Matthieu 20, 23
Il leur dit : « Ma coupe, vous la boirez ; quant à siéger à ma droite et à ma gauche, ce n’est pas à moi de l’accorder ; il y a ceux pour qui cela est préparé par mon Père. »
Il leur dit : « Ma coupe, vous la boirez ; quant à siéger à ma droite et à ma gauche, ce n’est pas à moi de l’accorder ; il y a ceux pour qui cela est préparé par mon Père. »
Jésus-Christ ne leur dit pas: Vous pouvez boire mon calice, mais les yeux fixés sur la perfection à laquelle ils devaie nt atteindre, il leur dit: «Il est vrai que vous boirez mon calice».
Dans les cours des rois de la terre, on regarde comme un grand honneur d'être assis près du roi, il n'est donc pas étonnant que cette femme, dans la simplicité et l'inexpérience de son sexe, ait cru pouvoir faire au Sauveur une semblable demande. Ses deux enfants eux-mêmes, qui étaient encore bien imparfaits, et n'avaient pas des pensées fort élevées du règne du Christ, partagèrent les idées de leur mère sur la destinée de ceux qui seront assis avec Jésus.
C'est, en effet, après qu'il a détruit le péché qui régnait dans nos corps mortels et toute la puissance des esprits de malice, que Jésus-Christ reçoit parmi les hommes les honneurs de la souveraineté, ce qui est pour lui s'asseoir sur le trône de sa gloire. Dieu agit en toute puissance à sa droite et à sa gauche, en ne souffrant aucun mal en sa présence. Parmi ceux qui s'approchent de Jésus-Christ, ceux qui sont les plus élevés, sont à sa droite; ceux qui sont au-dessous, sont à sa gauche. Par la droite du Christ, peut-être peut-on comprendre toute créature invisible; et par la gauche toute créature visible et corporelle. Dans le nombre de ceux qui s'approchent du Christ, les uns prennent la droite, c'est-à-dire les choses intelligibles, les autres la gauche, c'est-à-dire les choses sensibles.
Ils ne savent encore ce qu'ils demandent, parce que la gloire réservée aux Apôtres ne pouvait faire l'objet d'aucune discussion, après qu'il leur avait prédit si clairement qu'ils devaient juger le monde.
Or, les deux disciples qui avaient déjà la liberté et la constance du martyre, promettent de boire ce calice. «Ils lui dirent: Nous le pouvons».
Notre-Seigneur, tout en louant la foi qui les anime, leur déclare qu'ils se ront associés à ses souffrances, mais que Dieu, son Père, avait disposé en faveur d'autres de l'honneur de s'asseoir à sa droite et à sa gauche: «Mais pour ce qui est d'être assis à ma droite et à ma gauche», etc. Dans notre opinion, cet honneur n'est pas tellement réservé à d'autres, que les Apôtres n'y aient point de part, eux qui, assis sur les sièges des patriarches, jugeront les douze tribus d'Israël. Autant que l'Évangile nous permet de le conclure, nous ver rons assis aux côtés du Sauveur Moise et Elle, au milieu desquels il parut sur la montagne dans tout l'éclat de sa gloire ( Mt 18; Mc 9; Lc 9).
Or, en s'exprimant de la sorte, il leur fait comprendre qu'ils ne demandent rien de spirituel, et que s'ils avaient su ce qu'ils demandaient, jamais ils n'auraient songé à en faire l'objet d'une prière dont l'accomplissement surpasse le pouvoir des puissances célestes.
Ou bien ils font cette réponse moins par confiance dans leur propre force que par ignorance de leur fragilité; car la tentation de la souffrance et de la, mort paraît légère à ceux qui ne l'ont pas éprouvée.
Ou bien encore, ils promettent de boire ce calice par le désir qu'ils en ont; car ils n'auraient jamais parlé de la sorte, si ce qu'ils demandaient n'avait été l'objet de leur attente. Or, le Seigneur leur prédit des biens du plus grand prix, c'est-à-dire qu'ils seront rendus dignes de souffrir le martyre.
Cette mère des enfants de Zébédée est Salomée, dont un autre Évangéliste ( Mc 15,40 ) nous fait connaître le nom, femme vraiment pacifique, qui a enfanté les enfants de la paix. Nous pouvons juger ici du mérite et de la gloire de cette femme qui, non contente de voir ses enfants quitter leur père, abandonne elle-même son mari pour suivre Jésus-Christ; car son mari pouvait vivre sans elle, mais pour elle, elle ne pouvait obtenir le salut sans Jésus-Christ. On peut admettre, d'ailleurs, que Zébédée était mort dans l'espace de temps qui s'écoula de la vocation des Apôtres à la passion du Sauveur. C'est donc alors que cette femme d'un sexe faible et accablée par l'âge, marchait à la suite de Jésus-Christ; car la foi ne vieillit point, et la piété ne connaît point la fatigue. L'affection naturelle pour ses enfants lui, donne la hardiesse de faire au Sauveur une demande. «Elle l'adora en lui témoignant qu'elle voulait lui demander quelque chose», c'est-à-dire elle commence par lui rendre ses hommages pour assurer le succès de sa demande. «Il lui dit: Que voulez-vous ?» S'il lui fait cette question, ce n'est point qu'il ignore ce qu'elle désire, mais il veut lui montrer tout ce que la demande qu'elle allait lui adresser avait de déraisonnable. «Et elle lui dit: Ordonnez que mes deux enfants soient assis», etc.
Ces deux disciples se voyaient plus ho norés que les autres, ils avaient entendu dire au Sauveur: «Vous serez assis sur douze trô nes», ils demandent donc d'occuper les premiers. Ils savaient bien qu'ils étaient plus élevés en dignité que les autres auprès de Jésus-Christ, mais ils craignaient que Pierre n'obtint la pri mauté sur eux. Aussi un autre Évangéliste nous rapporte que, comme ils approchaient de Jéru salem, ils s'imaginaient que le royaume de Dieu allait s'établir, c'est-à-dire un royaume visible, preuve évidente qu'ils ne demandaient rien de spirituel, et qu'ils n'avaient aucune idée d'un royaume plus élevé.
Ou bien dans un autre sens, nous ne prétendons pas que la demande de cette femme soit légitime, mais nous disons qu'elle désirait pour ses enfants, non pas les biens de la terre, mais les biens du ciel. Elle ne partageait pas les sentiments des autres mères, qui aiment le corps de leurs enfants, et ne font aucun cas de leur âme, et qui désirent les voir réussir et prospérer en ce monde, sans avoir aucun souci de ce qu'ils auront à souffrir dans l'autre; elles montrent ainsi qu'elles sont les mères des corps, mais non des âmes de leurs enfants. Je pense donc que ces deux frères ayant entendu le Seigneur prédire sa passion et sa résurrection, se dirent en eux-mêmes dans le sen timent de foi qui les animait: voici que le roi du ciel va descendre dans le royaume des en fers pour détruire l'empire de la mort; lorsque sa victoire sera consommée, que lui restera-t-il, que de recevoir les honneurs et la gloire de la royauté?
Comment celui qui s'est donné lui-même aux hommes, pourrait-il ne pas leur donner part à la gloire de son royaume? La négligence de celui qui prie est donc seule coupable, là où la miséricorde de celui qui donne ne peut être mise en doute. Les deux frères se dirent probablement à eux-mêmes: Si nous nous adressons directement au maître, peut-être notre démarche fera mauvaise impression sur l'âme de nos frères; car bien qu'ils ne puissent être vaincus par une jalousie toute charnelle, régénérés qu'ils sont par l'esprit, cependant ils peuvent encore y être accessibles dans ce qui reste en eux de charnel. Envoyons donc notre mère à notre place, elle priera pour nous en son nom; si l'on trouve sa démarche répréhensi ble, elle en obtiendra facilement le pardon; si au contraire, elle est accueillie, elle obtiendra plus facilement ce qu'elle demande pour ses enfants; car le Seigneur, qui a rempli le coeur des mères d'amour pour leurs enfants, exaucera plus facilement une prière inspirée par l'affection maternelle. Voilà pourquoi le Seigneur, qui connaît le secret des coeurs, ne répond pas à la prière que cette femme lui adresse, mais à la pensée de ses enfants qui la lui avaient dictée. Car si leur désir était bon, leur demande était inconsidérée. Et, toutefois, bien que leur prière ne dût pas être exaucée, elle ne méritait pas d'être humiliée, parce qu'elle avait pour principe un grand amour du Seigneur. Aussi ne les réprimande-t-il que de leur ignorance: «Mais Jésus répondit: Vous ne savez ce que vous demandez».
Souvent, en effet, le Seigneur permet que ses disciples aient des pensées, tiennent des discours répréhensibles, pour y trouver l'occasion d'expliquer les règles de la vie chrétienne; car il sait que leur erreur ne peut leur nuire tant que leur maître est avec eux, et la doctrine qu'il leur expose devient une source d'édification, non-seulement dans le présent, mais pour l'avenir.
Ou bien, vous ne savez ce que vous demandez, c'est-à-dire: Je vous ai appelés à ma droite de la gauche où vous étiez (cf. Mt 25, 33), et vous, de votre propre choix, vous vous hâtez de repasser à la gauche. Aussi est-ce pour cela, peut-être, que cette demande se négociait par le moyen d'une femme; le démon recourut à ses armes habituelles, à la femme, pour séparer ces deux frères de leur maître par la suggestion de leur mère, comme il avait dé pouillé Adam par le moyen de sa femme. Mais la ruine ne pouvait plus arriver jusqu'aux saints par une femme, depuis que le salut de tous les hommes était sorti par les mains d'une femme. Ou bien encore, ces paroles: «Vous ne savez ce que vous demandez», nous apprennent que nous devons penser non-seulement à la gloire que nous voulons obtenir, mais à éviter la ruine dont le péché nous menace. Ainsi dans les guerres qui ont lieu sur la terre, celui qui ne pense qu'aux dépouilles et aux richesses de la victoire, triomphe difficilement, ils auraient donc dû faire cette prière: «Donnez-nous le secours de votre grâce, afin que nous puissions triompher de tout mal».
Notre-Seigneur savait qu'ils étaient disposés à le suivre jusque dans ses souffrances, mais il leur fait cette question pour nous apprendre que personne ne peut régner avec lui sans avoir participé à sa passion; car un trésor aussi précieux ne peut s'acquérir à vil prix (cf. 2Tm 2,12 Rm 8,17 ). Or, la passion du Sauveur, ce n'est pas seulement la persécution des Gentils, mais toute violence que nous souffrons en combattant contre le péché.
Il leur dit donc: «Pouvez-vous boire ?» etc., c'est-à-dire: «Vous me parlez de gloire et de couronnes, et moi je vous parle de combats et de fatigues, car le temps des récompenses n'est pas encore venu». Par la manière dont il leur fait cette question, il les encourage et les attire; il ne leur dit pas: Pourrez-vous répandre votre sang? mais: «Pouvez-vous boire le calice ?» et il ajoute: «Que je dois boire», pour enflammer plus vivement leurs désirs par ce rapprochement.
Ou bien dans un autre sens, cette place est inaccessible, non-seulement aux hommes, mais encore aux anges; car saint Paul nous déclare en ces termes qu'elle est l'apanage exclusif du Fils unique: «A qui, parmi les anges, a-t-il jamais dit: Asseyez-vous à ma droite ?» C'est donc uniquement par condescen dance pour ceux qui l'interrogent, et non pour établir que quelques-uns des saints seraient assis à ses côtés, qu'il répond à leur question; car le Seigneur leur répond: «Vous mourrez, en effet, pour moi, mais cela ne suffit pas pour: que vous obteniez la première place; car s'il s'en trouve un autre qui joint au martyre une vertu plus parfaite, mon amour pour vous ne peut aller jusqu'à lui enlever la première place pour vous la donner». Mais il ne veut pas que l'on croie que c'est impuissance de sa part, aussi ne dit-il pas simplement: Ce n'est point à moi de don ner, mais: «Ce n'est point à moi de vous le donner», cela est réservé à ceux à qui mon Père l'a préparé, c'est-à-dire à ceux qui peuvent briller par l'éclat de leurs bonnes oeuvres.
Il n'est pas étonnant que le Sauveur les reprenne de leur ignorance, puisqu'il est dit de Pierre lui-même: «Il ne savait pas ce qu'il disait» ( Lc 9,33 ).
Le mot calice, dans le style des Écritures, signifie souffrance, comme dans le Ps 116,13
Le Seigneur venait de terminer son discours en disant: «Et il ressuscitera le troisième jour».Cette femme s'imagine donc que son règne commencerait aussitôt après sa résurrection, et avec la vivacité de désirs naturelle à son sexe, elle veut jouir de ce qu'elle voit déjà comme présent, sans penser à ce qui doit arriver dans l'avenir: «Alors la mère des enfants de Zébédée s'approcha», etc.
On se de mande dans quel sens les deux enfants de Zébédée, Jacques et Jean, ont bu le calice du martyre, puisque d'après l'Écriture, Jacques seul fut décapité par Hérode ( Ac 12,2 ), et que Jean mourut de mort naturelle. Mais puisque nous lisons dans l'histoire ecclésiastique que Jean fut plongé dans une chaudière d'huile bouillante, et qu'il fut exilé dans l'île de Pathmos, nous voyons qu'il eut vraiment l'esprit du martyre, et qu'il but le calice du confesseur de la foi, calice que burent aussi les trois enfants dans la fournaise, bien que leur persécuteur n'ait pas répandu leur sang.
Quant à moi, telle n'est pas mon opinion, mais je pense que le Sauveur ne nomme pas ceux qui seront assis dans le royaume des cieux, dans la crainte que cette désignation spéciale de quelques-uns, ne parût une exclusion pour les autres. En effet, la gloire du royaume des cieux ne dépend pas seule ment de celui qui la donne, mais aussi de celui qui la reçoit; car Dieu ne fait acception de per sonne, et celui qui se rendra digne de ce royaume, recevra ce que Dieu a préparé, non pas à la personne, mais à la vie sainte et pure. Si donc vous vous rendez dignes par vos vertus du royaume des cieux, vous en serez mis en possession. Cependant il ne leur dit pas: Vous ne serez pas assis à ma droite, pour ne pas les couvrir de confusion, ni: Vous y serez assis, pour ne pas froisser les autres disciples.
Saint Matthieu met dans la bouche de la mère la de mande qui, d'après saint Marc, a été faite par les enfants de Zébédée eux-mêmes, parce qu'elle n'a été auprès du Seigneur que l'interprète de leurs désirs, et ainsi saint Marc, pour abréger, leur attribue cette demande.
Ou bien enfin, le Seigneur répond à ses disciples comme homme revêtu de la forme de serviteur: «Mais pour ce qui est d'être assis à ma droite, ce n'est point à moi de vous le donner», etc. Or, ce que le Père a préparé, le Fils l'a également préparé; car le Fils et le Père ne sont qu'un.
Ou bien encore: «Ce n'est point à moi de vous le donner, c'est-à-dire de le donner à des orgueilleux comme vous, mais cela est réservé aux humbles de coeur auxquels mon Père céleste l'a préparé».
Ils ne savaient pas encore ce qu'ils demandaient, eux qui voulaient obtenir du Seigneur le trône de gloire qu'ils n'avaient pas encore mérité. La perspective d'une si grande gloire avait pour eux de l'attrait, mais il leur fallait auparavant prendre la voie du travail qui pouvait seule les y conduire; c'est pour cela qu'il ajoute: «Pouvez-vous boire le calice ?»
2124. Ensuite, [le Seigneur] repousse leur demande. Premièrement, il annonce la passion à venir ; deuxièmement, il répond à la demande.
Il dit donc : VOUS BOIREZ MON CALICE. Mais qu’est-ce que cela veut dire ? Il est vrai que Jacques l’a bu. Ainsi, en Ac 12, 2 : Mais il tua par le glaive Jacques, le frère de Jean. Mais Jean est mort sans [avoir bu] le calice de la passion. Mais il faut dire qu’il ne l’a pas bu jusqu’à la mort ; il fut cependant flagellé, plongé dans l’huile et exilé. De même a-t-il supporté bien des souffrances, et ainsi il ne lui fut pas épargné de boire le calice.
2125. QUE VOUS SIÉGIEZ À MA DROITE. Ici, il répond à la demande de la gloire. Si le Seigneur avait dit : «Je vous l’accorderai», les autres auraient été contristés. S’il avait refusé, [Jacques et Jean] auraient été contristés. C’est pourquoi il leur dit : IL NE M’APPARTIENT PAS D’ACCORDER QUE VOUS SIÉGIEZ À MA DROITE ET À MA GAUCHE, MAIS C’EST POUR CEUX À QUI MON PÈRE L’A PRÉPARÉ. À partir de ce passage, les ariens ont soutenu que la dignité du Père et du Fils n’est pas égale. Jérôme et d’autres expliquent que [le Seigneur] lui-même donne en même temps que le Père. Il veut donc dire : IL NE M’APPARTIENT PAS DE VOUS ACCORDER, comme s’il disait : «L’éminence de la dignité n’est pas donnée à la personne, mais au mérite, et cela selon la prédestination divine.» 1 Co 2, 9 : L’œil n’a pas vu, l’oreille n’a pas entendu, ni n’est apparu dans le cœur de l’homme ce que Dieu a préparé à ceux qui l’aiment. Jn 14, 3 : Si je m’en vais, je vous préparerai un endroit, etc. Par cela, [on voit] que le Père et lui-même préparent [un endroit]. Ou bien : IL NE M’APPARTIENT PAS D’ACCORDER, sans le mérite, mais pour les personnes qui l’obtiennent par le mérite ; mais cela m’appartient par la prédestination, qui me vient de mon Père. Augustin [dit] ceci : «Salomé était la sœur de la mère du Christ, et parce qu’ils croyaient obtenir davantage par l’intercession d’une personne plus proche [du Seigneur], ils croyaient qu’il devait le leur accorder, parce qu’ils étaient unis selon la chair. Mais en lui, en une seule personne, existaient deux natures. Il dit donc : «IL NE M’APPARTIENT PAS, à savoir, selon le pouvoir que je tiens du Père. Je vous accorderai donc selon que mon Père en aura disposé.»
Il dit donc : VOUS BOIREZ MON CALICE. Mais qu’est-ce que cela veut dire ? Il est vrai que Jacques l’a bu. Ainsi, en Ac 12, 2 : Mais il tua par le glaive Jacques, le frère de Jean. Mais Jean est mort sans [avoir bu] le calice de la passion. Mais il faut dire qu’il ne l’a pas bu jusqu’à la mort ; il fut cependant flagellé, plongé dans l’huile et exilé. De même a-t-il supporté bien des souffrances, et ainsi il ne lui fut pas épargné de boire le calice.
2125. QUE VOUS SIÉGIEZ À MA DROITE. Ici, il répond à la demande de la gloire. Si le Seigneur avait dit : «Je vous l’accorderai», les autres auraient été contristés. S’il avait refusé, [Jacques et Jean] auraient été contristés. C’est pourquoi il leur dit : IL NE M’APPARTIENT PAS D’ACCORDER QUE VOUS SIÉGIEZ À MA DROITE ET À MA GAUCHE, MAIS C’EST POUR CEUX À QUI MON PÈRE L’A PRÉPARÉ. À partir de ce passage, les ariens ont soutenu que la dignité du Père et du Fils n’est pas égale. Jérôme et d’autres expliquent que [le Seigneur] lui-même donne en même temps que le Père. Il veut donc dire : IL NE M’APPARTIENT PAS DE VOUS ACCORDER, comme s’il disait : «L’éminence de la dignité n’est pas donnée à la personne, mais au mérite, et cela selon la prédestination divine.» 1 Co 2, 9 : L’œil n’a pas vu, l’oreille n’a pas entendu, ni n’est apparu dans le cœur de l’homme ce que Dieu a préparé à ceux qui l’aiment. Jn 14, 3 : Si je m’en vais, je vous préparerai un endroit, etc. Par cela, [on voit] que le Père et lui-même préparent [un endroit]. Ou bien : IL NE M’APPARTIENT PAS D’ACCORDER, sans le mérite, mais pour les personnes qui l’obtiennent par le mérite ; mais cela m’appartient par la prédestination, qui me vient de mon Père. Augustin [dit] ceci : «Salomé était la sœur de la mère du Christ, et parce qu’ils croyaient obtenir davantage par l’intercession d’une personne plus proche [du Seigneur], ils croyaient qu’il devait le leur accorder, parce qu’ils étaient unis selon la chair. Mais en lui, en une seule personne, existaient deux natures. Il dit donc : «IL NE M’APPARTIENT PAS, à savoir, selon le pouvoir que je tiens du Père. Je vous accorderai donc selon que mon Père en aura disposé.»
Jésus répond : Vous boirez mon calice. Il prophétise ainsi, comme l’admet la tradition, les
souffrances réservées aux fils de Zébédée : « Je vous prédis que vous serez honorés du martyre, et que vous
souffrirez comme moi », S. Jean Chrys. Hom. 65 in Matth. S. Jacques le Majeur vida le premier d’entre les
Apôtres la coupe des persécutions et du martyre, Cf. Act. 12, 2 ; S. Jean vécut le plus longtemps et souffrit
jusqu’à la fin de sa vie : la prédiction s’est donc accomplie à la lettre. Mais ce n’est pas tout. Pour jouir des
places supérieures désirées par les deux disciples, il faut encore qu’une autre condition soit réalisée. - Il ne
m'appartient pas... Jésus parle ici, selon le beau langage de S. Augustin, « à la façon d'un serviteur » : quand
il parle en tant que Dieu, il ne craint pas de dire : « Tout ce qui est à moi est à toi ». Il ne fait donc en aucune
façon l’aveu de son impuissance touchant la requête qui lui est exposée ; mais il approprie à son Père céleste,
comme en d’autres circonstances, Cf. 11, 25 ; 16, 17, tout ce qui concerne l’élection et la prédestination des
Apôtres. Théophylacte fait à ce sujet, d'après S. Jean Chrysostôme, une frappante comparaison : « Si un roi
avait proposé une couronne d'or à celui qui l'emporterait sur tous les autre à la course dans le stade, et si,
alors qu'il la tenait à la main, l'un de ceux qui, non seulement n'avaient pas gagné mais même n'avaient pas
couru, lui réclamait la couronne, il répondrait à juste titre : Tu peux courir certes mais il m'appartient de
donner cette couronne non pas à toi mais à ceux pour qui elle a été prévue, c'est à dire aux vainqueurs ; en
réalité cela ne signifierait pas qu'il ne peut donner, alors que c'est son privilège propre, mais qu'il ne doit la
donner qu'aux vainqueurs pour qui elle avait été prévue ». ; Cf. Jansen. in h. l. Il y a une double antithèse
dans les paroles de Jésus : 1° « Mon calice, à mon Père » ; 2° « vous donner, à ceux pour qui cela a été
préparé ».
Pour attacher ses disciples à la foi dont ils ne comprenaient pas encore la vertu, le Sauveur remet à son Père ce qui regarde la gloire, et ne se réserve que de prédire et de distribuer les afflictions ; quoique cependant tout ce qui est au Père soit au Fils, et tout ce qui est au Fils soit au Père (voir Jean, 17, 10).