceux qui ont travaillé avant nous ne la recevront qu'après nous: «Appelez les ouvriers, et payez-les en commençant par les derniers».

Peut-être est-ce au premier homme que s'adressent ces paroles: «Mon ami, je ne vous fais pas tort: est-ce que vous n'êtes pas convenu d'un denier avec moi ?» Prenez ce qui vous appartient, et allez-vous-en; le denier, c'est-à-dire le salut, vous est acquis. «Pour moi, je veux donner à ce dernier autant qu'à vous».On peut, avec assez de vraisemblance, voir dans cet ouvrier, venu le dernier, l'apôtre saint Paul, qui n'a travaillé qu'une heure, et qui cependant a travaillé peut-être plus que tous ceux qui ont vécu avant lui ( 1Co 15,9 ?).

Or, ces paroles: «Pourquoi demeu rez-vous ainsi tout le jour sans travailler ?»ne s'adressent pas à ceux qui, après avoir com mencé par l'esprit, finissent par la chair ( Ga 3), s'ils veulent revenir plus tard à la vie de l'esprit. En parlant ainsi, notre intention n'est pas de détourner ces enfants voluptueux, qui ont dissipé toute la richesse de la doctrine évangélique en vivant dans la débauche, de revenir dans la maison paternelle; nous voulons simplement dire qu'on ne peut nullement les comparer à, ceux qui ont péché dans leur jeunesse avant d'avoir reçu les enseignements de la foi.
Saint Hilaire de Poitiers
Ce murmure des ouvriers avait déjà éclaté sous Moise par la bouche insolente de ce peuple opiniâtre.

Le Seigneur les envoie donc à sa vigne. «Et il leur dit: Allez, vous aussi, à ma vigne».
Saint Jean Chrysostome
Le père de famille c'est Jésus-Christ, le ciel et la terre sont comme sa maison; sa famille, ce sont toutes les créatures qui habitent le ciel, la terre et les enfers; la vigne c'est la justice en général qui renferme toutes les différentes espèces de justices comme autant de plants de vigne, la douceur, la patience, et les autres vertus qui sont toutes comprises sous le nom général de justice. Les ouvriers de cette vigne sont les hommes. Le texte ajoute: «Il sortit le matin pour louer des ouvriers»,etc. Dieu a comme répandu la justice dans nos facultés, non pas pour lui, mais pour notre utilité. Nous sommes donc, ne l'oublions pas, des mercenaires qui avons été loués. Or, personne ne loue un mercenaire uniquement pour qu'il travaille à gagner sa nourriture; ainsi Jésus-Christ ne nous a pas appelés à son service pour nous occuper seulement de nos intérêts, mais encore pour travailler à la gloire de Dieu. Et de même que le mercenaire commence par remplir sa tâche avant de songer à la nourriture de chaque jour, ainsi nous devons d'abord nous appliquer à ce qui doit procurer la gloire de Dieu, avant de songer à nos propres intérêts. Le mercenaire, encore, consacre toute sa journée au service de son maître, et ne réserve qu'une heure seulement par jour pour pren dre sa nourriture; ainsi nous devons consacrer toute notre vie à la gloire de Dieu, et n'en don ner qu'une faible partie à nos besoins temporels. Enfin si le mercenaire passe un jour sans tra vailler, il n'ose paraître devant son maître pour demander son pain, et comment ne rougissez-vous pas d'entrer dans l'église de Dieu et de paraître en sa présence le jour où vous n'avez fait aucune bonne action sous ses yeux.

Dans ce monde, les hommes vivent d'un échange mutuel d'achats et de ventes, et pourvoient à leur subsistance par un commerce de fraudes réciproques.

Ces ouvriers oisifs ne sont pas les pécheurs, qui sont bien plutôt morts, mais tous ceux qui n'accomplissent pas les oeuvres de Dieu. Voulez-vous donc ne pas rester oisif? Ne prenez pas le bien d'autrui, et donnez de vos propres biens; vous aurez travaillé dans la vigne du Seigneur, en cultivant le cep de la miséricorde. «Et il leur dit: Allez-vous en aussi dans ma vigne». Remarquez que ce n'est qu'avec les premiers qu'il s'engage de donner un denier; il loue les autres pour un prix indéterminé: «Je vous donnerai ce qui sera juste». Le Seigneur, qui prévoyait la prévarication d'Adam, et qu'après lui tous les hommes devaient périr dans les eaux du déluge, fit avec lui un traité bien précis, afin qu'il ne pût pré texter qu'il avait abandonné la voie de la justice, parce qu'il ignorait quelle en serait la récom pense; mais il ne s'est point engagé de cette manière avec les derniers, parce que son intention était de les récompenser bien au delà de ce que pouvaient espérer des mercenaires.

Notre-Seigneur réunit ensemble la sixième et la neuvième heure, parce que c'est alors qu'eut lieu la vocation du peuple juif, et que Dieu renouvela fréquemment ses alliances avec les hommes, comme pour leur annoncer que le temps marqué pour le salut du genre hu main n'était pas éloigné.

Quelle est donc la nature de cette convention, et quelle ré compense y est promise? C'est la promesse de la vie éternelle; car les Gentils étaient les seuls qui ne connaissaient ni Dieu ni les promesses éternelles de Dieu.

«Et le maître dit à son intendant», c'est-à-dire le Fils à l'Esprit saint.

Remarquez que c'est le soir du même jour, et non le matin suivant, que le père de famille donne à chacun ce qui lui est dû. Ce sera donc pendant la durée du siècle présent qu'aura lieu le jugement après lequel chacun recevra sa récompense; et cela pour deux raisons: la première, c'est que la bienheureuse éternité doit être la récompense de la justice, et qu'il faut par conséquent que le jugement la précède; la seconde raison pour laquelle le jugement doit précéder le jour de l'éternité, c'est afin que les pécheurs ne soient pas témoins du bonheur de ce jour éternel.

En effet, nous donnons toujours plus volontiers à ceux qui n'ont aucun droit à notre libéralité; car nous donnons alors en vue de l'honneur qui nous en revient. Dieu se montre donc juste en donnant aux saints la récompense qu'il leur a promise, et miséricordieux, en l'accordant aux Gentils selon ces paroles de saint Paul: «Or, les Gentils doivent glorifier Dieu de la miséricorde qu'il leur a faite»; voilà pourquoi le maître ajoute: «En commençant par les derniers jusqu'aux premiers». C'est aussi pour faire éclater son ineffable miséricorde que Dieu récompense ainsi les derniers et les moins dignes, avant de récompenser les premiers; car une miséricorde infinie n'examine pas l'ordre et le rang des personnes.

Or, il n'y a en cela aucune injustice, car que fait à celui qui a vécu dès les premiers jours du monde, et qui n'a pas dépassé le temps qui lui était marqué, que le monde ait continué à exister après lui? Et quant à ceux qui naissent à la fin des temps, ils vi vent nécessairement le nombre de jours qui leur a été assigné. En quoi donc leur travail serait-il allégé, si le monde venait à finir aussitôt, puisqu'ils doivent achever leur tâche avant la fin du monde? D'ailleurs, il ne dépend pas de l'homme, mais de la puissance divine, de naître plus tôt ou plus tard; celui qui est né en premier lieu ne doit pas revendiquer la première place ou l'honneur d'être te premier, et celui qui n'est venu qu'après ne doit pas être considéré comme étant d'un mérite inférieur. «Et en recevant ce denier, ils murmuraient contre le père de fa mille, et disaient», etc. Mais s'il est vrai, comme nous venons de le dire, que les premiers et les derniers aient vécu chacun leur temps, ni plus ni moins, et que la mort ait été pour les uns comme pour les autres la consommation de leur destinée, pourquoi donc les premiers disent-ils: «Nous avons porté le poids du jour et de la chaleur ?» C'est que nous avons besoin d'une plus grande force pour pratiquer la justice, nous qui savons que la fin du monde approche. Aussi est-ce pour nous armer d'un nouveau courage que le Christ disait: «Le royaume des cieux est proche».Au contraire, c'était pour ceux qui ont vécu les premiers une occasion de tiédeur, de savoir que le monde devait durer longtemps encore, et bien que leur vie n'ait pas égalé la durée du monde, ils paraissent cependant en avoir supporté toutes les incommodités. Ou bien, «le poids du jour», ce sont les commandements de la loi; «la chaleur», c'est la tentation brûlante de l'erreur qu'allumaient en eux les esprit de malice en les excitant à la jalou sie contre les Gentils. Les Gentils, au contraire, en embrassant la foi chrétienne, n'ont pas été soumis à ces difficultés, et ont été entièrement sauvés par la grâce qui résume tout dans son mystérieux travail.

On ne doit point chercher à concilier exactement tous les détails d'une parabole avec l'ensemble du récit, mais bien comprendre la fin que l'auteur s'y est proposée, et ne pas aller au delà. L'intention du Sauveur n'est donc pas ici de nous montrer ceux qui étaient les premiers atteints d'une violente jalousie, mais de nous faire voir les derniers en possession d'une gloire si grande qu'elle était capable d'inspirer aux autres de l'envie.

Ils se plaignaient non pas d'avoir, été frustrés du salaire qui leur était dû, mais de ce que les autres recevaient, à leur avis, plus qu'ils ne méritaient. C'est ainsi que les envieux s'attristent du bien que l'on fait à un autre, comme si l'on diminuait par là celui qu'ils possèdent, preuve évidente que l'envie vient de la vaine gloire; car on ne se plaint d'être le second que parce qu'on a désiré être le premier, et c'est ce mouvement d'envie que le Seigneur combat par ces paroles: «Est-ce que vous n'êtes pas convenu d'un denier avec moi ?»

Ou bien Notre-Seigneur dé clare que les premiers seront les derniers, et les derniers les premiers, non pour donner aux derniers la prééminence sur les premiers, mais pour nous apprendre que l'époque différente de leur vocation n'a établi entre eux aucune différence, et qu'ils sont, sous ce rapport, parfaite ment égaux. Quant aux paroles qui terminent: «Il y en a beaucoup d'appelés, mais peu d'élus», elles se rapportent, non pas aux saints dont il vient d'être question, mais aux Gentils, parmi lesquels, en effet, beaucoup sont appelés, mais peu sont élus.

Le père de famille n'a pas loué tous ses ouvriers à la même heure, mais les uns le matin, les autres à la troisième heure et ainsi de tous ceux qui suivent; mais la cause en est dans les différentes dispositions de leur âme; car le Seigneur les appelle lorsqu'ils sont prêts à lui obéir; c'est ainsi qu'il appela le larron au moment où il prévoyait qu'il répondrait à sa vocation. Il est vrai que ces ouvriers disent: «Personne ne nous a loués»; mais, comme nous l'avons dit, il ne faut pas chercher la raison de toutes les circonstances des paraboles. D'ailleurs, ces paroles ne viennent pas du père de famille, mais des ouvriers; et quant à Dieu, au contraire, il appelle tous les hommes dès le premier âge de la vie, comme le prouvent ces paroles: «Il sortit de grand matin pour louer des ouvriers».

Jésus termine en disant: «Les derniers seront les premiers et les premiers les derniers», et il fait ici allusion indirecte tant à ceux qui, après avoir brillé d'abord d'un vif éclat, ont ensuite méprisé les leçons de la vertu, qu'aux autres, qui, ramenés des sentiers du vice, se sont élevés au-dessus d'un grand nombre par la sainteté de leur vie. Cette parabole a donc été composée pour exciter l'ardeur de ceux qui ne se sont convertis que dans leur extrême vieillesse, et les délivrer de la crainte de recevoir une récompense moins grande que les autres.
Saint Jérôme
Ou bien tout homme qui n'est appelé qu'après les Gentils leur porte envie et se fait comme un supplice de la grâce de l'Évangile qu'ils ont reçue avant lui.

Le denier porte l'effigie du roi; vous avez donc reçu le salaire que je vous avais promis, c'est-à-dire mon image et ma ressemblance. Que demandez-vous de plus? Ce que vous dési rez, ce n'est pas de recevoir davantage, c'est que l'autre ne reçoive rien du tout: «Prenez ce qui vous appartient, et vous en allez».
Saint Augustin
Ou bien, les moins dignes ou les derniers se trouvent les premiers, parce qu'ils ont attendu moins longtemps leur récompense.

La vie éternelle sera également accordée à tous les saints, ainsi que le figure ce denier donné à tous comme la récompense commune de leur travail. Mais comme dans la vie éternelle les mérites des saints brilleront d'un éclat différent, il y a aussi plu sieurs demeures dans la maison du Père céleste. Si donc le denier, qui est le même pour tous, signifie que la vie éternelle sera égale en durée pour tous les saints dans le ciel, le grand nom bre de demeures différentes prouve que la gloire sera plus éclatante pour les uns que pour les autres.

La parabole des ouvriers de la vigne que vous venez d'entendre lire dans l'évangile est bien appropriée au moment présent, puisque nous sommes maintenant au temps des vendanges. Mais il existe aussi une vendange spirituelle, au cours de laquelle Dieu se réjouit des fruits de sa propre vigne.

Le Royaume des cieux est comparable au père de famille qui sortit afin d'embaucher des ouvriers pour sa vigne (Mt 20,1). <> Celui-ci, à la fin du jour, ordonna de remettre à chacun son salaire, en commençant par les derniers pour finir par les premiers (Mt 20,8).

Que faut-il donc entendre par en commençant par les derniers! Le texte ne dit-il pas que les ouvriers vont recevoir leur salaire? Aussi bien, d'après un autre passage de l'évangile, le Seigneur dira à ceux qu'il placera à sa droite: Venez, les bénis de mon Père, recevez en héritage le royaume préparé pour vous depuis la création du monde (Mt 25,34). Tous ensemble, ils doivent donc attendre pour recevoir leur salaire. Cela étant, comment comprendre que les ouvriers engagés à la onzième heure sont payés en premier lieu, tandis que ceux de la première heure le sont en dernier lieu? Je remercierai Dieu si j'arrive à vous le faire comprendre. Quant à vous, vous devez remercier Celui qui se sert de nous pour vous prodiguer ses largesses; en effet, ce que nous vous donnons ne vient pas de nous.

Voici par exemple un homme qui a reçu son salaire après une heure, et un autre après douze heures de travail. Si l'on demande lequel des deux l'a reçu le premier, tout le monde répondra: "Celui qui l'a reçu après une heure de travail l'a eu avant celui qui l'a reçu après douze heures de travail." C'est ce qui se passe dans la parabole: tous les ouvriers ont reçu leur salaire à la même heure, mais les uns après une heure, et les autres après douze heures de travail. Aussi peut-on dire que ceux qui l'ont reçu après un temps plus court, ont été payés les premiers.

Les justes venus au monde en premier, comme Abel et Noé, ont été, pour ainsi dire, appelés à la première heure, et ils obtiendront le bonheur de la résurrection en même temps que nous. D'autres justes, venus après eux, Abraham, Isaac, Jacob et tous ceux qui vivaient à leur époque ont été appelés à la troisième heure, et ils obtiendront le bonheur de la résurrection en même temps que nous. Il en ira de même pour ces autres justes, Moïse, Aaron et tous ceux qui furent appelés avec eux à la sixième heure; puis les suivants, les saints prophètes, appelés à la neuvième heure, goûteront le même bonheur que nous.

Tous les chrétiens sont, pour ainsi dire, appelés à la onzième heure; ils obtiendront, à la fin du monde, le bonheur de la résurrection avec ceux qui les ont précédés. Tous le recevront ensemble. Voyez pourtant combien de temps les premiers attendront avant d'y parvenir. Ainsi, ils obtiendront ce bonheur après une longue période, et nous, après peu de temps. Bien que nous devions le recevoir avec les autres, on peut dire que nous serons les premiers, puisque notre récompense ne se fera pas attendre.

Quand il s'agira de recevoir la récompense, nous serons tous à égalité, les premiers comme s'ils étaient les derniers, et les derniers comme s'ils étaient les premiers. Puisque aussi bien la pièce d'argent de la parabole est la vie éternelle, sa possession sera aussi la même pour tous. Néanmoins, en raison de la diversité des mérites, l'un resplendira plus, l'autre moins. Quant à la vie éternelle, elle sera la même pour tous, car ce qui est éternel ne durera ni plus longtemps pour l'un, ni moins longtemps pour l'autre; ce qui n'a pas de fin n'en aura ni pour moi ni pour toi. Alors, autre sera la splendeur de la chasteté conjugale, autre la gloire de la pureté virginale. Le fruit des bonnes oeuvres brillera de tel éclat, la couronne de la passion de tel autre, la gloire de l'un différera de celle de l'autre. Mais pour ce qui est de la vie éternelle, l'un ne vivra pas plus que l'autre, ni celui-ci plus que celui-là. En effet, chacun vivra également sans fin, tout en possédant sa propre gloire: car la pièce d'argent, c'est la vie éternelle!
Saint Rémi
Les paroles qui suivent: «Ainsi les premiers seront les derniers, et les derniers seront les pre miers», nous font connaître le but de cette parabole, qui est de nous apprendre que les Juifs ont passé de la tête, où ils étaient, à l'extrémité opposée, tandis que nous, placés à cette extré mité, nous sommes devenus la tête.

Dans ce seul homme auquel il s'adresse, on peut voir tous ceux d'entre les Juifs qui ont cru en Jésus-Christ et à qui le Sauveur donne le nom d'amis à cause de la foi qu'ils ont embrassée.

C'est-à-dire, recevez votre récompense et entrez dans la gloire: «Je veux donner à ce dernier venu»,au peuple gentil, «autant qu'à vous»,comme il le mé rite.

L'oeil signifie ici l'intention; les Juifs avaient un oeil mauvais, c'est-à-dire une intention vicieuse, parce qu'ils s'attristaient du salut des Gentils.

Notre-Seigneur venait de dire que plusieurs de ceux qui étaient les premiers seraient les derniers, et que plusieurs de ceux qui étaient les derniers deviendraient les premiers; pour confirmer cette vérité, il propose la parabole suivante: «Le royaume des cieux est sembla ble»,etc.

Le denier était une pièce de monnaie qui valait dix as, et qui portait l'effigie du roi: le denier désigne donc parfaitement la récompense qui est accordée à l'observation du Décalogue. C'est aussi avec dessein qu'il est dit: «Etant convenu avec eux»,etc.; car dans le champ de la sainte Église, chacun travaille dans l'espoir de la ré compense future.

Ou bien enfin, c'est Notre-Seigneur Jésus-Christ lui-même, qui est à la fois le père de famille et l'intendant du maître de la vigne, comme il est lui-même la porte et le portier; car c'est lui qui doit venir juger les hommes, et rendre à chacun selon ses oeuvres. C'est donc au moment où les hommes seront réunis pour le jugement dernier, après lequel chacun recevra selon ses oeu vres, qu'il appellera les ouvriers pour leur donner une récompense.
Saint Grégoire le Grand
Dans un autre sens, le père de fa mille, c'est-à-dire notre Créateur, a une vigne, qui est l'Eglise universelle, et qui, depuis le juste Abel jusqu'à la fin du monde, a poussé autant de ceps qu'elle a produit de saints. Or, dans au cun temps, Dieu n'a cessé d'envoyer des ouvriers pour instruire son peuple comme pour culti ver sa vigne; car il l'a cultivée successivement, d'abord par les patriarches, puis par les doc teurs de la loi, ensuite par les prophètes, et enfin par les Apôtres comme par autant d'ouvriers. On peut dire, toutefois, que tout homme qui fait le bien avec une intention droite est en quel que ma nière et dans une certaine mesure un des ouvriers de cette vigne.

Le matin de ce jour du monde fut l'époque qui s'écoula depuis Adam jusqu'à Noé; c'est pour cela que Notre-Seigneur dit: «Il sortit de grand matin, afin de louer des ouvriers pour sa vigne», et il ajoute les conditions dont il est convenu avec eux: «Et étant convenu avec, eux d'un denier», etc.

La troisième heure est le temps qui s'écoula de Noé à Abraham, et c'est de cette époque que le Sauveur veut parler; quand il dit: «Etant sorti vers la troi sième heure, il vit d'autres ouvriers qui se tenaient sans rien faire sur la place publique».

C'est avec justice que l'on peut adresser le reproche d'oisiveté à celui qui ne vit que pour lui et se nourrit des plaisirs des sens, parce qu'il ne travaille pas à produire les fruits des oeuvres de Dieu.

La sixième heure est celle qui s'étend d'Abraham à Moïse, et la neuvième, celle qui s'est écoulée de Moïse jusqu'à l'avènement du Seigneur. «Et il sortit de nouveau», etc.

La onzième heure c'est le temps qui s'écoulera depuis l'avènement du Seigneur jusqu'à la fin du monde. L'ouvrier du matin, de la troisième, de la sixième et de la neuvième heure, c'est donc cet ancien peuple hébreu qui, dans la personne de ses élus, n'a point cessé de travailler à la vigne du Seigneur depuis le commencement du monde, en s'efforçant d'adorer Dieu avec une foi droite et sincère. A la onzième heure, ce sont les Gentils qui sont appelés. «Vers la onzième heure, il sortit», etc. Ils avaient négligé, dans le cours de tant de siècles, de travailler à la culture de leur âme, et ils passaient ainsi tout le jour sans rien faire. Mais remarquez ce qu'ils répondent à la question qui leur est faite: «Personne, lui dirent-ils, ne nous a loués».Aucun patriarche, en effet, aucun prophète n'était venu vers eux, et que signifient ces paroles: «Personne ne nous a loués»,si ce n'est: «Personne ne nous a fait connaître le chemin de la vie».

Les ouvriers qui n'avaient travaillé qu'à la onzième heure reçurent pour salaire, comme ceux qui avaient commencé à la première heure, le même denier qu'ils avaient ardemment désiré; parce que, en effet, ceux qui se sont convertis à Dieu à la fin du monde ont reçu la même ré compense, la même vie éternelle que ceux qui avaient été appelés dès le commencement du monde.

Ou bien encore: «Porter le poids du jour et de la chaleur», c'est pendant toute la durée d'une longue vie, supporter les fatigues d'une lutte continuelle contre les ardeurs de la concupiscence. Mais comment donc expliquer les murmures dans ceux qui sont appelés à entrer dans le royaume des cieux? Car aucun murmurateur ne peut y entrer, comme aucun de ceux qui le reçoivent pour récompense, ne peut se laisser aller aux murmures.

Ou bien encore, les anciens patriarches, quelle que fût d'ailleurs leur justice, n'ayant pu entrer dans le royaume des cieux avant l'avènement du Sauveur, se laissent en quelque sorte aller aux mur mures. Nous, au contraire, qui sommes venus à la onzième heure, nous ne murmurons pas après notre travail, parce qu'étant venus dans le monde après l'avènement du Médiateur, nous entrons dans le royaume des cieux aussitôt que nous sommes sortis de notre corps.

Comme nous n'entrons dans le royaume des cieux que par un effet du bon vouloir de Dieu, le Sauveur ajoute avec raison: «Ne m'est-il donc pas permis de faire ce que je veux ?» C'est un acte de folie de la part de l'ho mme, de murmurer contre la volonté de Dieu. Il aurait lieu de se plaindre si Dieu ne donnait point ce qu'il doit; mais qui peut se plain dre de ce qu'il ne donne point ce qu'il ne doit pas? C'est ce que le Maître exprime en termes clairs: «Est-ce que votre oeil est mauvais parce que je suis bon ?»

Il en est beaucoup, en effet, qui embrassent la foi, mais il en est peu qui parviennent jusqu'au royaume des cieux, car la plupart font profession de suivre Dieu et s'éloignent de lui par leurs moeurs. Nous devons donc faire ici deux réflexions: la première, c'est que personne ne doit se laisser aller à la présomption, car bien qu'il soit appelé à la foi, il ne sait pas s'il sera du nombre des élus qui entreront en possession du royaume; la seconde, c'est qu'il ne faut jamais désespérer de son prochain quand on le voit croupir dans le vice, car nous ne connaissons pas les trésors de la miséricorde divine. - Et plus haut Ou bien, dans un autre sens, notre matin, c'est notre enfance; la troisième heure, c'est l'adolescence ou la chaleur de l'âge qui se développe et qui est comme le soleil qui s'élève dans les hauteurs des cieux. La sixième heure, c'est la jeunesse, alors que la plénitude de la force s'établit en l'homme, comme le soleil qui semble se fixer au milieu du firmament. La neuvième heure est comme la vieillesse dans laquelle l'âge descend tous les jours des hauteurs brûlantes de la jeunesse, comme le soleil qui descend des points élevés du ciel. La onzième heure, c'est l'âge de la caducité et de la décrépitude.

Ceux donc qui ont tardé jusqu'au dernier âge à vivre pour Dieu, sont ceux qui se tiennent dans l'oisiveté jusqu'à la onzième heure, et cependant le père de famille ne laisse pas de les appeler, et souvent il les récompense les premiers, parce qu'ils sortent de cette vie pour entrer dans l'éternité avant ceux qui ont été appelés dès leur première enfance.
Rabanus Maurus
Après avoir fait connaître les conditions du travail pour la journée, le Sauveur, continuant son récit, arrive à l'heure du salaire, et dit: «Le soir étant venu», etc., c'est-à-dire lorsque le jour, qui comprend toute la durée du monde, était sur son déclin, et approchait de la consom mation de toutes choses.
La Glose
Ou bien, si vous aimez mieux, le Père dit au Fils, car le Père agit par le Fils, et le Fils par l'Esprit saint, sans qu'il y ait entre eux aucune différence de nature ou de dignité.
Saint Thomas d'Aquin
2109. VOILÀ COMMENT LES DERNIERS SERONT LES PREMIERS, ET LES PREMIERS SERONT LES DERNIERS. [Le Seigneur] apporte ici la conclusion de ce qui était l’objet de la parabole. Premièrement, il présente la conclusion ; deuxièmement, il écarte une fausse opinion.

Il dit : LES DERNIERS SERONT LES PREMIERS. On peut lire cela de deux façons selon Chrysostome : les derniers deviendront les égaux des premiers, de sorte qu’il n’y aura pas de différence (et cela correspond à ce qui a été, à savoir que chacun a reçu un denier) et qu’il n’y aura pas de différence dans le temps ; ou bien, d’une autre façon, à savoir que ceux qui sont les derniers seront les premiers. Dt 28, 44 : L’étranger passera devant toi et sera en tête, et toi à la queue. Ou bien, ceux qui étaient les premiers deviendront les derniers à cause de leur négligence ; et cela correspond à ce qui précède, car [l’intendant] a commencé par les derniers.

Mais quelqu’un pourrait dire : «Est-ce que tous ceux qui étaient les premiers ne seront pas sauvés ?» [Le Seigneur] dit : BEAUCOUP SONT APPELÉS, MAIS PEU SONT ÉLUS, car ceux qui croient ont tous été appelés ; mais ceux qui sont élus, qui font de bonnes œuvres, sont peu nombreux, comme [il est dit] plus haut, 7, 14 : Le chemin qui conduit à la vie est étroit et peu nombreux sont ceux qui le trouvent.
Louis-Claude Fillion
Maintenant, Jésus tire la morale de la parabole, en répétant, après l’avoir tant soit peu modifié, le proverbe qui avait servi de prélude à ce petit drame intéressant. Cf. 19, 30. - Ainsi... « Sic », selon ce que vous venez d’entendre. Dans le royaume messianique, les choses se passeront comme dans cette parabole. - Les derniers seront les premiers... Plus haut, ch. 19 v. 30, Jésus avait parlé tout d’abord du sort des premiers : beaucoup des premiers seront les derniers ; ici, il commence par les derniers : les événements racontés dans la parabole réclamaient cette inversion, ou du moins la rendaient plus naturelle. Autre différence : plus haut, Notre-Seigneur avait dit qu’un grand nombre de ceux qui étaient au premier rang seraient relégués au dernier, tandis qu’ici il généralise la pensée en employant des termes absolus : Les derniers seront les premiers et les premiers seront les derniers. Toutefois, le sens est le même, comme le démontre la phrase finale où nous retrouvons l’expression « beaucoup » ; il y en a beaucoup d’appelés, mais peu d’élus. Les derniers devenus les premiers, ce sont évidemment, d’après la parabole, les ouvriers des dernières heures du jour, qui ont été traités avec tant de bonté par le père de famille ; les premiers devenus les derniers, ce sont les ouvriers de la première heure, qui, bien qu’ils reçoivent le salaire convenu, sont néanmoins dépassés par les autres en ce sens que le père de famille est plus généreux à l’égard de ceux-ci. - Car il y beaucoup d'appelés... Autre sentence mystérieuse ajoutée à la première pour la justifier et l’éclaircir. Plusieurs manuscrits (B. L. Z. Sinait. etc.) et versions anciennes ne la contiennent pas : néanmoins son authenticité n’est pas douteuse, vu le grand nombre des témoins qui l’attestent. Son omission peut s’expliquer en partie par ce qu’on appelle un Homoiotéleuton (ressemblance entre fragments de phrases) qui aura trompé quelques copistes. Nous apprenons donc par ces mots le motif pour lequel tant de premiers deviendront les derniers et réciproquement : c’est un changement qui n’a rien d’injuste, ni d’arbitraire, mais qui est au contraire basé sur les décrets les plus légitimes. En effet, conclut Jésus, beaucoup (c’est-à-dire, en réalité, tous) sont appelés, appelés par Dieu à travailler dans la vigne messianique et à recevoir ensuite la récompense de leurs travaux ; mais, peu sont élus : ceux qui deviennent finalement l’objet d’un choix privilégié ne forment malheureusement que la minorité, beaucoup des appelés ne méritant pas d’être élus. Pour revenir encore au texte de la parabole, les « appelés » sont tous les ouvriers recrutés dans le cours de la journée par le père de famille : les élus sont figurés par ceux qui se seront montrés dignes de la récompense finale. - Reprenons à présent la question de S. Jean Chrysostôme : « Que signifie cette parabole ? » Il est plusieurs points sur lesquels tout le monde est d’accord et nous allons d’abord les noter. Le père de famille, c’est Dieu, Cf. Joan. 15, 1, qui invite tous les hommes sans exception à travailler dans sa vigne. Cette vigne même n’est autre que le royaume messianique, l’Église du Christ, si souvent comparée à une vigne dans les Saintes Écritures. Le procureur représente Notre-Seigneur Jésus-Christ, chargé par son Père d’exercer une haute surveillance sur sa vigne mystique, et de récompenser les bons ouvriers à la fin des temps. La place publique sur laquelle le père de famille va chercher les journaliers dont il a besoin, c’est le monde. Les ouvriers figurent les hommes ; plus spécialement les pasteurs des âmes qui travaillent d’une manière particulière à la vigne du Seigneur. Mais que dénotent les différentes heures du jour ? Que dénote le denier distribué aux ouvriers à la fin de la journée ? Par-dessus tout, quelle leçon précise ressort de cette parabole pour les Apôtres et pour nous ? - 1. Les heures du jour. Plusieurs Pères ont pensé que les différentes heures de la journée correspondent à des époques distinctes de l’histoire de l’humanité, depuis ses débuts les plus reculés jusqu’à la fin du monde. Telle est l’opinion de S. Grégoire-le-Grand : « La vigne est l'Église universelle, qui a produit des ceps, c'est à dire des saints, depuis le juste Abel jusqu'au tout dernier saint qui sera né avant la fin du monde. Le matin est la période allant de Adam à Noé; la troisième heure, de Noé à Abraham; la sixième heure, d'Abraham à Moïse, la neuvième de Moïse à la venue du Seigneur; la onzième heure va de la venue du Seigneur à la fin du monde », Hom. 19 in Evang. ; Cf. Orig. in Matth. tract. 10 ; S. Irénée. l. 4. cap. 70. D’après ce sentiment, les ouvriers de la première, de la troisième, de la sixième et de la neuvième heure seraient exclusivement les Juifs (« l'ancien peuple hébraïque », S. Grégoire), tandis que les ouvriers de la onzième heure représenteraient les Gentils ; Cf. S. Hilaire, Comm. in Matth. Mais d’autres Pères, et à leur suite la plupart des commentateurs modernes et contemporains, ont adopté une interprétation beaucoup plus naturelle, qui permet de faire de notre parabole une explication tout à la fois plus étendue et plus profonde. Les heures du jour représentent les différentes périodes de la vie humaine auxquelles l’appel de Dieu se fait entendre et vient enchaîner victorieusement, définitivement, les cœurs. Tous les hommes, en effet, ne reçoivent pas à la même époque de leur existence la grâce qui les transforme à tout jamais. Quelle différence entre eux sous ce rapport ! Les uns, heureux ouvriers de la première heure, sont appelés à la foi et à la sainteté dès leur enfance : ils naissent pour ainsi dire dans la vigne même du Seigneur ; « ceux qui comme le Psalmiste (Ps 21, 11) peuvent dire : dès le ventre de ma mère, tu es mon Dieu », S. Jérôme, Comment in h. l. De la sorte, le jour de travail correspondrait, pour chaque individu, à toute la durée de sa vie : mais on aura plus ou moins travaillé, selon qu’on se sera converti à une époque plus ou moins tardive. Le soir, c’est-à-dire à l’heure de la mort, chacun reçoit déjà sa récompense particulière, en attendant qu’elle soit solennellement proclamée au jugement général. - 2. Le denier. Il est assez de mode, dans le camp des exégètes protestants, de voir dans ce denier la figure d’une récompense purement temporelle, quoique on ait beaucoup de peine à définir au juste sa nature. La plupart des interprètes catholiques répondent au contraire avec S. Augustin : « Ce denier est la vie éternelle », Serm. 343 ; et telle est bien l’idée qui semble nettement ressortir de l’ensemble de la parabole. Il existe cependant sur ce point une difficulté que S. Jean Chrysostôme, Hom. 114 in Matth., faisait déjà remarquer à ses auditeurs. Comment peut-on concevoir qu’il y ait des mécontents et des envieux dans le ciel ? Est-il possible de se figurer des âmes qui, après avoir reçu la récompense éternelle représentée par le denier, se plaignent à Dieu de son insuffisance, et jettent des regards jaloux sur le sort des autres bienheureux ? « Car aucun murmurateur ne peut y entrer, comme aucun de ceux qui le reçoivent pour récompense, ne peut se laisser aller aux murmures », S. Grégoire, Hom. 19 in Matth. Mais la difficulté est plus spécieuse que sérieuse, et il y a plusieurs moyens de la résoudre. On peut répondre d’abord avec S. Jean Chrysostôme, loc. cit., que, dans les paraboles de même qu’en général dans les comparaisons, il ne faut pas vouloir presser tous les détails. « Dans ces figures paraboliques il n'est pas nécessaire d’expliquer chaque mot. Mais quand nous avons bien compris la fin et le but de toute la parabole, nous devons nous en servir pour notre édification, sans faire tant d’efforts pour éclaircir tout le reste » . Voir l’introduction aux Paraboles, en tête du chapitre 13. On peut répondre encore que, sous cette image, Jésus-Christ a voulu, comme nous l’expliquerons plus bas, cacher un grave avertissement à l’adresse de ceux qui, ayant reçu de bonne heure l’appel de Dieu et y ayant correspondu fidèlement, pourraient être tentés ensuite de se négliger, ce qui leur ferait perdre leurs avantages antérieurs. Quoique le denier soit le même pour tous les ouvriers, c’est-à-dire, bien qu’ils reçoivent tous la vie éternelle en prix de leurs travaux, il est bien évident qu’il y aura des degrés dans leur gloire et dans leur félicité : « La vie éternelle sera également accordée à tous les saints, comme le figure ce denier donné à tous comme la récompense commune de leur travail. Le denier, qui est le même pour tous, signifie que la vie éternelle sera égale en durée pour tous les saints dans le ciel, mais tous n'auront pas la même gloire. De même, les étoiles brillent perpétuellement dans le ciel ; mais certaine brillent plus que d'autres », S. Aug. in Luc. c. 15. Ou encore, d'après Bellarmin, de Aetern. Felic. Sanct. 5 : « De même que le soleil apparaît plus brillant aux aigles qu'aux autres oiseaux, et de même que le feu réchauffe plus ceux qui en sont proches que ceux qui en sont éloignés, ainsi dans la vie éternelle certains verront plus clair et se réjouiront plus que d'autres » ; S. Thom. Sum. Theol. p. 1. q. 12. a. 6. - 3. L’idée mère de la parabole. Cette idée a été bien différemment exprimée ; elle l’a même été parfois d’une manière assez superficielle ; par exemple, quand on a soutenu que Jésus se proposait simplement, dans ce discours figuré, de mettre en lumière l’égalité des récompenses célestes pour les élus, sans égard à la date de leur conversion. Pour d’autres, le point culminant de la parabole consiste dans la parfaite liberté de Dieu relativement au salut des hommes : il peut y appeler qui bon lui semble et quand il lui plaît, sans avoir à rendre de compte à personne. Maldonat ne s'écarte de ces deux sentiments que par une nuance lorsqu'il dit : « La parabole veut montrer que le salaire est proportionnel non pas au temps pendant lequel quelqu'un a travaillé, mais au travail et à l'effort qu'il a faits ». Malheureusement ces interprétations, et plusieurs autres qui leur ressemblent, viennent toutes se heurter contre quelque détail important du récit, qu’elles faussent ou qu’elles n’expliquent pas. Plusieurs écrivains anciens et modernes se rapprochent davantage de la vérité en voyant dans cette parabole l’annonce terrible, quoique aimablement dissimulée, de l’exclusion de la plupart des Juifs du royaume messianique (Van Steenkiste, Schegg, Greswell, etc). Il est certain en effet qu’il y est indirectement question d’un châtiment divin, bien que chacun y reçoive de fait un salaire : ce châtiment, déguisé sous les reproches sévères adressés par le père de famille à l’ouvrier qui murmure (v. 14 : « Prends ce qui t'appartient et va-t-en » ; v. 15 : « Ton œil est-il méchant parce que je suis bon ? ») apparaît d’une manière manifeste dans le proverbe qui sert de cadre à la parabole, 19, 30 ; 20, 16, et surtout dans les dernières paroles, qui supposent la damnation d’un grand nombre d’hommes : « il y a beaucoup d’appelés, mais peu d’élus ». Nous croyons toutefois que la menace n’atteint pas les seuls Juifs ; elle s’adresse plutôt en général à tous les hommes qui, appelés par Dieu à une vie sainte, conforme aux vérités et à la morale chrétiennes, ne se conduisent pas ensuite de façon à mériter l’élection proprement dite. Bien plus, ainsi qu’il semble ressortir du contexte et de la liaison étroite qui existe entre la parabole et la question de S. Pierre, 19, 27, la menace retombe sur les Apôtres eux-mêmes, pour le cas où ils ne profiteraient pas du céleste appel, accompagné pour eux de tant de grâces et formulé de si bonne heure. L’exemple de Judas prouve que l’avertissement n’était pas inutile, même en ce sens restreint. N’était-il pas le plus signalé d’entre ces premiers qui sont devenus les derniers par leur faute, et qui verront un jour les publicains et les pécheresses entrer dans le royaume des cieux, Cf. 21, 31, tandis qu’ils en seront à tout jamais exclus ? - Il est intéressant pour l'exégète d'avoir à noter, à côté de cette profonde parabole, deux morceaux littéraires qui ont avec elle une certaine analogie et qui sont tirés l'un du Talmud et l'autre du Sunna, recueil arabe où sont entassés les propos attribués à Mahomet par la tradition. On pourra faire la comparaison. 1° La parabole juive : « A qui peut on comparer R. Bon bar Chaija ? A un roi qui embaucha plusieurs ouvriers, parmi lesquels s'en trouvait un qui effectua extraordinairement bien son travail . Que fit le roi ? Il le prit à l'écart et marcha avec lui çà et là. Quand le soir fut venu, les ouvriers vinrent, pour recevoir leur salaire, et il lui donna un salaire complet. Les ouvriers murmurèrent en disant "nous avons travaillé dur toute la journée, et cet homme seulement deux heures, et pourtant il a reçu le même salaire que nous". Le roi leur dit :"Il a travaillé plus en deux heures, que vous pendant la journée entière". Ainsi R. Bon a travaillé plus pour la Loi pendant 28 ans, que d'autres en 100 ans ». Hieros. Berach. Fol. 5, 3 ; Cf. Ligthfoot in h. l. C'est on le voit le commentaire de cette parole du Sage, Sap. 4, 13 : « Arrivé au but en peu de temps, il a parcouru tous les âges de la vie ». 2° La parabole arabe. Les Juifs, les chrétiens et les Mahométans sont comparés à trois groupes de journaliers, embauchés à différentes heures du jour, le matin, à midi et dans la soirée. Les ouvriers embauchés en dernier lieu reçoivent à la fin de la journée deux fois autant que les autres. Les Juifs et les chrétiens se plaignent en disant : Seigneur, vous avez donné deux carats à ceux-ci et à nous un seul carat. Le Seigneur leur demande : Vous ai-je fait tort dans votre salaire ? Ils répondent : Non. Eh bien, apprenez, reprend Dieu, que le reste est une surabondance de ma grâce. Cf. Gerock, Christol. des Koran, p. 141.
Fulcran Vigouroux
Cette parabole est une explication de la fin du chapitre précédent. Elle nous montre que Dieu est maître de ses dons, et qu’il peut se faire que celui qui a travaillé une heure mérite autant que celui qui a travaillé une journée entière, s’il l’a fait avec plus de zèle. Elle s’applique aux gentils qui, n’entrant qu’à la dernière heure dans l’Eglise, auront part à la même récompense que les Juifs qui y ont été appelés les premiers. ― Il faut remarquer d’ailleurs que « quand Jésus-Christ se sert d’une comparaison, énonce une parabole, il ne veut pas nous faire entendre qu’il y ait toujours une parité complète entre l’allégorie et la vérité. Il ne faut prendre souvent que le fond des choses et les circonstances générales. Tout le reste n’est pour l’ordinaire qu’une espèce d’ornement sur lequel il est bon de ne pas trop s’appesantir. Il y a des traits qui sont nécessaires pour le complément de la figure, dit saint Jean Chrysostome, et qui ne le sont nullement pour la réalité. [Ici] l’excuse des ouvriers du soir, le murmure de ceux de la première heure, les reproches du maître n’ont point d’application. » (Mgr PICHENOT.)

Ainsi les derniers, etc. Il semble au premier abord que la conclusion de cette parabole manque de justesse, et qu’il aurait fallu la terminer ainsi : Les derniers seront comme les premiers. C’est en effet le sens du texte original, où la particule de comparaison comme se trouve sous-entendue en vertu d’un hébraïsme que les auteurs du Nouveau-Testament ont souvent imité.
Pape Saint Jean-Paul II
Le Règne que Jésus inaugure est le Règne de Dieu. Jésus lui-même révèle qui est ce Dieu qu'il désigne par le terme familier de « Abba », Père (Mc 14, 36). Dieu, révélé surtout dans les paraboles (cf. Lc 15, 3-32: Mt 20, 1-16), est sensible aux besoins et aux souffrances de tout homme: il est un Père plein d'amour et de compassion qui pardonne et accorde gratuitement les grâces demandées.