Matthieu 20, 34
Saisi de compassion, Jésus leur toucha les yeux ; aussitôt ils retrouvèrent la vue, et ils le suivirent.
Saisi de compassion, Jésus leur toucha les yeux ; aussitôt ils retrouvèrent la vue, et ils le suivirent.
Ou bien peut-être c'étaient ceux qui croyaient en Jésus-Christ qui reprenaient les aveugles de ne lui donner que le nom trop peu digne fie fils de David, au lieu de dire: «Fils de Dieu, ayez pitié de nous».
Ou bien le Seigneur ne continue pas son chemin, mais s'arrête pour que le bienfait qu'il va leur accorder ne se répande pas au delà; mais que la misé ricorde coule sur eux comme d'une source permanente et durable.
Et nous aussi, qui sommes assis le long du chemin des Écritures et qui comprenons sous quel rapport nous sommes aveugles, si nous prions par amour de la vérité, Jésus touchera les yeux de notre âme et les ténèbres de l'ignorance se retireront de no tre esprit pour nous laisser voir et suivre celui qui ne nous a rendus à la lumière que pour nous permettre de marcher à sa suite.
Dans le sens mystique, Jéricho signifie le monde, au milieu duquel Notre-Seigneur est descendu. Ceux qui habitent Jéricho ne peuvent sortir de la sa gesse du monde avant d'avoir vu non-seulement Jésus, mais encore ses disciples sortir de Jéri cho. Or, une foule nombreuse, à la vue de cette guérison miraculeuse, les suivit, pleine de mé pris pour le monde et pour les choses du monde, afin de monter, sous la conduite de Jésus-Christ, jusqu'à la Jérusalem céleste. Dans ces deux aveugles, nous pouvons voir les deux peuples de Juda et d'Israël (cf. 1R 12 ),qui étaient aveugles avant l'avènement du Christ, parce qu'ils ne voyaient pas la parole de vérité qui était renfermée dans la loi et les prophètes, et parce qu'étant assis le long du chemin de la loi et des prophètes, et n'ayant que l'intelligence char nelle de la lettre, ils élevaient la voix seulement vers celui qui est né de la race de David selon la chair. ( Rm 1,3 ).
Ou bien ce n'est point par honneur pour le Sauveur qu'ils font taire ces deux aveugles, mais parce qu'il leur faisait peine d'entendre affirmer par ces aveugles ce qu'ils niaient eux-mêmes, c'est-à-dire que Jésus était fils de David.
Le Sauveur permettait qu'on leur fît cette défense pour faire éclater la vivacité de leurs désirs. Apprenez de là que, quelque soit notre misère et notre abjection, nous obtiendrons par nous-mêmes tout ce que nous demanderons, en nous approchant de Dieu avec ferveur.
La reconnaissance de ces aveugles, après qu'ils eurent reçu cette grâce, égala leur persévérance avant de l'avoir obtenue.
Ils offrirent à Jésus-Christ un présent qui lui fut bien agréable, car l'auteur sacré nous apprend qu'ils le suivirent; c'est là ce que Dieu demande de vous par le prophète: «Marchez avec crainte en présence de votre Dieu». ( Mi 6,8 ).
C'est donc les yeux du coeur que le Sauveur toucha en donnant aux Gentils, et aussitôt qu'ils furent éclairés ils ont marché à sa suite par la pratique des bonnes oeuvres.
Ils voyaient les haillons repoussants dont cet homme était couvert, et, ne considéraient pas l'éclatante beauté de son âme. Voilà bien la sagesse insensée des hommes. Ils s'imaginaient que c'était un ou trage pour les grands de recevoir les hommages des pauvres, car, quel est le pauvre qui eut osé saluer en public un riche?
Mais la défense qui leur était faite, loin fie leur fermer la bouche; les excitait davantage. C'est ainsi que la foi s'accroît et se fortifie par la contradiction; aussi est-elle calme et tranquille parmi les dangers, tandis qu'elle n'est pas sans crainte au milieu de la paix. «Et ils se mirent à crier encore plus haut: Ayez pitié de nous, fils de David». Ils avaient crié d'abord parce qu'ils étaient aveugles, ils se mettent à crier plus haut encore parce qu'on les empêche d'approcher de la lumière.
Ou bien il leur fait cette demande pour faire connaître leur foi, et, par l'exemple de ces aveugles qui confessent qu'il est le Fils de Dieu. confondre ceux qui voient et ne le regar dent que comme un homme. Ils avaient appelé le Christ Seigneur, et en cela ils disaient la vé rité; mais eu ajoutant: Fils de David, ils affaiblissaient la force de leur profession de foi. En effet, on donne aux hommes, par extension et par abus, le nom de seigneur; mais il n'y a de véritable seigneur que Dieu. Lors donc qu'ils appellent Jésus «Seigneur, fils de David»,ils l'honorent simplement comme homme; s'ils l'appelaient Seigneur, sans aucune addition, ils confesseraient par là même sa divinité. C'est pourquoi il les interroge en ces termes: «Que voulez-vous que je vous fasse ?» Alors ils ne l'appellent plus: «Seigneur, Fils de David», mais simplement «Seigneur:» «Et ils lui dirent: Seigneur, que nos yeux s'ouvrent». En ef fet, le fils de David ne peut ouvrir les yeux des aveugles; il n'y a que le Fils de Dieu qui ait cette puissance. Tant qu'ils se sont contentés de dire: «Seigneur, Fils de David», leur guéri son a été comme suspendue; mais aussitôt qu'ils eurent dit: «Seigneur»,leurs yeux se sont ouverts. En effet, l'Évangéliste ajoute: «Et Jésus, ayant pitié d'eux, toucha leurs yeux». Il les toucha, comme homme, avec la main, et il les guérit comme Dieu.
Il en est qui voient dans l es deux aveugles deux sortes de Gentils, issus, les uns de Cham, les autres de Japhet. «Ils étaient assis le long du chemin», c'est-à-dire qu'ils étaient proches de la vérité, sans pouvoir la trouver; ou bien ils conformaient leur vie aux préceptes du Verbe, mais sans se diriger d'après les principes surnaturels du Verbe, parce qu'ils n'avaient pas encore reçu la connaissance du Verbe.
De même qu'une abondante moisson témoigne en faveur du travail du laboureur, ainsi une nombreuse assemblée est une preuve du zèle de celui qui enseigne: «Et lorsqu'ils sortaient, une foule nombreuse le suivit». Aucun d'eux ne fut arrêté par les dif ficultés de la route, car l'amour spirituel n'est point sujet à la fatigue, aucun d'eux ne fut retenu par la pensée de ses intérêts temporels, car ils entraient en possession du royaume des cieux. Celui, en effet, qui a une fois goûté en vérité le bien céleste, ne trouve plus rien sur la terre qui soit digne de son affection. Or, ces deux aveugles se rencontrent très-à propos sur le passage de Jésus-Christ, car, après avoir recouvré la vue, ils le suivront à Jérusalem pour rendre témoi gnage à sa puissance: «Et voici que deux aveugles», etc. Ces deux aveugles entendaient les pas de ceux qui marchaient, mais ne pouvaient les voir. Ils n'avaient de libre dans tout leur corps que la voix; et comme ils ne pouvaient se mettre à la suite du Sauveur, ils l'accompagnent de leurs cris et de leurs supplications: «Et ayant entendu que Jésus passait», etc.
Ces aveugles, qui étaient assis près de la ville de Jéricho, retenus par leur infirmité et qui ne pouvaient que gémir et crier, suivent maintenant Jésus, moins par le mouvement des pieds que par leurs vertus.
Ou bien encore, par ces deux aveugles, la plupart entendent les pharisiens et les sadducéens.
Le Seigneur s'arrêta, parce que les aveugles ne savaient de quel côté ils devaient se diriger. Il y avait auprès de Jéricho beau coup d'excavations, d'endroits escarpés pendant en précipices; le Seigneur s'arrêta donc pour qu'ils pussent venir jusqu'à lui.
Il les fait appeler pour que la foule ne les empêche pas d'approcher, et il leur demande ce qu'ils veulent, afin que leur réponse rende évidentes leur infirmité et la puissance qui doit les guérir.
Le Créateur leur donne ce que la nature leur avait refusé, ou du moins la miséricorde leur rend ce que la maladie leur avait ôté.
Ou bien, dans un autre sens, ces deux aveugles sont la figure de ceux qui, dans les deux peuples, s'attachent par la foi à l'économie de la vie humaine de Jésus-Christ, par laquelle il est notre voie, et qui désirent d'être éclairés, c'est-à-dire de comprendre quelque chose de l'éternité du Verbe. Or, c'est ce qu'ils espèrent obtenir lorsque Jésus vient à passer, c'est-à-dire par le mérite de la foi, qui re connaît que le Fils de Dieu s'est fait homme, est né et a souffert pour nous. En effet, d'après cette économie de l'incarnation, Jésus ne fait pour ainsi dire que passer, parce que cette action ne dure qu'un temps. Or, il leur fallait crier assez haut pour dominer le bruit de la foule, qui couvrait leur voix, c'est-à-dire il leur fallait s'appliquer avec persévérance à la prière, aux saints désirs, pour arriver à vaincre, par la force de l'intention l'habitude des désirs charnels, qui, comme une foule tumultueuse, empêche l'âme de voir la lumière de l'éternelle vérité, ou bien la foule elle-même des hommes charnels qui veulent nous rendre impossibles les exercices spiri tuels de la prière et de la vertu.
En effet, les mau vais chrétiens et ceux qui vivent dans la tiédeur font de l'opposition aux bons chrétiens qui veulent accomplir les préceptes divins, mais que ceux-ci ne cessent pas de crier sans se lasser; car tout chrétien qui commence à pratiquer la vertu et à mépriser le monde est sûr de trou ver au début de sa conversion des censeurs de sa conduite dans les chrétiens dont la charité s'est refroidie; mais s'il persévère, il se verra bientôt applaudi et appuyé par ceux-là même qui voulaient d'abord lui créer des obstacles.
Jésus qui a dit: «On ouvrira à celui qui frappe» ( Mt 7,7 Lc 11,9 ) les ayant entendus, s'arrête, les touche et ou vre leurs yeux à la lumière. En effet, comme c'est la foi au mystère de l'Incarnation qui s'est accompli dans le temps, qui nous prépare à l'intelligence des choses de l'éternité, lorsque Jésus passe, ils sont avertis que la lumière va leur être rendue, et il s'arrête, en effet, pour leur ouvrir les yeux, car les choses du temps passent et celles de l'éternité sont immuables.
Saint Marc raconte ce même fait, mais ne parle que d'un seul aveugle, difficulté dont voici la solution. Des deux aveugles que saint Matthieu com prend dans son récit, l'un était très-connu dans la ville, et ce qui le prouve, c'est que saint Marc a cru devoir nous faire connaître son nom et celui de son père. Ce Bartimée, fils de Ti mée, était probablement déchu d'une grande fortune et devait à cette circonstance d'être très-connu. Il était non-seulement aveugle, mais encore assis près du chemin comme un mendiant. C'est donc de celui-là seulement que saint Marc a voulu parler, parce que sa guérison eut au tant d'éclat que ses malheurs avaient eu de retentissement. Quant à Saint Luc, bien qu'il ra conte un fait absolument semblable, il faut admettre qu'il s'agit dans son récit d'un autre aveu gle, qui fut l'objet d'un semblable miracle, car il place sa guérison lorsque Jésus approchait de Jéricho, tandis que, suivant les autres Évangélistes, les deux aveugles furent guéris lorsque Jésus sortait de Jéricho.
Jéricho, dont le nom signifie lune, est une figure de l'inconstance humaine.
Mais aussitôt qu'ils apprirent la grande réputation de Jésus-Christ, ils cherchèrent à s'attacher à lui, et c'est alors qu'ils trouvèrent de nombreux contradicteurs; d'abord dans les Juifs, comme nous le lisons dans les Actes et puis dans les Gentils qui suscitèrent contre eux une persécution encore plus violente, sans que tous leurs efforts aient pu priver du salut ceux qui étaient prédestinés à la vie.
2141. C’est pourquoi, IL EUT PITIÉ D’EUX. En effet, il fait tout par sa miséricorde. Lm 3, 22 : C’est par la miséricorde du Seigneur que nous n’avons pas été consumés. IL TOUCHA LEURS YEUX ET AUSSITÔT ILS VIRENT. Par le fait qu’il toucha leurs yeux et qu’ils virent aussitôt, sont abordées l’humanité et la divinité du Christ : le fait de toucher relevait de son humanité ; mais le fait de rendre immédiatement la vue était l’œuvre de la divinité. Le Seigneur lui-même touche par la grâce, mais il illumine par la gloire. Ps 143[144], 5 : Touche les montagnes, et elles fument.
Vient ensuite : ET ILS LE SUIVIRENT. Ils ne furent donc pas ingrats. En effet, beaucoup, avant d’obtenir un bienfait, suivent le Seigneur, mais, une fois le bienfait reçu, le quittent, à l’encontre de ce que [dit] Si 23, 38 : C’est une grande gloire de suivre le Seigneur.
Vient ensuite : ET ILS LE SUIVIRENT. Ils ne furent donc pas ingrats. En effet, beaucoup, avant d’obtenir un bienfait, suivent le Seigneur, mais, une fois le bienfait reçu, le quittent, à l’encontre de ce que [dit] Si 23, 38 : C’est une grande gloire de suivre le Seigneur.
Ayant pitié d'eux. Quelle est l’affliction qui le trouvait insensible ? - Jésus toucha leurs
yeux : c’était, nous l’avons vu en mainte occasion, sa méthode accoutumée de guérir les infirmités de ce
genre. - Et aussitôt ils recouvrirent la vue : effet merveilleux, instantané, de ce léger contact. Il y eut un autre
effet non moins remarquable : et le suivirent. « Ces aveugles, qui étaient assis près de la ville de Jéricho,
retenus par leur infirmité et qui ne pouvaient que gémir et crier, suivent maintenant Jésus, moins par le
mouvement des pieds que par leurs vertus », S. Jérôme. Ils se mêlent tout joyeux au cortège, et
accompagnent probablement le Sauveur jusqu’à Jérusalem, lui témoignant ainsi leur reconnaissance. - Ce fait
avait lieu, selon toute vraisemblance, un vendredi, huit jours avant la mort de Notre-Seigneur Jésus-Christ. -
Nous n’avons rien dit encore de la difficulté qu’il présente au point de vue de la concorde évangélique,
difficulté assez sérieuse, qui a été un écueil pour la sagacité de plus d’un exégète. En voici brièvement
l’exposé et la solution la plus probable. Selon S. Matthieu, le miracle est accompli au sortir de Jéricho, et
deux aveugles recouvrent la vue ; d’après S. Luc, au contraire, Jésus ne guérit qu’un seul aveugle, et il le
guérit au moment de son entrée dans la ville. Le récit de S. Marc ne s’accorde avec aucune des deux autres
narrations, mais il prend en quelque sorte une situation intermédiaire. Comme S. Matthieu, le second
évangéliste place le prodige au moment du départ de Jésus ; comme S. Luc, il ne mentionne qu’un aveugle.
Où se trouve l’exacte vérité ? Des trois côtés à la fois, ont répondu quelques commentateurs, entre autres S.
Augustin, De Cons. Evang. 2, 65, Lightfoot, Harm. of the N. Test., et Greswell, d’après lesquels les
synoptiques auraient relaté trois faits distincts. Mais ne serait-il pas bien étonnant qu’auprès de la même ville
un miracle de même nature eût été si souvent renouvelé parmi des circonstances tout à fait identiques ? Aussi
plusieurs auteurs, de nos jours Bisping, Wieseler, Ebrard, Van Steenkiste, etc., se bornent-ils à distinguer
deux prodiges, dont l’un aurait été opéré quand Jésus entrait dans Jéricho, l’autre quand il en sortait. Mais
n’est-il pas plus naturel encore de dire, comme l’on fait S. Jean Chrysostôme, Théophylacte, Maldonat,
Grotius, et après eux la plupart des interprètes, que nous sommes ici en face d’un seul et même événement,
bien qu’il n’ait pas été relaté par les trois évangélistes avec une rigoureuse exactitude ? « Touts les faits sont
à ce point semblables, qu'il ne semble pas possible qu'il s'agisse de miracles distincts », Maldonat. Cela posé,
la contradiction apparente porte sur deux points seulement, le nombre des aveugles et l’heure du miracle. Sur
le premier point, nous dirons avec S. Augustin qu’il dût y avoir deux aveugles, puisque S. Matthieu l’affirme
formellement, mais que l’un d’eux, pour un motif ou pour un autre, peut-être parce qu’il était moins connu,
disparut de bonne heure de la tradition évangélique : c’est pourquoi S. Marc et S. Luc se contentent d’en
mentionner un seul. Nous avons déjà rencontré une disparition analogue à propos des démoniaques de
Gérasa, Cf. 8, 28. Relativement au second chef de divergence, on admet assez communément la solution
suivante : Quand Jésus entrait à Jéricho, un aveugle se mit à implorer sa pitié, Cf. Luc. 18, 35 ; mais le
Sauveur passa sans l’exaucer sur-le-champ. A son départ, il le retrouva, mais cette fois avec un autre aveugle,
à la porte de la cité : il daigna les guérir l’un et l’autre, comme le raconte S. Matthieu. Le troisième
évangéliste, dit, il est vrai, que le miracle eut lieu dès l’entrée de Jésus ; mais c’est là une anticipation sans
importance, une de ces petites licences que les historiens anciens se permettaient fréquemment, et qui
n’atteint en rien la substance du récit ; Cf. Maldonat, Jansenius, Sylveira, Corneille de Lapierre, Bengel, etc.
- Sous ce titre : « Les aveugle de Jéricho », il existe deux belles peintures de Nic. Poussin et Philippe de
Champaigne, comme aussi une charmante poésie de Longfellow.